Déclaration de Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion, sur l'accessibilité des personnes handicapées à la vie culturelle, Paris le 14 janvier 2014.

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Circonstance : Réunion de la Commission nationale Culture-Handicap à Paris le 14 janvier 2014

Texte intégral


Mesdames, Messieurs,
Sur mon impulsion et sous l'égide du Premier Ministre, s'est tenu le 25 septembre dernier un comité interministériel du Handicap. C'était la première fois depuis sa création en 2009.
Cette mobilisation placée sous le signe de l'égalité a permis d'aborder ce défi dans toutes ses dimensions : égalité devant l'emploi, la santé, la citoyenneté et – c'est l'objet de notre rencontre de ce jour – la culture.
Je me réjouis donc de pouvoir travailler main dans la main avec la Ministre de la Culture pour faire en sorte que les personnes handicapées puissent accéder tant que possible à l'ensemble des œuvres culturelles, quelle qu'en soit la forme, et être elles-mêmes créatrices. Les personnes handicapées sont actrices à part entière de la vie culturelle.
La culture, parce qu'elle est une production de symboles, fait le lien entre nos imaginaires, nos représentations. Elle est fondamentalement ce qui nous permet d'éprouver la fraternité.
Si les personnes handicapées subissent aujourd'hui toutes sortes de relégation, c'est peut-être avant tout dans l'accès à une culture commune que se niche la clé de l'égalité. Car pour être égaux, il faut déjà être convaincu que nous sommes des semblables…
Je ne minimise pas la dimension objective du handicap mais j'ai de plus en plus la conviction que l'amélioration de la condition des personnes handicapées passe par une plus grande ouverture de la société sur cette forme d'altérité.
Aujourd'hui, le handicap est absent du débat public, les personnes handicapées sont rendues invisibles. Pourtant, je pense que la culture est un vecteur privilégié de leur inclusion. Il est donc primordial que les pratiques culturelles puissent leur être accessibles.
Le CIH a acté cette urgence et la feuille de route qui en est issue prévoit pour cela des actions immédiates et des chantiers de plus long terme.
Nous avons missionné avec Aurélie Filippetti, le directeur de la Bibliothèque Nationale de France et la directrice de l'Institut National des Jeunes Aveugles pour mettre en œuvre une plus grande fluidité entre les services proposés par PLATON, la Plateforme de Transfert des Ouvrages Numériques et la Banque de Données de l'Edition Adaptée. Ces travaux, désormais engagés, sont attendus pour développer et faciliter l'accès des usagers aveugles ou malvoyants aux œuvres adaptées.
Nous préparons également l'intervention législative nécessaire à l'élargissement de l'exception au droit d'auteur à toutes les formes de handicap. Cette évolution est essentielle puisqu'elle permettra notamment aux publics Dys d'accéder à la lecture.
Il m'importe que la presse écrite soit accessible à tous. Les éditions numériques permettent d'envisager le développement des canaux d'accessibilité, quel que soit le type de handicap : visuel, auditif, mental, moteur et cognitif. C'est pourquoi le CIH a inscrit sur sa feuille de route l'élaboration et la signature d'une charte d'engagements volontaires avec les acteurs du secteur. Je souhaite que nous puissions signer, avec vous Mme la ministre, cette charte d'ici la prochaine Conférence nationale du handicap.
L'accessibilité des programmes télévisés a connu un extraordinaire développement ces dernières années, du fait de la loi, mais aussi grâce à l'engagement du CSA, des chaînes privées et des chaînes publiques avec le soutien de l'État. Nous devons maintenant renforcer cette dynamique.
Dans cette perspective, la généralisation des récepteurs TNT et des décodeurs vocalisant est une nécessité. Nous y veillerons avec le CSA et Fleur Pellerin, notre collègue chargée de l'Économie numérique.
La reconnaissance de la Langue des Signes Française, prévue par la loi, trouve toute sa place dans le secteur culturel. Vous ne vous y êtes pas trompée, Madame la Ministre Aurélie Filippetti, en remettant il y a quelques mois les insignes d'Officier de l'ordre des Arts et des Lettres à Emmanuelle Laborit, directrice de l'International Visual Theatre. Nous devons aussi généraliser l'usage de la Langue des Signes Française à la télévision. Sous l'impulsion du CSA, les chaînes privées, et en particulier les chaînes d'information continue, ont fait de gros efforts en la matière. Désormais, il nous faut aller plus loin, en particulier sur les chaînes publiques pour que les téléspectateurs signants puissent suivre un journal télévisé du soir. Nous ne devons plus, en 2014, considérer la Langue des Signes comme une contrainte éditoriale. D'autres pays ne font plus la fine bouche devant cette accessibilité citoyenne. Le CIH a prévu un groupe de travail qui devra être installé prochainement pour envisager le développement de l'accessibilité télévisée en LSF en utilisant les canaux numériques. Mais l'affichage, pour tous, de la LSF à l'écran reste possible et nécessaire. Soyons fiers de notre Langue des Signes Française et montrons là !
