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Demain soir, l'équipe de France de football féminin rencontre la Bulgarie pour la quatrième journée des qualifications pour la Coupe du monde 2015. Notre équipe est l'une des meilleures en Europe et elle est en tête de son groupe de qualification.
Pourtant, aucune chaîne de télévision ne retransmettra ce match. Aujourd'hui encore, les femmes n'ont pas toute leur place dans le sport.
C'est donc avec une volonté d'agir toujours aussi forte, que j'ouvre aujourd'hui cette conférence dédiée au sport féminin et à sa médiatisation. Nous abordons là un enjeu capital pour développer la pratique sportive des femmes, et plus largement promouvoir leur place dans la société.
Je tiens à remercier le think tank « Sport et citoyenneté », et son directeur Julian Jappert, qui organisent cet événement. C'est l'occasion de partager les contributions de tous les acteurs. Il est évident que, pour promouvoir le sport féminin, une politique unilatérale de l'Etat serait insuffisante ; nous construisons donc une politique en partenariat avec tous les acteurs du sport. Nous avons déjà entamé cette démarche lors des Etats Généraux du sport féminin qui se sont tenus à Bourges, en mai ; la médiatisation y était un enjeu majeur.
Je tiens aussi à remercier le CNOSF qui accueille cette manifestation, nous connaissons son attachement particulier à la diversité du sport. Et je tiens enfin à saluer le travail du CSA, présidé par Olivier Schramek et représenté aujourd'hui par Christine Kelly. Chère Christine, nous avons souvent l'occasion de collaborer lors de la journée du sport féminin, la semaine dernière encore sur le sport-santé. Votre volontarisme est une extraordinaire source d'énergie et de motivation pour ceux qui travaillent à vos côtés. Vous oeuvrez inlassablement en faveur des sportives françaises et le CSA apporte ainsi un appui précieux à notre politique.
Depuis 18 mois en effet, nous avons mis en place une politique ambitieuse de promotion et de développement du sport féminin, dans laquelle le CSA a joué un rôle important. Il a procédé en 2012 à une étude essentielle, pour établir la réalité chiffrée de l'offre médiatique.
Je suis sûre que nous y reviendrons je ne donnerai qu'un chiffre révélateur : sur la période analysée, le volume horaire de diffusion des compétitions féminines s'établit à 7% seulement du volume global de retransmissions sportives des douze chaînes étudiées.
Il apparait clairement aujourd'hui, comme le souligne régulièrement « Sport et citoyenneté », que le sport féminin souffre à la fois d'une médiatisation trop faible et sélective.
Ces chiffres ne reflètent pourtant pas l'attractivité réelle du sport féminin. Les chaînes qui diffusent ces compétitions enregistrent d'excellentes audiences, et ce même pour les sports collectifs, dont les leaders sont moins connus que les athlètes des sports individuels : la demi-finale de la Coupe du Monde féminine de Football en 2011 reste à ce jour la plus forte audience jamais atteinte par une des chaînes de la TNT gratuite, avec plus de 2 millions de téléspectateurs ! L'Euro de Basket féminin a également provoqué un intérêt médiatique sans précédent !
Une plus large diffusion permettrait ainsi d'initier un cercle vertueux : développement de la pratique, développement des partenariats et développement du potentiel économique du sport concerné. Ce constat, d'autres l'ont fait avant moi et ont commencé à agir. Nous sommes ici dans les locaux du CNOSF et je veux, cher Denis Masseglia, saluer une nouvelle fois votre volonté ancienne d'assurer une médiatisation de la diversité des pratiques sportives.
J'ai donc souhaité apporter la contribution du ministère et trouver des solutions à long terme. Au vu de l'enjeu, nous ne pouvions nous satisfaire de mesures ponctuelles de circonstance !
On sait que la médiatisation a un impact direct sur la pratique car les jeunes filles comme les jeunes garçons - ont besoin des champions-modèles.
