Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, le ministre de la Défense, est l'invité exceptionnel d'ITELE ce matin. Bonjour.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous pour évoquer notamment bien sûr la situation en Centrafrique. Et à ce sujet, ce matin, celle qui va devenir officiellement, puisqu'elle va prêter serment tout à l'heure, la présidente de Centrafrique, Catherine SAMBA-PANZA, dit ce matin dans LE PARISIEN : il n'y a pas assez de soldats en Centrafrique. La première question est donc très simple : va-t-il y avoir davantage de soldats français en République centrafricaine dans les prochains jours ou les prochaines semaines ?
JEAN-YVES LE DRIAN
D'abord, ce pays était, quand nous sommes arrivés, à la demande des Nations Unies, sur mandat international, le 5 décembre dernier, dans un effondrement total, à la fois un effondrement sécuritaire, mais un effondrement humanitaire, un chaos politique invraisemblable, nous avons, par notre présence et par la présence des forces africaines, évité l'aggravation des massacres, les tensions ont baissé, mais il y a toujours aujourd'hui des crimes, des assassinats, des vengeances, des représailles, il y a un état de haine
BRUCE TOUSSAINT
Dix morts hier, dix morts hier rien qu'à Bangui
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, un état de haine, de la nuit, un état de haine invraisemblable. Et on m'a demandé à plusieurs reprises : est-ce qu'on avait sous-estimé la situation ? On a sans doute sous-estimé l'état de haine, et l'esprit revanchard, les esprits de représailles, de vengeance qui existent entre les groupes que l'on appelle de la Seleka, et les milices anti-balaka, qui veulent revenir sur une situation conflictuelle. Il fallait trouver une sortie provisoire politique, l'arrivée de madame SAMBA-PANZA est une bonne nouvelle. Ça permet au moins d'éclaircir un peu la situation et de poser
CHRISTOPHE BARBIER
Mais elle a besoin de moyens, est-ce qu'il y aura plus de soldats français pour l'aider à reconstruire un Etat
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a un mandat des Nations Unies et qui prévoit en particulier que les forces africaines, que l'on appelle la MISCA, se renforcent pour arriver jusqu'à 6.000 militaires
CHRISTOPHE BARBIER
Elles sont
JEAN-YVES LE DRIAN
Elles sont en train de se constituer, même si ça a pris un peu de temps, et je pense qu'avec l'arrivée des soldats rwandais, l'arrivée des soldats du Burundi, on aura là une force significative
CHRISTOPHE BARBIER
Et les Européens !
JEAN-YVES LE DRIAN
Et puis les Européens.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors voilà, l'Allemagne a changé de position
JEAN-YVES LE DRIAN
Alors, il y a eu
CHRISTOPHE BARBIER
L'Allemagne dit : on ne peut pas laisser la France seule.
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, il y a eu une avancée significative, la diplomatie française, le ministre des Affaires étrangères ont beaucoup contribué à ce qu'il y ait une décision d'intervention de l'Union européenne, qui a mis peu de temps pour se décider, puisque, un mois, et maintenant, il faut faire en sorte que les 500 soldats qui ont été affichés, annoncés, puissent se retrouver, c'est-à-dire que les différents pays doivent dire maintenant comment ils vont contribuer à la mise en oeuvre de cette force européenne. Alors, elle va beaucoup nous alléger, parce que, un des sujets difficiles sur Bangui, c'est l'aéroport. Et donc la mission principale de ces forces européennes sera de sécuriser l'aéroport, où il y a, à la fois les forces françaises, mais aussi les forces africaines, et où il y a surtout des milliers et des milliers de réfugiés, qui sont venus là pour avoir un minimum de protection, et donc si les Européens sont là pour protéger l'aéroport, ça permet aux forces africaines et aux forces françaises de se déployer sur Bangui et sur le territoire.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, je vous repose la question encore une fois, pour que les choses soient claires : 1.600 soldats français pour l'opération Sangaris aujourd'hui ; y aura-t-il plus de soldats français dans les prochains jours, les prochaines semaines ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas dans notre intention dans l'état actuel des choses. Parce que, il y a une montée en puissance de la MISCA
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas prévu
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a une meilleure coordination qui se fait, et il va y avoir l'arrivée des forces européennes, et puis, il y a un espoir politique, avec quand même des risques, c'est d'abord le risque de partition
CHRISTOPHE BARBIER
Ben, pourquoi pas, ils se haïssent ! Le pays est grand, peu peuplé, pourquoi pas !
JEAN-YVES LE DRIAN
Eh, oui, mais en même temps, si ce pays est disloqué, émietté, dépecé, il y aura de nouveaux risques qui se manifesteront, donc il faut absolument éviter cette partition, c'est ce qu'a dit d'ailleurs la présidente de transition tout à l'heure. Et puis, il faut aussi faire en sorte que progressivement, on aboutisse au désarmement, qu'on aboutisse à l'apaisement des haines, que les messages de paix, qui sont développés, à la fois par l'archevêque de Bangui et par l'imam, qui préside la communauté islamique, puissent être entendus. Vous savez, avant, ce pays vivait dans la sérénité. Il y a quelques années, les musulmans, les catholiques s'entendaient bien ensemble, dans les quartiers de Bangui, il y avait la paix
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ce n'est pas l'ambition musulmane, dans tout ce continent, mais surtout dans ce pays, qui a mis le feu aux poudres ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je crois que ce sont plutôt des groupes de mercenaires venus d'ailleurs
CHRISTOPHE BARBIER
Du Tchad !
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui ou même du Soudan qui ont essayé de kidnapper l'Etat et de mettre ce pays à feu et à sang, ils y ont réussi. Parce que si nous n'avions pas été là, il y aurait eu beaucoup de massacres, et les forces françaises ont permis une relative stabilité, même s'il y a encore beaucoup d'incidents, d'altercations, et même si je trouve que les forces françaises, je les ai vues, j'y suis allé à deux reprises déjà, font preuve d'un sang-froid exceptionnel, c'est-à-dire que c'est une action très difficile, parce qu'il faut à la fois faire une espèce de maintien de l'ordre, mais aussi être en situation de faire des actes guerriers, donc il faut
CHRISTOPHE BARBIER
On tire beaucoup ? On a beaucoup d'actes guerriers ?