C'est aussi une campagne autour du mode d'emploi de l'accessibilité télévisée que devra engager France Télévisions afin que tous les téléspectateurs sachent comment accéder à ces innovations.
Les spots de communication publique sont depuis le mois d'octobre systématiquement sous-titrés et audio-décrits sur l'ensemble des chaînes. Et d'ailleurs, je note avec satisfaction que le sous-titrage de la publicité se développe de manière spectaculaire depuis quelques semaines sans que la loi n'ait eu à l'imposer aux annonceurs qui ont bien saisi l'intérêt de se faire comprendre de tous les consommateurs ; je souhaite que ce mouvement se poursuive. Car il n'y a pas de raison que seuls les valides aient le privilège de profiter de la pub… ni de la politique d'ailleurs ! Aussi, je crois important que les émissions traitant des campagnes pour les élections municipales et européennes de 2014 soient accessibles à tous, quels que soient les modes de communication ou d'accessibilité à mobiliser. C'est la participation d'une très importante partie du corps électoral qui est en jeu. Des mémentos pratiques sur l'accessibilité du processus électoral vont être diffusés d'ici la fin du mois de janvier, l'un deux s'adressera directement aux médias. Par ailleurs, le Premier ministre nommera dans les prochains jours, deux parlementaires en mission auprès du ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, et de moi-même, pour qu'ils définissent le niveau d'accessibilité attendu des campagnes électorales. Il y sera naturellement question du rôle des médias audiovisuels.
Pour ce qui est du cinéma maintenant, un projet d'arrêté sur l'accessibilité des cinémas a été préparé en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés. Ce texte était attendu depuis plusieurs années. Il prévoit notamment l'équipement des salles pour la diffusion du sous-titrage et de l'audio-description.
Suite au CIH, je tiens à saluer l'engagement du centre national du cinéma (CNC) d'une part, qui soutient les producteurs français pour l'accessibilité de leurs films, et celui des salles d'autre part qui organisent de plus en plus régulièrement des séances sous-titrées de films français dès la semaine de leur sortie, et ce depuis quelques semaines. Il est maintenant opportun d'envisager la généralisation et la pérennisation de ces dispositifs qui sont essentiels à l'accessibilité de notre patrimoine culturel.
La boucle sera bouclée lorsque l'accessibilité des œuvres, par le sous-titrage et par l'audio-description, sera garantie sur toute la chaîne de diffusion du film : depuis la sortie en salle jusqu'à la diffusion en vidéo à la demande, en passant par la télévision, le DVD, et la télévision connectée (tablettes, Smartphones, etc. ). C'est l'objet d'un groupe de travail également prévu par le CIH et qui sera mis en place sous peu.
Vous le savez, le Comité interministériel de handicap a engagé un vaste chantier relatif à l'accessibilité. Dans ce cadre, un référentiel d'accessibilité des services publics sera élaboré et l'offre culturelle y sera intégrée. L'ensemble des handicaps seront pris en compte. Les travaux sont justement engagés dès cette semaine par la secrétaire générale du CIH, Agnès Marie-Egyptienne, et en concertation avec les associations, afin que ce référentiel soit publié pour la conférence nationale du handicap de cet automne.
Annoncée à plusieurs reprises par les gouvernements précédents mais jamais mise en œuvre, la généralisation de l'affichage du sous-titrage sur les télévisions dans les lieux publics va également faire l'objet d'un chantier interministériel que nous allons prochainement engager.
J'ai souhaité accompagner l'accessibilité des festivals de musique et encourager leurs organisateurs à prendre en compte toutes les formes de handicap. Avec les Eurockéennes, j'ai signé une charte d'accessibilité de leur festival le 30 mai dernier à Belfort. Les organisateurs se sont engagés à déployer un dispositif d'accessibilité, innovant sur le plan technique et exemplaire sur la mobilisation de tous les acteurs locaux concernés. Ils se sont également engagés à inciter d'autres festivals à mutualiser leur dispositif avec eux. Ainsi, Rock-en-Seine devrait prochainement signer cette charte et nous attendons aussi la réponse des Vieilles Charrues. Avec Aurélie Filippetti, nous avons soutenu cette action pour qu'elle serve de modèle et nous nous sommes rendues ensemble aux Eurockéennes en juillet dernier pour constater les progrès exemplaires réalisés.
