Texte intégral
Monsieur le Maire, (Philippe Sueur)
Monsieur le Directeur, (Pascal Boniface)
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je suis aujourd'hui parmi vous à l'occasion de cette sixième édition des Entretiens européens d'Enghien, manifestation qui s'est imposée comme un rendez-vous important de la réflexion sur les questions européennes.
Nous sommes aujourd'hui invités à réfléchir à la question de savoir où va l'Europe. Nous le faisons dans un contexte singulier, pour au moins deux raisons.
Singulier d'abord, parce qu'en ce moment même une crise majeure se joue aux portes de l'Union européenne, en Ukraine où je suis moi-même allé, début décembre, à la rencontre de celles et ceux qui n'étaient alors que des opposants sur la place Maïdan. Nous devons marquer avec fermeté, comme l'ont fait les chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur réunion exceptionnelle cette semaine, notre soutien à l'Ukraine, à son intégrité territoriale, à son indépendance et à sa souveraineté. Pour cela, il nous faut actionner trois leviers :
- Premièrement, dénoncer le choix de la Russie d'une escalade dangereuse qui conduit à diviser notre continent, à fragiliser l'Europe et à remettre en cause les principes fondamentaux du droit international. La fermeté de notre réaction est une question de crédibilité pour l'Union européenne ;
- Deuxièmement, l'Union européenne ne pourra, dans cette crise, jouer un rôle positif que si, à côté de fortes pressions, elle est capable de jouer un rôle de médiation suffisamment actif. Nous devons continuer à rechercher des solutions autour des propositions que nous avons faîtes, ainsi que nos partenaires allemands et avec l'aide de tous pour parvenir à une désescalade, pour permettre au dialogue de reprendre et pour aboutir à une solution satisfaisante pour tous ;
- Troisièmement, nous devons soutenir les autorités ukrainiennes pour qu'elles engagent la transition qui doit conduire à l'élection présidentielle du 25 mai. Une véritable transition, à laquelle aspirent les Ukrainiens, passe nécessairement par la mise en oeuvre de réformes de modernisation, avec la mise en place d'un véritable Etat de droit, une réforme d'envergure de l'économie et une lutte sans faille contre la corruption. Nous mesurons bien l'ampleur du défi. La mise en oeuvre du plan d'assistance financière proposé par la Commission, la réflexion sur les questions de mobilité et la perspective qui reste bien présente d'un accord d'association sont autant de composantes de la réponse et du soutien que nous devons apporter aux autorités ukrainiennes.
Il y a bien sûr une deuxième raison qui fait que le contexte dans lequel nous nous réunissons est singulier. Nous sommes à moins de 100 jours des élections européennes.
Et, partout en Europe, on sent monter une double inquiétude. Par rapport à l'abstention d'abord, qui c'est un curieux paradoxe progresse régulièrement alors même que les pouvoirs du Parlement européen ne cessent de croître. Par rapport ensuite à la montée des partis populistes, extrémistes et europhobes.
Ces deux dangers sont également bien présents en France. Mais il n'y a pas de fatalité. Nous ne sommes pas condamnés à subir une forme de 21 avril 2002 à l'échelle européenne.
C'est pourquoi je voudrais partager avec vous une double conviction :
- Nous avons besoin de plus d'Europe, d'une Europe qui continue à se projeter dans l'avenir et à défendre sa place dans le monde, d'une Europe qui protège encore mieux les Européens contre les chocs économiques et sociaux ;
- Ma deuxième conviction, c'est qu'il existe en Europe une « envie de France » qui nous permet d'être au rendez-vous pour faire de 2014 une année utile pour l'Europe.
1- L'Europe n'a pas d'alternative à la poursuite de son intégration
L'ambition de l'Europe, ce n'est pas simplement de faire face aux crises qui surviennent et de gérer des politiques existantes.
L'ambition de l'Europe, ce doit être un projet politique unificateur. Et c'est sans doute là que le bât blesse. Pendant longtemps, chaque avancée de la construction européenne en appelait une autre. La dynamique était telle que la question du soutien des citoyens ne se posait même pas. L'adhésion au projet européen était naturelle.
