Déclaration de Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, sur les relations entre sport et santé et la pratique sportive en milieu professionnel, Paris le 10 octobre 2013.

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Circonstance : Rendez-vous débats de Sporsora à Paris le 10 octobre 2013

Texte intégral


Tout d’abord, je tiens à remercier Sporsora et son président, cher Laurent Damiani, pour son invitation à ce rendez-vous débat aujourd’hui consacré à la problématique Sport et santé. Vous le savez c’est toujours un plaisir pour moi de prendre la parole sur cette thématique.
Ce matin, c’est bien sûr la ministre qui s’exprime, et non le médecin du sport, mais les priorités et les orientations que je veux porter ne sont évidemment pas sans lien avec mon parcours professionnel. Je défends le sport, outil de santé publique depuis très longtemps et bien avant que je ne sois ministre.
Ce thème que vous avez choisi, est lié à une réflexion qui est plus que jamais d’actualité, et ce autant chez les chercheurs, les praticiens, le grand public, dans le mouvement sportif, dans le monde économique (que je crois assez majoritairement représenté ici) que dans le monde politique. Il est important que nous puissions nous retrouver aujourd’hui, dans cette vision croisée.
Ce sujet relève surtout de l’intérêt général et il était nécessaire que l’Etat s’en saisisse.
Je partirai d’un constat maintenant bien connu : l’activité physique est un bienfait pour la santé. J’ai coutume de dire que le sport fonctionne comme un effet dose Quand il y a beaucoup d’entraînement, du très haut niveau voire du surentraînement, on est souvent devant des pathologies dites de sur utilisation et on a parfois tendance à trop les médiatiser et à oublier que, oui, le sport fonctionne comme un effet dose, c’est à dire que quand il n’y a pas d’activité physique et sportive, il y a l’ensemble des risques de la sédentarité, qui sont aujourd’hui dans notre pays responsables de 10% des décès, deuxième cause de mortalité évitable et qu’elle est responsable de 10% des décès.
Toutes les générations sont concernées. On connaît déjà les chiffres inquiétants de l’obésité chez les jeunes. En France, en 2012, 18% des 5-12 ans sont en surpoids, contre 3% en 1965.
Une enquête menée par la Fédération française des sociétés d’assurance, parue dernièrement, révèle par ailleurs la sédentarité grandissante des 15-24 ans. Les seniors, de même, sont un public prioritaire. L’activité physique permet de retarder l’arrivée des pathologies liées au vieillissement et les maladies neurodégénératives. Les études scientifiques sont unanimes sur ce point.
Nous devons réagir ! Et nous devons le faire avec d’autant plus de force qu’un Français sur deux n’a aujourd’hui absolument pas conscience qu’une activité physique et sportive peut aider à prévenir de nombreuses pathologies.
La population doit être informée que l’activité physique réduit de 16 à 39% le risque de développer un cancer du sein (et de presque 50% la récidive) ! de 34% le risque de diabète ! La pratique physique peut aussi aider à réduire la consommation médicamenteuse sur des maladies chroniques, comme l’hypertension artérielle !
Nous savons que nous pouvons appuyer solidement cette communication, puisque tout cela est scientifiquement prouvé, de nombreuses études le montrent : les publications de l’Inserm, de la Haute Autorité de Santé, du Lancet, les recommandations de l’OMS, les travaux de l’INCA.
Pour toucher l’ensemble de la population, il faut bien sur une impulsion de l’Etat, mais quand le « no sport » de W. Churchill est aussi important, il faut aussi pouvoir compter sur chacun d’entre nous, et sur chacune d’entre vous, pour éduquer nos concitoyens et faire changer les choses. Rien, vous le savez, n’est plus difficile que de faire évoluer les habitudes de vie.
J’ai donc fait de l’activité physique pour tous, à tous les âges de la vie, la priorité de mon ministère. Et il y a tout juste un an, au Conseil des Ministres, avec la ministre de la santé, nous avons présenté une communication commune.
Deux grands axes structurent cette politique interministérielle. L’accès au sport pour tous : de même qu’il existe des inégalités en matière d’accès à la santé, il existe des inégalités en matière d’accès au sport. Ce dernier, outil de santé publique, ne peut être un luxe réservé à certains.
