Interview de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avec RMC et BFM TV le 20 mars 2014, sur la situation en Ukraine et sur les interventions militaires au Mali et en Centrafrique.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral


JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Yves LE DRIAN, ministre de la Défense est notre invité ce matin, bonjour.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Yves LE DRIAN, la Crimée, l'Ukraine, êtes-vous inquiet ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui c'est grave, la situation est inacceptable, ce pseudo référendum est parfaitement illégal, nous sommes en présence d'une annexion insupportable et puis surtout, c'est la question des frontières qui se pose. A partir du moment où on commence à relativiser la question des frontières alors on ouvre le chemin à toute une série de perturbations, toute une série de difficultés qui pourraient ensuite amener d'autres complications, donc cette situation illégale, anti constitutionnelle n'est pas acceptable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous êtes inquiet.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je suis inquiet parce qu'on est dans le non droit et que ce référendum va contre l'ensemble des grandes décisions internationales, contre la constitution ukrainienne, contre les accords de Budapest. Vous savez, après la dislocation de l'Union Soviétique, la question de l'Ukraine s'est déjà posée, il y a eu des accords…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Accords de 1994.
JEAN-YVES LE DRIAN
…1994, il y a eu des accords qui intégraient le fait que l'Ukraine devait être un territoire unifié et que son intégrité ne pouvait être mise en cause. Or aujourd'hui, ces accords qui étaient pourtant validés par la Russie, sont remis en cause. Donc il y a une réelle inquiétude, c'est vrai.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le rattachement de la Crimée à la Russie sera effectif cette semaine vient de déclarer le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï LAVROV, est-ce que vous excluez toute intervention militaire européenne et donc française en Ukraine ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Aujourd'hui l'heure est à la diplomatie et la diplomatie ferme pour éviter toute escalade.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais y revenir, mais vous excluez aujourd'hui toute intervention miliaire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense qu'il faut d'abord assurer et il faut faire en sorte que la diplomatie, que l'action de la communauté internationale permette de revenir à une situation de droit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la diplomatie d'abord, mais vous n'excluez pas une intervention militaire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
L'hypothèse d'une intervention militaire me parait exclue à ce jour parce que je fais confiance à la diplomatie qui est en oeuvre, Laurent FABIUS est à la manoeuvre avec d'autres ministres des Affaires étrangères, les chefs d'Etat et de gouvernement vont se retrouver aujourd'hui à Bruxelles, il y aura un G7 lundi…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De l'Union européenne oui.
JEAN-YVES LE DRIAN
…donc tout cela se met en mouvement et c'est très bien ainsi, il faut faire pression et éviter l'escalade.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors je vais venir à la réponse européenne…
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faut éviter l'escalade, la situation d'aujourd'hui est celle-là. La première chose c'est d'éviter l'escalade, éviter que la crise se poursuive.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vladimir POUTINE a dit « nous n'irons pas plus loin ».
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faut s'en assurer, il faut le vérifier et ça ne doit pas nous amener à accepter ce qui vient de se passer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Réponse européenne forte et coordonnée a dit François HOLLANDE, donc il y a plusieurs réponses possibles, annulation du sommet Russie – Union européenne prévue à Sotchi en juin, ça c'est acquis l'annulation ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est déjà acquis…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est acquis, c'est annulé ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est acté a priori, ils vont le dire aujourd'hui je pense, il y a toute une série…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc annulation de ce sommet ? Jean-Yves LE DRIAN ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ce sont les chefs d'Etat et de gouvernement qui le décident, ce n'est pas le ministre de la Défense de la France ….
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non mais vous dites, c'est acté.
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y aura aujourd'hui une série de mesures qui vont être prises, vous savez que les chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne, se sont déjà réunis, ils ont adopté trois séries de mesures, une première série de mesures qui est déjà en oeuvre qui est l'interdiction de visas et le gel d'un certain nombre d'actifs. Il y a un deuxième train de mesures qui je pense, sera pris aujourd'hui, j'imagine, qui consiste à renforcer ce dispositif, davantage de réductions de visas, davantage d'interdictions de circulation, davantage de gels d'actifs et puis, il y a une troisième série de mesures qu'il va falloir examiner maintenant, mais il faut les examiner de manière collective et non pas chacun pour soi, qui sont les mesures d'ordre économique, c'est-à-dire à la fois l'énergie, les transits financiers…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'armement.
