Texte intégral
GRÉGOIRE FAVET
C'est le premier Conseil des ministres franco-allemand depuis la réélection d'Angela MERKEL, et l'arrivée des socio-démocrates au pouvoir en Allemagne, Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
Oui, c'est vrai, et puis, une convergence de temps finalement devant nous
GREGOIRE FAVET
C'est ce que tout le monde met en avant, là, trois années sans élection majeure, alors bon, il y a les élections européennes, mais en interne, ni en France ni en Allemagne, il n'y a pas d'élection majeure, bon, les municipales, on les met de côté aussi, c'est un boulevard, c'est une fenêtre d'opportunités, là ?
THIERRY REPENTIN
C'est clair que la perspective qu'il n'y ait ni élection présidentielle en France ni élection fédérale en Allemagne nous donne finalement une concordance de temps durant laquelle on doit peaufiner une concordance justement de projets, et vous le savez, pour la dimension européenne, l'étroitesse du couple franco-allemand est une donnée essentielle pour avoir une Europe beaucoup plus intégrée, et il y aura plusieurs sujets à l'ordre du jour, aujourd'hui d'ailleurs de ce Conseil des ministres franco-allemand, qui va permettre à l'Europe évidemment d'avoir des politiques justement plus intégrées.
GREGOIRE FAVET
Est-ce que ce sont véritablement les élections, les échéances électorales de ces deux dernières années, on va dire, en Allemagne et en France, qui ont bloqué les projets, les coopérations entre la France et l'Allemagne, ou est-ce que ce sont derrière ça des divergences de vue aussi qui ont empêché les deux pays d'avancer, d'avancer sur certains projets, Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
Non, il n'y a pas eu de blocage entre la France et l'Allemagne sur des avancées de projets. Nous nous sommes retrouvés très largement par exemple pour mettre en place une ligne budgétaire de six milliards d'euros sur la politique des jeunes à l'échelle de l'Union européenne, avant même l'arrivée du SPD au gouvernement, la question du salaire minimum avait été posée dans un papier de Angela MERKEL et François HOLLANDE le 30 mai dernier, donc c'était avant les élections. Donc le couple franco-allemand, il a produit. C'est évident que l'arrivée du SPD finalement donne une tonalité encore plus proche qu'elle ne l'était par le passé.
GREGOIRE FAVET
Bon, et c'est alors, évidemment, là, tout le monde va se féliciter, vous avez félicité les Allemands pour le salaire minimum, les Allemands vont vous féliciter pour le pacte de responsabilité, là, tout le monde va se congratuler autour de la table ?
THIERRY REPENTIN
Non, on n'est pas dans l'autosatisfaction, dans l'autocongratulation, nous sommes plutôt de voir comment sur trois grands sujets, qui est la convergence fiscale et sociale, qui est de voir sur les politiques énergétiques, et aussi sur les politiques européennes de défense, nous pouvons être force de propositions pour l'ensemble des 28.
GREGOIRE FAVET
Bon, si on prend justement, on va essayer de détailler ces trois thèmes, AIRBUS de l'énergie, est-ce que la formule alors, la formule est bien trouvée, parce qu'elle parle à tout le monde, Thierry REPENTIN, est-ce qu'elle n'est pas trop ambitieuse ?
THIERRY REPENTIN
Oui, alors, l'idée, ça veut dire de quoi, comment par le passé en mettant ensemble des capacités de recherche, de développement, des savoir-faire de part et d'autre du Rhin, nous avons pu, nos prédécesseurs, ont pu faire ce qu'est aujourd'hui l'AIRBUS, il y avait d'ailleurs également le Royaume-Uni, c'est ça, quelle est la capacité des Etats à booster celles et ceux qui ont un savoir, des idées en matière énergétique pour travailler d'une façon plus étroite, pour créer demain effectivement les grands champions énergétiques européens.
GREGOIRE FAVET
AIRBUS, ex-EADS, a été à un moment, voilà, une entreprise avec des Etats actionnaires, ça a parfois été compliqué, aujourd'hui, la gouvernance, l'actionnariat, a évolué, et a été simplifiée. Enfin, c'est ce schéma-là qu'on veut reproduire aujourd'hui ou ce n'est pas du tout ce qui est sur la table ?
