Interview de M. Pierre Moscovici, ministre de l'économie et des finances à "Itélé" le 24 octobre 2013, sur la politique économique du gouvernement centrée sur la simplication administrative, la compétitivité et l'investissement.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Première question elle concerne le chômage, les chiffres seront publiés ce soir à 18 h 00, vous nous confirmez que ça ne sera pas bon cette fois-ci ?
PIERRE MOSCOVICI
Je ne peux pas commenter des chiffres qui ne sont pas publiés, je peux simplement reprendre ce qu’en a dit hier Michel SAPIN qui est le ministre en titre, le ministre de l’Emploi. Ils seront probablement pas bons, c'est ça sa propre formule. En même temps il faut aussi consolider sur deux mois, vous savez qu’il y a eu un petit problème le mois dernier et la tendance elle est bien une tendance globale qui va nous amener, qui nous amène à l’inversion de la courbe du chômage d’ici à la fin de cette année. C’est ce qu’attendent les Français, le retour de la croissance, la consolidation de l’emploi et à la fois l’amélioration de la situation économique et les politiques que nous mettons en oeuvre pour l’emploi spécifiquement, je pense aux emplois d’avenir pour les jeunes, je pense aux contrats de génération qui permettent de garder un senior dans l’entreprise et d’embaucher un jeune, je pense aux contrats aidés. Tout ça va dans le bon sens, l’inversion de la courbe du chômage c’est l’objectif du président de la République qui sera tenu.
CHRISTOPHE BARBIER
Le pari ne sera pas perdu, avant la fin de l’année on aura, alors sur octobre et novembre, les deux derniers mois qui vont rester, une baisse significative ?
PIERRE MOSCOVICI
L’inversion de la courbe du chômage c’est quand vous voyez en effet, cette courbe se renverser où la balance devient une balance positive et ce que je crois c'est que nous sommes dans une phase où l’économie française elle n’en a peut-être pas suffisamment conscience elle-même, est en train de retrouver un régime de croissance qui est plus satisfaisant. Nous sommes sortis de la récession, maintenant ce qu’il faut c’est aller dans le sens…
CHRISTOPHE BARBIER
C’est une forme de plateau en ce moment, entre deux.
PIERRE MOSCOVICI
Non, c’est vraiment une période où l’économie française reprend. Nous étions en récession à la fin de l’année 2012, au début de l’année 2013 et depuis le deuxième trimestre de l’année 2013, nous sommes sur un rythme de croissance annuelle de 1% par an. Ce rythme je voudrais qu’il soit plus important, le président de la République voudrait qu’il soit plus important ; nous travaillons à ce qu’il soit plus important mais il permet en soi de voir la dégradation de la situation de l’emploi s’atténuer et si vous cumulez ça avec les politiques que nous mettons en oeuvre, notamment pour les jeunes, l’inversion de la courbe du chômage elle est faite pour les jeunes, nous aurons une inversion durable de la courbe du chômage.
CHRISTOPHE BARBIER
Ça marche sur les jeunes avec le contrat d’avenir, ça ne marche pas avec le contrat de génération qui est poussif. Pourquoi ?
PIERRE MOSCOVICI
Ça démarre, vous savez c'est quelque chose qui culturellement…
CHRISTOPHE BARBIER
Il ne faut pas l’annuler ? Ce n’est pas une mauvaise mesure ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, on des exemples nombreux, moi il m’est arrivé de signer des contrats de génération. Si vous voulez l’idée est ambitieuse, quelle est-elle ? Vous avez aujourd'hui des seniors comme on dit, au-delà de 55 ans qui ne sont plus dans l’emploi, il y en a beaucoup, le taux d’emploi des seniors en France est un des plus faibles d’Europe. Il était, parce que nous sommes en train de remonter. Et par rapport à ça, ce qui est important, c’est que ce senior puisse rester dans l’entreprise….
