Interview de M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculutre, de l'agroalimentaire et de la forêt, à "France Info" le 26 septembre 2013, sur les aides à l'agriculture, et la priorité à l'élevage.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France Info

Texte intégral

JEAN LEYMARIE
Le budget de l’Agriculture va baisser, vous aussi vous y passer - comme la plupart des ministères - environ 5% de moins l’année prochaine. Qui va être sacrifié ?
STEPHANE LE FOLL
Personne ! Parce que le budget de l’Agriculture il est couplé avec un budget qui est celui de la Politique Agricole Commune et, s’il y a une baisse – et vous parlez de 5%, vous n’avez pas voulu parler de 3,2% en y intégrant bien sûr l’enseignement agricole, vous avez pris le chiffre le plus bas – s’il y a une baisse, c’est parce qu’il y a un certain nombre d’aides aujourd’hui, qui étaient d’ailleurs pas européennes, comme la prime nationale à la vache allaitante - je m’arrête là pour les sigles techniques – qui étaient sur le budget national et qui vont passer sur le budget européen de la politique agricole. Donc, ça fait une baisse dans le budget de l’Agriculture mais ça ne touche en rien les agriculteurs.
JEAN LEYMARIE
Et c’est l’autre chantier du moment, c’est cette nouvelle Politique Agricole Commune qui a été décidée et que vous allez mettre en place maintenant en France, vous voyez d’ailleurs tout à l’heure les représentants des agriculteurs. Combien la France va-t-elle recevoir ? On parle là de la PAC jusqu’en 2020, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Eh bien dans le cadre de ce qui a été fixé par les chefs d’Etat, négocié par le Président de la République, sur l’ensemble des aides, on va maintenir ce qui était touché par la France les années précédentes, à la fois sur le premier pilier – autour de 7,7 milliards – et on aura une augmentation sur le deuxième pilier à plus de 1 milliard 200 millions…
JEAN LEYMARIE
Premier pilier, deuxième pilier, en quelques mots.
STEPHANE LE FOLL
Ah oui ! Donc premier pilier, la production…
JEAN LEYMARIE
Pensons à tous ceux qui ne connaissent pas les méandres de l’agriculture.
STEPHANE LE FOLL
Voilà ! Je comprends, je suis d’accord. Premier pilier, c’est tout ce qui va sur les aides à l’hectare, les aides à la production ; le deuxième pilier, c’est ce qu’on appelle le développement rural.
JEAN LEYMARIE
Alors je vous demande les choses autrement : qui va y gagner et qui va y perdre, c’est un long débat chez les agriculteurs ?
STEPHANE LE FOLL
Oui ! La discussion qui s’engage aujourd’hui, puisqu’il y a une nouvelle Politique Agricole Commune qui va être mise en place en 2015, c’est comment on répartit ce paquet à la fois sur les aides à la production et sur les aides au développement rural, c’est la discussion qui déjà a commencé avant l’été et qui se poursuit ce matin avec un conseil d’orientation.
JEAN LEYMARIE
Mais qui alors ? Les éleveurs vont être davantage soutenus…
STEPHANE LE FOLL
Ah ! Mais soutenus de manière très claire depuis le départ, priorité à l’élevage, il s’agit de rééquilibrer les aides vers l’élevage sans déséquilibrer bien sûr l’ensemble des productions agricoles et en particulier céréalières.
JEAN LEYMARIE
Oui ! Vous entendez l’inquiétude des céréaliers, ils…
STEPHANE LE FOLL
J’entends…
JEAN LEYMARIE
Vont y perdre ?
STEPHANE LE FOLL
Mais moi je suis ministre de l’Agriculture française dans toute sa diversité et je suis obligé de tenir compte de toutes les situations, mais je sais une chose c’est que l’élevage a souffert depuis plusieurs années et on a une perte de production – que ce soit dans l’élevage bovin ou dans l’élevage laitier aujourd’hui - qui est un signe d’alerte sur lequel on doit…. A partir duquel, au contraire, on doit réagir, et c’est ça qui va être l’objet de la discussion et c’est ça qui fait que je souhaite aller vers un rééquilibrage en faveur de l’élevage sans pour autant mettre à plat ce qu’est la diversité.
