Texte intégral
Mesdames les Ambassadrices,
Messieurs les Ambassadeurs,
C'est avec un grand plaisir que je vous accueille aujourd'hui.
Je voudrais vous dire aussi que je suis heureuse que vous ayez pu répondre à mon invitation pour cette rencontre qui est une première.
Aujourd'hui, dans ce salon, je m'adresse à l'Afrique de l'Ouest. Je vous rassure, vos homologues d'Afrique centrale, australe et orientale seront également conviés prochainement pour un échange de même nature.
En qualité de ministre déléguée aux affaires étrangères chargée des Français de l'étranger, j'ai à coeur de faire d'abord la connaissance de celles et ceux qui représentent une région du continent africain, dont est issue une partie significative de la population française. Au-delà de cette histoire partagée, heureuse ou douloureuse, l'Afrique de l'ouest et la France continuent de tisser des relations très denses puisque (après l'Europe) l'Afrique de l'Ouest est la seconde destination favorite des Français qui font le choix de l'expatriation. Les Français se trouvent bien en Afrique de l'Ouest ! La moitié d'entre eux décide d'y séjourner au-delà de cinq ans.
Je me suis rendue dans plusieurs des États que vous représentez au cours des derniers mois : le Mali bien sûr, mais également le Niger, le Sénégal, la Côte d'Ivoire ou le Gabon. Je souhaiterais, dans l'année qui vient, visiter d'autres pays de la CEDEAO : je pense au Nigeria, mais aussi au Togo, au Benin, au Liberia ou au Ghana... La vérité c'est qu'il faudrait que je puisse me rendre dans chacun de vos pays puisque partout des communautés françaises y sont installées, que partout les liens qui nous unissent sont denses et nos relations politiques, économiques, culturelles... d'une grande qualité. Il était donc temps que nous nous rencontrions pour nous connaître, et faciliter les échanges à venir, bien sûr.
Dans quelques jours maintenant, l'Afrique sera l'invitée de la France dans le cadre du Sommet de l'Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique. La CEDEAO y sera représentée par les chefs d'États de douze des quinze pays qui la composent. Les autres communautés économiques régionales africaines (CEAC, CEMAC, SADC, EAC...) y seront également représentées par leur présidence. La Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) sera représentée par sa présidence en exercice, en la personne du président Ouattara.
En tant qu'ambassadeurs de l'espace CEDEAO, vous incarnez le dynamisme et le succès d'une organisation considérée par tous comme le modèle d'intégration le plus achevé du continent africain.
Aujourd'hui, l'Afrique de l'Ouest, grâce à la CEDEAO, avance résolument vers un avenir prospère.
C'est la région économiquement la plus dynamique du continent avec 6,6 % de croissance en 2012 et une prévision de 7,4 % en 2014. Ce dynamisme repose en grande partie sur l'intégration économique en cours entre ses États membres.
Depuis sa création, la CEDEAO, qui rassemble quinze États de taille, langue, monnaie, importance économique et culture différentes, a fait le pari de la convergence économique pour le développement commun. Le processus d'intégration au sein de la CEDEAO vient de connaître une étape majeure avec l'adoption d'un tarif extérieur commun.
À son entrée en vigueur le 1er janvier 2015, c'est un grand marché commun de l'Afrique de l'ouest qui sera créé. Ce marché sera très probablement amené à constituer le second pôle commercial du continent.
Dans notre intérêt mutuel, et dans le cadre de la diplomatie économique impulsée par le ministre des affaires étrangères, M. Laurent Fabius, la présence économique française en Afrique de l'Ouest sera amenée à se développer encore. Les entreprises françaises sont sensibles à cette région du monde, à vos pays que beaucoup connaissent; elles souhaitent pouvoir y investir, dans la durée. C'est je crois un point important à souligner : nos entreprises sont prêtes à venir s'installer, à créer des emplois et de la richesse, à effectuer des transferts de technologie, à former les personnels, dans le respect des normes sociales, éthiques et environnementales les plus exigeantes. Par exemple, nous souhaitons pouvoir accompagner le développement de la Sierra-Leone au travers du secteur de l'hôtellerie ; au Ghana, nos entreprises s'intéressent au secteur pétrolier et parapétrolier. Mais c'est bien dans l'ensemble de vos pays, dans l'ensemble des secteurs que nous souhaitons pouvoir travailler avec vous.
La dynamique impulsée par la CEDEAO est aussi politique et démocratique. J'en veux pour preuve les actions menées par nombre de vos pays dans un domaine qui m'est cher, celui de la lutte contre les violences faites aux femmes, et en particulier la lutte contre les mariages forcés.
Dès ma prise de fonction, j'en ai fait une priorité. J'ai demandé aux services du ministère de réaliser une grande enquête au niveau mondial auprès de nos représentations diplomatiques et consulaires, afin de mesurer le niveau de mobilisation et d'information de nos postes. Cette étude nous a permis de dresser une typologie des pays pouvant être touchés, et d'améliorer la formation pour renforcer la lutte contre cette violence faite aux femmes. Je sais combien la réussite de ce plan d'action dépend de l'engagement des autorités des pays où cette pratique existe.
