Déclaration de M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, sur les enjeux et objectifs de la future loi sur la transition énergétique, à Paris le 5 novembre 2013.

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  • Philippe Martin - Ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Circonstance : Conférence dans le cadre des "Mardis de l'avenir" sur le thème "Les transports du XXIème siècle", à l'Assemblée nationale le 5 novembre 2013

Texte intégral

Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames et Messieurs,

Je suis particulièrement heureux d'être avec vous ce soir, et je veux d'emblée remercier et féliciter Claude BARTOLONE pour cette belle initiative qui vise à « faire régulièrement débat » autour d'un sujet central, et je ne dis pas cela parce que je suis le Ministre en charge de ce sujet. Beaucoup parmi vous connaissent mes convictions. Elles sont anciennes, elles se sont enracinées dans mon territoire d'élection, le Gers, et je n'ai pas attendu d'être le locataire du boulevard Saint-Germain pour croire à la nécessité d'une transition écologique.
Ce sujet est central à beaucoup d'égards.
A l'échelle de notre planète tout d'abord. Les analyses, les constats des experts et des scientifiques du GIEC m'ont conforté dans cette idée que la transition écologique n'est plus une option parmi d'autres mais une obligation. Elle n'est pas non plus une punition, mais au contraire une chance. Et même si certains résultats ne seront visibles qu'à long terme, l'urgence des décisions à prendre s'impose à nous.
A l'échelle de notre pays ensuite.
Pour mener ce combat, pour le gagner la France se doit de porter une vision positive et enthousiasmante des transformations à venir.
Changer notre manière de produire, changer notre manière d'aménager le territoire, changer notre manière de nous loger, de consommer, de nous déplacer, changer même notre manière de gouverner, ce n'est bien sûr pas une mince affaire ! Raison de plus pour ne pas transiger, raison de plus pour que la transition écologique se fasse avec l'adhésion des français, et pas contre eux.
Je suis pour ma part convaincu que la transition écologique représente une part non négligeable de la solution aux difficultés économiques et sociales que vivent aujourd'hui nos concitoyens, et je crois que nous ne sortirons durablement de la crise actuelle que dans le cadre de cette transformation globale ! C'est la raison pour laquelle je travaille à ce qu'il n'y ait pas qu'un seul Ministre de l'Écologie au Gouvernement mais que tous les membres du Gouvernement le soient avec moi. C'est la raison pour laquelle, notamment, je travaille avec Arnaud MONTEBOURG sur les trente-quatre plans industriels de la France de demain, dont la moitié concerne la transition écologique, avec Stéphane LE FOLL, sur l'avenir de l'agro-écologie, avec Cécile DUFLOT, sur la rénovation énergétique, avec Christiane TAUBIRA sur le préjudice environnemental, avec Vincent PEILLON, sur l'introduction des problématiques écologiques dans les programmes de l'Éducation Nationale.
Pour être accepté par les Français, pour créer cette adhésion que j'évoquais à l'instant, il est indispensable que ce changement de modèle soit progressif, collectif et concerté. Il faut toujours avoir à l'esprit qu'il est difficile de parler d'un horizon de 2100, quand pour beaucoup de nos compatriotes, l'horizon se situe plutôt autour du 15 du mois.
Les « mardis de l'avenir » organisés par la présidence de l'Assemblée nationale vont pour cela nous être précieux. Le président de la République s'est engagé auprès des Français à faire de la France une Nation de l'excellence environnementale et il m'a confié la responsabilité de mettre notre pays sur les rails de la transition énergétique et écologique. Cela passe par l'avènement d'un dialogue environnemental ambitieux et efficace, avec les entreprises, avec les salariés, avec les associations, avec les élus locaux et bien sur avec les parlementaires. Cette feuille de route, c'est avec vous que j'entends la mettre en oeuvre.
Savoir que, régulièrement, dans le cadre prestigieux et symbolique de l'hôtel de Lassay, nous pourrons avoir ce temps d'échange dont nous avons besoin pour susciter l'enthousiasme populaire dont je parlais, avec les parlementaires de tous les groupes et avec des acteurs de la transition, est pour moi un élément de confiance et d'assurance de succès.
Le thème que vous avez choisi pour ce premier mardi de l'avenir est celui des transports. En l'absence du Ministre délégué Frédéric CUVILLIER, je parlerai bien sûr des transports, mais, si vous le permettez, dans le cadre plus large de la transition énergétique.
Le président de la République, le Premier ministre ont fixé le cap de cette transition lors de la deuxième Conférence environnementale, en septembre dernier.