CHRISTOPHE BARBIER
Oui mais les entreprises ne veulent pas garder les seniors…
PIERRE MOSCOVICI
Si, si, si et avec une sorte de passage de témoin, de passage de relais à un jeune. C’est une idée qui est une idée remarquable, qui est une idée d’ailleurs que d’autres veulent mettre en oeuvre. Nous, nous devons absolument persister et amplifier l’effort. Tous ces dispositifs sont des dispositifs jeunes ou plutôt récents, ils sont en train de monter en puissance et je le répète, retour de la croissance progressif que nous voulons muscler, que nous voulons doper, que nous voulons accélérer et inversion de la courbe du chômage, seront au rendez-vous. Vous savez hier j’étais, comme d’autres ministres, en réunion plusieurs heures chez le président de la République et on a travaillé sur les vrais problèmes de la France, sur l’économie, sur l’emploi. De quoi a-t-on parlé ? De la simplification, la simplification…
CHRISTOPHE BARBIER
Le fameux choc, on l’attend toujours.
PIERRE MOSCOVICI
Non, il est là le choc de simplification, simplement nous voulons vraiment qu’il prenne toute son ampleur. Je prends l’exemple de mon propre ministère, le ministère de l’Economie et des finances, nous voulons simplifier les relations avec les entreprises, nous voulons créer une relation de confiance entre l’administration fiscale et les entreprises, dématérialiser…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça ne serait pas mieux de baisser la dépense publique massivement ?
PIERRE MOSCOVICI
Attendez, la deuxième chose c'est… alors puisque vous y allez, je pense en effet que des économies sur la dépense publique sont un facteur de simplification massif et je voudrais rappeler quand même à ceux qui feignent de l’ignorer que ce gouvernement, cette année, pour équilibrer le budget mais aussi pour réformer l’administration publique, baisse les dépenses publiques de 15 milliards d’euros, 9 milliards sur l’Etat en comptant les dotations de collectivités locales, 6 milliards d’euros sur les organismes de sécurité sociale. Mais j’en termine avec ma journée d’hier parce que ce n’est pas ma journée qui est intéressante, c’est ce que nous faisons. Nous avons aussi fait le point sur le pacte de compétitivité qui était lancé il y a un an suite aux travaux de monsieur GALLOIS et qui montre que la compétitivité de l’économie française, notamment les écarts de coûts du travail entre la France et l’Allemagne sont en train de …
CHRISTOPHE BARBIER
Avec un CICE qui coûte cher…
PIERRE MOSCOVICI
Mais vous pensez bien qu’il faut des mesures de cette nature-là. Enfin ceux qui nous disent, il y a un problème de coût du travail en France, dans l’industrie notamment, ceux-là ils bénéficient de ce CICE, il coûte cher oui, mais il coûte cher pour baisser le coût du travail et c’est efficace. Moi je vais sans arrêt sur le terrain, j’étais lundi à Metz, je vois les entreprises qui me disent, nous en avions besoin et la troisième réunion que nous avons eue c'est sur le financement des investissements d’avenir. Il y a là un triptyque et François HOLLANDE il est concentré là-dessus, qui est simplification/compétitivité/investissement et j’y ajouterai, pour former le carré en fait, l’attractivité de la France. Notre économie elle se renforce.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors justement, l’attractivité c'est ce que contestait le PDG de TITAN, il trouvait la France pas du tout attractive et il revient pour essayer de sauver GOODYEAR ; est-ce qu’il faut accepter sa main tendue ou est-ce que c’est un piège ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, d’abord cette démarche, prouve une chose, c'est que la France est un pays attractif, je parlais de Metz il y a une seconde, il y a deux semaines j’étais à Angers, et j’ai vu par exemple une entreprise de camions suédois qui s’appelle SCANIA, des gens qui sont là depuis 20 ans et le PDG suédois mondial était là et il m’a dit, moi je suis ici parce qu’il y a une main d’oeuvre de qualité, une main d’oeuvre productive, parce qu’il y a un éco système avec des infrastructures formidables et je vais embaucher 150 personnes de plus. Alors s’agissant de TITAN c’est vrai que c'est une situation à Amiens qu’on connait depuis des années et des années, très compliqué, avec un plan social, avec aussi des contestations fortes. Monsieur Maurice TAYLOR, c’est son nom, s’était retiré avec d’ailleurs…
CHRISTOPHE BARBIER
Pertes et fracas… il revient… il est revenu.