Je tiens tout particulièrement à saluer l'appui des autorités sénégalaises en la matière, grâce auxquelles nous avons pu mettre en sécurité, par une action conjointe, trois ressortissantes binationales cette année. J'ai conscience que nombre de vos pays sont engagés dans cette voie, et sont notamment partie au protocole de Maputo. Nous devons, ensemble, continuer à convaincre par-delà les pays signataires.
Au niveau politique toujours, il convient également de souligner les progrès faits en matière de démocratie élective. L'organisation et le déroulement des scrutins, les conditions de contrôle et de vérification des résultats, donc leur acceptation par l'ensemble des secteurs de la société, progressent partout : le Sénégal avec la présidentielle de 2012 ; le Mali avec les élections présidentielle puis législatives cette année, le Ghana qui a géré sereinement les suites de la présidentielle disputée de décembre 2012 ou encore le Togo et la Guinée avec les élections législatives récentes en sont des illustrations fortes.
On constate, un peu partout dans votre région, des progrès dans les dispositifs électoraux, qui permettent de mieux garantir la sincérité du scrutin, et offrent des garanties de recours en cas de contestation.
Les conflits sont aussi moins nombreux car les médiations de la CEDEAO remplissent leur rôle et contribuent à désamorcer les tensions. Enfin, lorsque les tensions sont fortes, la CEDEAO est capable d'intervenir militairement pour rétablir la paix et la stabilité.
Dans la crise malienne, la CEDEAO a revendiqué et conservé un rôle majeur dans le processus de sortie de crise en suivant une double approche politique (notamment feuille de route pour la restauration de l'ordre constitutionnel et transfert du pouvoir aux civils) et militaire (déploiement de la MISUSMA/MISMA) et ce, jusqu'à la conclusion des accords de Ouagadougou.
Dans la crise bissao-guinéenne, l'ECOMIB (Mission de la CEDEAO en Guinée-Bissao) s'est déployée en un temps record (un mois tout juste après le coup d'État du 12 avril) et à partir d'un financement exclusivement africain. Stationnée à Bissao depuis plus d'un an, l'ECOMIB remplit son mandat : elle a permis le retrait des troupes angolaises, elle appuie la mise en oeuvre de la réforme du secteur de la sécurité et, enfin, sécurise la transition et le processus lectoral en cours. C'est un véritable succès pour la CEDEAO.
La CEDEAO est ainsi un acteur incontournable de la paix et de la sécurité régionale, mais, nous en sommes tous conscients.
Les interventions de la Force en attente de la CEDEAO se heurtent à des problèmes récurrents dans les domaines de la génération de forces, de la logistique et du financement. Il appartient à l'Afrique de l'Ouest et la CEDEAO d'agir. La CEDEAO en a la volonté politique. Comment l'aider dans cette voie ? Le sommet de l'Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique a, notamment, pour objet de répondre à cette question : comment la France peut-elle aider l'Afrique, et donc l'Afrique de l'Ouest, à se doter des capacités pour intervenir demain dans une situation de crise ? Sans préjuger des conclusions du sommet, je pense que nous pourrions mettre à profit ce déjeuner pour échanger sur ce thème mais aussi sur la dynamique d'intégration en cours dans la CEDEAO.
Enfin, vous le savez, les enjeux de paix et de sécurité en Afrique de l'ouest ont des incidences directes sur mes compétences ministérielles, notamment lorsque des ressortissants français sont concernés. Sans entrer dans le détail de ces affaires éminemment sensibles, je souhaiterais simplement remercier l'ensemble des États d'Afrique de l'ouest pour leur soutien et leur aide dans ces épreuves difficiles et humainement douloureuses.
Je souhaite, en particulier, saluer notre action commune menée dans le cadre de la résolution 1624 du CSNU (Les États doivent s'assurer que toutes les mesures qu'ils adoptent pour appliquer la résolution sont conformes à toutes leurs obligations en vertu du droit international, notamment les droits de l'homme, le droit des réfugiés et le droit humanitaire), sanctionnant l'apologie du terrorisme. La France soutient également le travail effectué dans le cadre du mémorandum d'Alger (Forum global contre le terrorisme) auquel nombre de vos pays respectifs ont participé. Par ailleurs, les dispositions de la Convention relative à l'entraide judiciaire en matière pénale (Dakar 1992) ainsi que celles de la Convention sur l'extradition (Abuja 1994) sont une avancée.
Le terrorisme est un défi qui nous rassemble, tant il menace notre sécurité, en France mais également dans vos pays respectifs. En cela, le rôle des pays de la CEDEAO dans l'action menée par la MINUSMA, a été essentiel. Je serai à l'écoute de toutes vos remarques à ce sujet, mais je tiens, bien sûr, à saluer les dispositions qu'ont prises vos gouvernements en faveur de la paix et de la sécurité en Afrique de l'Ouest. Soyez-en remerciés.
Je vous remercie de votre attention.Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2013