Déclaration de Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement, sur l’avenir de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) et les quatre objectifs prioritaires de la politique du logement, à Paris le 27 novembre 2013.

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Circonstance : 60e anniversaire d'Action logement, à Paris le 27 novembre 2013

Texte intégral

Monsieur le président,
Monsieur le vice-président,
Mesdames et messieurs les élus,
Mesdames et messieurs,
C'est avec une certaine émotion que je m'exprime devant vous aujourd'hui à l'occasion de ce 60ème anniversaire du mouvement d'Action Logement.
C'est un moment particulier car j'ai, vous le savez un attachement personnel à ce mouvement et à ces valeurs, mais également car il se déroule à un moment important de l'histoire d'Action Logement, après que nous avons bâti ensemble, au cours des 18 derniers mois, les fondations sur lesquelles construire une dynamique nouvelle.
Alors que ces changements importants sont en cours, il n'est jamais inutile de se rappeler l'histoire des institutions dont nous avons la responsabilité, comme vous le faites aujourd'hui en célébrant les 60 ans de la participation des employeurs à l'effort de construction (PEEC).
Innover cette histoire, c'est bien souvent courir le risque de reproduire les erreurs du passé. De ce point de vue, la création de la PEEC est riche d'enseignements.
Elle s'inscrit dans un mouvement ancien qui remonte au début du 20e siècle et la naissance des politiques publiques du logement. Car la question de la contribution des entreprises à l'amélioration des conditions de logement des salariés n'est pas nouvelle. Depuis plus d'un siècle, de la nécessité de sortir de leurs taudis les populations ouvrières de la fin du XIXe siècle, au besoin de loger les salariés des trente glorieuses qui reconstruisent la France, jusqu'aux défis actuels posés par l'explosion des coûts de l'immobilier, la puissance publique, les employeurs et les salariés ont été confrontés à la question essentielle du lien entre emploi et logement.
Entre la tentation du paternalisme patronal et celle de laisser seule la puissance publique assumer la responsabilité des politiques du logement, une troisième voie fut imaginée. Cette voie c'est celle de la création de la PEEC et du 1 % logement. C'est celle d'un mouvement né au sortir de la guerre, d'une initiative volontaire du patronat et des syndicats du Nord, et qui fut, en 1953, généralisée sous la forme d'une contribution obligatoire des entreprises, gérée paritairement par les employeurs et les salariés. Cette solution permettait de dégager des ressources importantes pour améliorer les conditions de logement des salariés tout en préservant la nécessaire indépendance entre le contrat de travail et le contrat de bail.
Cette histoire, cet héritage, nous ne devons pas l'oublier. Cela ne signifie pas qu'il faille cristalliser le mouvement, ne rien oser changer. Mais cela signifie qu'au moment de proposer les évolutions nécessaires, nous devons nous rappeler le but poursuivi, les étapes qui nous ont amené au point où nous sommes, le sens de l'action que nous menons.
Ces dernières années, cet impératif a pu, je le crains parfois être oublié. Tant de la part du mouvement, dont certaines organisations s'étaient égarées au-delà de leur mission d'intérêt général, que de la part de l'État qui, face à cette situation, a décidé de changements brutaux en réduisant le mouvement à une simple source de financements, conduisant à la confusion des rôles et des responsabilités.
Cette situation n'était pas tenable. Certains considéraient qu'il fallait aller jusqu'au bout de la logique et « budgétiser » Action Logement et que l'État devait seul reprendre la main sur la PEEC.
Je ne partage pas cette vision. Je suis convaincue, au contraire, de la richesse qu'apporte à la politique du logement la vision paritaire, de la passerelle qu'elle forme entre le monde de l'entreprise et celui du logement, de la puissance que constitue le réseau des collecteurs, des ESH, des filiales, de l'AFL, pour servir la cause nationale du logement.