Ce qui était alors une évidence ne l'est plus aujourd'hui. C'en est fini de ce fonctionnement mécanique qui nous permettait d'aller de l'avant. C'en est fini d'une Europe qui pouvait se construire d'une certaine manière en catimini.
Nous devons redonner du sens, c'est-à-dire un contenu et une direction, à notre action et à la construction européenne.
Nous devons expliquer à nos concitoyens pourquoi nous faisons l'Europe et ce qu'elle leur apporte.
Nous devons dessiner un projet politique, consistant à conforter et renforcer l'Europe en tant que puissance mondiale.
Ce projet doit permettre à chacun de nos concitoyens d'avoir un emploi, de s'épanouir et d'offrir à ses enfants un avenir meilleur. C'est cela aussi le « rêve européen » : retrouver l'assurance que chaque génération pourra faire mieux que la précédente. Seule une Europe forte et solidaire nous permettra d'être à la hauteur des défis qui nous attendent.
L'Union européenne doit donc être guidée par une exigence : remettre la croissance et l'emploi au coeur de l'agenda européen. Cette réorientation a été amorcée :
- Avec la consolidation de la zone euro qui constitue le coeur du réacteur de l'Union européenne et le lancement de l'union bancaire, dont le deuxième pilier le mécanisme de résolution unique fait actuellement l'objet d'intenses négociations avec le Parlement européen. N'oublions pas aussi qu'une part de notre croissance se joue, en 2014, sur le résultat des tests de résistance que vont subir les banques. Les conséquences de la crise économique sont encore bien présentes, nos concitoyens les subissent mais mesurons bien que nous avons collectivement écarté la menace d'une implosion de la zone euro ;
- Avec le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 qui, tout en préservant nos intérêts sur les fonds structurels et PAC, est marqué par une nouvelle orientation en faveur des infrastructures, de la recherche, de l'innovation, c'est-à-dire des emplois de demain. Bien sûr nous l'aurions souhaité plus ambitieux encore mais n'oublions pas, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, que nous dépenserons plus au cours de cette période qu'entre 2007 et 2013 ;
- Avec l'augmentation de 10 milliards d'euros du capital de la Banque européenne d'investissement qui nous a permis de doubler le montant des prêts en France, de lancer des plans Campus et Hôpitaux, de faire bénéficier les PME de ces dispositifs. Ce sont autant de crédits qui sont injectés dans notre économie.
Mais tout ceci n'a de sens que dans le cadre d'un projet humaniste et de progrès. Un projet où l'Europe des opportunités et l'Europe des solidarités seraient indissociables. Et sur ce terrain aussi, je crois qu'il est important de valoriser les avancées de la construction européenne.
Je pense en particulier à la jeunesse. L'emploi des jeunes a été au coeur de la mobilisation des chefs d'Etat et de gouvernement lors des conférences de Berlin et de Paris l'année dernière et le sera à nouveau à Rome en juillet. Un fonds de 6 milliards d'euros mobilisables en 2014 et 2015 a été mis en place dans les régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. Le programme Erasmus a vu son bénéfice étendu aux jeunes en apprentissage et en formation par alternance et son budget a été presque doublé.
Je pense aussi aux salariés qui voient trop souvent l'Europe comme une menace. L'accord trouvé sur le détachement des travailleurs, grâce notamment à la Pologne qui a fait la preuve de son sens de l'intérêt général européen, est un bon signal.
Je pense aussi aux plus démunis de nos concitoyens et je me réjouis que nous ayons sauvé, avec l'appui des associations caritatives, le Fonds qui leur est destiné.
2- La France jouera son rôle pour faire de 2014 une année utile
Le renouvellement des institutions européennes va naturellement affecter la conduite des affaires européennes en 2014. Le risque est naturellement que l'Europe tourne un peu au ralenti dans cette période. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
2014 doit être une année utile pour la construction européenne. Ce temps est précieux lors que les citoyens européens, pour beaucoup en difficulté, nous regardent et nous attendent.
Nous devons saisir cette opportunité pour penser l'Europe de demain et porter de nouvelles initiatives.
Penser l'Europe de demain, c'est d'abord admettre que les envies d'Europe ne sont pas toutes les mêmes dans l'Union, ce qui se traduit notamment par la mise à mal de notre méthode communautaire au profit d'un repli sur la méthode intergouvernementale.