JEAN-YVES LE DRIAN
On a des actes guerriers, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, est-ce qu'il y a eu récemment, ces derniers jours, de nouvelles victimes côté français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, pas du tout. Nous avons eu deux morts
BRUCE TOUSSAINT
Pas de blessés, de personnes blessées ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Deux morts malheureusement au début de l'opération, et aujourd'hui, non, depuis cette date, il n'y a pas eu de victimes, heureusement, mais il y a aussi, je pense, de la part du général SORIANO, qui dirige cette opération, une très grande maîtrise de l'intervention, une bonne coordination avec la MISCA. Bref, c'est un travail de longue haleine, parce que le désarmement, qui est le point central, devra se faire progressivement, d'abord par le fait que les mercenaires venus d'ailleurs retournent chez eux, mais aussi en découvrant les caches, dans une situation dramatique. Je suis allé lors d'un de mes déplacements dans la deuxième ville de la Centrafrique, qui s'appelle Bossangoa, où il y avait eu beaucoup d'exactions, beaucoup de tués, et j'ai constaté que d'un côté, il y avait des réfugiés autour de l'école coranique et autour de l'imam, des milliers, de l'autre côté de la ville, autour de l'archidiacre et de l'église, des milliers de réfugiés, entre les deux, une centaine de soldats français, qui essayaient de pacifier la situation. Et au milieu de tout ça, une préfète, nommée il y a déjà un certain temps, qui était toute seule, qui représentait l'Etat, et elle n'avait ni bureau ni maison, ni collaborateur, voyez ce pays est dans l'effondrement, et il faut le reconstruire
CHRISTOPHE BARBIER
Donc il n'y a plus d'Etat
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a plus d'Etat
CHRISTOPHE BARBIER
Donc on y est pour des années !
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, parce que notre rôle, c'est d'assurer la transition, c'est de permettre à la fois à la MISCA, aux forces africaines, de se constituer, elles sont en cours de constitution, c'est de permettre aussi à l'autorité politique de se mettre en oeuvre, et là, l'arrivée de madame SAMBA-PANZA est une bonne nouvelle, et c'est de permettre aussi à l'aide humanitaire de pénétrer ; elle ne pouvait même pas pénétrer, parce que les camions humanitaires étaient appréhendés par différentes milices lorsqu'ils voulaient arriver sur des camps de réfugiés. Donc cette mission-là, c'est la même depuis le départ, le triptyque, à la fois : début de la sécurisation, permettre l'aide humanitaire et permettre la transition politique
BRUCE TOUSSAINT
C'est une question de mois ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, c'est une question de mois.
BRUCE TOUSSAINT
C'est une question de mois.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense qu'à la fin de l'année, si madame SAMBA-PANZA arrive à créer autour d'elle un consensus pour aboutir à la sécurisation, on pourra arriver à une transition politique, en tout cas, l'objectif, c'est de
BRUCE TOUSSAINT
Et donc au départ des soldats français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
L'objectif, ce sont les élections avant la fin de l'année, et puis, ensuite, à la MISCA, aux forces africaines, d'assurer, au nom des Nations Unies, au nom des Nations Unies, c'est un mandat du Conseil de sécurité de la sécurité de ce pays.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous vous rendez aux Etats-Unis, Barack OBAMA, premier président noir, a abandonné l'Afrique, ça ne l'intéresse plus ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je vais aux Etats-Unis ce soir pour parler avec mon collègue américain Chuck HAGLE de la situation en Afrique en particulier, parce qu'ils sont intéressés par savoir quelle est l'évolution de la situation. Nous avons, avec les Etats-Unis, sur l'Afrique, une bonne collaboration, dans le domaine du renseignement, dans le domaine du transport. Ils ne s'en désintéressent pas, mais il y a, là, pour l'Europe en particulier, et pour la France, une vraie question sécuritaire, parce que la sécurité dans le Nord de l'Afrique, même en République centrafricaine, c'est la sécurité de ces Etats-là, mais c'est aussi la sécurité de la France et de l'Europe, et c'est ce que je voudrais dire aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, notre sécurité passe aussi par-là.
BRUCE TOUSSAINT
La France est en train de redéployer ses forces au Sahel, l'objectif, c'est quoi, c'est de faire face à la menace terroriste qui persiste dans cette région de l'Afrique ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Cette zone qu'on appelle la zone saharo-sahélienne, qui va finalement de la Guinée Bissau jusqu'à la Corne d'Afrique, ce Sahara est devenu une espèce de plateforme de trafics en tous genres, trafics de drogues, trafics d'armes, trafics d'êtres humains, et c'est une espèce de boulevard de carrefours pour les groupes terroristes, qui vont et viennent avec des bases identifiées, le sud Lybie et le nord Mali, et qui trafiquent entre les deux, ayant à la fois des complicités, achetant un certain nombre de partenaires, et avec un seul objectif, c'est de revenir intervenir en Europe, et donc il importe que nous soyons organisés pour mieux prévenir et puis porter des coups, et toucher leur infrastructure ; c'est ce que nous allons faire en réorganisant notre dispositif dans cette région d'Afrique avec une meilleure réactivité, une présence sur le Nord, davantage, et une bonne collaboration avec les forces des différents Etats concernés.
BRUCE TOUSSAINT
On parle beaucoup des djihadistes français qui partent en Syrie, est-ce qu'il y a aussi des djihadistes français, des jeunes gens qui partent dans cette région du monde
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous n'en avons pas identifié, sauf quelques-uns pendant la partie la plus forte de notre opération au Mali.
CHRISTOPHE BARBIER
Bruce évoquait la Syrie, pendant que les négociations diplomatiques se déroulent à Genève, est-ce que l'armée française est toujours vigilante sur des interventions possibles, comme elle l'était en septembre, on prépare des plans, on a des relations avec les Américains pour d'éventuelles interventions ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous avons été très proches d'une intervention en Syrie
CHRISTOPHE BARBIER
A deux heures !