C’est un devoir majeur qui touche l’Education nationale, où l’habitude d’une APS doit être donnée dès le plus jeune âge par les cours d’EPS, le Sport scolaire ; la réforme des rythmes éducatifs nous donne l’occasion de libérer 3 heures et d’améliorer encore l’accès à des pratiques sportives. Ce devoir d’accessibilité au tout public touche aussi l’enseignement supérieur, les transports, les équipements, l’urbanisme, les jeunes dans les missions locales ou dans la filière d’apprentissage, les personnes en situation de handicap et touche bien sûr le monde du travail.
La pratique sportive dans les entreprises et sur le temps de travail est très peu organisée ou déployée en France.
On chiffre à 13% seulement le nombre de français qui pratiquent un sport sur leur lieu de travail. Et pourtant, plusieurs études ont montré l’efficacité de cette pratique sur l’absentéisme et la rentabilité de l’entreprise. 1 euro investi dans la prévention par l’APS ferait gagner 3 euros à l’entreprise. Aujourd’hui, la pratique sportive n’est pas assez implantée dans les entreprises, elle n’est pas entrée dans les moeurs. Notre politique concerne aussi la pratique sportive comme outil de prévention secondaire et tertiaire, pour des personnes atteintes de pathologies chroniques ; elle nécessite une adaptation des activités, de la mise en réseau, des projets de territoires.
Pour ce faire, à la suite de cette impulsion nationale, nous avons développé les réseaux territoriaux.
Les Agences Régionales de Santé et les Directions Régionales Jeunesse Sport et Cohésion Sociale, c’est-à-dire les structures déconcentrées de mon ministère, ont construit un plan territorial conjoint « Sport Santé Bien-être » pour développer une stratégie sport /santé, adaptée aux besoins et aux spécificités de CHAQUE territoire, avec des partenaires divers, les collectivités, le mouvement sportif, l’université, le secteur de l’économie sociale et solidaire, les professions médicales, les mutuelles, les laboratoires, le réseau associatif.
Se développent ainsi des réseaux « Sport Santé Bien-être » qui proposent des offres adaptées à des publics spécifiques. Certaines régions sont un peu en avance, car elles ont des dynamiques plus anciennes : je pense notamment à la Picardie, la Champagne-Ardenne, la région Midi-Pyrénées et la Lorraine. Les acteurs y sont très mobilisés. Gageons que toutes les régions suivront et amélioreront le dispositif ! Quant au développement de ces réseaux, j’ai mobilisé des moyens financiers et techniques pour les aider à se généraliser. 3 millions sont fléchés, dont 1,5 millions dans le cadre du CNDS.
Dans le cadre de la réorganisation de la direction des sports, j’ai souhaité créer un pôle ressources sport et santé a par ailleurs été créé au ministère pour accompagner ces expérimentations, les organiser, les relayer, les essaimer.
C’est une structure qui concentre les idées, un véritable catalyseur à disposition de tous : médecins traitants, collectivités, professionnels des APS, et à disposition des médecins conseillers des Directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale. J’ai aussi créé un bureau de l’économie du sport !
Je n’oublie pas non plus, en lien avec ces réseaux, les expérimentations thématiques qui viennent enrichir la connaissance et les performances nationales en matière de sport /santé. Elles ont cet avantage de mettre en relation les professionnels de santé et ceux de l’animation sportive. Prenons par exemple le public des âgés : au-delà du dispositif qui propose de l’activité physique dans les maisons de retraite de Bretagne, d’autres expériences sont menées. Nous avons souhaité accorder une attention particulière à ce public et un groupe de travail APS et seniors a donc été créé avec le Ministère de Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées. Il est présidé par le professeur Daniel Rivière, et doit rendre prochainement ses préconisations. Nous attendons beaucoup de ce travail : il nourrira la réflexion autour de la place de l’APS dans la future loi de « l’adaptation de la société au vieillissement », depuis la préparation de la retraite jusqu’à la prise en charge des âgés dépendants. Nous devons cependant aller plus loin en inscrivant la pratique d’activités physiques et sportives dans la politique de santé publique en la rendant, sur le terrain, réellement accessible à tous les publics supposés y avoir recours. Reste encore une phase de notre travail : faire en sorte que le public soit informé, accueilli et pris en charge.