PIERRE MOSCOVICI
…pertes et fracas et il revient. Eh bien écoutez, la main tendue elle doit être acceptée, Arnaud MONTEBOURG est en contact avec ces entreprises, travaille avec cette entreprise et ce qui est important aussi c'est qu’il y ait des contacts directs sur le terrain entre l’entreprise et la CGT parce que c'est par le dialogue social aussi que les choses avancent. Le gouvernement il est à l’écoute, il est attentif, il y a quand même 350 emplois en jeu et donc oui, oui, oui, on doit absolument travailler à ce que ces emplois soient repris.
CHRISTOPHE BARBIER
Le temps file Pierre MOSCOVICI, quelques questions rapides : taxer les plans d’épargne en actions, les PEL, avec un effet rétroactif comme les députés l’ont voté, est-ce que ce n’est pas anormal ?
PIERRE MOSCOVICI
Alors d’abord il n’y a pas d’effet rétroactif…
CHRISTOPHE BARBIER
Si depuis 97, ce qu’on a mis, on ne nous a pas dit que ça serait taxé !
PIERRE MOSCOVICI
Christophe BARBIER, vous êtes toujours très rigoureux et précis, la rétroactivité c'est quand on change les règles en cours de jeu. Or, quel est le fait générateur ? Le fait générateur c’est quand l’épargnant réalise son gain, si on avait dit on a changé les règles pour des gains passés, ça ce serait rétroactif, là ça s’appelle la modification de l’impôt. Pour le reste, c’est une mesure de justice sociale parce qu’on n’a pas du tout la même taxation selon les différents produits exonérés d’impôts ou pas et c’est vrai que ce qui est absurde, c’est que le gain historique n’est pas le même pour des produits qui ont été contractés avant 1997 et après et j’ajoute que c’est une mesure qui vise à financer la sécurité sociale, le modèle social, la justice sociale.
CHRISTOPHE BARBIER
Très bien, autre taxe critiquée : l’éco taxe sur les transports. Est-ce qu’il faut l’ajourner, la reporter comme le proposent certains députés pour épargner notamment les transporteurs et les agriculteurs.
PIERRE MOSCOVICI
Alors l’éco taxe c’est ce qu’on appelle la taxe poids lourd, c’est une mesure qui a été votée, je le rappelle, à l’unanimité dans le cadre d’une mesure BORLOO c’était en 2009. Il faut situer les choses comme elles sont, d’abord ça représenterait une augmentation de prix très faible, d’autres pays ont une taxe poids lourd comme l’Allemagne et cela ne pose pas de problème…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il y a une colère.
PIERRE MOSCOVICI
Cela dit, le gouvernement, je ne suis pas le ministre des Transports, et le Premier ministre suivent ça personnellement. Le gouvernement est très conscient de la crispation que ça crée. J’ajoute qu’il y a déjà des mesures spécifiques qui ont été mises en oeuvre pour la Bretagne par exemple où il y a eu une exonération de moitié ou pour certains produits, notamment des produits agricoles. Mais le gouvernement entend réfléchir à ça, écoute la crispation et ce que fait Jean-Marc AYRAULT c'est de réfléchir, de travailler, je pense qu’il dira ce qu’il faut faire dans les temps qui viennent pour que cela s’applique dans les meilleures conditions sans crispation et en tenant compte des difficultés économiques qui sont sur le terrain et notamment la Bretagne à laquelle le gouvernement comme vous le savez, est très attaché et très attentif.
