Interview de Mme Ségolène Royal, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, à France 2 le 18 avril 2014, sur le plan d'économies annoncé par le Premier ministre, le tarif de l'électricité et l'écotaxe.

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Média : France 2

Texte intégral

GILLES BORNSTEIN
Bonjour à tous, bonjour Thierry, bonjour madame ROYAL.
SEGOLENE ROYAL
Bonjour.
GILLES BORNSTEIN
Aquilino MORELLE, le très proche conseiller de François HOLLANDE est accusé par MEDIAPART de conflits d'intérêts. Peut-il rester à l'Elysée ?
SEGOLENE ROYAL
Je n'ai aucune observation à faire sur ce sujet-là. Vous savez, quand il y a des révélations de ce type, soit c'est à la justice de rétablir la vérité, soit c'est au principal intéressé de s'expliquer. Mais moi, je ne fais pas… jamais de procès d'intention sur la base de révélations journalistiques.
GILLES BORNSTEIN
L'article parle de comportement de petit marquis, il aurait fait venir des cireurs de souliers à l'Elysée. Si c'est vrai, est-ce que ce sont des comportements qui vous choquent ?
SEGOLENE ROYAL
Je viens de vous répondre, je pense que vous m'invitez pour d'autres sujets plus importants pour les Français. Donc passons à ces sujets importants, si vous le voulez bien.
GILLES BORNSTEIN
Alors de nombreux députés socialistes veulent amender le plan « Valls », vous-même avez dit qu'il n'est pas parfait. Faut-il l'adopter en l'état ou peut-on le changer et si oui, comment ?
SEGOLENE ROYAL
Mais d'abord, le Premier ministre et le gouvernement ont une attitude très ouverte, nous sommes dans un débat parlementaire et bien évidemment, toutes les bonnes propositions pour mieux cibler le pacte de responsabilité sont bienvenues. Le débat parlementaire a toujours été envisagé…
GILLES BORNSTEIN
Mais alors d'ici…
SEGOLENE ROYAL
Maintenant, il y a un certain nombre de grandes lignes qui sont opposées, pas une voix ne doit manquer, la force doit être donnée à ce gouvernement qui fait tout pour que la France réussisse et se remette sur le bon chemin. Donc le débat parlementaire est parfaitement légitime, mais la solidarité de la majorité aussi est absolument nécessaire pour que les Français sentent qu'il y a une union très forte, de toutes celles et ceux qui sont aujourd'hui aux responsabilités et qui ont le devoir d'agir justes.
GILLES BORNSTEIN
Alors vous dites « ça peut encore bouger d'ici le 29 avril », date du vote, en quoi, qu'est-ce que vous proposeriez – vous – comme amélioration ?
SEGOLENE ROYAL
C'est aux parlementaires de le dire, puisque s'ils ont un certain nombre d'idées…
GILLES BORNSTEIN
Mais ce n'est pas figé, ça peut bouger ?
SEGOLENE ROYAL
C'est aux parlementaires et au gouvernement, quand il recevra des propositions parlementaires dans le cadre de ce débat, pourquoi ne pas réajuster un certain nombre de choses, c'est tout à fait possible. On ne part jamais sur des bases en se disant que tout est parfait dans le meilleur des mondes. Maintenant, les grandes lignes sont là, ce qui prouve que le bon équilibre a été trouvé, c'est regarder d'un côté ceux qui nous disent « ce n'est pas assez », l'opposition qui voudrait qu'on frappe encore davantage les Français, ce qui serait tout à fait insupportable ; et puis d'autres qui disent que c'est trop. Eh bien ! A ceux-là en effet, il faut rassurer, il faut expliquer. Et je voudrais simplement rappeler que 50 milliards, c'est 1,5 % de la dépense publique par an, 1,5 % de la… ça veut dire que si tout le monde économise 1,5 %, ça fait au bout du compte que nous économiserons les 50 milliards. Donc il faut le faire de façon judicieuse, c'est-à-dire qu'il faut avec la même dépense publique faire mieux. Vous me direz, c'est peut-être difficile, mais c'est ça l'objectif. Pourquoi est-ce qu'on peut faire mieux avec la même dépense publique ? C'est en faisant des réformes structurelles, c'est-à-dire faire mieux fonctionner les collectivités, faire mieux fonctionner l'Etat, faire mieux fonctionner la Sécurité sociale. Et j'ajoute d'ailleurs qu'il faut que tout le monde s'y mette, pas seulement à la dépense publique mais aussi la dépense parapublique. Je vois dans le domaine qui est le mien, les grands producteurs d'énergie, je vais leur demander aussi de faire des économies de train de vie, des économies de fonctionnement…
GILLES BORNSTEIN
Vous parlez d'EDF ?
