Déclaration de M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, sur l'emploi et le handicap, Paris le 3 octobre 2013.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conférence parlementaire sur l'emploi et le handicap à Paris le 3 octobre 2013

Texte intégral


Permettez-moi, avant toute chose, de vous remercier pour votre invitation à venir conclure votre journée, et particulièrement, à m’exprimer sur l’emploi et la formation.
Je dois vous dire que j’approuve cette approche qui consiste à poser la question du handicap en termes d’emploi, d’égalité, de formation, davantage qu’en termes d’action sociale.
Vous posez aujourd’hui une question juste : plutôt que de penser des dispositifs spécifiques pour le handicap, vous tenez à envisager la question du handicap dans les contours des politiques de l’emploi « classiques » – quitte à les ajuster au public des travailleurs handicapés. C’est cette même ligne de conduite que suit le gouvernement. A travers la circulaire du 4 septembre 2012, le Premier ministre a pris l’engagement de faire du handicap « une préoccupation de l’action de son gouvernement », dans chaque projet de loi et non dans le seul champ clos des politiques à destination des handicapés – fort utiles au demeurant. Ainsi, la Grande conférence sociale a intégré, en 2012 comme en 2013, une table ronde préparatoire afin que les questions liées au handicap soient pleinement prises en compte au sein de chaque table ronde thématique. _ Cette approche a permis que le handicap soit pleinement intégré aux travaux en cours, notamment sur les réformes à venir de la formation professionnelle et de l’alternance. Le Comité Interministériel du Handicap (CIH), qui s’est tenu il y a quelques jours a posé une approche globale, avec des ambitions importantes en ce qui concerne l’emploi et la formation.
Je veux prendre quelques exemples de la manière dont nous avons inséré le handicap dans les politiques de droit commun.
En créant les emplois d’avenir, nous avons tenu à ce qu’ils fassent une place aux jeunes handicapés ; une place adaptée mais pas une place à part, en permettant aux jeunes handicapés de bénéficier jusqu’à 30 ans (et non 25 pour les autres jeunes) de ce dispositif « de droit commun » en prenant en compte le fait que le parcours de formation initiale des jeunes handicapés est souvent un peu plus long. Dispositif qui porte, en plus d’une première expérience professionnelle, un accès à la formation et à la qualification des jeunes peu ou pas diplômés, or nous savons ici que la population des jeunes handicapés est particulièrement concernée. Avec les emplois d’avenir, ils bénéficient d’une vraie opportunité pour amorcer un parcours professionnel réussi.
Les structures d’accompagnement que sont les Cap emploi, spécialisées dans l’accompagnement et le placement des travailleurs handicapés sont mobilisées pour la mise en œuvre des emplois d’avenir aux côtés des missions locales et de Pôle emploi. Chaque jeune bénéficie de l’accompagnement d’un référent unique désigné par le Cap emploi. Outre l’accompagnement, ce référent aide le jeune à lever, le cas échéant, ses difficultés périphériques d’accès à l’emploi (logement, santé, mobilité,…) ou celles liées à son handicap (aménagement de poste, transports…). L’accompagnement spécifique dans un dispositif commun, voilà le sens de notre action à destination des jeunes travailleurs handicapés. Nous pensons que c’est la bonne méthode pour permettre l’accès à la qualification et à l’emploi des jeunes handicapés.
Nous voilà au cœur du sujet : le faible niveau de qualification de beaucoup de travailleurs handicapés. C’est le principal frein à leur accès à l’emploi. 77% des demandeurs d’emploi handicapés ont un niveau de qualification inférieur ou égal au CAP/BEP (contre 57% de l’ensemble des demandeurs d’emploi).
C’est cette situation qu’il convient de faire progresser, c’est-à-dire en prenant cette fois-ci le problème à sa racine : la qualification. Depuis la loi du 11 février 2005, 70 000 personnes handicapées entrent en formation chaque année, contre 50 000 avant l’entrée en vigueur de la loi. C’est un progrès. Les dispositifs que nous avons mis en place portent cette même ambition de la formation et de la qualification.
Le plan d’entrée en formation de 30 000 demandeurs d’emplois supplémentaires pour des formations liées à des emplois qui recrutent, porte une attention particulière aux travailleurs handicapés. L’Agefiph s’est mobilisée – aux côtés des partenaires sociaux, des régions et de l’Etat – afin qu’un maximum de demandeurs d’emploi handicapés puissent accéder à ces formations.