THIERRY REPENTIN
On l'oublie, on l'oublie aujourd'hui parce que le temps a passé
GREGOIRE FAVET
D'accord
THIERRY REPENTIN
L'AIRBUS est né de tâtonnements aussi entre la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, à l'époque, où on allait faire effectivement un champion, nous l'espérions, de l'aéronautique. Là, l'idée, c'est aussi de faire travailler tous les organismes de recherche, qu'il y a de part et d'autre du Rhin, le CEA, l'Institut de Karlsruhe par exemple, l'Institut des énergies renouvelables, il y a un office franco-allemand des énergies renouvelables. Comment les faire travailler d'une façon plus étroite ? Comment voir si la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS et son partenaire allemand peuvent aussi apporter des moyens à celles et ceux qui ont des idées
GREGOIRE FAVET
Donc c'est un laboratoire, on veut mettre en place une espèce de laboratoire, et voir un petit peu comment tous ces organismes publics, privés, j'imagine qu'il y aura aussi quand même des industriels associés à cette plateforme
THIERRY REPENTIN
Absolument, absolument.
GREGOIRE FAVET
Donc comment est-ce que tout ça va pouvoir s'organiser ?
THIERRY REPENTIN
C'est cela, et les faire travailler d'une façon beaucoup plus étroite pour que demain, naissent de cette coopération technologique, intellectuelle, de recherche, les grandes entreprises, car il y aura un sommet très important en mars prochain, et c'est une façon aussi de le préparer aujourd'hui en franco-allemand, le sommet de mars prochain sera consacré à la transition énergétique, aux grandes orientations en matière de climat. Comment pouvons-nous avoir un objectif à 2030 de diminution de 40% de rejet de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, si on le fait, il faudra forcément que l'industrie se modernise, forcément que nous ayons des technologies à proposer à celles et ceux qui
GREGOIRE FAVET
Et c'est une manière pour la France de rattraper une forme de retard, là, par rapport à la transition énergétique qui est effectuée à marche forcée en Allemagne, depuis l'abandon du nucléaire, enfin, je veux dire, la part du nucléaire en France reste quand même aujourd'hui prépondérante par rapport à ce qu'elle est en Allemagne, puisque
THIERRY REPENTIN
Non, c'est une façon d'être encore meilleurs que nous ne le sommes aujourd'hui, il y aura cet objectif de moins 40%, mais nous voulons aussi qu'il y ait une part incompressible pour tout le monde d'énergies renouvelables dans le mix énergétique à échéance de 2030. Si on veut qu'il y ait une part d'énergie renouvelable, il faut aussi que nous ayons les technologies qui soient prêtes, le solaire, l'hydrogène par exemple sont aujourd'hui des niches dans lesquelles nous savons qu'il y aura des centaines de milliers d'emplois, nous devons nous mettre autour d'une table et que le couple franco-allemand booste en quelque sorte ce secteur, créateur d'emplois.
GREGOIRE FAVET
Sur la fiscalité, Thierry REPENTIN, enfin, l'harmonisation fiscale entre la France et l'Allemagne, reprise par François HOLLANDE, bon, c'était déjà le cas de Nicolas SARKOZY, franchement, on ne sait pas du tout où ça en est, il y a eu des études, j'imagine, de cas sur le sujet, enfin, c'est, à nouveau, on va à nouveau avoir, là, des paroles autour de cette harmonisation fiscale et sociale entre la France et l'Allemagne, à l'issue de ce Conseil des ministres ?
THIERRY REPENTIN
Non, il n'y aura pas que des paroles, il y aura aussi des engagements à ce que les deux Etats fassent avancer concrètement les choses, entre les deux Etats, mais qu'ils soient aussi force de propositions sur l'harmonisation fiscale et sociale, y compris pour le reste de l'Europe, alors
GREGOIRE FAVET
C'est quoi, c'est l'Allemagne qui vient vers nous ou c'est la France qui va vers l'Allemagne ?
THIERRY REPENTIN
Je crois que c'est un pas de part et d'autre
GREGOIRE FAVET
Un peu des deux.
THIERRY REPENTIN
Nous allons parler par exemple du salaire minimal, c'était une question taboue il y a dix-huit mois, on ne s'en souvient pas, mais c'était tabou. Nos amis allemands ont accepté de faire un pas, c'est très important parce que nous tirons en quelque sorte, il y a une convergence sociale par le haut avec
GREGOIRE FAVET
C'est très loin quand même du Smic français, enfin, ce qui est en train de se passer en Allemagne
THIERRY REPENTIN
Non, il sera à 8,50 euros de l'heure au 1er janvier prochain, on est à 9,43 aujourd'hui, 17% des Allemands travaillent dans des filières où il n'y a pas de salaire minimal. Certains travaillent à 3,20 euros, ils vont passer à 8,50 au 1er janvier. Donc on voit que les choses se rapprochent. Profitons du fait que, effectivement, l'Allemagne accepte pour poser plus largement la question du salaire minimal à l'égard de six autres Etats qui n'ont pas de salaire minimal. Et donc j'ai demandé par exemple à la présidence grecque, qui présidera l'Europe pendant six mois, de mettre cette question en discussion sur les 28.
