Interview de M. Bernard Cazeneuve, ministre du budget, à "Itélé" le 15 janvier 2014, sur le programme de réduction des dépenses budgétaires (50 milliards) à l'horizon 2017 et les domaines concernés comme par exemple la carte territoriale.

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BRUCE TOUSSAINT
Vos questions à Bernard CAZENEUVE, qui est l'invité d'I TELE ce matin. Vous connaissez le principe avec le Hashtag de l'émission sur Twitter, vous pouvez interpeller directement le ministre du Budget. Bonjour Bernard CAZENEUVE.
BERNARD CAZENEUVE
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
J'allais vous demander un peu familièrement : vous avez combien sur vous ? Parce qu'il faut trouver visiblement cinquante milliards d'économie d'euros d'ici à 2017, comment on fait ?
BERNARD CAZENEUVE
Ce n'est pas à la portée de mes poches, mais c'est à la portée de ma volonté. Il faut que nous poursuivions l'action que nous avons déjà engagée, depuis maintenant vingt mois que nous sommes en situation de responsabilité, les déficits diminuent, le déficit public était à peu près de 5,3% lorsque nous sommes arrivés, l'an prochain, il sera de 3,6%, il en est de même sur les comptes sociaux. Comment aller plus loin ? Nous ne pouvons pas aller plus loin si nous n'engageons pas – le président de la République l'a dit hier – des réformes de structure qui permettront de mieux organiser l'administration, pour assurer la montée en gamme des services publics et de la protection sociale, et faire davantage d'économies. Ça veut dire quoi concrètement ? Ça veut dire réfléchir à l'organisation territoriale, à l'articulation des collectivités territoriales, faire en sorte qu'elles fusionnent par exemple…
CHRISTOPHE BARBIER
On va en parler…
BERNARD CAZENEUVE
Nous y reviendrons. Ça veut dire s'occuper de mettre en oeuvre la stratégie nationale de santé en faisant en sorte que se fassent à l'hôpital les gestes les plus techniques, que l'on puisse réarticuler la relation entre médecine de ville et hôpital, que l'on puisse – comme l'a dit le président de la République – engager une véritable politique du médicament générique, qu'on puisse développer l'hospitalisation à domicile, la chirurgie ambulatoire, ça veut dire poursuivre la réflexion sur de grandes politiques publiques, qui doivent être passées au scanner de manière à ce que nous puissions faire en sorte que chaque euro dépensé soit un euro utile…
CHRISTOPHE BARBIER
Très bien, regardons…
BERNARD CAZENEUVE
Voilà ce que nous allons faire…
CHRISTOPHE BARBIER
Regardons tout cela, ça veut dire, vous aussi, vous aimez l'anaphore, comme le président, alors regardons tout cela dans l'ordre, ça veut dire moins de fonctionnaires en 2017 qu'aujourd'hui ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais nous avons pris un engagement qui est celui de la stabilisation de la Fonction publique, pourquoi ? Parce que nous avons défini des priorités, et ce que nous voulons faire, en faisant des économies…
CHRISTOPHE BARBIER
Très bien…
BERNARD CAZENEUVE
Et nous allons le faire de façon résolue, ne signifie pas que nous oublions ce que sont les priorités sur lesquelles le président de la République a été engagé…
CHRISTOPHE BARBIER
Stabilisation, pas diminution des effectifs ?