On se tourne alors avec raison vers internet. C'est vrai, c'est un territoire à conquérir pour nos stratégies de communication. Mais je suis persuadée que cela ne suffira pas, en termes d'impact sur le public. Il faut une politique plus ambitieuse qui englobe la télévision gratuite. Après avoir mené une concertation avec les fédérations et les diffuseurs, il est apparu que l'un des principaux freins à la diffusion du sport féminin à la télévision résidait dans les coûts de production, aggravés par l'absence d'équipements dans certaines salles.
J'ai donc le plaisir de vous annoncer qu'un fonds de soutien d'1 million d'euros à la production d'images sportives a été créé dans le cadre de la réforme du CNDS. La création de ce fonds je tiens à le souligner - a été votée à l'unanimité il y a une semaine au CA du CNDS. Mouvement sportif, collectivités tous sont unis pour faire de ce défi une priorité du sport français !
Ce fonds s'adresse aux fédérations sportives pour la diffusion de compétitions féminines, d'épreuves de handisport et sport adapté qui ne sont pas médiatisées, et qui ne possèdent pas encore de valeur marchande auprès des chaînes.
Le principe est simple : les fédérations pourront présenter au CNDS un projet en partenariat avec un diffuseur TV gratuit pour retransmettre une compétition féminine. Elles recevront en retour une prise en charge partielle des coûts de production, sous la forme de subventions. Des aides à l'équipement des salles de sport collectif pourraient également être prévues dans le cadre de l'enveloppe nationale investissement du CNDS. Ce dispositif sera opérationnel au second trimestre 2014, après le travail de configuration technique que nous allons mener avec le CNOSF et les parties prenantes, afin qu'il soit efficace et totalement complémentaire des dispositifs existants.
Mais cela ne suffit pas. Dans le cadre du Comité Interministériel aux Droits des femmes, nous avons ouvert de nombreux chantiers et défini 5 priorités. Féminiser les instances dirigeantes (40% des fédérations respectent l'ensemble des dispositions de l'article R.131-3) du code du sport, contre 24% en 2009), Corriger les inégalités d'accès à la pratique, Féminiser l'encadrement technique (7 DTN femmes sont déjà nommées), Assurer la réussite des sportives de haut niveau, Lutter contre les discriminations et les violences faites aux femmes dans le monde du sport (dans le cadre du 4e plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes, nous avons diffusé auprès des acteurs du sport et de la formation un guide juridique sur le sujet).
Les fédérations ont désormais l'obligation de se doter d'un plan de féminisation et on peut déjà constater des progrès notables. Je remercie donc toutes les fédérations de participer à cette politique ambitieuse.
Toutes ces mesures s'inscrivent bien sûr dans une démarche interministérielle. Je tiens ici à rendre hommage au travail important que mène, à mes côtés, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des Femmes.
Nous sommes déterminées à promouvoir la place des femmes dans la société. C'est un combat qui prendra place aussi dans les évolutions de la gouvernance du sport, définies par la future loi de modernisation du sport. Et ce chantier nécessite la collaboration de tout le mouvement sportif.
Cette démarche interministérielle a notamment donné lieu, toujours dans le domaine de la médiatisation, à l'élargissement du Décret Télévision Sans Frontières. Un projet de modification a été proposé au CSA en juillet dernier pour féminiser les compétitions inscrites dans le texte et qui ne le seraient pas déjà. Il est à l'examen de la commission européenne.
J'ai également pris position dans le cadre de la consultation ouverte par le CSA sur les « brefs extraits » en souhaitant que ce droit de citation gratuit offert aux chaînes ait pour contrepartie la diffusion de la diversité des pratiques sportives.
Pour la première fois, une vraie volonté politique préside à la promotion du sport féminin. Si nous améliorons sa médiatisation, je suis persuadée que nous enclencherons un cercle vertueux qui favorisera la pratique, l'accès aux responsabilités, etc.
Il n'y a qu'une méthode : il faut se battre sur tous les fronts pour donner une impulsion qui, en s'étendant à tous les domaines, fera progresser la cause des femmes.
Nous devons rester mobiliser et continuer à échanger, comme nous le faisons aujourd'hui. Je suis sûre que cette journée sera fructueuse. Je vous remercie.
Source http://www.sports.gouv.fr, le 28 novembre 2013