JEAN LEYMARIE
Jusqu’à quel point, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Jusqu’à quel point ? Eh bien c’est l’objet de beaucoup de négociations en ce moment, depuis le mois de juin et ce matin, moi je cherche à faire en sorte que l’équilibre qu’on trouve soit celui qui permette de transférer suffisamment d’aide à l’élevage pour lui assurer une pérennisation dans son activité et, en même temps, j’ai parfaitement entendu le message des céréaliers, je ne peux pas non plus considérer que pour les céréales tout ira toujours bien – on ne sait jamais – et donc il y a des mesures qui ont été prises sur la DPI-DPA, c'est-à-dire la capacité qu’on a quand on gagne de l’argent d’en mettre de côté et, en même temps, je ne peux pas non plus considérer qu’il n’y a plus d’aide à donner aux céréaliers.
EAN LEYMARIE
Donc, vous allez doser.
STEPHANE LE FOLL
On dose ! Très belle formule.
JEAN LEYMARIE
On entend souvent que 80% des aides profitent à 20% des agriculteurs, est-ce que c’est vrai ? 80% - 20%.
STEPHANE LE FOLL
80%, oui c’est vrai, et en même temps ça s’équilibrera de manière différente aujourd’hui avec la réforme qu’on est en train de préparer.
JEAN LEYMARIE
Allez-vous soutenir les plus petites exploitations, ça aussi c’est important ?
STEPHANE LE FOLL
J’ai une majoration sur les premiers hectares, je l’ai annoncée, jusqu’aux 50 premiers hectares il y aura plus d’argent, donc on va avoir une mesure spécifique pour les exploitations autour de la moyenne, c'est-à-dire 50 hectares.
JEAN LEYMARIE
Et je vais prendre un exemple qui a frappé beaucoup d’auditeurs, l’exemple de la ferme des 1.000 vaches - c’est comme ça qu’elle a été baptisée - c’est un projet de ferme laitière géante dans la Somme, près d’Abbeville, ce chantier a beaucoup d’opposants. Etes-vous pour ou contre ce projet ?
STEPHANE LE FOLL
D’abord dans ce chantier il y avait 1.000 vaches, on en est à 500 aujourd’hui ; Deuxièmement, moi ce qui me pose question…
JEAN LEYMARIE
500 vaches !
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Mais, attendez…
JEAN LEYMARIE
1.000 vaches !
STEPHANE LE FOLL
C’est là qu’il faut qu’on dise aux auditeurs que 500 vaches ou 1.000 vaches ça existe, la question est de savoir si quand ça existe combien d’agriculteurs il y a derrière et, là, ce projet…
JEAN LEYMARIE
C’est un projet d’usine, est-ce qu’on peut dire les choses comme ça ?
STEPHANE LE FOLL
Voilà ! Mais c’est là que c’est…
JEAN LEYMARIE
Est-ce que vous acceptez cela ?
STEPHANE LE FOLL
Non ! Non. Donc je dis que, pour moi, le projet ce n’est pas le problème des 1.000 vaches c’est le problème e 1.000 vaches pour combien d’agriculteurs derrière ? Il y a aujourd’hui des GAEC, il y a des organisations collectives qui ont cette capacité de 1.000 vaches, mais derrière il y a 4 ou 5 agriculteurs… Voilà ! Donc, pour moi, c’est les hommes qui comptent. C’est ça le message, il est très simple, et c’est pourquoi je le rappelle à l’échelle européenne on a garanti ce qu’on appelle la transparence des GAEC ou les GAEC, c'est-à-dire des organisations collectives d’agriculteurs.
JEAN LEYMARIE
Qu’allez-vous faire dans ce cas précis ?
