Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "RTL" le 26 septembre 2013, sur les orientations budgétaires pour 2014 toujours en faveur d'un rééquilibrage des comptes publics.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Le budget 2014 de la France est officiellement connu depuis hier. En matière d’impôt, nous avons été trop loin et cela gêne beaucoup de classe moyenne. Vous savez qui a dit ça, Bernard CAZENEUVE ?
BERNARD CAZENEUVE
Je ne sais pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Anne HIDALGO candidate du Parti socialiste à la mairie de Paris et je pense qu’elle exprime ce que beaucoup de gens ressentent en matière d’impôts, nous avons été trop loin. Vous en convenez ?
BERNARD CAZENEUVE
Il faut se rappeler ce qu’a été la séquence, la séquence, c’est 20 milliards d’impôts prélevés sur les Français en 2011, 21 milliards en 2012 et à peu près l’équivalent en 2013, avec une répartition entre la droite et la gauche équivalente, ce que le président de la République a indiqué dans son intervention. C’est la raison pour laquelle nous avons décidé en 2014 et cela vaudra jusqu’à la fin du quinquennat, d’équilibrer les comptes de notre pays, essentiellement, exclusivement à partir de 2015, par des économies en dépenses.
JEAN-MICHEL APHATIE
Exclusivement ?
BERNARD CAZENEUVE
Essentiellement, à partir de 2014, 80 % de l’effort est réalisé par des économies, 2015 exclusivement…
JEAN-MICHEL APHATIE
Exclusivement…
BERNARD CAZENEUVE
C’est ça, la trajectoire de finance publique, dans laquelle je suis engagé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous avons été trop loin, c’est le « trop » qui est intéressant, vous le pensez ou pas ?
BERNARD CAZENEUVE
Ce que je pense, c’est qu’il faut bien intégrer le fait que la République c’est aussi l’impôt. Parce qu’avec des impôts, avec des impôts on finance les services publics auxquels les Français tiennent. Les hôpitaux, l’école…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n’est pas l’impôt qui est en cause…
BERNARD CAZENEUVE
La police…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n’est pas le principe de l’impôt qui est en cause, on ne va pas…
BERNARD CAZENEUVE
Jean-Michel APHATIE, dans le tohu-bohu actuel, on oublie de préciser que les impôts ça sert à quelque chose. Et que l’impôt est consubstantiel au pacte républicain, et moi, je n’ai pas envie d’accompagner un discours qui viserait dans une confusion à dire l’impôt, les services publics tout ça doivent être abandonnés. Mais je comprends en même temps que les Français puissent souhaiter que ceux qui sont charge de la responsabilité du pays, diminuent les déficits, diminuent les dettes, et le fassent essentiellement par des économies en dépenses, parce que nous devons faire en sorte, que la mauvaise dépense publique ne chasse pas la bonne. C’est ça le fil rouge, de l’élaboration du budget 2014 et des suivants.
JEAN-MICHEL APHATIE
On a l’impression trop souvent que vous ne vous en prenez pas aux gaspillages, au doublon de dépenses, à ces collectivités territoriales qui s’empilent et dépensent tout un argent public très important. Que peut-être en matière de Sécurité sociale des abus demeurent, on a l’impression que trop facilement les pouvoirs politiques qui se succèdent, la droite et la gauche on la ressource de l’impôt et pas le contrôle de la dépense ?
BERNARD CAZENEUVE
Votre question est bien posée. Vous dites, on a l’impression.
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est gentil !
BERNARD CAZENEUVE
On a impression…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui, on a l’impression ?
BERNARD CAZENEUVE
Et moi, je ne travaille pas avec des impressions, je travaille avec une réalité la réalité, c’est quoi ? C’est que nous voulons diminuer la dépense publique, et nous le faisons à travers un effort considérable d’économie en dépenses de 15 milliards, c’est ça la réalité du budget. 15 milliards, 9 milliards sur l’Etat, qui nous permet d’absorber le tendanciel d’augmentation des dépenses de l’Etat et au-delà, puisque nous allons faire 1,5 milliard de diminution des dépenses de l’Etat, c’est historique. Et nous faisons un effort de 6 milliards d’euros, sur les comptes sociaux. Je vais prendre un exemple concret. Par exemple, les dépenses de l’Assurance maladie, dont il était question tout à l’heure, ont augmenté de 4 % au cours des 10 dernières années. Là, c’est 2,4 % cette année. Ce qui veut dire que nous faisons 3 milliards d’économie. Et en 2012 nous avons exécuté le budget de l’Assurance maladie, c’est le rôle du ministre du Budget, 1 milliard au-dessous de l’objectif que l’on s’était assigné, et cette année, je serais dans quelques minutes avec Marisol TOURAINE, devant l’ensemble des partenaires sociaux, c’est 500 millions de moins. Il y a un pilotage exemplaire de la dépense. Ces résultats-là, jamais un gouvernement ne les a obtenus jusqu’à présent. Alors je comprends que ça fasse vociférer certains, mais la réalité de ce que nous faisons…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non, c’est plutôt du scepticisme.
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais moi, je ne peux pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quand vous annoncez la pause fiscale, par exemple, sondage BVA…
BERNARD CAZENEUVE
Jean-Michel APHATIE, le scepticisme, je peux le comprendre, mais il y a aussi la réalité. Et moi je veux être le ministre de la réalité, pas des impressions, pas du tohu-bohu, pas des approximations.