Car c’est bien cela le sujet : il est nécessaire que davantage de travailleurs handicapés, notamment jeunes, aient un meilleur accès à la formation professionnelle. Je suis venu vous dire que j’en fais un des objectifs de la réforme de la formation professionnelle, comme de la consultation sur l’alternance, et je demande aux partenaires sociaux d’y veiller. Pour la négociation, comme pour la concertation, les documents d’orientation que nous avons diffusés comportent des axes spécifiques sur la prise en compte des personnes handicapées. Nous préparons ainsi le futur volet handicap qui figurera dans ce texte.
Mais le développement de la formation professionnelle des travailleurs handicapés revient aussi à l’entreprise et aux partenaires sociaux, selon la méthode du dialogue social à la française, au fond la seule méthode qui vaille pour faire avancer un collectif de travail dans une direction positive et qui donne du sens au travail quotidien.
De fait, soyons lucides, l’intégration des personnes en situation de handicap dans les entreprises est encore un peu laborieuse, à tous les niveaux, de l’accessibilité à l’adaptation du poste en passant par l’acquisition des qualifications et l’insertion dans un collectif de travail. Et pourtant, un phénomène se fait puissamment sentir dans de nombreuses entreprises et dans le monde du travail tout entier : de plus en plus de personnes se demandent « quel est le sens de mon boulot ? Dans quel projet de société s’inscrit-il ? Quelle est la fonction de mon entreprise, en plus de dégager des bénéfices ? » C’est en lien avec ces grandes questions, pour le ministre du travail que je suis, que se pose le sujet de l’intégration des handicapés dans l’entreprise, comme la possibilité de faire évoluer un collectif, de lui faire repenser son organisation, de se choisir un projet et de se donner les moyens de le faire aboutir, en somme de se renforcer. Je suis convaincu que l’intégration des personnes handicapées dans l’emploi n’est pas seulement favorable pour elles mais, dans la majorité des cas, pour l’entreprise et ceux qui s’y trouvent.
Dans la suite des conclusions du CIH, nous allons établir un cahier des charges des actions de formation des managers. Il reste logiquement une grande méconnaissance du handicap et certaines craintes de la part des personnes qui ne côtoient pas de personnes handicapées. Les formations peuvent avoir un vrai impact lorsqu’elles sont bien faites. Mais la clé à terme résidera dans l’intégration pleine et entière des personnes handicapées à la vie publique, à l’école et aux entreprises, qui finira par rendre leur présence tout simplement normale.
Les employeurs ont des difficultés à recruter des travailleurs handicapés suffisamment formés pour occuper les emplois qu’ils proposent. Alors, avec les entreprises et les partenaires sociaux, nous mettons le cap sur l’alternance. En complément de la scolarisation initiale, l’accès aux formations en alternance et à la formation professionnelle en général constitue donc un axe de progression majeur. Car malgré les aides financières existantes, les jeunes handicapés ne représentent que 0,8% des apprentis. Il nous faut donc travailler avec les régions à l’organisation concrète des parcours afin de faire en sorte que les formations puissent s’adapter aux besoins des jeunes.
Au-delà de l’insertion dans l’emploi, nous portons une attention particulière à la question du maintien dans l’emploi.
En effet, la majorité des handicaps survient au cours de la vie active. Ce n’est pas sans conséquence sur les trajectoires professionnelles. Pourtant, il n’existait pas jusqu’alors de réelle politique favorisant le maintien en emploi. Grâce au CIH, nous avons beaucoup progressé sur tous les plans :
- Sur la prévention : les accords collectifs sur le handicap devront désormais comporter obligatoirement un plan de maintien en emploi ;
- Sur le maintien en emploi dans l’entreprise : après échange avec les partenaires sociaux, nous étendrons les obligations de reclassement au groupe et discuterons de l’opportunité d’instaurer une priorité de réembauche pour les personnes licenciées pour inaptitude ;
- Pour les personnes pour lesquelles le licenciement n’a pas pu être évité, nous expérimenterons avec Pôle emploi des modalités d’accompagnement adaptées visant à faciliter les réorientations professionnelles.
Je sais que les attentes sont fortes et la bataille pour l’emploi ne sera pas gagnée si elle ne l’est pas aussi pour les travailleurs handicapés. Nous la menons donc sur tous les fronts, pour un accès plus égal à la formation et à l’emploi et pour un maintien plus aisé dans l’emploi, quand le handicap survient.
Pour les travailleurs handicapés comme pour toutes les populations fragiles sur le marché de l’emploi, c’est par la qualification que nous progresserons collectivement.
Je vous remercie.
Source http://travail-emploi.gouv.fr, le 7 octobre 2013