GREGOIRE FAVET
D'accord, donc on a des demandes sur le salaire minimum et on voit que c'est un débat qui est à travers la planète, que ce soit au Royaume-Uni, aux Etats-Unis il y a un débat sur ce salaire minimum, enfin nous notre pas en avant c'est quoi Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
C'est aussi pousser les questions sur d'autres sujets. La taxe sur les transactions financières, tout le monde dit, il faut la faire
GREGOIRE FAVET
Mais notre pas fiscal en avant dans le sens de l'Allemagne, c'est quoi ?
THIERRY REPENTIN
La TTF, la taxe sur les transactions financières, elle est dans le pacte de coalition entre le SPD, la CDU et le CSU. Nous sommes un des onze pays avec l'Allemagne à la demander. Il faut que nous débouchions rapidement, notamment si possible que nous ayons des positions concrètes, les deux grands pays, pour que cette question ait avancé avant le 25 mai prochain, date des élections européennes. Il se trouve que la Grèce qui préside l'Union européenne, est d'accord aussi, il se trouve que l'Italie qui présidera ensuite l'Union européenne à partir du mois de juillet est d'accord aussi. Donc on a une
GREGOIRE FAVET
On part sur une version édulcorée Thierry REPENTIN, enfin on a l'impression là dans ce qui est en train de se négocier, évidemment les lobbies sont aussi à la manoeuvre, enfin je veux dire entre le projet initial et la version qui aboutira, on n'est pas tout à fait sur la même chose là.
THIERRY REPENTIN
Nous le verrons à l'issue des débats qui auront lieu dans les semaines qui viennent, sur une proposition franco-allemande pour déterminer en quelque sorte l'assiette des produits sur laquelle cette taxe sur les transactions financières sera mise, son taux, son affectation, l'affectation de la recette en quelque sorte. Donc il ne faut pas dire les choses sont perdues d'avance, loin de là. Nous avons la ferme volonté de faire aboutir ce dossier au même titre que, donc on parle du salaire minimum, de la TTF, nous allons aussi parler
GREGOIRE FAVET
Et la baisse des impôts des entreprises en France, enfin ça fait partie aussi des pas fiscaux que la France va engager vis-à-vis de l'Allemagne parce que la TTF c'est très bien, mais le salaire minimum en Allemagne c'est quand même un autre impact que la TTF.
THIERRY REPENTIN
Il y aura un groupe à haut niveau du service de la législation fiscale des deux pays, qui vont voir comment sur la problématique de l'impôt sur les sociétés nous pouvons aller vers une harmonisation de la fiscalité des entreprises. Donc harmonisation de la fiscalité des entreprises, salaire minimal, TTF, nous voulons aussi avoir des dispositifs de lutte contre la fraude fiscale à l'échelle de l'Europe
GREGOIRE FAVET
L'optimisation fiscale ou fraude fiscale ?
THIERRY REPENTIN
Absolument, il y a mille milliards d'euros qui échappent chaque année à une taxation de fiscalité. Donc nous devons aller chercher cette recette, ce n'est pas normal que nous soyons obligés d'augmenter la fiscalité sur celles et ceux qui la payent alors qu'une partie des entreprises ou des individus, puisse échapper à la fiscalité.
GREGOIRE FAVET
Et ça veut dire un cadre légal uniforme là sur ces questions justement parce que l'optimisation fiscale par définition c'est légal Thierry REPENTIN, ça veut dire que les législations vont évoluer dans plusieurs pays d'Europe, enfin ensemble la France et l'Allemagne sont prêtes à faire évoluer ensemble leur législation sur
THIERRY REPENTIN
C'est aussi de voir dans la législation fiscale européenne quels sont les trous dans la raquette
GREGOIRE FAVET
Les failles.
THIERRY REPENTIN
si vous me permettez cette expression, pour voir comment effectivement des entreprises ou des individus arrivent à bouger de l'argent, à aller mettre de l'argent sur un compte à l'étranger sans échange d'information, sans transparence. Et donc nous voulons faire des propositions pour qu'il n'y ait plus de faille, de trou dans la raquette pour effectivement avoir une lutte contre la fraude fiscale, c'est très important pour les budgets de chacun des pays.