BERNARD CAZENEUVE
Donc 1°) : l'Education. 2°) : la sécurité. 3°) : la justice, et ça veut dire que pour financer ces priorités, il faut que nous fassions des économies partout ailleurs, et que nous maîtrisions la masse salariale.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il n'y aura pas de « 1 sur 2 non remplacé » à la HOLLANDE ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais ça, ce sont des mauvaises politiques…
CHRISTOPHE BARBIER
Très bien, bon, très bien…
BERNARD CAZENEUVE
Parce que ces politiques-là sont des politiques de rabot, qui mettent toutes les administrations dans la même situation sans tenir compte de ce que sont les priorités politiques du quinquennat, sans tenir compte de ce qu'est la situation des administrations, et à la fin, les services publics sont plus faibles. Nous, nous voulons que notre politique, par un effort d'organisation, par un effort de révision des politiques publiques, nous permette de faire en sorte que chaque euro dépensé soit un euro utile.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous évoquiez les collectivités locales, le maire de Cherbourg, l'ancien, l'élu de Cherbourg, est-il pour la fusion des 2 Normandie ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais, vous avez raison de m'interroger de cette manière-là, parce que lorsque j'ai été élu à Cherbourg, j'ai été élu maire d'Octeville, et j'ai fusionné deux ans après, après un référendum, la ville d'Octeville avec la ville de Cherbourg. En dix ans, nous avons fait 20% d'économies. Et à quoi avons-nous utilisé ces économies ? Nous les avons utilisées à investir dans les équipements de la ville, les équipements publics, donc nous avons fait mieux de services publics, et nous avons fait en sorte aussi que ces économies permettent de ne pas endetter la ville.
CHRISTOPHE BARBIER
On fait les 2 Normandie alors ?
BERNARD CAZENEUVE
Donc les 2 Normandie, j'y ai toujours été extrêmement favorable, et moi, je pense que les économies dans les collectivités locales, plutôt que de proposer de façon unilatérale la suppression d'une collectivité territoriale, il vaut mieux encourager partout les fusions, en laissant les élus faire leur choix…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça va donner une carte de France un peu bizarre…
BERNARD CAZENEUVE
Mais pas du tout, regardez par exemple ce qui s'est passé à Lyon, à Lyon, il a été décidé de fusionner le département avec l'agglomération, les élus ont décidé de le faire…
CHRISTOPHE BARBIER
Ça fonctionne…
BERNARD CAZENEUVE
Ça fonctionne. Si demain, les élus de Normandie – et je souhaite qu'ils le fassent, en tous les cas, je me suis toujours battu en Normandie pour cela – décident de fusionner la Haute et la Basse-Normandie, nous aurons de la mutualisation, nous aurons des économies de fonctionnement, et nous aurons une région Normandie qui pèsera davantage dans l'Union européenne, parce que l'Europe est aussi une Europe des régions.
CHRISTOPHE BARBIER
Si demain, le Bas-Rhin et le Haut-Rhin fusionnent, ce qu'ils ont refusé par référendum il y a peu de temps, vous, ministre du Budget, vous leur donnez combien ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais je pense que dans la perspective de l'élaboration du budget 2015, il faut, en liaison avec les grandes associations d'élus, avec le ministère des Collectivités locales et de la réforme de l'Etat, que nous engagions la réflexion, quelle est la proposition que je ferais ? C'est que les collectivités locales qui s'apprêtent à fusionner bénéficient d'un bonus, et que celles qui refusent de mutualiser leurs moyens de fonctionnement, qui refusent de se rassembler, lorsque c'est nécessaire, eh bien, elles aient moins de dotations que les autres, c'est assez simple.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors pour les entreprises, les cotisations familiales seront supprimées à l'horizon 2017, où est-ce que vous trouverez l'argent pour compenser et continuer à verser de l'argent aux familles ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais d'abord, nous avons engagé déjà une réforme de la protection sociale, nous avons décidé de faire un allègement net de charges, qui pèsent sur les entreprises à travers le crédit d'impôt compétitivité emploi…
CHRISTOPHE BARBIER
Très bien, mais là, on va plus loin…
BERNARD CAZENEUVE
Le président de la République dit : compte tenu de ce que nous avons déjà fait sur le crédit d'impôt compétitivité emploi, allons plus loin, essayons de faire en sorte – dans le cadre du dialogue social, le Haut Conseil du financement de la protection sociale est saisi – de créer les conditions d'une diminution des cotisations…
CHRISTOPHE BARBIER
Mais les associations familiales s'inquiètent…
BERNARD CAZENEUVE
Non, parce que le président de la République a été extrêmement clair hier, il ne s'agit pas de modifier les prestations dont bénéficient les familles de France, il s'agit de modifier le système de financement, et par conséquent, si nous voulons baisser les cotisations payées par les entreprises pour financer la politique familiale, il faut – le président de la République l'a dit hier – faire des économies. C'est la raison pour laquelle dans la perspective de 2015, moi, j'ai un objectif et un seul, des économies, des économies et encore des économies, pourquoi ? Pour sauver notre système de protection sociale, et assurer la montée en gamme de nos services publics.