Mais la conviction de la France est que ce n'est pas sur ce chemin que nous bâtirons une Europe plus forte et plus légitime, et que ces divergences ne doivent pas nous empêcher d'avancer !
Si nous respectons les choix de ceux qui veulent en rester là, nous entendons surtout le message de ceux qui veulent aller de l'avant. C'est notre projet d'intégration solidaire dans une « Europe différenciée », où les rythmes, les contenus et même les règles de décisions seraient distincts. Cette « Europe différenciée » doit reposer sur le socle de la zone euro qui est un formidable levier politique, tout en gardant l'union de tous comme espace de liberté, de démocratie et de solidarité. Car nous n'avons pas le choix, où nous sommes capables de redonner un élan au projet européen, ou l'érosion gagnera
Mais attention, l'Europe différenciée, ce ne peut pas être l'Europe à la carte, une Europe où certains viendraient puiser des avantages sans respecter les règles communes, sans partager les charges qui sont au coeur de la solidarité qui nous lie.
Il est bien entendu évident, que sur l'ensemble de ces chantiers, nous ne pouvons avancer sans nos partenaires allemands. Car sans le couple franco-allemand, rien ne peut se faire ! Après un certain rééquilibrage dans nos relations, nous sommes dans une phase assez unique de concordance des calendriers électoraux. Nous avons du temps devant pour construire et avancer ensemble.
Dans le même temps, nous devons avoir une approche inclusive avec l'ensemble de nos partenaires, respecter tous les pays et travailler avec eux en bonne intelligence. L'exemple du détachement des travailleurs est bien la preuve que le travail de conviction paye.
Nous devons aussi respecter les institutions européennes. Ce qui n'exclut pas naturellement de réfléchir à leur organisation pour améliorer le fonctionnement de l'Europe dans son ensemble. Ce sont naturellement des discussions que nous avons avec les candidats à la présidence de la Commission européenne, qui doit davantage assumer politiquement sa fonction de force de propositions au coeur du système décisionnel européen.
Porter de nouvelles initiatives, c'est ce qu'a proposé le Président de la République lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier :
- Sur la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne est à cet égard une bonne nouvelle et la poursuite de l'intégration de la zone euro, avec une gouvernance renforcée et, le moment venu, une capacité financière ;
- Sur la transition énergétique, que nous devons appréhender à la fois comme une ardente obligation mais aussi comme une formidable opportunité de développement pour la croissance et la compétitivité de l'économie européenne, pour notre indépendance énergétique, comme pour la protection de notre environnement ; le prochain Conseil européen de mars sera très important à cet égard, ainsi d'ailleurs que sur la politique industrielle pour enrayer l'érosion de la part de l'industrie dans le PIB européen ;
- Sur la politique de défense et de sécurité commune enfin. On le voit bien au Mali ou en Centrafrique, l'Europe doit assumer ses responsabilités sur la scène internationale. Nous avons effectué de premiers pas lors du Conseil européen de décembre, avec une feuille de route précise et ambitieuse. Mais mesurons qu'il nous en reste encore tellement à franchir au service de la paix et de la sécurité en Europe et dans le monde.
Voilà quelques-uns des chantiers qui sont devant nous. La mission qui est la mienne est exaltante. Je me dois à la fois de porter les positions françaises sur la scène européenne et de faire vivre le débat européen en France.
A la question que pose notre rencontre aujourd'hui Où va l'Europe ? je voudrais que chacun d'entre nous soit bien conscient que la réponse lui appartient, le choix lui appartient. C'est tout l'enjeu des élections européennes du 25 mai prochain. Vous choisirez l'Europe que vous voulez.
Je sais que, dans cette salle, vous en êtes tous conscients. Mais je suis aussi venu vous inviter à porter cette parole au-delà du cercle de ceux qui s'intéressent à l'Europe.
L'Europe a aujourd'hui besoin de vous !
Je vous remercie.
Source http://www.iris-france.org, le 19 mars 2014
Monsieur le Directeur, (Pascal Boniface)
Mesdames, Messieurs,
C'est avec beaucoup de plaisir que je suis aujourd'hui parmi vous à l'occasion de cette sixième édition des Entretiens européens d'Enghien, manifestation qui s'est imposée comme un rendez-vous important de la réflexion sur les questions européennes.