Il est malheureusement souvent plus facile de détruire que de construire, de privilégier la décision unilatérale plutôt que le dialogue. En signant la lettre d'engagement mutuel du 12 novembre 2012, nous avons fait un choix différent. Celui de construire un nouveau partenariat entre l'État et Action Logement. Ce ne fut pas facile. Mais je crois pouvoir affirmer aujourd'hui que nous y sommes parvenus.
Du côté de l'État, nous nous étions engagés :
- à faire évoluer le cadre législatif de la PEEC, pour le simplifier, renforcer les outils du pilotage du réseau par l'UESL, et pour surtout revenir à un mode de gestion véritablement contractuel des emplois de la PEEC. Ces mesures figurent toutes dans le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové qui a été voté en première lecture dans les deux chambres ;
- à garantir la soutenabilité du modèle financier d'Action Logement en réduisant progressivement les contributions de la PEEC aux politiques publiques de l'État. Cet engagement a été confirmé par le Premier ministre lui-même dans le courrier qu'il vous a adressé le 16 juin dernier.
Du côté d'Action Logement, vous vous étiez engagés :
- à mobiliser de façon exceptionnelle les ressources du mouvement en faveur de la production de logements locatifs sociaux au cours des trois prochaines années et à emprunter pour cela 1 milliard d'euros par an auprès des fonds d'épargne. Le décret fixant les enveloppes des emplois a été modifié en conséquence et vous avez signé la convention d'emprunt lors du congrès de l'USH il y a quelques semaines ;
- à renforcer les liens d'Action Logement avec les territoires en dynamisant la coopération avec les agglomérations des bassins d'emplois prioritaires. Là aussi, le chantier est en cours et les démarches engagées auprès des collectivités.
Un an après la signature de la lettre, nos engagements respectifs ont donc tous été tenus. J'y vois la démonstration que la voie du partenariat et de la confiance réciproque que nous avons choisie est la bonne.
Ces fondations sont essentielles et nous permettront de relever ensemble les défis qui nous font face. Je souhaite insister sur quatre d'entre eux qui m'apparaissent comme prioritaires.
Premièrement, la production de logements locatifs sociaux. C'est la priorité des priorités. Alors que les ménages en attente d'un logement abordable sont de plus en plus nombreux, que le secteur de la construction souffre d'une demande privée atone, le logement social doit jouer le rôle contra-cyclique qui est le sien. Vous connaissez l'objectif ambitieux du Gouvernement en la matière : 150 000 logements sociaux par an. La mobilisation d'Action Logement sera l'un des leviers déterminants dans l'atteinte de cet objectif. Je compte sur vous.
Deuxièmement, le logement intermédiaire. Construire du logement social est indispensable mais cela ne suffira pas. Il faut agir sur l'ensemble de l'offre et en particulier répondre au segment manquant entre le parc social et le parc privé. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité relancer la production de logements intermédiaires en instituant dans le projet de loi de finances pour 2014 un cadre fiscal nouveau : taux de TVA réduit à 10 % et exonération de TFPB. Un véritable statut sera également donné au logement intermédiaire via l'ordonnance qui sera prise en début d'année prochaine. Les conditions sont toutes réunies. Les investisseurs institutionnels sont prêts à revenir. Le logement intermédiaire, qui s'adresse aux salariés, est au coeur de la mission et des outils d'Action Logement. Il faut désormais que le mouvement prenne toute la part qui lui revient dans ce chantier !
Troisièmement, la mise en oeuvre du droit au logement opposable. Le logement des salariés c'est aussi celui des plus modestes, des plus précaires, de ceux qui sont à la recherche d'un emploi. Là aussi, Action Logement a un rôle important à jouer. La loi l'a quantifié en imposant qu'un quart au moins des attributions de logements sociaux effectuées sur le contingent des collecteurs bénéficie à des ménages prioritaires au titre du DALO et c'est une très bonne chose.