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, deux ou trois heures. La décision américaine est celle que vous connaissez, et donc, il n'avait pas été envisagé par le président de la République d'intervenir seul, aujourd'hui, il n'y a pas d'actualisation d'un plan potentiel, mais la pression que nous avions établie à ce moment-là a permis le dispositif de désarmement de l'ensemble de l'arme chimique en Syrie, et ça se déroule ça plutôt bien en ce moment
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il y a toujours plus de morts dans les bombardements classiques, et Alep a été
JEAN-YVES LE DRIAN
L'intervention à ce moment-là était liée à la prolifération chimique.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, invité exceptionnel d'I TELE. On va vous retrouver dans quelques instants pour évoquer encore une fois le reste de l'actualité, et elle est riche cette actualité, je rappelle, Christophe le disait à l'instant, que vous partez dans quelques heures aux Etats-Unis, notamment pour parler de cyber défense, et vous allez nous expliquer pourquoi c'est un enjeu majeur. On évoquera ici aussi, bien sûr, la situation en France, d'abord, le point sur l'actualité bien sûr et le temps, Thierry FRERET.
2ème Partie
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ce qui vous attend Jean-Yves LE DRIAN, puisque vous serez aux Etats- Unis en fin de journée. Jean-Yves LE DRIAN, le ministre de la Défense, invité exceptionnel d'I TELE ce matin. Votre présence ici suscite sur les réseaux sociaux, sur Twitter, de très nombreuses réactions et des questions aussi, puisque nous avons demandé à tous ceux qui nous regardent de vous interpeller directement. Voici deux questions que nous avons sélectionnées. Jean-Yves LE DRIAN, tout d'abord des nouvelles de tous les otages, sont-ils tous en vie ? demande AnSoGuillaume.
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous savez que je ne m'exprime jamais sur les otages parce que la bonne manière de contribuer à leur libération c'est à la fois la détermination et la plus grande discrétion.
BRUCE TOUSSAINT
Y compris sur le fait qu'ils soient en vie. Deuxième question, ça concerne le RAFALE. Regardez la question qui est posée par cet internaute, JacquesBU : « Pourquoi continuer à sponsoriser le RAFALE à coup de milliards alors qu'il est invendable ? »
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, mais ce n'est pas du tout comme ça que se pose la question. Nous avons, dans l'Armée française, dans l'Armée de l'Air française, 130 RAFALE, qu'il faut moderniser, adapter, nous étions au standard 1, nous sommes passés au standard 2 et maintenant nous passons au standard 3, c'est-à-dire qu'on les modernise, on les adapte, avec les armements de nouvelle génération et avec de meilleures capacités d'action grâce à la mise en place d'un pod laser, donc c'est de l'entretien, de l'amélioration, de nos propres RAFALE, et ce n'est pas un « sponsorisme » quelconque, c'est une efficacité meilleure pour l'Armée de l'Air. Sur le reste, cet avion est un avion exceptionnel, il est utilisé par nos forces dans différentes interventions, y compris au Mali, et je reste convaincu que cet avion aura des succès à l'exportation.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez entendu ce qu'a dit Emmanuelle COSSE, la nouvelle patronne des Verts, elle dit « il faut en finir avec le RAFALE », alors elle dit « il faut faire un pacte avec les industries pour une reconversion du RAFALE. »
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne comprends pas très bien ce que ça veut dire, la France a besoin d'une aviation de chasse, nous avons pour objectif d'avoir en 2020, 225 avions de chasse, les avions de chasse français sont des RAFALE, il faut donc qu'on continue à en construire, et si possible en exporter, c'est un problème de souveraineté nationale.
BRUCE TOUSSAINT
Vous évoquiez à l'instant le Mali.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
En ce jour anniversaire
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, ça fait 1 an.
BRUCE TOUSSAINT
Quel est le bilan de cette opération, et est-ce qu'elle est terminée officiellement ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas terminé officiellement, mais ça fait 1 an que nous sommes intervenus, je suis allé au Mali avant-hier pour inaugurer un monument à la mémoire des sept Français qui sont morts là-bas, à la fois pour le Mali, mais aussi pour notre propre sécurité. Qui aurait dit, il y a 1 an, que nous nous retrouvons maintenant avec un président élu, avec une Assemblée nationale élue, avec un pays qui a retrouvé confiance en lui-même, qui regarde son intégrité, bref, le bilan est extrêmement positif, grâce à la qualité, au professionnalisme de nos forces. Tout n'est pas fini, parce que, comme on le disait tout à l'heure, les risques terroristes dans cette partie de l'Afrique restent importants et nous allons garder, sur le territoire du Mali, un millier de soldats, qui font du contreterrorisme, y compris cette nuit, pour la nuit qui vient de se passer, qui est en cours
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est-à-dire qu'on intervient pour cibler des groupes en reconstitution sur deux théâtres, à la fois aux environs de Tombouctou et à la fois dans ce qu'on appelle l'Adrar des Ifoghas, c'est-à-dire des montagnes au Nord pas loin de Tesalit tout cela nécessite une présence continue en bonne articulation avec les forces armées maliennes que l'Europe contribue à former maintenant.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez évoqué les sept soldats français, le bilan humain de cette opération au Mali, il est vous avez une idée du nombre de victimes causées par l'intervention ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a eu plusieurs centaines de terroristes neutralisés
BRUCE TOUSSAINT
Ca veut dire tués neutralisés ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui et il y a eu aussi quelques victimes du côté de l'armée tchadienne et de l'armée malienne.
BRUCE TOUSSAINT
Vous serez donc tout à l'heure à Washington pour deux jours, c'est une visite importante et vous allez notamment parler de cyberdéfense. Alors c'est un mot qui ne dit pas forcément grand chose à tous ceux qui nous regardent ce matin, c'est quoi la cyberdéfense ? Pourquoi c'est stratégique dans les prochaines années ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est la guerre informatique, c'est un danger réel pour nous, il y a des menaces permanentes et il y a des attaques permanentes. En ce qui concerne le ministère de la Défense par exemple nous avons un doublement des attaques informatiques tous les ans. Alors elles ne sont pas dramatiques, elles sont contrôlées et il y a une plus grande précision des cibles qui permettent d'abord d'espionner nos réseaux et puis qui permettent aussi éventuellement d'intervenir sur nos infrastructures, pas uniquement militaires et éventuellement de les détruire et donc de mettre un pays en situation extrêmement difficile. Donc il faut se prémunir contre ce risque et il faut rentrer dans une logique de guerre cyber.