GREGOIRE FAVET
Quelques questions d'actualité, alors je ne sais pas si ça sera au menu du Conseil des ministres franco-allemand ce matin Thierry REPENTIN, mais la Grèce, il y a eu une fin de non-recevoir soutenue par l'Allemagne, la Grèce pas de nouveau plan d'aide avant les élections européennes. On comprend qu'il y a cette échéance électorale-là qui concerne l'ensemble des pays d'Europe dans trois mois maintenant, est-ce que c'est la bonne manière de faire ? La Grèce espérait semble-t-il beaucoup d'un geste de solidarité avant ces élections européennes, justement pour pouvoir vendre un petit peu mieux l'Europe auprès de son opinion publique. L'Allemagne dans un intérêt aussi personnel décide que non, ça ne sera pas avant les élections européennes pour ne pas avoir à justifier de son côté, vis-à-vis de son opinion publique une nouvelle aide.
THIERRY REPENTIN
Je crois qu'il faut regarder les choses d'une façon dépassionnée, très pragmatique. Quand la Grèce aura-t-elle besoin de ce nouveau coup de pouce, en quelque sorte de cet accompagnement. Moi je crois qu'il faut regarder les choses effectivement d'une façon très précise et d'envoyer effectivement des signes positifs à l'égard de ce pays qui aujourd'hui préside l'Union européenne, notamment en tenant compte du fait qu'il y a les élections européennes le 25 mai prochain et qu'il ne faut pas donner le sentiment que nous abandonnerions ce pays qui préside l'Union européenne. La solidarité doit être au rendez-vous, elle l'a toujours été, nous en discuterons sans doute avec nos amis allemands. Si vous me permettez il y aura un autre sujet aujourd'hui très très important, c'est comment le couple franco-allemand peut relancer une dynamique diplomatique internationale notamment sur les questions de défense.
GREGOIRE FAVET
Et c'est vrai qu'on a vu là-dessus, il y a déjà alors qu'il y avait des divergences assez importantes sur le enfin il y a un retour de convergence sur ces questions de défense et sur ces questions militaires ?
THIERRY REPENTIN
Oui, je crois qu'il y a aujourd'hui un appétit plus marqué de nos amis allemands pour accompagner en quelque sorte des actions y compris sur un plan militaire, pour intervenir là où la sécurité de l'Europe finalement est menacée par contre coup et je pense au continent africain, il y aura sans doute des annonces assez importantes et derrière tout cela, il y a l'industrie de l'armement, il y a les coopérations industrielles technologiques à bâtir.
GREGOIRE FAVET
Sur les questions, alors pas militaires mais diplomatiques cette fois, j'imagine qu'il y aura quand même des discussions au sujet de ce qui se passe en Ukraine en ce moment Thierry REPENTIN, l'Allemagne menace de sanctions le régime de Kiev aujourd'hui, quelle est la position de la France, est-ce que vous soutiendrez l'Allemagne si Berlin va jusqu'à établir des sanctions vis-à-vis de l'Ukraine et du gouvernement actuel ?
THIERRY REPENTIN
Ecoutez, lundi dernier il y avait une réunion des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles où je représentais la France, Laurent FABIUS étant avec le président de la République aux Etats-Unis. Ce jour-là nous avons posé le principe que si la situation se dégradait, il y aurait des sanctions individuelles à l'égard de celles et ceux qui sont responsables des violences en Ukraine
GREGOIRE FAVET
Elle s'est dégradée semble-t-il la situation.
THIERRY REPENTIN
Elle s'est dégradée, donc cette question qui était une hypothèse doit être aujourd'hui mise sur la table pour une décision à l'échelle de l'Union européenne.
GREGOIRE FAVET
Une décision qui sera prise à quelle échéance là si la situation continue de se dégrader comme ça ?
THIERRY REPENTIN
Elle peut l'être très vite sous l'autorité de Cathy ASHTON qui est en quelque sorte l'ambassadrice de l'Union européenne, nos amis allemands ont posé cette question hier, nous devrons nous-mêmes aujourd'hui prendre aussi cette décision.
GREGOIRE FAVET
Une dernière question, vous allez retrouver, là c'est l'ensemble des gouvernements qui sont rassemblés, ça fait du monde quand même, il y a une quinzaine de ministres côté allemand et un peu moins de 40 .
THIERRY REPENTIN
18.
GREGOIRE FAVET
18 côté allemand mais au total au gouvernement français, il y a quand même 38 ministres en comptant j'imagine les ministres délégués et les secrétaires d'Etat, est-ce qu'il faut un gouvernement resserré, c'est la question que je voulais vous poser Thierry REPENTIN. Est-ce que la France a besoin d'un gouvernement resserré comme l'a fait Angela MERKEL à travers cette grande coalition ?