CHRISTOPHE BARBIER
Si la France dépasse les 1% de croissance, atteint 1,2 en 2015, les impôts baisseront, a confirmé le président hier à Camille LANGLADE. Vous maintenez aussi, vous, ce pronostic heureux ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais c'est dans notre trajectoire de finances publiques…
CHRISTOPHE BARBIER
On peut l'atteindre ?
BERNARD CAZENEUVE
Mais bien entendu que nous pouvons l'atteindre, mais il faut pour cela être résolu à faire ce travail de modernisation de nos services publics. Le président de la République a eu une formule très forte hier, il a dit : ce que nous faisons sur les services publics et sur la protection sociale, c'est destiné à garantir la soutenabilité du patrimoine de ceux qui n'en ont pas, et le patrimoine de ceux qui n'en ont pas, c'est quoi ? C'est les services publics et la protection sociale. Donc ce que nous faisons en engageant le pays dans cette stratégie de réformes, c'est de faire en sorte que nous puissions garantir ce à quoi les Français tiennent le plus, notre système de protection sociale, le modèle social français.
CHRISTOPHE BARBIER
Les syndicats ne sont pas contents ce matin, vous voyez tout à l'heure Jean-Claude MAILLY, qu'allez-vous lui dire pour qu'il embraye dans ce pacte de responsabilité ?
BERNARD CAZENEUVE
La volonté qui est celle du gouvernement, c'est de faire en sorte que la transformation de la société, la modernisation de la société, le redressement de notre appareil production, se fassent par le compromis et pas par le passage en force. Et nous avons d'ailleurs obtenu déjà des résultats, le contrat de génération, l'accord national interprofessionnel sur la sécurisation des parcours, l'accord que vient de signer Michel SAPIN sur la formation professionnelle…
CHRISTOPHE BARBIER
La formation professionnelle, mais là, s'ils disent non, là ?
BERNARD CAZENEUVE
Non, mais il faut enclencher cette dynamique en disant : ce que nous voulons faire à travers le pacte de responsabilité, c'est un appareil productif plus fort, plus véloce dans la compétition internationale, avec la volonté de faire en sorte qu'il y ait plus de dialogue social dans les entreprises, et davantage d'emplois, et pour qu'il y ait davantage d'emplois, le dialogue doit porter non seulement sur la formation professionnelle, sur l'aide apportée aux chômeurs qui sont les plus en difficulté, mais aussi sur la stratégie d'effectifs des entreprises.
CHRISTOPHE BARBIER
Et que dites-vous à Jean-Luc MELENCHON, qui dit : tromperie assumée, HOLLANDE/GATTAZ, c'est du sérieux, donc le président des patrons ?
BERNARD CAZENEUVE
Oui, mais enfin, Jean-Luc MELENCHON, il est souvent dans l'invective, il est assurément presque toujours maintenant dans l'excès, on a le sentiment, lorsqu'il s'exprime, qu'il veut l'échec de la gauche plutôt que sa réussite. Et ce qu'il propose généralement est de nature à remettre en cause ce à quoi nous tenons le plus, c'est-à-dire les services publics et la protection sociale, parce que si nous menions cette politique, il n'y aurait plus à terme de services publics et de protection sociale, parce que si nous voulons assurer encore une fois la soutenabilité du modèle social français, il faut assurer son financement à long terme. Et ce qu'il propose est de nature à creuser les déficits, à creuser les dettes, à compromettre les chances de la croissance, et affaiblir nos services publics.