BRUCE TOUSSAINT
Qui sont nos ennemis ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ils sont très variés
BRUCE TOUSSAINT
Non mais ça peut être Al Qaïda
JEAN-YVES LE DRIAN
Ca peut être des groupes terroristes, ça peut être des puissances étrangères, ça peut être ça dépend des actions et il faut s'en prémunir, c'est une nouvelle donne de notre défense et de notre souveraineté et j'ai décidé de mettre en oeuvre un plan que l'on appelle « défense cyber » pour accélérer la procédure, pour accélérer nos actions à la fois en termes de formation, à la fois en termes de chaînes opérationnelles parce que si c'est une guerre, eh bien il faut à la fois se défendre mais aussi être capables d'attaquer et nous avons aussi décider de renforcer notre capacité de recherche, d'innovation et de formation pour qu'on soit au rendez-vous. Nous sommes plutôt bien placés dans ce débat, mais il faut que nous soyons toujours en tête.
BRUCE TOUSSAINT
Mais du coup, aux Américains, vous allez leur parler des fameuses écoutes de la NSA ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense que le président de la République évoquera ça, oui, quand il va faire son voyage dans quelques jours aux Etats-Unis, dans sa rencontre avec le président OBAMA.
BRUCE TOUSSAINT
Sur quel ton ?
JEAN-YVES LE DRIAN
On verra bien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez dit à l'instant, ce voyage aura lieu au mois de février, d'ailleurs votre voyage, aujourd'hui, est aussi une façon de préparer
JEAN-YVES LE DRIAN
D'une certaine manière.
BRUCE TOUSSAINT
Le voyage du président de la République, vous pouvez nous dire si le président sera accompagné de Valérie TRIERWEILER pour ce voyage ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense qu'il a fait une déclaration concernant sa vie privée lors de sa conférence de presse, où il a annoncé qu'il donnerait les informations nécessaires aux Français avant ce déplacement, c'est de sa liberté.
BRUCE TOUSSAINT
Donc la décision n'est pas prise ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne suis pas dans son intimité.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas vous qui allez annoncer la nouvelle aux Américains lors de ce
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'ai pas ce pouvoir et heureusement.
BRUCE TOUSSAINT
Lors de ce voyage. On le sait, Jean-Yves LE DRIAN, vous êtes très proche de François HOLLANDE, comment va-t-il ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je trouve qu'il est très déterminé, très volontariste, très, je crois, offensif, sur la nécessité pour notre pays de sortir de la spirale des déficits, de la spirale de la dette, de faire en sorte que le pacte de modernisation et le pacte de responsabilité qu'il a proposé, avec ces quatre chantiers que sont la simplification, la compétitivité, la lisibilité et les contreparties, cet enjeu-là doit mettre la France en mouvement
BRUCE TOUSSAINT
Mais on dit qu'il a changé, est-ce qu'il a changé ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je le trouve plus déterminé qu'auparavant, mais il a été toujours déterminé quand il s'est agi de choix majeurs comme les interventions extérieures que nous avons pu faire, il a toujours cette même volonté, peut-être qui n'était pas, elle, suffisamment lisible, je crois que maintenant, elle l'est, que les Français savent qu'il y a à la tête de ce pays un homme d'Etat courageux, qui prend des décisions et qui donne une feuille de route de manière très claire, et qui le mènera jusqu'à son terme.
BRUCE TOUSSAINT
Vous regrettez qu'on parle de sa vie privée, que ça soit, comme ça, au coeur du débat public ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas le sujet de la responsabilité du chef de l'Etat, il a été élu pour un projet, il met en oeuvre ce projet, il l'accélère, il essaie de faire en sorte qu'il y ait un grand compromis social en France, et c'est une détermination tout à fait respectable.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vous pouvez me dire : ça me choque que ça soit comme ça dans les journaux
JEAN-YVES LE DRIAN
Je constate que c'est dans les journaux, mais ce n'est pas le sujet principal.
BRUCE TOUSSAINT
Un tout dernier mot, Jean-Yves LE DRIAN, puisque vous allez aux Etats-Unis, il y a une phrase de Barack OBAMA qui a fait beaucoup de bruit, ces derniers jours, le président américain a dit : fumer du cannabis n'est pas plus dangereux que de boire. Alors, c'est un sujet de société, c'est un sujet qui revient régulièrement dans l'actualité. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous diriez la même chose que le président américain sur ce sujet-là ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, moi, je suis tout à fait opposé au cannabis, donc je ne partage pas ce point de vue, mais ça, c'est le point de vue du président américain, je le lui laisse.
BRUCE TOUSSAINT
Ça sera peut-être un des sujets de discussion avec François HOLLANDE
JEAN-YVES LE DRIAN
Oh, je ne crois pas, écoutez
BRUCE TOUSSAINT
Non ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ah, peut-être avec François HOLLANDE, mais avec mon collègue Chuck HAGEL, demain matin, ce ne sera pas, je pense, le sujet principal.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, qui sera donc tout à l'heure à Washington pour deux jours, pour présenter aux autorités américaines la nouvelle stratégie africaine de la France, mais aussi pour évoquer la cyber défense. Merci d'avoir été avec nous sur I TELE pour évoquer tous ces sujets, et notamment la situation en Centrafrique, qui nous a permis évidemment d'en savoir un peu plus sur les tous derniers événements. Bonne journée à vous. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2014
Jean-Yves LE DRIAN, le ministre de la Défense, est l'invité exceptionnel d'ITELE ce matin. Bonjour.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous pour évoquer notamment bien sûr la situation en Centrafrique. Et à ce sujet, ce matin, celle qui va devenir officiellement, puisqu'elle va prêter serment tout à l'heure, la présidente de Centrafrique, Catherine SAMBA-PANZA, dit ce matin dans LE PARISIEN : il n'y a pas assez de soldats en Centrafrique. La première question est donc très simple : va-t-il y avoir davantage de soldats français en République centrafricaine dans les prochains jours ou les prochaines semaines ?