THIERRY REPENTIN
Ce n'est pas une question qui se tranche dans un concert de discussion. Je crois que chaque pays a son organisation gouvernementale et aujourd'hui seront autour de la table les ministres qui sont concernés par les points inscrits à l'ordre du jour.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2014
C'est le premier Conseil des ministres franco-allemand depuis la réélection d'Angela MERKEL, et l'arrivée des socio-démocrates au pouvoir en Allemagne, Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
Oui, c'est vrai, et puis, une convergence de temps finalement devant nous
GREGOIRE FAVET
C'est ce que tout le monde met en avant, là, trois années sans élection majeure, alors bon, il y a les élections européennes, mais en interne, ni en France ni en Allemagne, il n'y a pas d'élection majeure, bon, les municipales, on les met de côté aussi, c'est un boulevard, c'est une fenêtre d'opportunités, là ?
THIERRY REPENTIN
C'est clair que la perspective qu'il n'y ait ni élection présidentielle en France ni élection fédérale en Allemagne nous donne finalement une concordance de temps durant laquelle on doit peaufiner une concordance justement de projets, et vous le savez, pour la dimension européenne, l'étroitesse du couple franco-allemand est une donnée essentielle pour avoir une Europe beaucoup plus intégrée, et il y aura plusieurs sujets à l'ordre du jour, aujourd'hui d'ailleurs de ce Conseil des ministres franco-allemand, qui va permettre à l'Europe évidemment d'avoir des politiques justement plus intégrées.
GREGOIRE FAVET
Est-ce que ce sont véritablement les élections, les échéances électorales de ces deux dernières années, on va dire, en Allemagne et en France, qui ont bloqué les projets, les coopérations entre la France et l'Allemagne, ou est-ce que ce sont derrière ça des divergences de vue aussi qui ont empêché les deux pays d'avancer, d'avancer sur certains projets, Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
Non, il n'y a pas eu de blocage entre la France et l'Allemagne sur des avancées de projets. Nous nous sommes retrouvés très largement par exemple pour mettre en place une ligne budgétaire de six milliards d'euros sur la politique des jeunes à l'échelle de l'Union européenne, avant même l'arrivée du SPD au gouvernement, la question du salaire minimum avait été posée dans un papier de Angela MERKEL et François HOLLANDE le 30 mai dernier, donc c'était avant les élections. Donc le couple franco-allemand, il a produit. C'est évident que l'arrivée du SPD finalement donne une tonalité encore plus proche qu'elle ne l'était par le passé.
GREGOIRE FAVET
Bon, et c'est alors, évidemment, là, tout le monde va se féliciter, vous avez félicité les Allemands pour le salaire minimum, les Allemands vont vous féliciter pour le pacte de responsabilité, là, tout le monde va se congratuler autour de la table ?
THIERRY REPENTIN
Non, on n'est pas dans l'autosatisfaction, dans l'autocongratulation, nous sommes plutôt de voir comment sur trois grands sujets, qui est la convergence fiscale et sociale, qui est de voir sur les politiques énergétiques, et aussi sur les politiques européennes de défense, nous pouvons être force de propositions pour l'ensemble des 28.
GREGOIRE FAVET
Bon, si on prend justement, on va essayer de détailler ces trois thèmes, AIRBUS de l'énergie, est-ce que la formule alors, la formule est bien trouvée, parce qu'elle parle à tout le monde, Thierry REPENTIN, est-ce qu'elle n'est pas trop ambitieuse ?
THIERRY REPENTIN
Oui, alors, l'idée, ça veut dire de quoi, comment par le passé en mettant ensemble des capacités de recherche, de développement, des savoir-faire de part et d'autre du Rhin, nous avons pu, nos prédécesseurs, ont pu faire ce qu'est aujourd'hui l'AIRBUS, il y avait d'ailleurs également le Royaume-Uni, c'est ça, quelle est la capacité des Etats à booster celles et ceux qui ont un savoir, des idées en matière énergétique pour travailler d'une façon plus étroite, pour créer demain effectivement les grands champions énergétiques européens.
GREGOIRE FAVET
AIRBUS, ex-EADS, a été à un moment, voilà, une entreprise avec des Etats actionnaires, ça a parfois été compliqué, aujourd'hui, la gouvernance, l'actionnariat, a évolué, et a été simplifiée. Enfin, c'est ce schéma-là qu'on veut reproduire aujourd'hui ou ce n'est pas du tout ce qui est sur la table ?
THIERRY REPENTIN
On l'oublie, on l'oublie aujourd'hui parce que le temps a passé
GREGOIRE FAVET
D'accord
THIERRY REPENTIN
L'AIRBUS est né de tâtonnements aussi entre la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni, à l'époque, où on allait faire effectivement un champion, nous l'espérions, de l'aéronautique. Là, l'idée, c'est aussi de faire travailler tous les organismes de recherche, qu'il y a de part et d'autre du Rhin, le CEA, l'Institut de Karlsruhe par exemple, l'Institut des énergies renouvelables, il y a un office franco-allemand des énergies renouvelables. Comment les faire travailler d'une façon plus étroite ? Comment voir si la CAISSE DES DEPÔTS ET CONSIGNATIONS et son partenaire allemand peuvent aussi apporter des moyens à celles et ceux qui ont des idées
GREGOIRE FAVET
Donc c'est un laboratoire, on veut mettre en place une espèce de laboratoire, et voir un petit peu comment tous ces organismes publics, privés, j'imagine qu'il y aura aussi quand même des industriels associés à cette plateforme
THIERRY REPENTIN
Absolument, absolument.