CHRISTOPHE BARBIER
Et il y a plusieurs ministres. Leonarda a une soeur française qui peut l’accueillir, est-ce que vous souhaitez que Leonarda revienne seule ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez, les choses là-dessus, sur cette affaire, on en a beaucoup parlé, elle est derrière nous…
CHRISTOPHE BARBIER
Pas sûr…
PIERRE MOSCOVICI
Le président de la République a dit ce qu’il fallait dire, il a d’abord dit ce qu’était le droit et dans la mesure où cette famille qui n'est pas exemplaire, vous savez, je suis moi-même un élu du Doubs, devait être reconduite et…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui d’accord, elle a une soeur, elle peut revenir…
PIERRE MOSCOVICI
Attendez, après on sait ce qui s’est passé, c'est-à-dire qu’il y a eu un rapport de l’inspection générale de l’administration qui a estimé qu’on avait manqué de discernement dans cette affaire. Voilà le deuxième point et le président de la République a fait aussi un geste au nom de l’humanité, disant à Leonarda qu’elle pouvait…la porte est ouverte, c'est cela qu’il faut retenir et encore une fois, nous n’allons pas faire de cette jeune femme le centre de notre vie… parce que, ce qui compte aujourd'hui encore une fois, je suis désolé, je ne suis pas non plus le ministre de l’Intérieur…
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, c’est l’emploi, c'est la croissance…
PIERRE MOSCOVICI
Mais oui…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais quand vous voyez un sénateur socialiste…
PIERRE MOSCOVICI
….les Français attendent ça de nous.
CHRISTOPHE BARBIER
Un sénateur socialiste claque la porte du parti socialiste, il dit c’est un parti d’apparatchik incapable à cause des déclarations irresponsables de certains élus socialistes sur l’affaire Leonarda, ça ne vous alerte pas ?
PIERRE MOSCOVICI
Je pense qu’il a d’autres raisons, Philippe ESNOL, sénateur maire de Conflans-Sainte-Honorine, non franchement, vous savez nous sommes dans une situation, nous avons hérité d’un pays qui est en grave malaise économique, qui se vit mal, je dis bien qui se vit mal parce que nous sommes la cinquième puissance économique du monde, nous devons être conscient de ça, il y a un travail de réforme considérable qui est fait, il y a des résultats qui sont maintenant là en termes de croissance et d’emploi, il y a un redressement qui est au bout du chemin et par rapport à ça, rien ne doit nous détourner de l’essentiel qui est le combat pour la croissance et l’emploi.
CHRISTOPHE BARBIER
Ce combat dont vous faites un livre et que vous menez, est-ce que vous le continuez à partir de juin prochain comme commissaire européen ?
PIERRE MOSCOVICI
Je suis moi membre du gouvernement, je ne suis candidat à rien d’autres…
CHRISTOPHE BARBIER
Vous en avez parlé quand même avec le président de la République du prochain…
PIERRE MOSCOVICI
C’était dans L’EXPRESS, attendez, j’ai écrit un petit mot à votre journaliste pour lui demander de publier un démenti parce que non, nous n’en avons…
CHRISTOPHE BARBIER
Pas parlé ?
PIERRE MOSCOVICI
…jamais … pas un mot Christophe BARBIER !
CHRISTOPHE BARBIER
Ça serait un beau combat quand même le combat européen.
PIERRE MOSCOVICI
J’adore l’Europe, je trouve ça fascinant, la Commission européenne c’est un beau job, je ne suis pas candidat, je suis là où je suis et je veux être utile là.
CHRISTOPHE BARBIER
Les questions #TeamToussaint.
BRUCE TOUSSAINT
Oui alors il y a une question sur Twitter qui est un peu large, mais du coup je vous demander une réponse simplifier. Un petit choc de simplification sur cette question large : qu’a fait le gouvernement pour la classe moyenne ? Nous demande ce téléspectateur via Twitter. Pierre MOSCOVICI ? C’est souvent un reproche qu’on vous fait.