Ce cap, c'est celui de la division de nos émissions de gaz à effet de serre par un facteur 4. Le 1er volume du 5ème rapport du GIEC, publié il y a quelques semaines, nous a une fois de plus placés devant nos responsabilités.
Nous savons de manière certaine que nous sommes à l'origine du problème, et nous savons de manière tout aussi certaine que nous pouvons être la solution à ce problème. Même si l'horizon des résultats peut paraitre lointain, hors de portée d'une vie humaine ou d'un quinquennat ou même de deux, la mobilisation accrue de tous les pays en faveur de la lutte contre le changement climatique, reste plus que jamais nécessaire. Comme vous le savez, le président de la République a souhaité que la France accueille en 2015 la COP 21, le sommet international sur le climat. C'est un honneur, mais c'est aussi une responsabilité immense. Pour réussir ce moment important, pour aboutir à un accord à la fois universel et contraignant, la France doit elle-même être exemplaire. Pour cela, nos objectifs de réduction des gaz à effet de serre pour 2030, français et européens, doivent être très ambitieux.
Le cap, fixé par le président de la République, c'est aussi celui de la réduction de 50 % de la consommation finale d'énergie d'ici 2050. A un horizon plus proche, c'est enfin la réduction de 30 % de notre consommation d'hydrocarbures d'ici 2030.
Ce cap, c'est celui de la diversification du mix électrique qui nous conduira, entre autres, à ramener la part du nucléaire à 50 % à l'horizon 2025 tout en garantissant dans, la durée, la sécurité d'approvisionnement de notre pays.
Ne perdons jamais de vue ces impératifs que sont la sécurité d'approvisionnement de la France, la nécessité de protéger à la fois la compétitivité des entreprises françaises et le pouvoir d'achat des ménages, l'ambition de cohésion sociale et territoriale qui impose d'assurer l'accès de tous à l'énergie et, enfin, et peut-être même d'abord, les enjeux climatiques et environnementaux.
La loi de transition énergétique, que je présenterai au printemps prochain, définira le cadre dans lequel ces principes et ces objectifs trouveront leur traduction concrète. Ce sera une loi importante, une loi de transformation et de préparation de l'avenir, une loi en faveur de la compétitivité des entreprises, du pouvoir d'achat des français, du climat, des énergies renouvelables et des territoires.
Le Gouvernement a mené un grand débat national sur la transition énergétique, pendant 8 mois et en lien étroit avec les Régions et les collectivités locales, notamment animé par Laurence TUBIANA, Bruno REBELLE, Thierry WAHL et Michel ROLLIER, ici présents.
Les recommandations issues de ce débat ont fait émerger des consensus, mais aussi des points de désaccords, ce qui est normal lorsqu'on entend changer un modèle, un système industriel, économique et social.
Il nous reste du travail pour écrire cette loi, et je souhaite que celui-ci fasse une part importante à la concertation, notamment avec les parlementaires, qui seront associés en amont, comme jamais auparavant.
L'initiative de ce débat sur les transports, ce soir, est en quelque sorte une étape de ce travail législatif.
Les transports, ce sont 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre, près d'un tiers de notre consommation d'énergie, et 70 % de la consommation finale de pétrole.
Ils ont donc un impact non négligeable sur notre facture pétrolière. Réduire cette dépendance est donc bien une urgence environnementale, mais aussi une nécessité économique et sociale, un impératif de compétitivité et de pouvoir d'achat. En matière énergétique, la tentation du statu quo serait dévastatrice pour la France, et le « laisser-faire » énergétique se traduirait par un accroissement de notre facture globale de 150 milliards d'euros dans les prochaines décennies. Ce n'est bien sûr pas envisageable.
Voilà pourquoi le Gouvernement promeut les véhicules décarbonés.
Le plan automobile, mis en oeuvre dès août 2012, vise à encourager l'achat de véhicules faiblement émetteurs de CO2 et le dispositif bonus/malus a permis une nouvelle baisse historique de la moyenne des émissions de CO2 des ventes de véhicules neufs. Le choix a été fait, à compter du 1er novembre, de préserver le bonus pour les véhicules électriques, hybrides et ou à très faible consommation thermique avec pour ambition d'accélérer la transition énergétique au profit des véhicules écologiques. Le malus, quant à lui, sera renforcé au 1er janvier.
Nous voulons aussi inventer les véhicules de demain. Dans le cadre des filières d'avenir, annoncées le 12 septembre dernier par le président de la République, le Gouvernement s'est engagé aux côtés des industriels pour inventer et produire la voiture pour tous consommant 2 litres aux 100 kms. De même, nous voulons développer les bornes électriques de recharge ainsi que la puissance des batteries.