JEAN-YVES LE DRIAN
Et l'armement et toute c'est toute une série de mesures qui doivent être mises en oeuvre progressivement pour dire à la Russie que nous n'acceptons pas cette situation et qu'il faut arrêter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jean-Yves LE DRIAN, réponse européenne forte et coordonnée donc, annulation du sommet Russie – Union européenne actée, c'est ce que vous avez dit…
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est vraisemblable, ce n'est pas de ma décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'il faut exclure la Russie G8 ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est une hypothèse, ça sera discuté lundi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Lundi, ça sera discuté lundi.
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est le sujet.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Exclusion de la Russie du G8 possible. Les sanctions économiques, le niveau trois donc, pendant que nous graduons les sanctions, lui, Vladimir POUTINE avance ses pions, je le remarque Jean-Yves LE DRIAN…
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui mais il faut enrayer l'escalade absolument. Et le niveau trois c'est un ensemble de mesures qui doivent être prises collectivement. Je pense qu'il n'est pas souhaitable que l'un prenne des mesures alors que l'autre n'en prend pas, il faut donc que ce soit collectif.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, des pays de l'Union européenne disent, mais attention, nous, on a du gaz russe.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui donc ce n'est pas facile parce que certains sont dépendants et donc il faut agir collectivement et trouver les bons moyens et je pense qu'aujourd'hui et demain, les chefs d'Etat et de gouvernement vont commencer à examiner cette situation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que nous sommes dépendants nous ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes relativement peu dépendants, nous avons une marge de manoeuvre tout à fait large.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais laquelle ? Qu'est-ce que la France peut faire franchement, Jean-Yves LE DRIAN ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faut qu'elle s'allie avec ses voisins pour être en situation de pression, pour mettre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Londres ne veut pas trop de pression parce qu'elle veut préserver la City, et nous Jean-Yves LE DRIAN, on ne veut pas trop de pression parce qu'on a des contrats, notamment ce fameux contrats de ces deux bateaux construits à Saint-Nazaire…
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui sur ces deux bateaux, il faut remettre les choses au point de manière sereine. D'abord ce sont des bateaux qui ne sont pas armés, qui sont construits dans les normes civiles, ce sont des bateaux de transport et de commandement…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De chars, d'hélicoptères entre autres.
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui seront des bateaux militaires quand ils arriveront en Russie, qui sont, qui ont été décidés en 2011 et une partie de la construction de ces coques et du système de navigation et de propulsion parce qu'on les livre avec système de navigation et de propulsion et c'est là l'intérêt des chantiers de Saint-Nazaire qui par ailleurs construisent des paquebots, des grands bateaux de croisière comme ça vient d'être annoncé aujourd'hui, où il y a un savoir-faire tout à fait pertinent, mais une partie de l'équipement, en particulier des coques de ces deux bateaux sont fournies par la Russie. Donc ce n'est pas un dispositif aussi simple et la livraison du premier bâtiment a lieu au mois d'octobre. Donc la question de la suspension éventuelle se posera au mois d'octobre, la construction se poursuit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La décision ne se posera pas au mois d'octobre ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La suspension, on continue à construire un bateau et donc…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il s'appelle le Vladivostok ce premier bateau et le second s'appelle le Sébastopol, c'est amusant d'ailleurs, ça a rapport avec l'histoire.
JEAN-YVES LE DRIAN
Et dans les deux cas de figure ils sont prévus normalement être dans le Pacifique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais est-ce qu'on peut suspendre la livraison de ces bateaux ?
JEAN-YVES LE DRIAN
La question se posera à ce moment-là, à condition que ce soit dans une démarche collective, là le bateau se poursuit, la construction se poursuit.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc la question ne se pose pas.
