Texte intégral
Permettez-moi, avant toute chose, de vous remercier pour votre invitation à venir conclure votre journée, et particulièrement, à mexprimer sur lemploi et la formation.
Je dois vous dire que japprouve cette approche qui consiste à poser la question du handicap en termes demploi, dégalité, de formation, davantage quen termes daction sociale.
Vous posez aujourdhui une question juste : plutôt que de penser des dispositifs spécifiques pour le handicap, vous tenez à envisager la question du handicap dans les contours des politiques de lemploi « classiques » quitte à les ajuster au public des travailleurs handicapés. Cest cette même ligne de conduite que suit le gouvernement. A travers la circulaire du 4 septembre 2012, le Premier ministre a pris lengagement de faire du handicap « une préoccupation de laction de son gouvernement », dans chaque projet de loi et non dans le seul champ clos des politiques à destination des handicapés fort utiles au demeurant. Ainsi, la Grande conférence sociale a intégré, en 2012 comme en 2013, une table ronde préparatoire afin que les questions liées au handicap soient pleinement prises en compte au sein de chaque table ronde thématique. _ Cette approche a permis que le handicap soit pleinement intégré aux travaux en cours, notamment sur les réformes à venir de la formation professionnelle et de lalternance. Le Comité Interministériel du Handicap (CIH), qui sest tenu il y a quelques jours a posé une approche globale, avec des ambitions importantes en ce qui concerne lemploi et la formation.
Je veux prendre quelques exemples de la manière dont nous avons inséré le handicap dans les politiques de droit commun.
En créant les emplois davenir, nous avons tenu à ce quils fassent une place aux jeunes handicapés ; une place adaptée mais pas une place à part, en permettant aux jeunes handicapés de bénéficier jusquà 30 ans (et non 25 pour les autres jeunes) de ce dispositif « de droit commun » en prenant en compte le fait que le parcours de formation initiale des jeunes handicapés est souvent un peu plus long. Dispositif qui porte, en plus dune première expérience professionnelle, un accès à la formation et à la qualification des jeunes peu ou pas diplômés, or nous savons ici que la population des jeunes handicapés est particulièrement concernée. Avec les emplois davenir, ils bénéficient dune vraie opportunité pour amorcer un parcours professionnel réussi.
Les structures daccompagnement que sont les Cap emploi, spécialisées dans laccompagnement et le placement des travailleurs handicapés sont mobilisées pour la mise en uvre des emplois davenir aux côtés des missions locales et de Pôle emploi. Chaque jeune bénéficie de laccompagnement dun référent unique désigné par le Cap emploi. Outre laccompagnement, ce référent aide le jeune à lever, le cas échéant, ses difficultés périphériques daccès à lemploi (logement, santé, mobilité, ) ou celles liées à son handicap (aménagement de poste, transports ). Laccompagnement spécifique dans un dispositif commun, voilà le sens de notre action à destination des jeunes travailleurs handicapés. Nous pensons que cest la bonne méthode pour permettre laccès à la qualification et à lemploi des jeunes handicapés.
Nous voilà au cur du sujet : le faible niveau de qualification de beaucoup de travailleurs handicapés. Cest le principal frein à leur accès à lemploi. 77% des demandeurs demploi handicapés ont un niveau de qualification inférieur ou égal au CAP/BEP (contre 57% de lensemble des demandeurs demploi).
Cest cette situation quil convient de faire progresser, cest-à-dire en prenant cette fois-ci le problème à sa racine : la qualification. Depuis la loi du 11 février 2005, 70 000 personnes handicapées entrent en formation chaque année, contre 50 000 avant lentrée en vigueur de la loi. Cest un progrès. Les dispositifs que nous avons mis en place portent cette même ambition de la formation et de la qualification.
Le plan dentrée en formation de 30 000 demandeurs demplois supplémentaires pour des formations liées à des emplois qui recrutent, porte une attention particulière aux travailleurs handicapés. LAgefiph sest mobilisée aux côtés des partenaires sociaux, des régions et de lEtat afin quun maximum de demandeurs demploi handicapés puissent accéder à ces formations.