STEPHANE LE FOLL
Ah ! Mais dans ce cas précis j’indique tout de suite que juridiquement c’est un projet qui a été déposé, il relève des établissements classés, c'est-à-dire du Ministère de l’Environnement et pas du Ministère de l’Agriculture.
JEAN LEYMARIE
Vous vous en lavez les mains, Stéphane LE FOLL ?
STEPHANE LE FOLL
Donc je ne m’en lave pas les mains, je vous dis clairement que je n’ai pas… je ne suis pas là pour vous raconter des histoires, si j’avais des moyens de dire : j’interdis ça ! Je répète pour moi ce n’est le problème des 1.000 vaches, ce n’est pas la question qui est posée, cest combien il y a d’agriculteurs quand je parle de lait autour de 1.000 ou de 500 vaches ? Je rappelle d’ailleurs qu’il est passé de 1.000 à 500 vaches.
JEAN LEYMARIE
Vous êtes ministre de l’Agriculture, vous êtes aussi proche de François HOLLANDE, le chef de l‘Etat retourne à Florange ce matin, sur le site d’ARCELORMITTAL beaucoup d’ouvriers se sentent trahis après l’arrêt des hauts fourneaux. Pourquoi la gauche a-t-elle promis ce qu’elle ne pouvait pas tenir ?
STEPHANE LE FOLL
La promesse qu‘avait faite François HOLLANDE c’était celle d’une loi qui permettrait ou qui obligerait un propriétaire ou un patron d’une usine à vendre son usine si elle trouve repreneur plutôt que de choisir de la fermer, c’est ça qui avait été promis…
JEAN LEYMARIE
Il a prévu l’obligation de trouver un repreneur…
STEPHANE LE FOLL
Cette loi…
JEAN LEYMARIE
Et on parle maintenant de l’obligation de chercher un repreneur…
STEPHANE LE FOLL
Non ! Mais l’obligation de trouver un repreneur…
JEAN LEYMARIE
Ce n’est pas la même chose ?
STEPHANE LE FOLL
L’obligation de trouver un repreneur, obliger à trouver un repreneur, faut-il qu’il y ait un investisseur…
JEAN LEYMARIE
C’était la promesse !
STEPHANE LE FOLL
Non ! Mais je suis quand même bien placé pour avoir été dans cette campagne un de ceux qui l’a organisée quand il est allé à Florange, je sais très bien ce qu’il a dit. Quel était le problème à l’époque ? C’est qu’ARCELORMITTAL voulait fermer et surtout fermer sans donner de possibilité de reprise, donc la loi qui a été proposée à ce moment-là c’était de dire : on aura une loi qui lorsqu’il y a un repreneur obligera à ce que le propriétaire cède l’entreprise et ne la ferme pas, c’était ça qui était l’engagement. A partir…
JEAN LEYMARIE
Mais vous savez très bien que les ouvriers n’ont pas entendu cela, vous le savez ?
STEPHANE LE FOLL
Mais je sais très bien que les ouvriers ont entendu ce qu’ils ont entendu à ce moment-là, ils étaient à un moment où il y avait cette menace qui existait, en plus de licenciements… au-delà même des hauts fourneaux il y avait une menace de licenciements. Ce qui a été fait c’est qu’il n’y a aucun licenciement et que, maintenant, il y a un projet industriel pour la Lorraine qu’il faut qu’on redresse. J’ai entendu et j’ai regardé aussi les informations sur l‘acier qui a l’air de reprendre avec la reprise économique, donc on doit solidifier et surtout donner au bassin de la Lorraine des perspectives à la fois industrielles, des perspectives d’emplois, je rappelle qu’hier il y a eu un résultat avec les chiffres du chômage, c’est dans cette voie qu’il faut aller.
JEAN LEYMARIE
Est-ce qu’on embauche chez les agriculteurs ?
STEPHANE LE FOLL
Oui ! Hier on a signé une convention avec l’ensemble des patrons des différents secteurs agricoles et on forme des jeunes qui sont sans formation pour aller vers le domaine de l’agriculture, c’est près de 9.000 jeunes.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 213