JEAN-YVES LE DRIAN
La question de la suspension se pose au moment où elle doit se poser, c'est-à-dire en octobre mais à condition que ce soit dans un ensemble de mesures, donc pour l'instant, ces mesures liées aux sanctions et représailles économiques n'ont pas été prises, elles seront étudiées je pense aujourd'hui et demain et c'est à ce moment-là que la France pourra se décider. Mais dans l'état actuel des choses, la question de la suspension ne se pose pas puisque cette question se posera en octobre. Alors j'espère que d'ici là, on sera dans la désescalade.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a aussi des chars russes…
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais Laurent FABIUS a bien fait d'agiter cette menace.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y a aussi des chars russes équipés de caméras thermiques fournies par THALES, entre autres…
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y a toute une série de choses, mais le paquet militaire le plus essentiel est celui là pour nous, il existe aussi pour les autres, mais de manière moins importante, par contre pour les autres pays de l'Union européenne, il y a la question énergétique, la question financière. Il faut mettre ça dans un paquet et prendre des positions communes. C'est très important. Mais il y a un autre aspect que je voudrais vous dire, c'est que dans cette période il faut aussi aller rassurer un certain nombre de pays voisins de la Russie et c'est la raison pour laquelle, moi je me rends demain à la demande du président de la République rencontrer le ministre de la Défense de Pologne et rencontrer les ministres de la Défense des Etats Baltes pour leur dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qu'allez-vous leur dire oui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Pour leur dire d'une part notre solidarité, notre solidarité active et aussi voir avec eux comment on peut accompagner leurs efforts de sécurité pour …
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
J'en parlerai avec eux, je ne vais pas vous le dire maintenant. C'est demain qu'on évoque ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
D'accord, mais ça veut dire quoi ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ca veut dire renforcer la police du ciel, assurer au sein de l'OTAN les garanties de sécurité parce qu'ils sont en situation de fragilité.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais j'ai vu que des troupes américaines allaient arriver dans les Etats baltes…
JEAN-YVES LE DRIAN
Donc nous allons voir cela demain, à la demande du président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Des troupes américaines qui vont arriver dans les Etats baltes, c'est ce que j'ai entendu…
JEAN-YVES LE DRIAN
Je verrai tout cela avec eux demain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, j'ai entendu dire cela, dites-moi…
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais il importe que la France marque aussi très concrètement par…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Militairement, aussi militairement ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Avec la garantie de l'intangibilité des frontières de ces pays qui ont un passé, qui ont un peu d'angoisse, et qui ont besoin d'actes de solidarité de notre part et de fermeté de notre part, c'est ce que je ferai demain, à la demande de François HOLLANDE, qui me l'a demandé hier, et je m'y rendrai demain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que la France est prête à faire des sacrifices économiques ou autres pour la Crimée ? Vous le pensez ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est une question qu'il faut poser aussi à l'ensemble des Européens, mais notre sécurité aujourd'hui nécessite une grande fermeté dans la posture, dans l'intervention et dans l'initiative diplomatique, c'est ce qui se passe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais jusqu'où peut-on aller ? Parce que les Français ne comprennent pas très bien…
JEAN-YVES LE DRIAN
Jusqu'à la mise en oeuvre de ces sanctions, qui rend impossible…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors les sanctions économiques, très bien…
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui rend impossible à Vladimir POUTINE et aux dirigeants russes de poursuivre…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous n'excluez pas toute intervention militaire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'aborde pas cette question aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne l'excluez pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne dis rien sur ce sujet. Ce qui serait…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous ne l'abordez pas, mais vous ne l'excluez pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il serait quand même aujourd'hui invraisemblable que la diplomatie et sa fermeté n'aboutissent pas à une solution de pacification. Je souhaite que Vladimir POUTINE renonce à l'escalade.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, la Crimée a toujours appartenu à l'empire russe, c'est ce qu'il va vous dire, c'est ce qu'il vous dit, Vladimir POUTINE.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, et la Russie a été garante…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le peuple de Crimée…
JEAN-YVES LE DRIAN
La Russie est garante du traité de Budapest, qui garantit l'intégrité…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais le peuple de Crimée souhaitait être rattaché à la Russie !