Quatrièmement enfin, la garantie universelle des loyers. C'est-à-dire la question de la sécurisation des parcours résidentiels et de la lutte contre la discrimination lors de l'accès au logement. La garantie universelle des loyers est notamment le fruit d'une réflexion à partir d'initiatives pour lesquelles les partenaires sociaux ont joué un rôle de pionniers : Locapass, le Pass-GRL puis la GRL. La GUL s'inscrit précisément dans la continuité de cette dernière, dont elle s'inspire, dont elle souhaite tirer les leçons et amplifier l'ambition.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité associer, dès l'origine, les partenaires sociaux à l'élaboration de ce projet, et que nous continuons, en ce moment même à y travailler ensemble.
Nous avons choisi un chemin législatif particulier : celui de la co-construction. Et je suis heureuse de pouvoir vous dire que nous allons aboutir et créer un dispositif robuste, qui bénéficiera à plus de 6 millions de locataires et dont j'espère pouvoir fêter les soixante ans, en 2073. Et à cette occasion, on se demandera sans doute « comment on faisait avant » que la garantie universelle des loyers ne soit mise en place, un peu comme on peut aujourd'hui se demander comment on ferait pour soutenir l'effort de construction si la PEEC n'existait pas.
Je n'ignore pas cependant que la question du financement inquiète. Sur ce point, je souhaite être claire. La GUL a vocation à prendre la suite de la GRL, et de ce fait, j'appelle de mes voeux la participation des partenaires sociaux d'Action Logement tant à sa gouvernance qu'à son financement. Nous discuterons du montant de cette participation sereinement dans le cadre contractuel que nous avons dessiné ensemble. Il n'est cependant pas question que celle-ci remette en cause la soutenabilité du modèle financier sur lequel nous nous sommes mis d'accord et dans lequel figurait une contribution pérenne pour la GRL, qui constitue une référence à prendre en compte.
Vous le voyez, le cadre juridique est en voie d'être posé, le modèle financier est stabilisé, les objectifs du Gouvernement sont clairement affirmés. Les conditions sont donc réunies pour que nous passions à une nouvelle étape.
Cette étape, que je souhaite initier dès le printemps 2014, se matérialisera notamment par la négociation de la convention pluriannuelle entre l'Etat et Action Logement qui fixera les emplois de la PEEC pour les années à venir. Mais je souhaite qu'elle ne se réduise pas à une simple discussion financière. Il faut qu'elle soit bien plus que cela.
Alors que le marché de l'emploi et le tissu des entreprises ont profondément changé ces dernières années, que les difficultés des salariés se sont durcies face à la hausse des prix de l'immobilier, une réflexion large me semble nécessaire. Comment le mouvement Action Logement peut-il répondre au mieux à ces missions ? Comment mettre en capacité les salariés de se loger à un coût abordable à proximité raisonnable de leur lieu de travail ? Comment accompagner les mobilités géographiques et professionnelles ? Comment répondre aux attentes des entreprises qui sont de plus en plus conscientes des conséquences des crises du logement pour leur recrutement comme pour le bien être de leurs salariés ? Comment utiliser au mieux les moyens de la PEEC dans un contexte où l'argent se fait de plus en plus rare ?
Je souhaite que ces questions fassent l'objet d'une réflexion commune, entre l'Etat et les partenaires sociaux, avant que nous fixions par convention les grands axes qui guideront la stratégie d'emploi de la PEEC pour les cinq prochaines années.
Vous l'avez compris, le cadre posé par la lettre d'engagements mutuels du 12 novembre 2012, collectivement mis en oeuvre depuis plus d'un an, n'est pas un aboutissement mais, au contraire, un point de départ.
Les fondations ont été posées. Il nous reste à bâtir ensemble le reste de l'édifice qui sera capable de répondre aux défis nouveaux que nous posent les crises du logement. Nous démontrerons alors que la gestion partenariale d'un sujet aussi sensible et essentiel pour les Français, le logement, est un choix pertinent.
C'est à cette condition que pourra être maintenue la force du modèle d'Action Logement, pour de nombreuses années, et de nombreux anniversaires à venir !
Je vous remercie.
Source http://www.territoires.gouv.fr, le 10 décembre 2013