SEGOLENE ROYAL
Pas seulement, EDF, GDF, AREVA, tous ceux-là, tous ceux qui produisent de l'électricité, puisqu'au bout du compte ce sont les Français qui paient avec les factures d'électricité. Je ne veux plus que les tarifs d'électricité augmentent sans qu'on me donne les raisons de cette augmentation. Et donc tout le monde doit s'y mettre, le système bancaire, les assurances, tout le monde doit s'y mettre pour économiser les frais de fonctionnement et le train de vie qui, souvent d'ailleurs dans ces structures, est bien supérieur à ce que fait l'Etat ou à ce que font les collectivités territoriales.
GILLES BORNSTEIN
Ces mêmes parlementaires accusent le Premier ministre d'avoir été un peu brutal. Alors vous qui le connaissez bien, est-ce que Manuel VALLS doit parfois être un peu plus rond, un peu plus câlin (j'allais dire) avec sa majorité ?
SEGOLENE ROYAL
Je crois que les… comment dirai-je, les commentaires sur les comportements individuels n'ont pas leur place. Ce qui compte c'est la politique qui est faite, au nom de quel principe est faite cette politique, avec quelles valeurs et avec quelle efficacité. Et moi je puis vous dire – puisque je suis au sein du gouvernement aujourd'hui – qu'il y a beaucoup de sérieux, de concentration, que c'est une équipe engagée autour du président de la République, engagée à sa tâche, soucieuse de bien faire les bons choix qui vont permettre à la France de reprendre le bon chemin, et surtout à l'activité économique de redémarrer. Vous savez la solution dans toutes ces questions, pourquoi est-ce qu'il y a aujourd'hui ce plan ? C'est parce que nous voulons alléger les charges des entreprises, alléger les impôts sur les Français pour qu'ils aient à nouveau envie de consommer ; et que les entreprises aient à nouveau envie de créer de l'activité, donc de l'emploi. Et ces sacrifices qui sont demandés sont des sacrifices qui, à court-terme, qui doivent porter leurs fruits, leurs effets dès la fin de l'année. Dans un an, les sacrifices que l'on demande aujourd'hui qui sont très mesurés, qui sont importants au regard des normes européennes, parce que nous devons aussi lutter contre les déficits. Mais en même temps qui… vis-à-vis des Français, ces sacrifices doivent rester raisonnables et ils le sont. La preuve, c'est que l'opposition en demande davantage.
GILLES BORNSTEIN
Vous dites souvent justement qu'il y a trop d'impôts, alors est-ce que les impôts doivent baisser tout de suite, quitte à laisser filer un petit peu les déficits ?
SEGOLENE ROYAL
Les charges vont baisser tout de suite et d'une certaine façon…
GILLES BORNSTEIN
Donc les impôts des Français.
SEGOLENE ROYAL
Et d'une certaine façon, on va redonner du pouvoir d'achat. Quel est…
GILLES BORNSTEIN
Vous en reprenez par ailleurs !
SEGOLENE ROYAL
Non, pourquoi ?
GILLES BORNSTEIN
En désindexant les retraites, vous prenez du pouvoir d'achat aux gens.