GREGOIRE FAVET
Donc comment est-ce que tout ça va pouvoir s'organiser ?
THIERRY REPENTIN
C'est cela, et les faire travailler d'une façon beaucoup plus étroite pour que demain, naissent de cette coopération technologique, intellectuelle, de recherche, les grandes entreprises, car il y aura un sommet très important en mars prochain, et c'est une façon aussi de le préparer aujourd'hui en franco-allemand, le sommet de mars prochain sera consacré à la transition énergétique, aux grandes orientations en matière de climat. Comment pouvons-nous avoir un objectif à 2030 de diminution de 40% de rejet de gaz à effet de serre dans l'atmosphère, si on le fait, il faudra forcément que l'industrie se modernise, forcément que nous ayons des technologies à proposer à celles et ceux qui
GREGOIRE FAVET
Et c'est une manière pour la France de rattraper une forme de retard, là, par rapport à la transition énergétique qui est effectuée à marche forcée en Allemagne, depuis l'abandon du nucléaire, enfin, je veux dire, la part du nucléaire en France reste quand même aujourd'hui prépondérante par rapport à ce qu'elle est en Allemagne, puisque
THIERRY REPENTIN
Non, c'est une façon d'être encore meilleurs que nous ne le sommes aujourd'hui, il y aura cet objectif de moins 40%, mais nous voulons aussi qu'il y ait une part incompressible pour tout le monde d'énergies renouvelables dans le mix énergétique à échéance de 2030. Si on veut qu'il y ait une part d'énergie renouvelable, il faut aussi que nous ayons les technologies qui soient prêtes, le solaire, l'hydrogène par exemple sont aujourd'hui des niches dans lesquelles nous savons qu'il y aura des centaines de milliers d'emplois, nous devons nous mettre autour d'une table et que le couple franco-allemand booste en quelque sorte ce secteur, créateur d'emplois.
GREGOIRE FAVET
Sur la fiscalité, Thierry REPENTIN, enfin, l'harmonisation fiscale entre la France et l'Allemagne, reprise par François HOLLANDE, bon, c'était déjà le cas de Nicolas SARKOZY, franchement, on ne sait pas du tout où ça en est, il y a eu des études, j'imagine, de cas sur le sujet, enfin, c'est, à nouveau, on va à nouveau avoir, là, des paroles autour de cette harmonisation fiscale et sociale entre la France et l'Allemagne, à l'issue de ce Conseil des ministres ?
THIERRY REPENTIN
Non, il n'y aura pas que des paroles, il y aura aussi des engagements à ce que les deux Etats fassent avancer concrètement les choses, entre les deux Etats, mais qu'ils soient aussi force de propositions sur l'harmonisation fiscale et sociale, y compris pour le reste de l'Europe, alors
GREGOIRE FAVET
C'est quoi, c'est l'Allemagne qui vient vers nous ou c'est la France qui va vers l'Allemagne ?
THIERRY REPENTIN
Je crois que c'est un pas de part et d'autre
GREGOIRE FAVET
Un peu des deux.
THIERRY REPENTIN
Nous allons parler par exemple du salaire minimal, c'était une question taboue il y a dix-huit mois, on ne s'en souvient pas, mais c'était tabou. Nos amis allemands ont accepté de faire un pas, c'est très important parce que nous tirons en quelque sorte, il y a une convergence sociale par le haut avec
GREGOIRE FAVET
C'est très loin quand même du Smic français, enfin, ce qui est en train de se passer en Allemagne
THIERRY REPENTIN
Non, il sera à 8,50 euros de l'heure au 1er janvier prochain, on est à 9,43 aujourd'hui, 17% des Allemands travaillent dans des filières où il n'y a pas de salaire minimal. Certains travaillent à 3,20 euros, ils vont passer à 8,50 au 1er janvier. Donc on voit que les choses se rapprochent. Profitons du fait que, effectivement, l'Allemagne accepte pour poser plus largement la question du salaire minimal à l'égard de six autres Etats qui n'ont pas de salaire minimal. Et donc j'ai demandé par exemple à la présidence grecque, qui présidera l'Europe pendant six mois, de mettre cette question en discussion sur les 28.