Car cest bien cela le sujet : il est nécessaire que davantage de travailleurs handicapés, notamment jeunes, aient un meilleur accès à la formation professionnelle. Je suis venu vous dire que jen fais un des objectifs de la réforme de la formation professionnelle, comme de la consultation sur lalternance, et je demande aux partenaires sociaux dy veiller. Pour la négociation, comme pour la concertation, les documents dorientation que nous avons diffusés comportent des axes spécifiques sur la prise en compte des personnes handicapées. Nous préparons ainsi le futur volet handicap qui figurera dans ce texte.
Mais le développement de la formation professionnelle des travailleurs handicapés revient aussi à lentreprise et aux partenaires sociaux, selon la méthode du dialogue social à la française, au fond la seule méthode qui vaille pour faire avancer un collectif de travail dans une direction positive et qui donne du sens au travail quotidien.
De fait, soyons lucides, lintégration des personnes en situation de handicap dans les entreprises est encore un peu laborieuse, à tous les niveaux, de laccessibilité à ladaptation du poste en passant par lacquisition des qualifications et linsertion dans un collectif de travail. Et pourtant, un phénomène se fait puissamment sentir dans de nombreuses entreprises et dans le monde du travail tout entier : de plus en plus de personnes se demandent « quel est le sens de mon boulot ? Dans quel projet de société sinscrit-il ? Quelle est la fonction de mon entreprise, en plus de dégager des bénéfices ? » Cest en lien avec ces grandes questions, pour le ministre du travail que je suis, que se pose le sujet de lintégration des handicapés dans lentreprise, comme la possibilité de faire évoluer un collectif, de lui faire repenser son organisation, de se choisir un projet et de se donner les moyens de le faire aboutir, en somme de se renforcer. Je suis convaincu que lintégration des personnes handicapées dans lemploi nest pas seulement favorable pour elles mais, dans la majorité des cas, pour lentreprise et ceux qui sy trouvent.
Dans la suite des conclusions du CIH, nous allons établir un cahier des charges des actions de formation des managers. Il reste logiquement une grande méconnaissance du handicap et certaines craintes de la part des personnes qui ne côtoient pas de personnes handicapées. Les formations peuvent avoir un vrai impact lorsquelles sont bien faites. Mais la clé à terme résidera dans lintégration pleine et entière des personnes handicapées à la vie publique, à lécole et aux entreprises, qui finira par rendre leur présence tout simplement normale.
Les employeurs ont des difficultés à recruter des travailleurs handicapés suffisamment formés pour occuper les emplois quils proposent. Alors, avec les entreprises et les partenaires sociaux, nous mettons le cap sur lalternance. En complément de la scolarisation initiale, laccès aux formations en alternance et à la formation professionnelle en général constitue donc un axe de progression majeur. Car malgré les aides financières existantes, les jeunes handicapés ne représentent que 0,8% des apprentis. Il nous faut donc travailler avec les régions à lorganisation concrète des parcours afin de faire en sorte que les formations puissent sadapter aux besoins des jeunes.
Au-delà de linsertion dans lemploi, nous portons une attention particulière à la question du maintien dans lemploi.
En effet, la majorité des handicaps survient au cours de la vie active. Ce nest pas sans conséquence sur les trajectoires professionnelles. Pourtant, il nexistait pas jusqualors de réelle politique favorisant le maintien en emploi. Grâce au CIH, nous avons beaucoup progressé sur tous les plans :
- Sur la prévention : les accords collectifs sur le handicap devront désormais comporter obligatoirement un plan de maintien en emploi ;
- Sur le maintien en emploi dans lentreprise : après échange avec les partenaires sociaux, nous étendrons les obligations de reclassement au groupe et discuterons de lopportunité dinstaurer une priorité de réembauche pour les personnes licenciées pour inaptitude ;
- Pour les personnes pour lesquelles le licenciement na pas pu être évité, nous expérimenterons avec Pôle emploi des modalités daccompagnement adaptées visant à faciliter les réorientations professionnelles.
Je sais que les attentes sont fortes et la bataille pour lemploi ne sera pas gagnée si elle ne lest pas aussi pour les travailleurs handicapés. Nous la menons donc sur tous les fronts, pour un accès plus égal à la formation et à lemploi et pour un maintien plus aisé dans lemploi, quand le handicap survient.
Pour les travailleurs handicapés comme pour toutes les populations fragiles sur le marché de lemploi, cest par la qualification que nous progresserons collectivement.
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 7 octobre 2013