JEAN-YVES LE DRIAN
D'abord, ce pays était, quand nous sommes arrivés, à la demande des Nations Unies, sur mandat international, le 5 décembre dernier, dans un effondrement total, à la fois un effondrement sécuritaire, mais un effondrement humanitaire, un chaos politique invraisemblable, nous avons, par notre présence et par la présence des forces africaines, évité l'aggravation des massacres, les tensions ont baissé, mais il y a toujours aujourd'hui des crimes, des assassinats, des vengeances, des représailles, il y a un état de haine
BRUCE TOUSSAINT
Dix morts hier, dix morts hier rien qu'à Bangui
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, un état de haine, de la nuit, un état de haine invraisemblable. Et on m'a demandé à plusieurs reprises : est-ce qu'on avait sous-estimé la situation ? On a sans doute sous-estimé l'état de haine, et l'esprit revanchard, les esprits de représailles, de vengeance qui existent entre les groupes que l'on appelle de la Seleka, et les milices anti-balaka, qui veulent revenir sur une situation conflictuelle. Il fallait trouver une sortie provisoire politique, l'arrivée de madame SAMBA-PANZA est une bonne nouvelle. Ça permet au moins d'éclaircir un peu la situation et de poser
CHRISTOPHE BARBIER
Mais elle a besoin de moyens, est-ce qu'il y aura plus de soldats français pour l'aider à reconstruire un Etat
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a un mandat des Nations Unies et qui prévoit en particulier que les forces africaines, que l'on appelle la MISCA, se renforcent pour arriver jusqu'à 6.000 militaires
CHRISTOPHE BARBIER
Elles sont
JEAN-YVES LE DRIAN
Elles sont en train de se constituer, même si ça a pris un peu de temps, et je pense qu'avec l'arrivée des soldats rwandais, l'arrivée des soldats du Burundi, on aura là une force significative
CHRISTOPHE BARBIER
Et les Européens !
JEAN-YVES LE DRIAN
Et puis les Européens.
CHRISTOPHE BARBIER
Alors voilà, l'Allemagne a changé de position
JEAN-YVES LE DRIAN
Alors, il y a eu
CHRISTOPHE BARBIER
L'Allemagne dit : on ne peut pas laisser la France seule.
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, il y a eu une avancée significative, la diplomatie française, le ministre des Affaires étrangères ont beaucoup contribué à ce qu'il y ait une décision d'intervention de l'Union européenne, qui a mis peu de temps pour se décider, puisque, un mois, et maintenant, il faut faire en sorte que les 500 soldats qui ont été affichés, annoncés, puissent se retrouver, c'est-à-dire que les différents pays doivent dire maintenant comment ils vont contribuer à la mise en oeuvre de cette force européenne. Alors, elle va beaucoup nous alléger, parce que, un des sujets difficiles sur Bangui, c'est l'aéroport. Et donc la mission principale de ces forces européennes sera de sécuriser l'aéroport, où il y a, à la fois les forces françaises, mais aussi les forces africaines, et où il y a surtout des milliers et des milliers de réfugiés, qui sont venus là pour avoir un minimum de protection, et donc si les Européens sont là pour protéger l'aéroport, ça permet aux forces africaines et aux forces françaises de se déployer sur Bangui et sur le territoire.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, je vous repose la question encore une fois, pour que les choses soient claires : 1.600 soldats français pour l'opération Sangaris aujourd'hui ; y aura-t-il plus de soldats français dans les prochains jours, les prochaines semaines ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas dans notre intention dans l'état actuel des choses. Parce que, il y a une montée en puissance de la MISCA
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas prévu
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a une meilleure coordination qui se fait, et il va y avoir l'arrivée des forces européennes, et puis, il y a un espoir politique, avec quand même des risques, c'est d'abord le risque de partition
CHRISTOPHE BARBIER
Ben, pourquoi pas, ils se haïssent ! Le pays est grand, peu peuplé, pourquoi pas !
JEAN-YVES LE DRIAN
Eh, oui, mais en même temps, si ce pays est disloqué, émietté, dépecé, il y aura de nouveaux risques qui se manifesteront, donc il faut absolument éviter cette partition, c'est ce qu'a dit d'ailleurs la présidente de transition tout à l'heure. Et puis, il faut aussi faire en sorte que progressivement, on aboutisse au désarmement, qu'on aboutisse à l'apaisement des haines, que les messages de paix, qui sont développés, à la fois par l'archevêque de Bangui et par l'imam, qui préside la communauté islamique, puissent être entendus. Vous savez, avant, ce pays vivait dans la sérénité. Il y a quelques années, les musulmans, les catholiques s'entendaient bien ensemble, dans les quartiers de Bangui, il y avait la paix
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que ce n'est pas l'ambition musulmane, dans tout ce continent, mais surtout dans ce pays, qui a mis le feu aux poudres ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je crois que ce sont plutôt des groupes de mercenaires venus d'ailleurs
CHRISTOPHE BARBIER
Du Tchad !
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui ou même du Soudan qui ont essayé de kidnapper l'Etat et de mettre ce pays à feu et à sang, ils y ont réussi. Parce que si nous n'avions pas été là, il y aurait eu beaucoup de massacres, et les forces françaises ont permis une relative stabilité, même s'il y a encore beaucoup d'incidents, d'altercations, et même si je trouve que les forces françaises, je les ai vues, j'y suis allé à deux reprises déjà, font preuve d'un sang-froid exceptionnel, c'est-à-dire que c'est une action très difficile, parce qu'il faut à la fois faire une espèce de maintien de l'ordre, mais aussi être en situation de faire des actes guerriers, donc il faut
CHRISTOPHE BARBIER
On tire beaucoup ? On a beaucoup d'actes guerriers ?