GREGOIRE FAVET
D'accord, donc on a des demandes sur le salaire minimum et on voit que c'est un débat qui est à travers la planète, que ce soit au Royaume-Uni, aux Etats-Unis il y a un débat sur ce salaire minimum, enfin nous notre pas en avant c'est quoi Thierry REPENTIN ?
THIERRY REPENTIN
C'est aussi pousser les questions sur d'autres sujets. La taxe sur les transactions financières, tout le monde dit, il faut la faire
GREGOIRE FAVET
Mais notre pas fiscal en avant dans le sens de l'Allemagne, c'est quoi ?
THIERRY REPENTIN
La TTF, la taxe sur les transactions financières, elle est dans le pacte de coalition entre le SPD, la CDU et le CSU. Nous sommes un des onze pays avec l'Allemagne à la demander. Il faut que nous débouchions rapidement, notamment si possible que nous ayons des positions concrètes, les deux grands pays, pour que cette question ait avancé avant le 25 mai prochain, date des élections européennes. Il se trouve que la Grèce qui préside l'Union européenne, est d'accord aussi, il se trouve que l'Italie qui présidera ensuite l'Union européenne à partir du mois de juillet est d'accord aussi. Donc on a une
GREGOIRE FAVET
On part sur une version édulcorée Thierry REPENTIN, enfin on a l'impression là dans ce qui est en train de se négocier, évidemment les lobbies sont aussi à la manoeuvre, enfin je veux dire entre le projet initial et la version qui aboutira, on n'est pas tout à fait sur la même chose là.
THIERRY REPENTIN
Nous le verrons à l'issue des débats qui auront lieu dans les semaines qui viennent, sur une proposition franco-allemande pour déterminer en quelque sorte l'assiette des produits sur laquelle cette taxe sur les transactions financières sera mise, son taux, son affectation, l'affectation de la recette en quelque sorte. Donc il ne faut pas dire les choses sont perdues d'avance, loin de là. Nous avons la ferme volonté de faire aboutir ce dossier au même titre que, donc on parle du salaire minimum, de la TTF, nous allons aussi parler
GREGOIRE FAVET
Et la baisse des impôts des entreprises en France, enfin ça fait partie aussi des pas fiscaux que la France va engager vis-à-vis de l'Allemagne parce que la TTF c'est très bien, mais le salaire minimum en Allemagne c'est quand même un autre impact que la TTF.
THIERRY REPENTIN
Il y aura un groupe à haut niveau du service de la législation fiscale des deux pays, qui vont voir comment sur la problématique de l'impôt sur les sociétés nous pouvons aller vers une harmonisation de la fiscalité des entreprises. Donc harmonisation de la fiscalité des entreprises, salaire minimal, TTF, nous voulons aussi avoir des dispositifs de lutte contre la fraude fiscale à l'échelle de l'Europe
GREGOIRE FAVET
L'optimisation fiscale ou fraude fiscale ?
THIERRY REPENTIN
Absolument, il y a mille milliards d'euros qui échappent chaque année à une taxation de fiscalité. Donc nous devons aller chercher cette recette, ce n'est pas normal que nous soyons obligés d'augmenter la fiscalité sur celles et ceux qui la payent alors qu'une partie des entreprises ou des individus, puisse échapper à la fiscalité.
GREGOIRE FAVET
Et ça veut dire un cadre légal uniforme là sur ces questions justement parce que l'optimisation fiscale par définition c'est légal Thierry REPENTIN, ça veut dire que les législations vont évoluer dans plusieurs pays d'Europe, enfin ensemble la France et l'Allemagne sont prêtes à faire évoluer ensemble leur législation sur
THIERRY REPENTIN
C'est aussi de voir dans la législation fiscale européenne quels sont les trous dans la raquette
GREGOIRE FAVET
Les failles.
THIERRY REPENTIN
si vous me permettez cette expression, pour voir comment effectivement des entreprises ou des individus arrivent à bouger de l'argent, à aller mettre de l'argent sur un compte à l'étranger sans échange d'information, sans transparence. Et donc nous voulons faire des propositions pour qu'il n'y ait plus de faille, de trou dans la raquette pour effectivement avoir une lutte contre la fraude fiscale, c'est très important pour les budgets de chacun des pays.