PIERRE MOSCOVICI
D’abord l’emploi, l’emploi, l’emploi, l’emploi, le combat pour la croissance et pour l’emploi parce que la première source de pouvoir d’achat c’est l’emploi et c'est les salaires qui en déduisent. Deuxièmement, faire en sorte que l’inflation soit également maîtrisée ce qui permet à la consommation de progresser et puis troisièmement dans le cadre du budget 2014 je citerai une mesure : fin du gel du barème de l’impôt sur le revenu qui avait été décidé par la droite et une décote qui bénéficie à 7 millions de foyers des couches populaires et des couches moyennes. Non la couche moyenne elle ne pâtit pas de cette politique, les couches populaires et les couches moyennes, ce sont au contraire ceux pour lesquels nous voulons en priorité agir parce que ce sont…
CHRISTOPHE BARBIER
Vous n’avez plus peur du ras-le-bol fiscal ? C’est votre expression…
PIERRE MOSCOVICI
Ce que j’ai voulu dire par là, c’est qu’il fallait que nous les socialistes, nous soyons capables de montrer que nous voulions stabiliser les prélèvements obligatoires, nous le faisons en 2014 et ça, c’était important de renverser si vous voulez la proportion, on a fait jusqu’à présent beaucoup de prélèvements et moins d’économies, maintenant nous faisons 80% d’économies, 20% sur les prélèvements et encore, en incluant la lutte contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez commenté, il y a quelques minutes, dans le journal, ce qui est l’image du jour, hein, c'est ce but de Zlatan IBRAHIMOVIC hier, enfin, l’un des 4 buts marqués par Zlatan IBRAHIMOVIC à l’occasion de ce match entre Anderlecht et le Paris Saint Germain. Pierre MOSCOVICI, qui est le Zlatan du gouvernement, selon vous ? Question. Je vous laisse 5 secondes pour réfléchir.
PIERRE MOSCOVICI
Ce n'est pas... au gouvernement, ça ne marche pas tout-à-fait comme ça, on doit chacun marquer des buts dans notre camp.
BRUCE TOUSSAINT
Oui.
PIERRE MOSCOVICI
Plutôt que dans notre camp, le camp des autres, pour notre camp.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, je poursuis sur la métaphore footballistique, parce que l’on n’a pas toujours l’impression que vous jouez ensemble. La cohésion gouvernementale, où est-ce qu’elle est, selon vous ?
PIERRE MOSCOVICI
Ecoutez...
BRUCE TOUSSAINT
Et comme faire pour qu’elle soit meilleure.
PIERRE MOSCOVICI
Moi, ce que je sais, c'est que, bon, j’ai écrit un livre, j’ai une certaine éthique de ce que doit être la politique. Ça doit être d’abord de la dignité, personnelle, c'est du collectif, c'est de la responsabilité. J’ai été nommé par le président de la République, François HOLLANDE, parce qu’il estimait qu’à la place où je suis, je pouvais être utile au pays, et je sers mon pays, le sous-titre c'est « Pour que la France s’en sorte », et je souhaite que ce quinquennat réussisse, parce que c'est pendant ce quinquennat que la France doit s’en sortir. Donc, ce que je veux dire, c'est que dans la situation où nous sommes, elle est très compliquée, on nous a légué une économie affaiblie, il faut absolument que nous fassions bloc. Ce gouvernement est une équipe qui fait bloc, et qui doit faire bloc autour du Premier ministre et derrière le président de la République. Il n’y a pas d’autre issue. Ça veut dire du coup que la question que la question qui est posée sur qui marque les buts, etc., ou le Zlatan, même si un avant-centre est au service de l’équipe, ce n'est pas la bonne question. Nous sommes là, dans une autre démarche qui est celle du redressement du pays.