Bien entendu, l'accent doit être mis, aussi, sur les transports en commun, c'est à dire sur le quotidien de très nombreux français. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé d'affecter deux tiers des moyens financiers consacrés aux transports à la modernisation des réseaux existants et au changement de matériels roulant.
Avec les collectivités locales, notamment dans le cadre des contrats de plans État/Régions pour 2015-2020, avec RFF, pour moderniser le réseau ferroviaire, avec la SNCF pour renouveler intégralement les trains Intercités entre 2015 et 2025, et même si le contexte budgétaire est ce qu'il est, la mobilisation doit être générale.
Au-delà des transports, permettez-moi de dire un mot de la loi de transition énergétique, et des leviers qui nous permettront d'atteindre nos objectifs climatiques, sociaux et économiques.
L'efficacité énergétique, c'est la priorité numéro 1. Un killowatt pas cher, un kilowatt qui n'aggrave ni le changement climatique ni notre dépendance aux importations énergétiques et aux énergies fossiles, c'est avant tout un killowatt que l'on ne consomme pas. Même si l'expression peut paraitre excessive, c'est un enjeu de souveraineté nationale, car la maîtrise de la demande en énergie peut être une formidable opportunité pour améliorer la compétitivité des entreprises et développer des filières industrielles qui, en concourant à cette maitrise, créeront de la richesse nationale et de nouveaux emplois.
Le programme de rénovation énergétique de l'habitat que nous avons lancé, au mois de septembre dernier à Arras, avec le Premier ministre et Cécile DUFLOT, la TVA à taux réduit sur les travaux de rénovation thermique sont autant d'atouts dont je compte me servir pour affirmer ma vision de la transition énergétique et qui pourrait se résumer en 3 idées : des gains de pouvoir d'achat pour les français, des emplois nouveaux et non délocalisables, une réduction des émissions de gaz à effets de serre pour attendre nos objectifs en matière de limitation du réchauffement climatique.
Dans ce domaine de l'efficacité énergétique des bâtiments, nous travaillons maintenant à la rédaction et à la mise en oeuvre du décret sur la rénovation énergétique dans le secteur tertiaire, décret qui sera publié en 2014 après une phase de dialogue avec les entreprises, notamment grâce au « test PME », dans un esprit de concertation préalable visant à une écriture partagée d'un décret qui doit être le plus simple et le plus lisible possible. Mais les choses vont vite. La semaine dernière, toujours avec Cécile DUFLOT, nous avons lancé une charte volontaire d'engagement, pour les acteurs du tertiaire qui souhaitent, sans attendre la publication du décret, être pionniers en la matière.
A l'occasion de la loi de transition énergétique, nous devrons aller plus loin. Je pense notamment aux transports, collectifs et particuliers, pour lesquels nous avons devant nous un terrain fertile pour l'innovation et l'industrie française.
Nos entreprises, notre industrie, nos ingénieurs et nos ouvriers seront d'ailleurs mobilisés pour activer le deuxième levier de la transition énergétique que sont les énergies renouvelables. Le président de la République l'a rappelé à l'ouverture de la 2ème Conférence environnementale, « notre obligation, c'est d'aller vers les énergies renouvelables ».
Le Gouvernement a déjà pris des mesures d'urgence, notamment pour relancer les filières des énergies renouvelables les plus en difficulté – je pense au photovoltaïque ou à l'éolien, ou pour amorcer certaines filières plus jeunes, comme celle de la méthanisation ou des énergies marines.
Je souhaite que la loi de transition énergétique crée, enfin, le cadre qui permette le développement massif et durable des énergies renouvelables. De toutes les énergies renouvelables, en les priorisant bien sûr, en fonction de ce que l'on appelle leur niveau de maturité.
Il y a tout d'abord les énergies renouvelables thermiques, qui doivent se substituer aux énergies fossiles, dont on parle peu mais qui représente l'essentiel de l'effort en termes de développement des énergies renouvelables. C'est pourquoi, j'ai demandé le doublement du fonds chaleur qui permet de financer ces projets d'énergies thermiques.
Il y a aussi, les énergies renouvelables électriques qui, sans détériorer le bilan CO2 du système électrique, permettront de rééquilibrer le mix électrique et d'améliorer à la fois la sécurité et l'indépendance énergétique de la France.
S'agissant de notre parc nucléaire, le constat est plus simple qu'on ne le croit ou ne le dit. Il est historiquement compétitif, performant et faiblement carboné, mais il n'est pas éternel, comme l'ASN nous le rappelle régulièrement.