Je vous propose de travailler dans trois directions :
1- Je travaille pour franchir une étape symbolique : l’inscription de l’activité physique sur l’ordonnance. Cette inscription participe du développement des thérapeutiques non médicamenteuses, et suit en cela les préconisations de multiples recherches, notamment le rapport de la Haute autorité de santé en 2011. Un grand nombre de médecins recommandent déjà le sport à leurs patients. La recommandation est un premier pas, mais l’inscription sur ordonnance est une étape supplémentaire que nous devons franchir. Car l’activité physique réduit le coût de la maladie et contribue ainsi à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Des travaux disparates conduisent à estimer un différentiel de 250 euros de dépenses de santé annuelles entre un sédentaire et un sportif – une économie potentielle de 6 milliards pour le pays ! Une analyse économique des bénéfices est donc indispensable.
L’IMAPS (que connait bien Laurent Guétard) et La Fondation du sport français – Henri Sérandour, présidée par Edwige Avice, souhaitent s’engager dans ce chantier ; je suis ravie que cette fondation intègre le comité de suivi de notre pôle ressources.
« L’APS sur l’ordonnance », voilà l’objectif que je nous propose d’atteindre ensemble !
L’expérience de Strasbourg sera présentée tout à l’heure, par le Dt Felz ; elle illustre la pertinence de l’organisation en réseau et sa capacité d’innovation. Les médecins engagés dans le projet prescrivent l’activité physique et sportive sur l’ordonnance de leurs patients, après une étape d’évaluation des capacités physiques. La pratique physique ou sportive est ensuite prise en charge par la mairie, via la mise à disposition de vélos, d’entrées gratuites à la piscine ou l’adhésion dans un des clubs labellisés du dispositif. L’expérience est intéressante à ce titre. Elle a « contourné » le problème du remboursement par l’assurance maladie en rendant accessibles les activités « prescrites ». D’autres réseaux, par exemple en Midi-Pyrénées, prévoient aussi une incitation financière pour l’inscription en club.
Le travail avec les mutuelles et les autres complémentaires santé a par ailleurs commencé.
L’accord interprofessionnel (ANI), signé par Michel Sapin avec les partenaires sociaux, entre en vigueur ; il garantit une complémentaire santé à tous les salariés. Profitons-en pour y garantir des actes de prévention ! Par le contrat responsable par exemple, qui est actuellement en rediscussion. Je suis sûre que M. Breton en parlera au nom d’AG2R la Mondiale. La plupart des instituts de prévoyance, des mutuelles ou des assurances ont déjà engagé des expérimentations sur des publics particuliers ou pour certaines pathologies : tensioform avec la fédération nationale des mutuelles, objectif « 10000 pas par jour » par la fédération des assurances, AG2R-La Mondiale avec le cancer du sein et l’association Siel Bleu…
Soyons cependant vigilants : la prévention ne doit pas être réservée à une élite sociale, en étant annexée aux contrats les plus onéreux. Je suis prête à défendre cette place faite à la prévention dans les complémentaires, mais je me tournerai vers les complémentaires les plus engagées sur ce sujet, afin que, collectivement, nous fassions progresser cette idée.
Et sur cette problématique, il est important de ne pas oublier ceux qui sont exclus de l’emploi, les jeunes en rupture scolaire, en rupture sociale. Ils sont évidemment exclus de l’accord interprofessionnel et de toute couverture complémentaire.
2- Je souhaite ensuite qu’un accueil de qualité soit garanti pour tous les publics, au sein des clubs et des associations, éventuellement sur des créneaux spécifiques. La mise en place de structures spécifiquement destinées à ces publics pourra aussi être envisagée.
Nous travaillons déjà avec les fédérations, via les conventions d’objectifs :
Nous leur proposons des axes de développement pour s’adresser à un public plus large, pour ne plus être centré sur la compétition par exemple. C’était un premier pas. Le CNOSF et sa commission médicale nous aident dans cette tâche. Sur ce plan, certaines fédérations sont plus en avance que d’autres, les fédérations multisports, notamment ; la fédération de gymnastique volontaire et sa présidente Françoise Sauvageot vous en donnera un exemple tout à l’heure.