BRUCE TOUSSAINT
Mais dans un contexte particulier, il y a une sorte de violence verbale qui s'est libérée. Vous parlez, dès le début de votre bouquin, chez Flammarion, vous parlez, dès le début, de ce mot qui vous a été attribué par François DELAPIERRE, qui est le secrétaire national du Parti de gauche, « Le salopard », ce qu’il avait dit à l’issue d’une réunion européenne. Hier, le fameux sénateur socialiste Philippe ESNOL, disait « mort aux cons », dans un tweet. Bon, visiblement, le salopard, ça vous a... voilà le tweet de Philippe ESNOL. Visiblement, « le salopard », ça vous a quand même touché, puisque vous en parlez dès le début de votre livre. Est-ce que c'est de la naïveté de votre part ou est-ce que c'est une sorte d’idéalisme ?
PIERRE MOSCOVICI
Non, ni l’un ni l’autre, c'est simplement une éthique personnelle. J’ai commencé tout à l'heure en disant dignité, peut-être suis-je ringard, et je ne veux pas ignorer ce qu’est la politique moderne, je n’ignore pas les nouveaux médias, Twitter, Facebook, tout ce que ça nous apporte, c'est tout-à-fait fondamental.
BRUCE TOUSSAINT
Les chaines d’info, on y est.
PIERRE MOSCOVICI
Les chaines d’info, c'est vrai, tout a changé, mais en même temps on n'est pas obligé de dégrader le débat public. Et je pense que le débat public se porte mieux, si on est hors de l’invective et si on est justement en train de porter des convictions. C'est ce que je veux faire. Vous savez, moi je ne fais pas de plan sur la comète, j’ai pas de stratégie personnelle, je veux que mon pays réussisse et par rapport à ça je m’interdis totalement, mais alors totalement ce genre de petite phrase, qui en général ne touche que leurs auteurs. Je ne vais pas parler du tweet de Philippe ESNOL, mais par exemple quand François DELAPIERRE m’a traité de salopard et quand le lendemain Jean-Luc MELENCHON a dit que je ne parlais plus le français, mais que je parlais la langue de la finance internationale, je me dis que dans un climat comme celui que nous traversons dans ce pays, où le populisme menace, on doit être d’autant plus maitre de son verbe, de sa pensé et respectueux, respectueux des autres parce que respectueux des autres c'est respecter tout simplement les Français.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, mais vous connaissez le...
PIERRE MOSCOVICI
J’ajoute, et je le disais tout à l'heure à Frédéric BARBIER (sic), moi il y a une chose qui me frappe. Nous sommes la 5ème puissance économique du monde, nous sommes un grand pays, nous appartenons à toutes les instances internationales, nous avons des entreprises magnifiques, et dans le même temps, les Français ont le sentiment d’être en déclin, ou d’être déclassés. Le rôle des politiques c'est de tirer la politique vers le haut, c'est ce que veut faire le président de la République et c'est ce que l’on doit faire.
BRUCE TOUSSAINT
Vous voyez, vous avez toujours du mal à parler de vous, à dire « je ». Vous le dites dans le livre, on a le sentiment que parfois, alors, le revers de la médaille...
PIERRE MOSCOVICI
C'est peut être une question d’éducation, mais en même temps, on ne se change pas.
BRUCE TOUSSAINT
Trop sérieux.
PIERRE MOSCOVICI
Encore une fois, il faut travailler au service du pays.
BRUCE TOUSSAINT
Trop sérieux, Pierre MOSCOVICI, est-ce que ce n'est pas le revers de la médaille, trop premier de la classe, pas assez bagarreur, passez MONTEBOURG.