GREGOIRE FAVET
Quelques questions d'actualité, alors je ne sais pas si ça sera au menu du Conseil des ministres franco-allemand ce matin Thierry REPENTIN, mais la Grèce, il y a eu une fin de non-recevoir soutenue par l'Allemagne, la Grèce pas de nouveau plan d'aide avant les élections européennes. On comprend qu'il y a cette échéance électorale-là qui concerne l'ensemble des pays d'Europe dans trois mois maintenant, est-ce que c'est la bonne manière de faire ? La Grèce espérait semble-t-il beaucoup d'un geste de solidarité avant ces élections européennes, justement pour pouvoir vendre un petit peu mieux l'Europe auprès de son opinion publique. L'Allemagne dans un intérêt aussi personnel décide que non, ça ne sera pas avant les élections européennes pour ne pas avoir à justifier de son côté, vis-à-vis de son opinion publique une nouvelle aide.
THIERRY REPENTIN
Je crois qu'il faut regarder les choses d'une façon dépassionnée, très pragmatique. Quand la Grèce aura-t-elle besoin de ce nouveau coup de pouce, en quelque sorte de cet accompagnement. Moi je crois qu'il faut regarder les choses effectivement d'une façon très précise et d'envoyer effectivement des signes positifs à l'égard de ce pays qui aujourd'hui préside l'Union européenne, notamment en tenant compte du fait qu'il y a les élections européennes le 25 mai prochain et qu'il ne faut pas donner le sentiment que nous abandonnerions ce pays qui préside l'Union européenne. La solidarité doit être au rendez-vous, elle l'a toujours été, nous en discuterons sans doute avec nos amis allemands. Si vous me permettez il y aura un autre sujet aujourd'hui très très important, c'est comment le couple franco-allemand peut relancer une dynamique diplomatique internationale notamment sur les questions de défense.
GREGOIRE FAVET
Et c'est vrai qu'on a vu là-dessus, il y a déjà alors qu'il y avait des divergences assez importantes sur le enfin il y a un retour de convergence sur ces questions de défense et sur ces questions militaires ?
THIERRY REPENTIN
Oui, je crois qu'il y a aujourd'hui un appétit plus marqué de nos amis allemands pour accompagner en quelque sorte des actions y compris sur un plan militaire, pour intervenir là où la sécurité de l'Europe finalement est menacée par contre coup et je pense au continent africain, il y aura sans doute des annonces assez importantes et derrière tout cela, il y a l'industrie de l'armement, il y a les coopérations industrielles technologiques à bâtir.
GREGOIRE FAVET
Sur les questions, alors pas militaires mais diplomatiques cette fois, j'imagine qu'il y aura quand même des discussions au sujet de ce qui se passe en Ukraine en ce moment Thierry REPENTIN, l'Allemagne menace de sanctions le régime de Kiev aujourd'hui, quelle est la position de la France, est-ce que vous soutiendrez l'Allemagne si Berlin va jusqu'à établir des sanctions vis-à-vis de l'Ukraine et du gouvernement actuel ?
THIERRY REPENTIN
Ecoutez, lundi dernier il y avait une réunion des ministres des Affaires étrangères à Bruxelles où je représentais la France, Laurent FABIUS étant avec le président de la République aux Etats-Unis. Ce jour-là nous avons posé le principe que si la situation se dégradait, il y aurait des sanctions individuelles à l'égard de celles et ceux qui sont responsables des violences en Ukraine
GREGOIRE FAVET
Elle s'est dégradée semble-t-il la situation.
THIERRY REPENTIN
Elle s'est dégradée, donc cette question qui était une hypothèse doit être aujourd'hui mise sur la table pour une décision à l'échelle de l'Union européenne.
GREGOIRE FAVET
Une décision qui sera prise à quelle échéance là si la situation continue de se dégrader comme ça ?
THIERRY REPENTIN
Elle peut l'être très vite sous l'autorité de Cathy ASHTON qui est en quelque sorte l'ambassadrice de l'Union européenne, nos amis allemands ont posé cette question hier, nous devrons nous-mêmes aujourd'hui prendre aussi cette décision.
GREGOIRE FAVET
Une dernière question, vous allez retrouver, là c'est l'ensemble des gouvernements qui sont rassemblés, ça fait du monde quand même, il y a une quinzaine de ministres côté allemand et un peu moins de 40 .
THIERRY REPENTIN
18.
GREGOIRE FAVET
18 côté allemand mais au total au gouvernement français, il y a quand même 38 ministres en comptant j'imagine les ministres délégués et les secrétaires d'Etat, est-ce qu'il faut un gouvernement resserré, c'est la question que je voulais vous poser Thierry REPENTIN. Est-ce que la France a besoin d'un gouvernement resserré comme l'a fait Angela MERKEL à travers cette grande coalition ?
THIERRY REPENTIN
Ce n'est pas une question qui se tranche dans un concert de discussion. Je crois que chaque pays a son organisation gouvernementale et aujourd'hui seront autour de la table les ministres qui sont concernés par les points inscrits à l'ordre du jour.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 25 février 2014