Interview de M. Benoît Hamon, ministre de l'économie sociale, solidaire et de la consommation, à "RTL" le 23 septembre 2013, sur le pouvoir d'achat et la consommation des ménages, .

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Vendredi sur RTL nous avons présenté une étude du cabinet ALTAVIA qui indique que pour 43% des ménages la fin du mois, c'est-à-dire le moment où hélas on n’a plus d’argent à dépenser, peut commencer dès le 15 du mois. Vous êtes, vous, ministre de la Consommation donc Benoît HAMON, la consommation est aujourd’hui le seul moteur de la croissance en France et ces difficultés – comme beaucoup de Français à boucler les fins de mois – menacent-elles la consommation en France aujourd’hui ?
BENOIT HAMON
Forcément ! Même si on a… malgré ces difficultés économiques des Français et des difficultés à boucler les fins de mois, un niveau de consommation qui reste encore relativement stable et qui soutient…
JEAN-MICHEL APHATIE
C’est le seul moteur de la consommation quotidienne !
BENOIT HAMON
Incontestablement aujourd’hui ! Et c’est pour ça qu’il serait bien c’est que les investissements des entreprises prennent le relais de cette demande des Français à travers la consommation des ménages, mais c’est une des raisons pour lesquelles nous sommes attachés nous à faire en sorte que les prix baissent, quand ils peuvent baisser, c’est une des actions que je mène et que le projet de loi « consommation » permettra. On a parlé des assurances auto, des assurances habitation, ces postes assurances pour les Français c’est 5% des dépenses - et le fait de mettre davantage de fluidité sur ces marchés fera baisser le prix des assurances - je rappelle que nous venons d’instaurer le principe de la résiliation automatique et à la date de votre choix de vos contrats d’assurance auto et habitation au terme de la première année, ce n’était pas le cas auparavant. On joue sur des dépenses qui sont des dépenses, comme des formes de monopole qui existent pour la vente des tests de grossesse ou différents produits pour lesquels… qu’on a libéralisés en quelque sorte pour permettre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais on pense plutôt au pouvoir d’achat quand on pense à la consommation…
BENOIT HAMON
Mais, quand vous faites…
JEAN-MICHEL APHATIE
Qu’est-ce que vous pouvez faire pour le pouvoir d’achat ?
BENOIT HAMON
Mais, quand vous baissez les prix, vous augmentez le pouvoir d’achat…
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ! Mais enfin vous baissez les prix de certains…
BENOIT HAMON
Un autre exemple, il y a….
JEAN-MICHEL APHATIE
Dans certains secteurs, mais c’est vraiment très peu, on est dans une crise économique violente…
BENOIT HAMON
Mais je prends des exemples un peu parlants !
JEAN-MICHEL APHATIE
On n’imagine pas que les prix vont baisser aujourd’hui, hein, franchement ?
BENOIT HAMON
Non ! Mais je prends deux exemples parlant. D’abord la question du pouvoir d’achat et de la consommation ça dépend beaucoup de l’emploi, quand vous passez du chômage à l’emploi vous consommez davantage, le fait que ce gouvernement réalise un effort budgétaire extrêmement important en faveur des Contrats aidés, en allongeant la durée de ces Contrats aidés et en en augmentant le nombre, Emplois d’avenir, Contrats de génération, Emplois aidés, c’est un choix qui est un politique depuis le début de favoriser tous les arbitrages en faveur de l’emploi. C’est la raison pour laquelle nous répétons que notre objectif c’est l’inversion de la courbe du chômage, premier engagement c’est celui-là, inverser la courbe du chômage pour soutenir la consommation. Mais au-delà de ça, je vais prendre une mesure qui est passée un peu inaperçue, dans la loi « Consommation » nous avons réduit les plans de redressement des ménages surendettés de 8 à 5 ans, de 8 à 5 ans, cout pour les établissements de crédit et les banques disent-elles 500 millions d’euros, 500 millions que les ménages surendettés n’auront pas à rembourser, ces 500 millions d’euros ça c’est acquit pour elles dans les à venir, nous avons voulu réduire ces plans de désendettement parce que nous considérons qu’une épée de Damoclès 8 ans au-dessus de votre tête c’est beaucoup trop. Donc, on fait une série de mesures qui s’additionnant les uns les autres ont pour objectif de soutenir le pouvoir d’achat des ménages, mais – je le répète…
JEAN-MICHEL APHATIE
… directement rien, là vous n’avez pas les moyens de faire quelque chose ?