PIERRE MOSCOVICI
Mais, enfin, écoutez, je suis aujourd'hui ministre de l’Economie et des Finances. Vous pensez que je suis arrivé là, j’ai déjà été ministre pendant 5 ans sous JOSPIN, j’ai entre-temps été parlementaire, j’ai été député européen, vous pensez que l’on fait 20 ans de vie politique comme la mienne en étant un Bisounours ? Je ne suis pas un Bisounours. Simplement, dans la tâche qui est la mienne, celle de ministre de l’Economie et des Finances, je porte quelque chose. Chacun de mes mots est scruté, et chacun de mes mots est un mot pour rassurer, pour assurer, et donc non, je ne peux pas me permettre, je ne dis pas que d’autres le font, hein, mais je n’ai, franchement je suis totalement concentré sur ce que je fais, je ne m’autorise aucune frivolité, simplement parce que je suis au service du pays. Les combats que je mène, c'est des combats pour la France, c'est des combats pour notre économie, c'est des combats pour l’emploi, c'est des combats pour l’Europe. Ce n’est pas un combat pour moi-même. Encore une fois je m’inscris résolument derrière un collectif, dans un collectif, parce que je veux que la France s’en sorte et que je veux que ce quinquennat, celui de François HOLLANDE réussisse, je n’ai pas d’autre ambition.
BRUCE TOUSSAINT
18 mois...
PIERRE MOSCOVICI
Mais elle est très forte celle-là.
BRUCE TOUSSAINT
18 mois à la tête de Bercy, c'est vous le patron de Bercy, là-dessus, il n’y a plus de doute là-dessus.
PIERRE MOSCOVICI
Je suis le ministre de l’Economie et des Finances, il n’y a pas de doute là-dessus.
BRUCE TOUSSAINT
Vous êtes le patron de Bercy.
PIERRE MOSCOVICI
Mais nous ne sommes pas dans une logique patronale, disons que le ministre de l’Economie et des Finances a un rôle un peu particulier à Bercy.
BRUCE TOUSSAINT
Le plus dur, dans ces 18 mois, ça a été l’affaire CAHUZAC ?
PIERRE MOSCOVICI
Sur le plan personnel, oui, parce que c'est vrai que...
BRUCE TOUSSAINT
Vous en parlez longuement dans le livre.
PIERRE MOSCOVICI
Pas très longuement, mais c'est vrai que quand on est comme ça, salit par une rumeur, on fait l’épreuve, que c'est un peu comme boxer seul sur un ring. Et on a le sentiment qu’il faut attendre, d’une certaine façon, le moment où l’opinion publique retrouve la vérité. Qui aujourd'hui pense que dans l’affaire CAHUZAC j’ai été compromis d’une quelconque façon ? Personne, et une commission d’enquête a établi le contraire, et pourtant à l’époque on pouvait tout dire et n’importe quoi. Ça aussi ça fait partie des nouveaux médias, et dans ce cas de figure-là il faut pouvoir s’appuyer sur les siens et surtout sur sa probité, sur ses valeurs, c'est très important.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez eu un contact avec Jérôme CAHUZAC depuis sa démission ?
PIERRE MOSCOVICI
Non. Il lui est arrivé de m’envoyer une fois ou deux des sms, mais nous n’avons eu aucun contact.
BRUCE TOUSSAINT
Il vous a envoyé des sms, mais vous n’avez pas souhaité lui répondre ?
PIERRE MOSCOVICI
J’ai répondu une fois ou deux, quand je le sentais dans un problème personnel ou un désespoir personnel, parce qu’il ne faut jamais « accabler » les gens pour ce qu’ils sont, il faut garder aussi son humanité, en toute circonstance, mais pour le reste, sur le plan politique, évidemment, il ne peut pas y avoir de contact, et puis sur le plan personnel, j’ai été tout de même éclaboussé par ça, de manière totalement injuste.
BRUCE TOUSSAINT
Oui, et vous lui en voulez.
PIERRE MOSCOVICI
Je garde franchement ce sentiment pour moi.
BRUCE TOUSSAINT
Est-ce qu’il a remboursé...