JEAN-YVES LE DRIAN
On a des actes guerriers, oui.
BRUCE TOUSSAINT
Justement, est-ce qu'il y a eu récemment, ces derniers jours, de nouvelles victimes côté français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, pas du tout. Nous avons eu deux morts
BRUCE TOUSSAINT
Pas de blessés, de personnes blessées ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Deux morts malheureusement au début de l'opération, et aujourd'hui, non, depuis cette date, il n'y a pas eu de victimes, heureusement, mais il y a aussi, je pense, de la part du général SORIANO, qui dirige cette opération, une très grande maîtrise de l'intervention, une bonne coordination avec la MISCA. Bref, c'est un travail de longue haleine, parce que le désarmement, qui est le point central, devra se faire progressivement, d'abord par le fait que les mercenaires venus d'ailleurs retournent chez eux, mais aussi en découvrant les caches, dans une situation dramatique. Je suis allé lors d'un de mes déplacements dans la deuxième ville de la Centrafrique, qui s'appelle Bossangoa, où il y avait eu beaucoup d'exactions, beaucoup de tués, et j'ai constaté que d'un côté, il y avait des réfugiés autour de l'école coranique et autour de l'imam, des milliers, de l'autre côté de la ville, autour de l'archidiacre et de l'église, des milliers de réfugiés, entre les deux, une centaine de soldats français, qui essayaient de pacifier la situation. Et au milieu de tout ça, une préfète, nommée il y a déjà un certain temps, qui était toute seule, qui représentait l'Etat, et elle n'avait ni bureau ni maison, ni collaborateur, voyez ce pays est dans l'effondrement, et il faut le reconstruire
CHRISTOPHE BARBIER
Donc il n'y a plus d'Etat
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a plus d'Etat
CHRISTOPHE BARBIER
Donc on y est pour des années !
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, parce que notre rôle, c'est d'assurer la transition, c'est de permettre à la fois à la MISCA, aux forces africaines, de se constituer, elles sont en cours de constitution, c'est de permettre aussi à l'autorité politique de se mettre en oeuvre, et là, l'arrivée de madame SAMBA-PANZA est une bonne nouvelle, et c'est de permettre aussi à l'aide humanitaire de pénétrer ; elle ne pouvait même pas pénétrer, parce que les camions humanitaires étaient appréhendés par différentes milices lorsqu'ils voulaient arriver sur des camps de réfugiés. Donc cette mission-là, c'est la même depuis le départ, le triptyque, à la fois : début de la sécurisation, permettre l'aide humanitaire et permettre la transition politique
BRUCE TOUSSAINT
C'est une question de mois ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, c'est une question de mois.
BRUCE TOUSSAINT
C'est une question de mois.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense qu'à la fin de l'année, si madame SAMBA-PANZA arrive à créer autour d'elle un consensus pour aboutir à la sécurisation, on pourra arriver à une transition politique, en tout cas, l'objectif, c'est de
BRUCE TOUSSAINT
Et donc au départ des soldats français ?
JEAN-YVES LE DRIAN
L'objectif, ce sont les élections avant la fin de l'année, et puis, ensuite, à la MISCA, aux forces africaines, d'assurer, au nom des Nations Unies, au nom des Nations Unies, c'est un mandat du Conseil de sécurité de la sécurité de ce pays.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous vous rendez aux Etats-Unis, Barack OBAMA, premier président noir, a abandonné l'Afrique, ça ne l'intéresse plus ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je vais aux Etats-Unis ce soir pour parler avec mon collègue américain Chuck HAGLE de la situation en Afrique en particulier, parce qu'ils sont intéressés par savoir quelle est l'évolution de la situation. Nous avons, avec les Etats-Unis, sur l'Afrique, une bonne collaboration, dans le domaine du renseignement, dans le domaine du transport. Ils ne s'en désintéressent pas, mais il y a, là, pour l'Europe en particulier, et pour la France, une vraie question sécuritaire, parce que la sécurité dans le Nord de l'Afrique, même en République centrafricaine, c'est la sécurité de ces Etats-là, mais c'est aussi la sécurité de la France et de l'Europe, et c'est ce que je voudrais dire aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, notre sécurité passe aussi par-là.
BRUCE TOUSSAINT
La France est en train de redéployer ses forces au Sahel, l'objectif, c'est quoi, c'est de faire face à la menace terroriste qui persiste dans cette région de l'Afrique ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Cette zone qu'on appelle la zone saharo-sahélienne, qui va finalement de la Guinée Bissau jusqu'à la Corne d'Afrique, ce Sahara est devenu une espèce de plateforme de trafics en tous genres, trafics de drogues, trafics d'armes, trafics d'êtres humains, et c'est une espèce de boulevard de carrefours pour les groupes terroristes, qui vont et viennent avec des bases identifiées, le sud Lybie et le nord Mali, et qui trafiquent entre les deux, ayant à la fois des complicités, achetant un certain nombre de partenaires, et avec un seul objectif, c'est de revenir intervenir en Europe, et donc il importe que nous soyons organisés pour mieux prévenir et puis porter des coups, et toucher leur infrastructure ; c'est ce que nous allons faire en réorganisant notre dispositif dans cette région d'Afrique avec une meilleure réactivité, une présence sur le Nord, davantage, et une bonne collaboration avec les forces des différents Etats concernés.
BRUCE TOUSSAINT
On parle beaucoup des djihadistes français qui partent en Syrie, est-ce qu'il y a aussi des djihadistes français, des jeunes gens qui partent dans cette région du monde
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous n'en avons pas identifié, sauf quelques-uns pendant la partie la plus forte de notre opération au Mali.
CHRISTOPHE BARBIER
Bruce évoquait la Syrie, pendant que les négociations diplomatiques se déroulent à Genève, est-ce que l'armée française est toujours vigilante sur des interventions possibles, comme elle l'était en septembre, on prépare des plans, on a des relations avec les Américains pour d'éventuelles interventions ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous avons été très proches d'une intervention en Syrie
CHRISTOPHE BARBIER
A deux heures !