Afin de renforcer la représentation du handicap sur les écrans, la composition de la commission diversité du CNC intègrera désormais un membre pour le secteur du handicap, dès son prochain renouvellement. La visibilité de la diversité de notre société est une des préoccupations de Mémona Hintermann-Afféjee qui préside l'observatoire de la diversité du CSA, et dont je salue l'engagement et la détermination. J'attache beaucoup d'importance aux recommandations de cet observatoire et au baromètre de la diversité qu'il réalise chaque année.
C'est d'ailleurs avec Mémona Hintermann-Afféjee que nous préparons une charte pour développer l'accueil d'étudiants handicapés dans les écoles de journalisme et d'audiovisuel, avec le soutien des médias audiovisuels. Nous prévoyons de signer cette charte dans les prochaines semaines à l'issue de la concertation engagée avec les écoles et les chaînes de radio et de télévision. La rentrée de septembre 2014 pourrait ainsi constituer la première étape de cette nouvelle dynamique.
L'accès des personnes handicapées à la culture passe aussi par la mobilisation du secteur médico-social.
L'extension de la convention « culture et santé » au secteur médico-social a fait l'objet d'expérimentations afin, entre autres, que les personnes handicapées accueillies en établissement accèdent à la pratique culturelle. Elle a permis la mobilisation conjointe de plusieurs ARS et DRAC sur des projets communs impliquant les collectivités locales et les établissements. Un bilan a été réalisé, vous en trouverez une synthèse dans le dossier qui vous a été remis. Des préconisations ont été formulées pour que nous puissions progresser. Afin de prolonger la dynamique engagée avec l'expérimentation d'extension au secteur médico-social de la convention Culture et Santé, je réunirai les référents culture et santé des ARS pour échanger sur le bilan de l'expérimentation et préparer des propositions pour la prochaine Conférence nationale du handicap qui se tiendra à l'automne prochain.
Madame la Ministre, si vous en êtes d'accord, nous pourrions également mobiliser les référents culture et santé des DRAC pour participer au même séminaire.
D'autre part, l'ANESEM, l'agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, vient de publier en décembre dernier ses recommandations sur la qualité de vie en MAS et en FAM (maisons d'accueil spécialisé et foyers d'accueil médicalisé) avec un volet consacré aux pratiques culturelles. Je veillerai à la diffusion de ces préconisations auprès des professionnels du secteur, comme je ferai connaître les conclusions de notre commission de ce matin aux ARS et aux MDPH.
D'autres acteurs contribuent à l'accès des personnes handicapées à la culture : ce sont les ESAT culturels dont le nombre reste certes très faible mais l'action doit être valorisée. Je m'y emploierai.
Je suivrai de près l'expérimentation « handicap – culture – emploi » que je parraine et qui permet l'évaluation de deux nouvelles fonctions : le médiateur culturel et l'accompagnateur culturel. Le projet est décliné dans trois régions pilotes (Ile-de-France, Picardie et Nord-Pas-de-Calais), il est porté par plusieurs acteurs dont la FEGAPEI et la FEHAP. En Midi-Pyrénées, c'est un centre de ressources culture et handicap qui est en projet avec la FNATH et les acteurs locaux. En fait, une dynamique est enclenchée et je sais que d'autres associations gestionnaires y contribuent, comme l'APAJH, l'UNAPEI et l'APF, je les en remercie et leur confirme mon soutien.
Mesdames, Messieurs,
L'existence d'une telle commission dédiée au handicap dans un autre Ministère que celui des Affaires sociales est tout à fait exemplaire. Si j'ai tant œuvré pour que se tienne un comité interministériel du handicap, c'est que j'ai pleinement conscience que l'accessibilité universelle - qui est le fil rouge de ma politique – exige une mobilisation qui dépasse les frontières étroites des ministères. Comme la politique en faveur des droits des femmes, et comme toutes les politiques d'égalité visant à résorber les discriminations faites à une population, il nous faut agir dans tous les domaines.
Pour ce qui concerne l'accès à la culture, je sais pouvoir compter sur votre implication et je vous en remercie.
Source http://www.social-sante.gouv.fr, le 15 janvier 2014