PIERRE MOSCOVICI
Je n’en sais rien.
BRUCE TOUSSAINT
... l’argent ?
PIERRE MOSCOVICI
Je n’en sais rien. Il y a une procédure qui est en cours, d’ailleurs il y a une procédure judiciaire, c'est à partir de ça que les choses se feront. Quand je dis « je n’en sais rien », ma réponse est plutôt que c'est la procédure judiciaire qui permettra de le dire, etc.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, Pierre MOSCOVICI, on vous a quand même découvert sous un autre jour il y a quelques temps, c'est au fond la première fois que vous acceptez de parler de votre vie privée, vous l’avez fait dans « Le supplément de CANAL+ », l’émission de Maïtena BIRABEN, où on vous a vu, voilà, expliquer que, effectivement, vous viviez avec votre compagne, qui est d’ailleurs une jeune femme qui tweet assez librement...
PIERRE MOSCOVICI
Elle est moins ringarde que moi, de ce point de vue-là.
BRUCE TOUSSAINT
Je voulais vous demander pourquoi vous aviez fait ça au fond ? Est-ce que c’était aussi pour montrer qu’il n’y avait pas que le type austère, au ministère de l’Economie, enfin, c’était quoi l’idée ?
PIERRE MOSCOVICI
Mais, c'est quand même marrant, parce qu’on n’arrête pas de dire, voilà, vous le faites d’ailleurs, il est gris, il est austère, il est triste. Non, je suis un homme, de son temps, qui s’intéresse au football, à la Bande dessinée, à la vie tout court. Il y a 15 ans on disait de moi que j’étais le dandy du PS, maintenant on dit que je suis le terne. Ça doit être le temps qui passe, mais c’était faux dans un cas, c'est faux dans l’autre. Et pour le reste, si vous voulez, je ne suis pas devenu un people, je déteste la peopolisation, je ne suis vraiment pas du genre à l’exhiber, pour le reste j’ai une vie privée, elle se voit comme par exemple quand je suis invité à un dîner d’Etat, je n’en rajoute pas, et elle non plus. Et je pense que c'est ainsi qu’il faut faire. J’ai parlé de dignité, j’ajouterai de la pudeur, mais la pudeur ce n'est pas non plus de se travestir sans arrêt en gris. Non, je ne suis pas un homme gris, je suis un homme vivant.
BRUCE TOUSSAINT
Pierre MOSCOVICI, regardez la question qui vous a été posée directement par un téléspectateur de la Matinale info, sur I TELE et qui concerne l’après Bercy. Remi vous dit : « Que fera Pierre MOSCOVICI lorsqu’il ne sera plus ministre de l’Economie ? ».
PIERRE MOSCOVICI
Je n’en ai pas la moindre idée. Ce que je sais en revanche, c'est que l’on est plus longtemps ancien ministre que ministre. Je l’ai déjà éprouvé puisque j’ai été ministre pendant 5 ans, et puis ensuite pendant 10 ans dans l’opposition, et ce que je sais, c'est que ça aura toujours un rapport avec la France et avec son économie. Pour le reste, on verra.
BRUCE TOUSSAINT
Et avec la gauche.
PIERRE MOSCOVICI
Et avec la gauche...
BRUCE TOUSSAINT
Et avec HOLLANDE.
PIERRE MOSCOVICI
Pardon ?
BRUCE TOUSSAINT
Et avec HOLLANDE, François HOLLANDE, avec le président de la République.
PIERRE MOSCOVICI
Moi j’ai fait un choix en 2011 qui a été de soutenir pour l’élection présidentielle, j’ai été son directeur de campagne, et je suis très fidèle à ce choix que j’ai fait et je veux l’accompagner pour qu’il réussisse son quinquennat. Je le fais à ma place, celle d’un vieil ami, mais étant maintenant le ministre et lui le président, dans une relation qui n'est pas une relation de familiarité.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 octobre 2013