Il nous faut à présent travailler sur la formation des professionnels du sport à l’accueil de publics à besoins particuliers : ils doivent être à même de s’adapter à tous les types de publics (jeunes, moins jeunes, adolescents, seniors…) et aux différentes pathologies (cancer, diabète, … - et plus globalement les pathologies liées à la sédentarité). La formation initiale des personnels soignants doit évoluer, pour faire une place aux thérapeutiques non médicamenteuses, la formation continue aussi.
Une convention a été récemment signée entre la conférence des doyens des facultés de médecine et des STAPS ; des modules communs seront construits pour améliorer d’un côté la connaissance sur l’activité physique des professionnels de santé et approfondir parallèlement la culture médicale des professionnels de l’activité physique adaptée. Ce sera aussi une des missions dévolues au pôle ressources national Sport et Santé, que de suivre les universités expérimentant cette convention. Et je n’oublie pas non plus, en ces temps de difficultés économiques, que ce secteur sport santé est créateur d’emplois au sein des collectivités, des fédérations sportives ou dans le champ de l’économie.
En Bretagne par exemple, pour le projet des « activités physiques dans les maisons de retraite » sous l’impulsion du médecin référent de la direction régionale jeunesse et sports, 70 jeunes ont été formés spécifiquement au « maintien de l’autonomie de la personne » et plus de 50 emplois pérennes ont été créés en deux ans.
3-Enfin, nous avons besoin d’une communication plus large auprès du grand public.
Le Ministère communique et je suis particulièrement heureuse que cette communication soit relayée par le Professeur Martine Duclos, professeure au CHU de Clermont. Ses connaissances et sa compétence sont incontestables sur ce sujet qu’elle porte avec une conviction exemplaire, et je me félicite qu’elle ait accepté la mission de conseillère scientifique du Ministère au sein du pôle ressources.
La population française n’est malheureusement pas convaincue de l’intérêt de la pratique sportive, le corps médical ne l’est peut-être pas davantage !... Pour convaincre les médecins et diffuser les informations à l’ensemble de la population, le relais des mutuelles est ici important, via le réseau de presse mutualiste par exemple, tout comme les vecteurs de communication que constituent vos entreprises.
Vous le voyez, sur ce registre, c’est une immense tâche qui nous attend, mais passionnante. Nous pouvons déjà être fiers de la dynamique enclenchée et du travail accompli.
Alors, bien sûr, ni la communication ni les études scientifiques ne suffisent à elles seules à faire évoluer les représentations et les habitudes de vie. J’ai la faiblesse de penser que, dans les politiques de prévention, un message positif sur l’activité physique et sportive passe plus facilement qu’un interdit.
Ne nous y trompons pas : le véritable enjeu de cette politique volontariste, c’est un changement culturel dans une société où l’on pense trop souvent que le médicament peut tout !
Il nous faut donc mettre en place une action politique globale, et le gouvernement s’y emploie.
Mais nous voulons une politique partagée avec tous ceux qui sont prêts à s’investir, qui sont prêts à s’engager dans les enjeux de la prévention, où l’exercice physique a toute sa place.
Le secteur économique et vos entreprises ont toute leur place dans ce défi, voire dans ce « combat » : vous pouvez faire beaucoup
- par votre relais de communication,
- par l’organisation d’une pratique de sport bien-être au sein de vos entreprises,
- par l’attention portée aux publics « non sportifs », ou aux plus âgés. Nous croyons notamment que la préparation à la retraite est un moment particulièrement important.
- par l’accessibilité à des espaces sportifs nouveaux, tels les villages Oxylane qui seront présentés tout à l’heure ;
- par la négociation de contrats collectifs qui prévoient la prise en charge de l’activité physique comme outil de prévention pour ceux qui en ont le plus besoin.
Nous avons aussi engagé des discussions avec certaines marques qui souhaitent s’engager dans les réseaux sport-santé-bien être ; toutes sont les bienvenues.
Nous réussirons à améliorer la santé de nos concitoyens si nous sommes déterminés à oeuvrer collectivement.
Je vous remercie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 11 octobre 2013