JEAN-MICHEL APHATIE
On vit tous avec des impressions. Les promesses ont été tellement peu tenues, ces dernières années, par tout le monde. On fera tel niveau de déficit en telle année, et puis non finalement, c’est 2 ans après. Et puis on maîtrisera ça, et puis…
BERNARD CAZENEUVE
Mais je vois un grand journal du matin, Jean-Michel APHATIE…
JEAN-MICHEL APHATIE
On bouchera le trou de la Sécurité sociale… 70 % je voudrais juste terminer sur l’impression…
BERNARD CAZENEUVE
Je vois un grand journal du matin, qui titre sur les déficits augmentent. Non, les déficits n’augmentent pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
LE FIGARO, LE FIGARO.
BERNARD CAZENEUVE
C’était 5,3 % en 2011, 4,8 % en 2012, 4,1 % en 2013, et le budget que j’ai présenté hier, c’est 3,6. Si ça, c’est une augmentation des déficits, il faut m’expliquer quelles sont les règles de l’arithmétique !
JEAN-MICHEL APHATIE
70 % des Français, je vais arriver, ne croient pas, à la promesse que vous faites de pause fiscale. Vous travaillez dans un scepticisme, un champ de scepticisme très fort.
BERNARD CAZENEUVE
Ça rend mon combat d’autant plus noble et la nécessité de convaincre est d’autant plus grande, et puis, puisqu’il y a ce scepticisme, eh bien, il faut faire la démonstration par la preuve. Il y a des moments dans la vie politique parce que la crise est là, parce que les impatiences sont grandes, parce que les souffrances ont été accumulées, parce que beaucoup de gouvernements ont fait des promesses qu’ils ne tenaient pas, il faut faire la démonstration aux Français, le sondage dont vous venez de parler en témoigne, qu’il n’y aura pas de décalage entre les paroles que l’on porte, les actes que l’on pose et les résultats qu’on obtient. Précisément mon modeste travail, c’est de faire cela, sur le plan budgétaire et je suis convaincu qu’à force de ténacité, d’exigence de vérité, de rigueur, nous y parviendrons.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors un exemple précis si vous le voulez bien. Parce que moi, je me suis un peu perdu dans…
BERNARD CAZENEUVE
Mais volontiers.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les déclarations qui m’ont semblé parfois contradictoires…
BERNARD CAZENEUVE
Je vais vous aider à vous y retrouver, j’espère.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le diesel, vous mettrez une taxe sur le diesel, pour aligner le prix du diesel sur l’essence à partir de 2015, oui ou non ? Clair !
BERNARD CAZENEUVE
Ce sujet n’est absolument pas d’actualité. Je vais vous dire pourquoi !
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc pas de taxe sur le diesel en 2015 pour l’aligner sur le prix de l’essence ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, ce n’est pas ce que je vous dis.
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah !
BERNARD CAZENEUVE
Ce que je vous dis, c’est que ce sujet n’est pas d’actualité, je vais vous dire pourquoi ! Parce que nous venons de mettre dans le budget 2014, une contribution énergie climat, cette contribution énergie climat, elle consiste à taxer de façon d’autant plus significative les modes d’énergie et de carburant, les types de carburants et d’énergie, qui sont plus carbonés. Donc nous allons taxer avec la contribution énergie climat davantage le diesel que l’essence. Par conséquent, cette contribution énergie climat, elle permet déjà d’assurer la convergence entre l’essence et le diesel. Par conséquent nous n’avons pas…
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans 2-3 ans, le prix du diesel sera aligné sur le prix de l’essence ou pas ? Ma question est simple. Elle est simple, dans 2-3 ans le prix, le litre du diesel coûtera-t-il aussi cher que celui de l’essence ou pas ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, votre question est simple, Jean-Michel APHATIE, mais le problème, lui est compliqué. Je vais vous dire pourquoi ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Ah dommage !
BERNARD CAZENEUVE
Mais non, il y a des sujets qui sont compliqués, qui appellent des réponses un peu expertisées, équilibrées, sérieuses. Pourquoi est-ce que ce sujet est compliqué ? Laissez-moi vous en dire un mot ! Parce que dans la question du diesel, il y a des problèmes sanitaires. Il y a des problèmes fiscaux, vous venez de les évoquer, il y a aussi des problèmes industriels. C'est-à-dire le fait que l’on prenne telle ou telle décision, peut avoir des conséquences plus ou moins grandes sur l’industrie automobile. Il y a aussi la nécessité de…
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que le prix du diesel sera au même prix que l’essence à la fin du quinquennat ? C’est ça la question.
BERNARD CAZENEUVE
Mais cette question ne peut pas se traiter de cette manière-là. Parce que si vous voulez répondre à cette question sans faire de dégât, vous êtes obligé de mettre en place des mesures d’accompagnement des ménages, vous êtes obligés de mettre en place des mesures d’accompagnement de l’industrie automobile et tout cela se fait de façon sérieuse. Ça ne se fait pas à la volée, à l’occasion d’une matinale, même si celui qui vous interroge est sympathique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Dernière question, au ministre du Budget, sur une dépense publique précise, on a appris que l’épouse du Premier ministre, Brigitte AYRAULT, avait embauché une conseillère en communication, ce qui est une première pour un conjoint de Premier ministre. Comment le ministre du Budget juge-t-il cette dépense publique ? Légitime ou pas ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais moi, je ne fais pas de commentaire sur des sujets de ce type. Parce que je suis ici…
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est de l’argent public !?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, je suis venu ici…
JEAN-MICHEL APHATIE
Conseillère en communication, embauchée à Matignon.
BERNARD CAZENEUVE
Je suis venu ici parler des grands équilibres du budget de notre pays, je ne suis pas venu ici faire des commentaires sur des sujets de cette nature.
JEAN-MICHEL APHATIE
Eh bien, c’est dommage ! Merci d’être venu.
BERNARD CAZENEUVE
C’est ainsi.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 27 septembre 2013