SEGOLENE ROYAL
Ecoutez ! Il ne faut pas que les prix augmentent, si les prix n'augmentent pas, c'est pour ça que je surveille la hausse des prix de l'énergie et que je veux qu'on me donne des explications, avant de décider une hausse qui soi-disant est déjà entérinée. Je n'accepte pas cette façon de faire, je ne veux pas que l'on prélève du pouvoir d'achat…
GILLES BORNSTEIN
Cette hausse d'électricité, vous la refuserez quoi qu'il arrive, elle devait arriver au mois d'août, vous avez dit que vous alliez lutter contre…
SEGOLENE ROYAL
Oui.
GILLES BORNSTEIN
Vous pouvez dire aujourd'hui « l'électricité n'augmentera pas pour les Français » ?
SEGOLENE ROYAL
Je suis en train de regarder les raisons pour lesquelles…
GILLES BORNSTEIN
Oui.
SEGOLENE ROYAL
Mais vous savez moi, je travaille avec méthode et en transparence avec les Français…
GILLES BORNSTEIN
Donc vous essayez mais vous n'êtes pas sûre d'y arriver aujourd'hui ?
SEGOLENE ROYAL
Je regarde pourquoi on me présente comme quelque chose de fatal une augmentation d'énergie au mois d'août prochain. Pourquoi ? Les producteurs d'énergie doivent faire comme toutes les entreprises. Et comme on le demande aujourd'hui aux administrations, des économies de fonctionnement, rendre des comptes sur leurs dépenses de fonctionnement, sur leur masse salariale, etc., pour pouvoir dire aux Français : voilà ! Vous payez l'électricité à son juste prix, tout en permettant la transition écologique, c'est-à-dire l'investissement dans les énergies renouvelables et dans les économies d'énergie.
GILLES BORNSTEIN
Alors une question concernant l'écotaxe, vous avez mis à l'étude une piste qui consisterait à faire payer les camions étrangers. C'est contraire au droit communautaire, a dit hier le commissaire européen chargé des Transports. Est-ce que vous vous entêtez dans cette piste ?
SEGOLENE ROYAL
Ce n'est pas le commissaire européen qui s'est…
GILLES BORNSTEIN
C'est son porte-parole plus exactement.
SEGOLENE ROYAL
Alors chacun à sa place. Ce n'est pas un porte-parole d'un commissaire européen qui fait la politique européenne et encore moins la politique de la France, ça c'est très clair. Donc j'aimerais que chacun prenne la parole, y compris au niveau européen, sur la base de projets bien précis, et pas sur la base de rumeurs ou de déclarations ou de questions posées par les journalistes. Moi, je considère au contraire que c'est rétablir une juste concurrence, pourquoi ? Quand un camion venu de l'étranger fait son plein en Belgique, traverse toute la France, utilise les routes payées par le contribuable français et, ensuite, en Espagne refait son plein, il ne paie… sans prendre l'autoroute pour ne pas payer l'autoroute, il ne paie donc ni la taxe sur l'essence, la TIPP, ni le péage d'autoroutes. Donc à ce moment-là ce sont les camions français qui, eux, font leur plein en France et qui paient la taxe sur l'essence qui paient l'entretien des routes. Est-ce que c'est juste ? Non, ce n'est pas juste…
GILLES BORNSTEIN
Et donc vous…
SEGOLENE ROYAL
Est-ce que c'est ça la juste concurrence ? Non, ce n'est pas la juste concurrence. Donc il faut faire payer tout le monde et, notamment, ceux qui aujourd'hui ne paient pas. Donc mon idée, c'est premièrement lorsqu'il y a une autoroute parallèle à la route nationale, comme c'est le cas sur la route entre Poitiers et Bordeaux que je connais bien, où les camions sont quasiment à touche-touche, alors qu'il y a une autoroute, que les camions prennent l'autoroute et qu'avec ces bénéfices des sociétés autoroutières, nous paierons les infrastructures de transport.
GILLES BORNSTEIN
Merci beaucoup madame ROYAL. Bon week-end à tous et bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2014