Nous sommes aujourd'hui invités à réfléchir à la question de savoir où va l'Europe. Nous le faisons dans un contexte singulier, pour au moins deux raisons.
Singulier d'abord, parce qu'en ce moment même une crise majeure se joue aux portes de l'Union européenne, en Ukraine où je suis moi-même allé, début décembre, à la rencontre de celles et ceux qui n'étaient alors que des opposants sur la place Maïdan. Nous devons marquer avec fermeté, comme l'ont fait les chefs d'Etat et de gouvernement lors de leur réunion exceptionnelle cette semaine, notre soutien à l'Ukraine, à son intégrité territoriale, à son indépendance et à sa souveraineté. Pour cela, il nous faut actionner trois leviers :
- Premièrement, dénoncer le choix de la Russie d'une escalade dangereuse qui conduit à diviser notre continent, à fragiliser l'Europe et à remettre en cause les principes fondamentaux du droit international. La fermeté de notre réaction est une question de crédibilité pour l'Union européenne ;
- Deuxièmement, l'Union européenne ne pourra, dans cette crise, jouer un rôle positif que si, à côté de fortes pressions, elle est capable de jouer un rôle de médiation suffisamment actif. Nous devons continuer à rechercher des solutions autour des propositions que nous avons faîtes, ainsi que nos partenaires allemands et avec l'aide de tous pour parvenir à une désescalade, pour permettre au dialogue de reprendre et pour aboutir à une solution satisfaisante pour tous ;
- Troisièmement, nous devons soutenir les autorités ukrainiennes pour qu'elles engagent la transition qui doit conduire à l'élection présidentielle du 25 mai. Une véritable transition, à laquelle aspirent les Ukrainiens, passe nécessairement par la mise en oeuvre de réformes de modernisation, avec la mise en place d'un véritable Etat de droit, une réforme d'envergure de l'économie et une lutte sans faille contre la corruption. Nous mesurons bien l'ampleur du défi. La mise en oeuvre du plan d'assistance financière proposé par la Commission, la réflexion sur les questions de mobilité et la perspective qui reste bien présente d'un accord d'association sont autant de composantes de la réponse et du soutien que nous devons apporter aux autorités ukrainiennes.
Il y a bien sûr une deuxième raison qui fait que le contexte dans lequel nous nous réunissons est singulier. Nous sommes à moins de 100 jours des élections européennes.
Et, partout en Europe, on sent monter une double inquiétude. Par rapport à l'abstention d'abord, qui c'est un curieux paradoxe progresse régulièrement alors même que les pouvoirs du Parlement européen ne cessent de croître. Par rapport ensuite à la montée des partis populistes, extrémistes et europhobes.
Ces deux dangers sont également bien présents en France. Mais il n'y a pas de fatalité. Nous ne sommes pas condamnés à subir une forme de 21 avril 2002 à l'échelle européenne.
C'est pourquoi je voudrais partager avec vous une double conviction :
- Nous avons besoin de plus d'Europe, d'une Europe qui continue à se projeter dans l'avenir et à défendre sa place dans le monde, d'une Europe qui protège encore mieux les Européens contre les chocs économiques et sociaux ;
- Ma deuxième conviction, c'est qu'il existe en Europe une « envie de France » qui nous permet d'être au rendez-vous pour faire de 2014 une année utile pour l'Europe.
1- L'Europe n'a pas d'alternative à la poursuite de son intégration
L'ambition de l'Europe, ce n'est pas simplement de faire face aux crises qui surviennent et de gérer des politiques existantes.
L'ambition de l'Europe, ce doit être un projet politique unificateur. Et c'est sans doute là que le bât blesse. Pendant longtemps, chaque avancée de la construction européenne en appelait une autre. La dynamique était telle que la question du soutien des citoyens ne se posait même pas. L'adhésion au projet européen était naturelle.
Ce qui était alors une évidence ne l'est plus aujourd'hui. C'en est fini de ce fonctionnement mécanique qui nous permettait d'aller de l'avant. C'en est fini d'une Europe qui pouvait se construire d'une certaine manière en catimini.