BENOIT HAMON
Mais le pouvoir d’achat, je viens de vous le répéter, quand vous avez 5% de dépenses d’assurance et que, comme viennent de l’annoncer deux…
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne sais pas si ça concerne beaucoup de gens, ça, vous voyez ?
BENOIT HAMON
A la multirisque habitation si ! L’assurance auto obligatoire…
JEAN-MICHEL APHATIE
Je ne sais pas si ça changera la phase des choses ?
BENOIT HAMON
Non ! Mais… d’accord. Mais ce que je veux dire c’est que vous additionnez les sujets les uns après les autres. Il y a deux manières d’augmenter le pouvoir d’achat : vous augmentez le salaire ou la retraite, ou vous baissez les prix, c’est les deux manières de faire, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais vous basculez les prix de manière marginale !
BENOIT HAMON
Mais on va baisser les prix, d’abord…
JEAN-MICHEL APHATIE
On n’imagine pas que les prix vont baisser aujourd’hui.
BENOIT HAMON
Oui ! Mais vous vous accorderez avec moi qu’il n’y ait pas une réunion du conseil des ministres pour fixer le prix de la baguette toutes les semaines…
JEAN-MICHEL APHATIE
Non ! Donc…
BENOIT HAMON
Ce n’est pas à l’Etat de le faire.
JEAN-MICHEL APHATIE
Oui ! C’est ça.
BENOIT HAMON
Non ! Mais je veux dire il peut jouer sur des marchés sur lesquels il a un impact et il peut aussi avoir une politique qui est une politique de soutien aux négociations salariales, etc. Mais je veux dire et répéter que pour nous l’engagement numéro un c’est l’inversion de la courbe du chômage, parce que, dès lors que quelqu’un travaille plutôt que d’être inscrit à POLE EMPLOI, il consomme et s’il consomme il remplira le carnet de commandes de nos entreprises et, si nos entreprises ont des carnets de commandes plus riches, elles seront en capacité d’investir, alors c’est ça le choix politique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Il faut noter à propos du chômage quand même que... vous parlez des Emplois aidés mais le secteur industriel, le secteur marchand, les emplois à domicile, tout ça dégringole dans des proportions absolument incroyables, donc…
BENOIT HAMON
Mais les Emplois est-il anormal…
JEAN-MICHEL APHATIE
Si les Emplois aidés amortissent un peu le choc, ils ne règlent sans doute pas le problème.
BENOIT HAMON
Il y en a beaucoup moins qu’il y en avait dans les années 90 ou 2000, c’est un des choix que nous faisons. Est-il anormal qu’en période de crise, quand des centaines de milliers de Français sont très éloignés de l’emploi, il y ait des dispositifs qui favorisent leur retour à l’emploi ? Non ! Et ces dispositifs, si on les regarde, ces Contrats aidés, débouchent la plupart du temps sur des engagements de long terme. Donc regardons… c’est un choix politique que nous avons fait, notre choix c’est d’inverser la courbe du chômage, c’est un pari risqué, il n’y a pas un expert qui aurait mis un kopek il y a un an sur cet engagement du Président de la République.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle n’est pas encore inversée !
BENOIT HAMON
Non ! Mais en tout cas nous avons mobilisé notre énergie politique en faveur de cet objectif. Permettez-moi de vous dire juste une chose, on a parlé tout à l’heure de la confiance et de la courbe de popularité du Président de la République…
JEAN-MICHEL APHATIE
J’avais une question à ce propos, donc allez-y.
BENOIT HAMON
Mais je pense que la courbe de popularité du Président de la République elle sera indexée à cet engagement-là, fondamentalement, et qu’on a là pris nos responsabilités en disant que sur ce qui est l’échec de la classe politique depuis vingt ans, le sujet de préoccupation numéro un des Français est source pour les Français d’un scepticisme profond, inverser la courbe du chômage on leur en parle depuis vingt ans, si nous réussissons cet engagement, ça peut changer aussi la nature du rapport entre les Français et les politiques.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors disons-le l’économie française continue à détruire des emplois et par ailleurs les Emplois aidés, on verra la balance à la fin de l’année.