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, deux ou trois heures. La décision américaine est celle que vous connaissez, et donc, il n'avait pas été envisagé par le président de la République d'intervenir seul, aujourd'hui, il n'y a pas d'actualisation d'un plan potentiel, mais la pression que nous avions établie à ce moment-là a permis le dispositif de désarmement de l'ensemble de l'arme chimique en Syrie, et ça se déroule ça plutôt bien en ce moment
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il y a toujours plus de morts dans les bombardements classiques, et Alep a été
JEAN-YVES LE DRIAN
L'intervention à ce moment-là était liée à la prolifération chimique.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, invité exceptionnel d'I TELE. On va vous retrouver dans quelques instants pour évoquer encore une fois le reste de l'actualité, et elle est riche cette actualité, je rappelle, Christophe le disait à l'instant, que vous partez dans quelques heures aux Etats-Unis, notamment pour parler de cyber défense, et vous allez nous expliquer pourquoi c'est un enjeu majeur. On évoquera ici aussi, bien sûr, la situation en France, d'abord, le point sur l'actualité bien sûr et le temps, Thierry FRERET.
2ème Partie
BRUCE TOUSSAINT
Voilà ce qui vous attend Jean-Yves LE DRIAN, puisque vous serez aux Etats- Unis en fin de journée. Jean-Yves LE DRIAN, le ministre de la Défense, invité exceptionnel d'I TELE ce matin. Votre présence ici suscite sur les réseaux sociaux, sur Twitter, de très nombreuses réactions et des questions aussi, puisque nous avons demandé à tous ceux qui nous regardent de vous interpeller directement. Voici deux questions que nous avons sélectionnées. Jean-Yves LE DRIAN, tout d'abord des nouvelles de tous les otages, sont-ils tous en vie ? demande AnSoGuillaume.
JEAN-YVES LE DRIAN
Vous savez que je ne m'exprime jamais sur les otages parce que la bonne manière de contribuer à leur libération c'est à la fois la détermination et la plus grande discrétion.
BRUCE TOUSSAINT
Y compris sur le fait qu'ils soient en vie. Deuxième question, ça concerne le RAFALE. Regardez la question qui est posée par cet internaute, JacquesBU : « Pourquoi continuer à sponsoriser le RAFALE à coup de milliards alors qu'il est invendable ? »
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, mais ce n'est pas du tout comme ça que se pose la question. Nous avons, dans l'Armée française, dans l'Armée de l'Air française, 130 RAFALE, qu'il faut moderniser, adapter, nous étions au standard 1, nous sommes passés au standard 2 et maintenant nous passons au standard 3, c'est-à-dire qu'on les modernise, on les adapte, avec les armements de nouvelle génération et avec de meilleures capacités d'action grâce à la mise en place d'un pod laser, donc c'est de l'entretien, de l'amélioration, de nos propres RAFALE, et ce n'est pas un « sponsorisme » quelconque, c'est une efficacité meilleure pour l'Armée de l'Air. Sur le reste, cet avion est un avion exceptionnel, il est utilisé par nos forces dans différentes interventions, y compris au Mali, et je reste convaincu que cet avion aura des succès à l'exportation.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez entendu ce qu'a dit Emmanuelle COSSE, la nouvelle patronne des Verts, elle dit « il faut en finir avec le RAFALE », alors elle dit « il faut faire un pacte avec les industries pour une reconversion du RAFALE. »
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne comprends pas très bien ce que ça veut dire, la France a besoin d'une aviation de chasse, nous avons pour objectif d'avoir en 2020, 225 avions de chasse, les avions de chasse français sont des RAFALE, il faut donc qu'on continue à en construire, et si possible en exporter, c'est un problème de souveraineté nationale.
BRUCE TOUSSAINT
Vous évoquiez à l'instant le Mali.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
En ce jour anniversaire
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, ça fait 1 an.
BRUCE TOUSSAINT
Quel est le bilan de cette opération, et est-ce qu'elle est terminée officiellement ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas terminé officiellement, mais ça fait 1 an que nous sommes intervenus, je suis allé au Mali avant-hier pour inaugurer un monument à la mémoire des sept Français qui sont morts là-bas, à la fois pour le Mali, mais aussi pour notre propre sécurité. Qui aurait dit, il y a 1 an, que nous nous retrouvons maintenant avec un président élu, avec une Assemblée nationale élue, avec un pays qui a retrouvé confiance en lui-même, qui regarde son intégrité, bref, le bilan est extrêmement positif, grâce à la qualité, au professionnalisme de nos forces. Tout n'est pas fini, parce que, comme on le disait tout à l'heure, les risques terroristes dans cette partie de l'Afrique restent importants et nous allons garder, sur le territoire du Mali, un millier de soldats, qui font du contreterrorisme, y compris cette nuit, pour la nuit qui vient de se passer, qui est en cours
BRUCE TOUSSAINT
C'est-à-dire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est-à-dire qu'on intervient pour cibler des groupes en reconstitution sur deux théâtres, à la fois aux environs de Tombouctou et à la fois dans ce qu'on appelle l'Adrar des Ifoghas, c'est-à-dire des montagnes au Nord pas loin de Tesalit tout cela nécessite une présence continue en bonne articulation avec les forces armées maliennes que l'Europe contribue à former maintenant.
BRUCE TOUSSAINT
Vous avez évoqué les sept soldats français, le bilan humain de cette opération au Mali, il est vous avez une idée du nombre de victimes causées par l'intervention ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a eu plusieurs centaines de terroristes neutralisés
BRUCE TOUSSAINT
Ca veut dire tués neutralisés ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui et il y a eu aussi quelques victimes du côté de l'armée tchadienne et de l'armée malienne.