Nous devons redonner du sens, c'est-à-dire un contenu et une direction, à notre action et à la construction européenne.
Nous devons expliquer à nos concitoyens pourquoi nous faisons l'Europe et ce qu'elle leur apporte.
Nous devons dessiner un projet politique, consistant à conforter et renforcer l'Europe en tant que puissance mondiale.
Ce projet doit permettre à chacun de nos concitoyens d'avoir un emploi, de s'épanouir et d'offrir à ses enfants un avenir meilleur. C'est cela aussi le « rêve européen » : retrouver l'assurance que chaque génération pourra faire mieux que la précédente. Seule une Europe forte et solidaire nous permettra d'être à la hauteur des défis qui nous attendent.
L'Union européenne doit donc être guidée par une exigence : remettre la croissance et l'emploi au coeur de l'agenda européen. Cette réorientation a été amorcée :
- Avec la consolidation de la zone euro qui constitue le coeur du réacteur de l'Union européenne et le lancement de l'union bancaire, dont le deuxième pilier le mécanisme de résolution unique fait actuellement l'objet d'intenses négociations avec le Parlement européen. N'oublions pas aussi qu'une part de notre croissance se joue, en 2014, sur le résultat des tests de résistance que vont subir les banques. Les conséquences de la crise économique sont encore bien présentes, nos concitoyens les subissent mais mesurons bien que nous avons collectivement écarté la menace d'une implosion de la zone euro ;
- Avec le cadre financier pluriannuel pour 2014-2020 qui, tout en préservant nos intérêts sur les fonds structurels et PAC, est marqué par une nouvelle orientation en faveur des infrastructures, de la recherche, de l'innovation, c'est-à-dire des emplois de demain. Bien sûr nous l'aurions souhaité plus ambitieux encore mais n'oublions pas, contrairement à ce que j'ai lu ici ou là, que nous dépenserons plus au cours de cette période qu'entre 2007 et 2013 ;
- Avec l'augmentation de 10 milliards d'euros du capital de la Banque européenne d'investissement qui nous a permis de doubler le montant des prêts en France, de lancer des plans Campus et Hôpitaux, de faire bénéficier les PME de ces dispositifs. Ce sont autant de crédits qui sont injectés dans notre économie.
Mais tout ceci n'a de sens que dans le cadre d'un projet humaniste et de progrès. Un projet où l'Europe des opportunités et l'Europe des solidarités seraient indissociables. Et sur ce terrain aussi, je crois qu'il est important de valoriser les avancées de la construction européenne.
Je pense en particulier à la jeunesse. L'emploi des jeunes a été au coeur de la mobilisation des chefs d'Etat et de gouvernement lors des conférences de Berlin et de Paris l'année dernière et le sera à nouveau à Rome en juillet. Un fonds de 6 milliards d'euros mobilisables en 2014 et 2015 a été mis en place dans les régions où le taux de chômage des jeunes est supérieur à 25 %. Le programme Erasmus a vu son bénéfice étendu aux jeunes en apprentissage et en formation par alternance et son budget a été presque doublé.
Je pense aussi aux salariés qui voient trop souvent l'Europe comme une menace. L'accord trouvé sur le détachement des travailleurs, grâce notamment à la Pologne qui a fait la preuve de son sens de l'intérêt général européen, est un bon signal.
Je pense aussi aux plus démunis de nos concitoyens et je me réjouis que nous ayons sauvé, avec l'appui des associations caritatives, le Fonds qui leur est destiné.
2- La France jouera son rôle pour faire de 2014 une année utile
Le renouvellement des institutions européennes va naturellement affecter la conduite des affaires européennes en 2014. Le risque est naturellement que l'Europe tourne un peu au ralenti dans cette période. Nous ne pouvons pas nous le permettre.
2014 doit être une année utile pour la construction européenne. Ce temps est précieux lors que les citoyens européens, pour beaucoup en difficulté, nous regardent et nous attendent.
Nous devons saisir cette opportunité pour penser l'Europe de demain et porter de nouvelles initiatives.
Penser l'Europe de demain, c'est d'abord admettre que les envies d'Europe ne sont pas toutes les mêmes dans l'Union, ce qui se traduit notamment par la mise à mal de notre méthode communautaire au profit d'un repli sur la méthode intergouvernementale.