BENOIT HAMON
Mais, attendez… Mais, attendez …
JEAN-MICHEL APHATIE
Je voulais vous poser une question…
BENOIT HAMON
Quand on fait 0,5 point de croissance, ça veut dire que ça redémarre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Je voulais vous poser une question sur… puisque vous avez évoqué l’impopularité de François HOLLANDE dans le contexte qui est celui de la crise économique que nous connaissons, on assiste quand même ce matin à un fait politique important c’est le triomphe d’Angela MERKEL au pouvoir depuis 2005, réélue pour la deuxième fois, elle va faire un troisième mandat en Allemagne, en France on n’a pas connu ça depuis les années 70 Quelle leçon vous tirez de la victoire d’Angela MERKEL en Allemagne, donc de quoi faut-il s’inspirer quand on est au gouvernement ?
BENOIT HAMON
Eh bien, écoutez, moi je pense qu’il faut avoir… il faut regarder tout le monde, les Anglais, les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Etats-Unis d’Amérique…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais moi je vous parle des Allemands ce matin !
BENOIT HAMON
Oui ! Mais je pense que notre…
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelle leçon vous pouvez tirer de la victoire d’Angela MERKEL ?
BENOIT HAMON
Moi je ne vis pas, je ne vis pas avec le complexe du responsable politique français à l’égard de la réussite du modèle allemand - je n’ai pas ce complexe-là - et j’aimerais…
JEAN-MICHEL APHATIE
… (brouhaha)… Vous avez des leçons à tirer de la victoire ou non, ou pas ?
BENOIT HAMON
Attendez ! J’aimerais qu’on ne ramène pas la vie politique française à une comparaison avec les indicateurs qui sont ceux de l’élection de madame MERKEL ou du chômage en Allemagne. Pourquoi je vous dis ça ? C’est un fait…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais c’est un fait politique majeur quand même…
BENOIT HAMON
C’est un fait politique ! Et donc…
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est réélue pour la deuxième fois ?
BENOIT HAMON
Mais dont acte, nous continuerons à travailler…
JEAN-MICHEL APHATIE
Aucune leçon à tirer ?
BENOIT HAMON
Mais quelle leçon ? Je regarde ce qu’elle a fait et j’en tire comme conclusion quoi ? C’est qu’il y a aujourd’hui un modèle économique et social qui a sans doute fonctionné en termes d’exportation mais qui pose au coeur du débat politique allemand la question du salaire minimum, parce que la baisse du coût du travail, l’affaiblissement des droits salariés Allemands, elle a été extrêmement palpable et concrète dans les dernières années. Donc moi la conclusion que j’en tire, c’est nous travaillons avec les Allemands – comme toujours…
JEAN-MICHEL APHATIE
Bien sûr ! Oui.
BENOIT HAMON
Soit ! Et nous essaierons de faire en sorte…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de leçon !
BENOIT HAMON
Mais nous essaierons de faire en sorte par exemple…
JEAN-MICHEL APHATIE
Pas de leçon !
BENOIT HAMON
Mais des leçons, mais…
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous ne tirez aucun enseignement de cette histoire ?
BENOIT HAMON
Mais on verra bien et je regarderai comme tout le monde ce qui s’est dit dans le débat. Je termine d’une chose, moi j’aimerais que les leçons ça soit quoi ? C’est que s’il y a une directive aujourd’hui qui a fait beaucoup de mal à la France, c’est la directive sur le détachement des travailleurs qui amène à ce qu’aujourd'hui on paie 4 euros, 7 euros, 8 ans des salariés en Allemagne, parfois même en France, le dévoiement de cette directive elle amène à ce que des entreprises de maçonnerie, de charpente ne puissent plus concourir à des marchés et à des marchés publics, eh bien moi je souhaite que dans ce domaine-là les Allemands fassent preuve aussi eh bien d’un peu d’énergie pour faire en sorte qu’on démontre que l’Europe ça peut être du progrès social et des droits renforcés pour les salariés européens.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 septembre 2013