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, mais si on commence aujourd'hui à modifier les frontières là ou ailleurs, à ce moment-là, c'est l'ensemble de déstabilisation mondiale qui se met en oeuvre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne les a pas modifiées au Kosovo, ces frontières ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'était très différent, il n'ya pas eu d'annexion au Kosovo, il faut quand même rappeler les choses. A ma connaissance, l'Albanie n'a pas avalé le Kosovo. En plus, il y avait eu à l'époque des massacres considérables, et les Nations Unies étaient dans le coup, il y a eu une solution négociée, on n'est pas dans le même cas du tout, et c'était un territoire qui se divisait en plusieurs parties à la suite de la chute du mur de Berlin. Donc on n'est pas du tout dans la comparaison, ce n'est pas possible d'accepter ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, le 6 juin, cérémonie de commémoration du débarquement, 70ème anniversaire…
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est l'histoire, on n'est pas dans la même solution…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est l'histoire, mais Vladimir POUTINE est invité, est-ce que vous maintenez cette invitation aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
On n'est pas dans la même histoire. Ecoutez, on verra en temps utile, pour l'instant, la question ne s'est pas posée, parce que les cérémonies…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais pour l'instant, mais vous vous posez la question ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Les cérémonies du 6 juin, ça sera aussi le rappel de l'action de l'ensemble des puissances pour se libérer d'un impérialisme, qui ne prenait pas en considération les droits des peuples.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, ça veut dire que Vladimir POUTINE reste invité, et qu'il retrouve sa place…
JEAN-YVES LE DRIAN
On verra la question au moment où il faudra la poser…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui, il a toute sa place ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Aujourd'hui, il faut respecter l'histoire de la Russie, donc il a toute sa place. Et donc la Russie a été…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Aujourd'hui…
JEAN-YVES LE DRIAN
Au moment de la deuxième guerre mondiale un partenaire très actif, et beaucoup de Russes ont laissé leur vie pour la défense d'une certaine conception de l'ordre à venir. Aujourd'hui, c'est cet ordre à venir qui aujourd'hui est menacé parce que l'on remet en cause la légitimité des frontières, et ça, ce n'est pas acceptable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Sahel, j'ai vu que la France avait, ces dernières semaines, ces derniers jours, accentué ses opérations militaires, et notamment, notamment dans une zone où vous avez réussi à démanteler les combattants d'Aqmi.
JEAN-YVES LE DRIAN
La guerre de libération du Mali est finie. Elle a été gagnée. L'action des forces françaises a permis à ce pays de retrouver sa souveraineté, ses institutions démocratiques, à ce que des élections aient lieu, et à ce qu'il y ait une fierté d'appartenance malienne qui se retrouve. Cette partie-là est terminée. Par contre, ce qui n'est pas fini, et ce qui est loin d'être fini, mais ce n'est pas uniquement au Mali, c'est la lutte contre le terrorisme. Et nous, nos forces présentes au Mali, qui restent un millier d'hommes à peu près, qui resteront dans la durée…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dans la durée ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Dans la durée, je l'ai toujours dit, dans la durée, là, leur objectif, c'est le contreterrorisme, et le contre-terrorisme, ça se passe au Mali, mais ça se passe aussi au Nord Niger, ça se passe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous avez obtenu des résultats ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Et ça se passe plutôt bien puisque depuis quelques semaines, nous avons mené des opérations qui ont permis de neutraliser plusieurs dizaines de terroristes qui tentent de se regrouper, et au Mali, c'est particulièrement significatif, parce que c'était…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien de terroristes ? Qui avez-vous…
JEAN-YVES LE DRIAN
Une quarantaine…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une quarantaine…
JEAN-YVES LE DRIAN
Et en particulier, le terreau… on a pu neutraliser plusieurs chefs dont en particulier OULD AMAR, qui est un chef historique d'Aqmi, et qui était le beau-père de Mokhtar, BELMOKHTAR…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Neutraliser, ça veut dire quoi ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Mokhtar, BELMOKHTAR, je ne sais pas si vous voyez qui c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, je me souviens, oui…