CHRISTOPHE BARBIER
Le président n'a pas voulu commenter sa vie privée, on apprend ce matin dans LE CANARD ENCHAINE que Julie GAYET a été nommée dans un jury pour la Villa Médicis, ça fait un peu mélange des genres, non ?
BERNARD CAZENEUVE
Monsieur BARBIER, le président de la République s'est exprimé clairement sur ces sujets hier, et il s'est exprimé dans des termes qui rejoignent d'ailleurs ceux d'un certain nombre de leaders de l'opposition, je pense à Alain JUPPE, le président de la République, comme n'importe quel Français, qu'il exerce ou pas des responsabilités politiques, a le droit au respect de sa vie privée…
CHRISTOPHE BARBIER
Bien sûr, mais enfin, peut-être de faire nommer sa compagne à un jury…
BERNARD CAZENEUVE
Par conséquent, mais il n'a rien fait nommer, il n'a rien fait nommer du tout, sa compagne a une activité…
CHRISTOPHE BARBIER
Artistique…
BERNARD CAZENEUVE
Artistique, d'abord, elle n'est pas sa compagne, et moi, je n'ai rien à confirmer sur ce sujet-là, je n'ai rien à dire, et cette activité artistique, elle l'a déploie depuis de nombreuses années, et je n'ai pas de commentaire à faire sur ce point.
CHRISTOPHE BARBIER
Vivre jusqu'au 11 février, puisque c'est la date qu'il a lui-même donnée, là, il en a parlé, ça fait un peu ambiance vaudeville, ce n'est pas gênant pour le pays pour votre travail ?
BERNARD CAZENEUVE
Monsieur BARBIER, si ces sujets vous intéressent et vous mobilisent, je le comprends, mais moi, je suis ministre du Budget, et je ne fais pas de commentaire sur ces questions.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais vous attendez une clarification pour pouvoir travailler plus tranquillement ?
BERNARD CAZENEUVE
Je n'attends rien, Monsieur BARBIER, ce qui relève de la vie privée relève de la vie privée, et je suis un ministre qui exerce une responsabilité publique, donc je comprends que vous vouliez m'engager sur ce terrain, mais je vous y laisserai seul.
CHRISTOPHE BARBIER
Bruce ! Dernière question.
BRUCE TOUSSAINT
Bernard CAZENEUVE, voici la question qui est posée, vous disiez tout à l'heure : des économies, des économies, des économies, voilà une proposition d'un internaute qui via Twitter vous pose la question suivante, regardez, elle s'affiche : pourquoi toucher aux régions et pas aux statuts de député et de sénateur par exemple, qui coûtent, voilà, beaucoup, voire trop à l'Etat ? Que répondez-vous à Louis ?
BERNARD CAZENEUVE
Ce qui compte aujourd'hui, c'est de réfléchir à l'organisation des collectivités territoriales sur l'ensemble du territoire national, c'est considérable le budget des collectivités territoriales par rapport à la masse de la dépense publique, ce n'est pas le cas de la dépense qu'il pointe là. En même temps, je demande aux Assemblées, je l'ai demandé en 2014, je le demanderai en 2015, de faire des efforts d'économies dans leur fonctionnement, donc personne ne sera exclu de l'effort d'économies, et les collectivités territoriales et les Assemblées et les pouvoirs publics et les ministères et l'Elysée et Matignon, parce que nous sommes dans une situation où, encore une fois, chaque euro dépensé doit être un euro utile. Et moi, je fais la chasse à toutes les dépenses qui ne sont pas utiles.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Bernard CAZENEUVE. Merci d'avoir été avec nous ce matin sur I TELE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 janvier 2014