Les réacteurs français se ressemblent, par leur modèle et par leur âge, mais pour garantir la sécurité d'approvisionnement de la France et éviter un « black out » en cas de dysfonctionnement en chaîne, nous devons diversifier notre approvisionnement et disposer de marges de manoeuvre. Chacun sait bien que les coûts à venir de l'électricité nucléaire seront plus élevés que ceux d'aujourd'hui, ce qui réduira mécaniquement l'avantage compétitif qu'on présente régulièrement, et à juste titre, de cette énergie par rapport aux renouvelables les plus matures, comme l'éolien. Dans tous les cas, comme l'a souligné le président de la République, il est indispensable que l'État retrouve une place qui lui permettra de piloter notre mix énergétique et de garantir la mise en oeuvre de la stratégie énergétique nationale et, bientôt, je l'espère européenne. Ce sera aussi l'un des objectifs de la loi.
Le développement massif des énergies renouvelables appelle des évolutions de mentalité et de pratiques. Dans le passé, la production devait s'adapter à une consommation électrique qui s'imposait.
Demain, les systèmes innovants permettront qu'une part croissante de la consommation s'adapte à une production qui s'impose en partie. Les technologies et les acteurs existent, mais il nous reste à imaginer une organisation du marché et des systèmes de soutien adaptés, pour que chaque acteur y trouve son compte et pour garantir que les investissements utiles seront réalisés.
Les mécanismes actuels de soutien ont été mis en place à un moment où ces moyens de production étaient peu développés. Les systèmes de tarif de rachat initiés à l'époque avaient le mérite de la simplicité et ont permis un indéniable décollage de l'éolien et du solaire notamment. Passée cette phase, il faut maintenant faire évoluer les dispositifs de soutien pour assurer un développement durable et optimal des énergies renouvelables.
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé de lancer, en amont de la loi de transition énergétique, une consultation large de l'ensemble des acteurs impliqués dans le développement des énergies renouvelables. En évitant les analyses trop rapides et les conclusions hâtives, ce travail devra éclairer les enjeux de la transition vers un nouveau système : le diagnostic sur le fonctionnement du marché de l'électricité et l'enjeu de l'intégration des énergies renouvelables au marché d'une part, les enjeux, opportunités et impacts qu'induirait une évolution du système actuel de soutien aux énergies renouvelables vers un dispositif plus intégré au marché d'autre part.
Pour éviter toute mauvaise interprétation, la réflexion qui s'engage ne signifie en aucun cas la disparition à court terme des mécanismes d'obligation d'achat existants. La transition dans ce domaine sera nécessairement progressive et concertée.
Deux autres sujets doivent, selon moi, faire l'objet d'une réflexion prospective, permettant d'éclairer l'avenir et de mieux orienter nos actions d'aujourd'hui. Je veux parler d'une nécessaire réflexion sur les opportunités, mais aussi les défis posés par la perspective du développement de l'autoproduction. Elle peut changer profondément le modèle économique et industriel de certaines technologies et générer des pratiques nouvelles innovantes dans la gestion des réseaux.
Pour ce qui concerne la filière photovoltaïque, une réflexion stratégique, tant de l'État que des acteurs économiques du secteur, sur son avenir à moyen-long terme est nécessaire, tant sur le modèle économique, que sur celui des choix industriels et technologiques.
Énergies renouvelables, auto production, filière photovoltaïque, ces trois chantiers, lancés en parallèle de la loi sur la transition énergétique alimenteront nos débats parlementaires et permettront de fixer et de stabiliser un cadre législatif mais aussi réglementaire adéquat pour le développement des énergies renouvelables en France.
Je souhaite enfin que la loi sur la transition énergétique puisse être l'occasion d'un élan nouveau et coordonné pour notre système énergétique, un élan qui s'inscrive dans la durée, un élan qui soit à la hauteur de nos ambitions sur le climat, des enjeux de sécurité d'approvisionnement des français, des défis de la France. Cet élan national devra s'appuyer prioritairement sur les collectivités locales, dont les responsabilités devront être accrues, dans le respect de la cohérence nationale : je souhaite que la loi porte des dispositions décentralisatrices ambitieuses.
Voilà, Monsieur le président de l'Assemblée nationale, Mesdames et Messieurs, ce que j'avais à vous dire aujourd'hui. D'autres « mardis de l'avenir », si bien nommés, nous permettront sans doute d'avoir des échanges plus approfondis sur ces bases.
La transition écologique a donc toute sa place et comme le disait Claude BARTOLONE « le Parlement doit être porteur du temps d'avance. Il doit être le lieu où l'on passe, où l'on prépare la France de demain, et d'après-demain ». Et je serai ravi, pour ma part, d'y participer, chaque fois que vous le souhaiterez.

Source http://www.developpement-durable.gouv.fr, le 15 novembre 2013