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est celui qui a été à l'initiative des attentats d'In Amenas, en Algérie. Neutraliser, ça veut dire éliminer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eliminer, ça veut dire tuer ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Voilà. Et donc ça, ces opérations-là se poursuivent… parce que nous avons une responsabilité sur la durée, le terrorisme et les groupes djihadistes ne se sont pas arrêtés uniquement parce que nous avons gagné la guerre du Mali, ils existent toujours, il y a des circuits du terrorisme qui perdurent et qui vont depuis l'Océan Atlantique jusqu'à la Corne d'Afrique, avec des points de repère particuliers, en particulier dans le sud libyen, donc nous nous sommes réorganisés avec un ensemble de 3.000 militaires, coordonnés par un état-major unique pour aider au contre-terrorisme et éviter qu'il y ait un retour du terrorisme dans ces régions, qui nous menace, nous aussi, parce que ce n'est pas uniquement ces Etats qui sont menacés, c'est aussi l'Europe et la France, quand on voit le nombre d'armes que l'on peut découvrir et éliminer, c'est assez impressionnant.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien sûr. Jean-Yves LE DRIAN, la mort de nos deux confrères à Kidal, vous n'avez rien de nouveau sur l'enquête ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je ne parle pas de ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, très bien. La Centrafrique, catastrophe humanitaire, disent les ONG, vous confirmez « catastrophe humanitaire » en Centrafrique ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais, en Centrafrique, on vient de très loin, parce que tout le monde s'est réveillé lorsque les forces françaises, sous mandat international, sous mandat des Nations Unies, sont intervenues le 5 décembre, c'est-à-dire juste après le mandat des Nations Unies, mais la situation était dramatique déjà depuis un certain temps, c'est un Etat failli, et c'est un Etat qui est victime sans arrêt de coups d'Etat, c'est un Etat où il y a des massacres de masse qui se déroulaient. Nous avons empêché par notre présence la poursuite des massacres de masse…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Alors, donc ça…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Très bien, très bien…
JEAN-YVES LE DRIAN
Premièrement, il faut dire les choses très clairement, premièrement, on a empêché cela, autrement, il y aurait eu dans ce territoire, peut-être même à l'insu de tout le monde, parce que les médias viennent quand les forces françaises sont là, il y aurait eu des massacres considérables. Nous les avons empêchés. Deuxièmement, nous sommes en train de remettre en place la sécurité ; et la sécurité progresse. Moi, depuis la fin du mois de décembre, je me suis rendu quatre fois en République Centrafricaine, et j'ai constaté, d'abord, la clairvoyance et la vigilance de nos soldats. Celle aussi des forces africaines, et aussi j'ai constaté que, à Bangui, eh bien écoutez, maintenant…
JEAN-JACQUES BOURDIN
A Bangui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
A Bangui, oui, mais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pas partout, sur tout le territoire centrafricain ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, mais je suis aussi allé ailleurs, bon. A Bangui, on présente cette ville comme une ville à feu et à sang…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pourquoi est-ce que les ONG disent : c'est une catastrophe humanitaire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais parce que, il y a encore des problèmes d'aide humanitaire, pour une raison simple, c'est que la route qui relie Bangui au Cameroun, qui est la route principale pour assurer la sécurité alimentaire de ce pays, cette route-là fait l'objet régulièrement de ce qu'on appelle les coupeurs de routes, qui rançonnent au passage, qui attaquent éventuellement ; aujourd'hui, ce sont généralement ce qu'on appelle les anti-balaka, et qui empêchent l'arrivée normale des…
JEAN-JACQUES BOURDIN
2.000 soldats français qui vont rester encore longtemps ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Qui vont rester jusqu'à ce que l'opération décidée par les Nations Unies, qui va être décidée par les Nations Unies puisque le processus diplomatique…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est long !
JEAN-YVES LE DRIAN
…va bien, non non, il va bien. Il va bien, enfin c'est toujours un peu long les Nations Unies, mais l'essentiel c'est que ça aille bien, mais en tout cas…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour l'instant il en restera 2.000…
JEAN-YVES LE DRIAN
Et 6.000 africains.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et 6.000 africains, combien de temps encore ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Jusqu'à ce qu'il y ait le relais pris par…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? Jusqu'à la fin de l'année ?