Mais la conviction de la France est que ce n'est pas sur ce chemin que nous bâtirons une Europe plus forte et plus légitime, et que ces divergences ne doivent pas nous empêcher d'avancer !
Si nous respectons les choix de ceux qui veulent en rester là, nous entendons surtout le message de ceux qui veulent aller de l'avant. C'est notre projet d'intégration solidaire dans une « Europe différenciée », où les rythmes, les contenus et même les règles de décisions seraient distincts. Cette « Europe différenciée » doit reposer sur le socle de la zone euro qui est un formidable levier politique, tout en gardant l'union de tous comme espace de liberté, de démocratie et de solidarité. Car nous n'avons pas le choix, où nous sommes capables de redonner un élan au projet européen, ou l'érosion gagnera
Mais attention, l'Europe différenciée, ce ne peut pas être l'Europe à la carte, une Europe où certains viendraient puiser des avantages sans respecter les règles communes, sans partager les charges qui sont au coeur de la solidarité qui nous lie.
Il est bien entendu évident, que sur l'ensemble de ces chantiers, nous ne pouvons avancer sans nos partenaires allemands. Car sans le couple franco-allemand, rien ne peut se faire ! Après un certain rééquilibrage dans nos relations, nous sommes dans une phase assez unique de concordance des calendriers électoraux. Nous avons du temps devant pour construire et avancer ensemble.
Dans le même temps, nous devons avoir une approche inclusive avec l'ensemble de nos partenaires, respecter tous les pays et travailler avec eux en bonne intelligence. L'exemple du détachement des travailleurs est bien la preuve que le travail de conviction paye.
Nous devons aussi respecter les institutions européennes. Ce qui n'exclut pas naturellement de réfléchir à leur organisation pour améliorer le fonctionnement de l'Europe dans son ensemble. Ce sont naturellement des discussions que nous avons avec les candidats à la présidence de la Commission européenne, qui doit davantage assumer politiquement sa fonction de force de propositions au coeur du système décisionnel européen.
Porter de nouvelles initiatives, c'est ce qu'a proposé le Président de la République lors de sa conférence de presse du 14 janvier dernier :
- Sur la convergence économique et sociale entre la France et l'Allemagne l'instauration d'un salaire minimum en Allemagne est à cet égard une bonne nouvelle et la poursuite de l'intégration de la zone euro, avec une gouvernance renforcée et, le moment venu, une capacité financière ;
- Sur la transition énergétique, que nous devons appréhender à la fois comme une ardente obligation mais aussi comme une formidable opportunité de développement pour la croissance et la compétitivité de l'économie européenne, pour notre indépendance énergétique, comme pour la protection de notre environnement ; le prochain Conseil européen de mars sera très important à cet égard, ainsi d'ailleurs que sur la politique industrielle pour enrayer l'érosion de la part de l'industrie dans le PIB européen ;
- Sur la politique de défense et de sécurité commune enfin. On le voit bien au Mali ou en Centrafrique, l'Europe doit assumer ses responsabilités sur la scène internationale. Nous avons effectué de premiers pas lors du Conseil européen de décembre, avec une feuille de route précise et ambitieuse. Mais mesurons qu'il nous en reste encore tellement à franchir au service de la paix et de la sécurité en Europe et dans le monde.
Voilà quelques-uns des chantiers qui sont devant nous. La mission qui est la mienne est exaltante. Je me dois à la fois de porter les positions françaises sur la scène européenne et de faire vivre le débat européen en France.
A la question que pose notre rencontre aujourd'hui Où va l'Europe ? je voudrais que chacun d'entre nous soit bien conscient que la réponse lui appartient, le choix lui appartient. C'est tout l'enjeu des élections européennes du 25 mai prochain. Vous choisirez l'Europe que vous voulez.
Je sais que, dans cette salle, vous en êtes tous conscients. Mais je suis aussi venu vous inviter à porter cette parole au-delà du cercle de ceux qui s'intéressent à l'Europe.
L'Europe a aujourd'hui besoin de vous !
Je vous remercie.
Source http://www.iris-france.org, le 19 mars 2014