BRUCE TOUSSAINT
Vous serez donc tout à l'heure à Washington pour deux jours, c'est une visite importante et vous allez notamment parler de cyberdéfense. Alors c'est un mot qui ne dit pas forcément grand chose à tous ceux qui nous regardent ce matin, c'est quoi la cyberdéfense ? Pourquoi c'est stratégique dans les prochaines années ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est la guerre informatique, c'est un danger réel pour nous, il y a des menaces permanentes et il y a des attaques permanentes. En ce qui concerne le ministère de la Défense par exemple nous avons un doublement des attaques informatiques tous les ans. Alors elles ne sont pas dramatiques, elles sont contrôlées et il y a une plus grande précision des cibles qui permettent d'abord d'espionner nos réseaux et puis qui permettent aussi éventuellement d'intervenir sur nos infrastructures, pas uniquement militaires et éventuellement de les détruire et donc de mettre un pays en situation extrêmement difficile. Donc il faut se prémunir contre ce risque et il faut rentrer dans une logique de guerre cyber.
BRUCE TOUSSAINT
Qui sont nos ennemis ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ils sont très variés
BRUCE TOUSSAINT
Non mais ça peut être Al Qaïda
JEAN-YVES LE DRIAN
Ca peut être des groupes terroristes, ça peut être des puissances étrangères, ça peut être ça dépend des actions et il faut s'en prémunir, c'est une nouvelle donne de notre défense et de notre souveraineté et j'ai décidé de mettre en oeuvre un plan que l'on appelle « défense cyber » pour accélérer la procédure, pour accélérer nos actions à la fois en termes de formation, à la fois en termes de chaînes opérationnelles parce que si c'est une guerre, eh bien il faut à la fois se défendre mais aussi être capables d'attaquer et nous avons aussi décider de renforcer notre capacité de recherche, d'innovation et de formation pour qu'on soit au rendez-vous. Nous sommes plutôt bien placés dans ce débat, mais il faut que nous soyons toujours en tête.
BRUCE TOUSSAINT
Mais du coup, aux Américains, vous allez leur parler des fameuses écoutes de la NSA ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense que le président de la République évoquera ça, oui, quand il va faire son voyage dans quelques jours aux Etats-Unis, dans sa rencontre avec le président OBAMA.
BRUCE TOUSSAINT
Sur quel ton ?
JEAN-YVES LE DRIAN
On verra bien.
BRUCE TOUSSAINT
Vous l'avez dit à l'instant, ce voyage aura lieu au mois de février, d'ailleurs votre voyage, aujourd'hui, est aussi une façon de préparer
JEAN-YVES LE DRIAN
D'une certaine manière.
BRUCE TOUSSAINT
Le voyage du président de la République, vous pouvez nous dire si le président sera accompagné de Valérie TRIERWEILER pour ce voyage ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense qu'il a fait une déclaration concernant sa vie privée lors de sa conférence de presse, où il a annoncé qu'il donnerait les informations nécessaires aux Français avant ce déplacement, c'est de sa liberté.
BRUCE TOUSSAINT
Donc la décision n'est pas prise ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne suis pas dans son intimité.
BRUCE TOUSSAINT
Ce n'est pas vous qui allez annoncer la nouvelle aux Américains lors de ce
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'ai pas ce pouvoir et heureusement.
BRUCE TOUSSAINT
Lors de ce voyage. On le sait, Jean-Yves LE DRIAN, vous êtes très proche de François HOLLANDE, comment va-t-il ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je trouve qu'il est très déterminé, très volontariste, très, je crois, offensif, sur la nécessité pour notre pays de sortir de la spirale des déficits, de la spirale de la dette, de faire en sorte que le pacte de modernisation et le pacte de responsabilité qu'il a proposé, avec ces quatre chantiers que sont la simplification, la compétitivité, la lisibilité et les contreparties, cet enjeu-là doit mettre la France en mouvement
BRUCE TOUSSAINT
Mais on dit qu'il a changé, est-ce qu'il a changé ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je le trouve plus déterminé qu'auparavant, mais il a été toujours déterminé quand il s'est agi de choix majeurs comme les interventions extérieures que nous avons pu faire, il a toujours cette même volonté, peut-être qui n'était pas, elle, suffisamment lisible, je crois que maintenant, elle l'est, que les Français savent qu'il y a à la tête de ce pays un homme d'Etat courageux, qui prend des décisions et qui donne une feuille de route de manière très claire, et qui le mènera jusqu'à son terme.
BRUCE TOUSSAINT
Vous regrettez qu'on parle de sa vie privée, que ça soit, comme ça, au coeur du débat public ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce n'est pas le sujet de la responsabilité du chef de l'Etat, il a été élu pour un projet, il met en oeuvre ce projet, il l'accélère, il essaie de faire en sorte qu'il y ait un grand compromis social en France, et c'est une détermination tout à fait respectable.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vous pouvez me dire : ça me choque que ça soit comme ça dans les journaux
JEAN-YVES LE DRIAN
Je constate que c'est dans les journaux, mais ce n'est pas le sujet principal.
BRUCE TOUSSAINT
Un tout dernier mot, Jean-Yves LE DRIAN, puisque vous allez aux Etats-Unis, il y a une phrase de Barack OBAMA qui a fait beaucoup de bruit, ces derniers jours, le président américain a dit : fumer du cannabis n'est pas plus dangereux que de boire. Alors, c'est un sujet de société, c'est un sujet qui revient régulièrement dans l'actualité. Qu'est-ce que vous en pensez ? Est-ce que vous diriez la même chose que le président américain sur ce sujet-là ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, moi, je suis tout à fait opposé au cannabis, donc je ne partage pas ce point de vue, mais ça, c'est le point de vue du président américain, je le lui laisse.
BRUCE TOUSSAINT
Ça sera peut-être un des sujets de discussion avec François HOLLANDE
JEAN-YVES LE DRIAN
Oh, je ne crois pas, écoutez
BRUCE TOUSSAINT
Non ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ah, peut-être avec François HOLLANDE, mais avec mon collègue Chuck HAGEL, demain matin, ce ne sera pas, je pense, le sujet principal.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Yves LE DRIAN, qui sera donc tout à l'heure à Washington pour deux jours, pour présenter aux autorités américaines la nouvelle stratégie africaine de la France, mais aussi pour évoquer la cyber défense. Merci d'avoir été avec nous sur I TELE pour évoquer tous ces sujets, et notamment la situation en Centrafrique, qui nous a permis évidemment d'en savoir un peu plus sur les tous derniers événements. Bonne journée à vous. Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 23 janvier 2014