JEAN-YVES LE DRIAN
A l'automne et à ce moment-là on avisera sur le maintien de notre présence, quand l'opération des Nations Unies sera intervenue. Il est essentiel que les Nations Unies interviennent. Pourquoi ? parce que l'intérêt d'une opération de maintien de la paix c'est qu'elle est à la fois militaire mais aussi humanitaire mais aussi diplomatique, mais aussi politique et ce qui permettra à ce pays de retrouver une existence. La difficulté qu'a la présidente actuellement, c'est que les fonctionnaires n'étaient pas payés, c'est qu'il n'y a même plus de chaines de sécurité minimum quotidiennes, il n'y avait plus de prison, il n'y avait plus de police. Donc le rôle des militaires français n'est pas de faire la gendarmerie et la police locale, c'est pour cela que nous avons décidé d'envoyer sur place des gendarmes, pour initier progressivement la création d'une force de gendarmerie locale sous les ordres de la présidente qui est légitimement reconnue aujourd'hui, madame SAMBA-PANZA.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le remaniement, ça se précise ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faut demander ça au président de la République.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, non mais vous savez puisqu'il vous consulte !
JEAN-YVES LE DRIAN
Non je ne sais pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous êtes très proche de François HOLLANDE…
JEAN-YVES LE DRIAN
Raison de plus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est vrai, Jean-Yves LE DRIAN, c'est vrai…
JEAN-YVES LE DRIAN
Le président de la République réfléchit à…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y réfléchit ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il apprécie la situation, je pense que oui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 7 avril dit-on ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Mais je ne suis informé ni de la date ni du processus.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous êtes favorable à un remaniement ou à une équipe plus resserrée ? Oui, franchement ;
JEAN-YVES LE DRIAN
Je pense que le moment est venu de donner un nouveau souffle à l'action gouvernementale, mais c'est le président de la République qui doit apprécier la manière de le faire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, un nouveau souffle ça veut dire avec un gouvernement plus resserré.
JEAN-YVES LE DRIAN
Ca c'est le président qui décide, moi je suis ministre de la Défense.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui d'accord.
JEAN-YVES LE DRIAN
Bah oui d'accord, mais c'est de sa responsabilité, ce n'est pas la mienne.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec Ségolène ROYAL au gouvernement ? Vous pensez qu'elle a sa place ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est François HOLLANDE qui appréciera.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et vous, vous resterez ou pas ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Moi je suis très bien où je suis.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez envie de rester, franchement soyons clairs.
JEAN-YVES LE DRIAN
Oui, je pense, oui j'ai envie de rester, si le président de la République me fait confiance, parce que je mène dans cette mission de ministre de la Défense, une action qui me stimule, qui m'enthousiasme de faire en sorte d'assurer la sécurité des Français dans ce qu'elle a d'extérieur, être en situation de donner à nos forces armées, la force et les capacités qui conviennent dans un dialogue permanent, être en relation directe avec le chef de l'Etat pour assurer la sécurité de notre pays, tout ça ma passionne oui bien sûr et donc, j'ai envie de rester.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors j'ai deux dernières questions : Fessenheim, site nucléaire transformé bientôt en site militaire ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Non, je ne sais pas.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non ? Vous n'avez pas entendu ça ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'ai pas entendu ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bon, bon, bon, bon, bon… est-ce que les militants de GREENPEACE devraient être sévèrement condamnés ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je trouve que leur action n'est pas acceptable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
N'est pas acceptable.
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'ai pas à m'immiscer par ailleurs, mais du point de vue d'un citoyen ou du ministre de la Défense, ce n'est pas acceptable.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien, et dernière chose, les violences envers les femmes dans l'armée ? Un rapport est en court je crois…
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est inadmissible nous devons…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui mais que dit ce rapport déjà, que savez-vous déjà ?
JEAN-YVES LE DRIAN
J'ai mandaté un rapport parce qu'il y a un livre qui est sorti et qui fait état de faits intolérables dans une armée qui est d'ailleurs la plus féminisée d'Europe…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui 15%.
JEAN-YVES LE DRIAN
15% c'est beaucoup plus que d'autres pays et précisément l'armée française doit être exemplaire. Donc je n'accepterai aucune infraction…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il y aura des sanctions ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il y aura des sanctions et il y aura des mesures de prévention d'information et éventuellement des dispositifs de sanctions supplémentaires qui seront prises en compte, tous les chefs des armées sont très favorables à ça, l'objectif c'est : tolérance zéro ! Il n'est pas acceptable que dans l'armée française qui doit être exemplaire, que de tels méfaits puissent se produire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Jean-Yves LE DRIAN.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 21 mars 2014