Interview de M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, à "RTL" le 17 avril 2014, sur le plan gouvernemental d'économies de 50 milliards.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour !
JEAN-MICHEL APHATIE
Le plan d'économies de 50 milliards de dépenses publiques, maintenant on le connait puisque Manuel VALLS l'a présenté hier, il a livré quelques précisions importantes, gel des allocations familiales et logement et des pensions retraites pendant 18 mois, gel du point d'indice des fonctionnaires. Ce plan est très critiqué Michel SAPIN, parmi beaucoup de réactions, celle de Thierry LEPAON, secrétaire général de la CGT, le gouvernement est dur avec les faibles et faible avec les forts. Pourquoi avez-vous pris ces décisions ?
MICHEL SAPIN
Parce que nous sommes rentrés dans la réalité, dans l'action…
JEAN-MICHEL APHATIE
Enfin !
MICHEL SAPIN
Vous pouvez dire « enfin », mais vous ne pouvez pas dire enfin maintenant et vous plaindre du contenu…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est la manière dont vous…. les choses qui m'a suggéré cet « enfin »…
MICHEL SAPIN
Donc nous sommes dans le contenu, nous sommes dans le détail. Parce que ces 50 milliards, ce chiffre-là ne tombe pas du ciel, il a été annoncé depuis plusieurs semaines, éventuellement plusieurs mois puisque c'est l'enjeu. L'enjeu de quoi ? l'enjeu du financement du pacte de responsabilité, c'est-à-dire plus de capacité dans les entreprises pour investir, plus de capacité dans les entreprises pour créer des emplois et lutter en profondeur contre le chômage. Ces 50 milliards ils ont été annoncés depuis plusieurs mois pourquoi ? Parce que nous voulons arrêter les augmentations d'impôts, et même nous engager dans une diminution des impôts. Les impôts sur les entreprises mais aussi les impôts sur les ménages. Il y a dans ce plan, une baisse de cotisations salariales, c'est à peu près 500 euros au niveau du Smic qui seront rendus aux Français, il faut financer ces dispositions. Et les 50 milliards c'est quoi ? C'est aussi pour financer la diminution du déficit de la France. On ne peut pas continuer à s'endetter, s'endetter, s'endetter, il y a un moment donné où il faut évidemment rembourser, où il faut payer des intérêts et ça, c'est le meilleur moyen d'être dans la main de la finance internationale. Retrouver sa souveraineté, c'est aussi au coeur de cette problématique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une précision, le Premier ministre a annoncé un gel du point de l'indice de la fonction publique, il n'en a pas précisé la durée, alors après des sources informelles, on me dit 2017, vous le confirmez Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Oui on continue le gel des salaires dans la fonction publique pour les trois années qui sont devant nous mais, en sens inverse, il y a aussi des promotions qui sont possible, quand on dit le gel des salaires dans la fonction publique, ça n'empêche pas les progressions individuelles…
JEAN-MICHEL APHATIE
Mais l'idée c'est quand même d'économiser sur la masse des salaires.
MICHEL SAPIN
Bien entendu, bien entendu, l'idée c'est en respectant les salariés, en respectant les fonctionnaires de dire, dans les conditions actuelles il y a un effort qui doit être continué. Ca n'est pas l'arrêt de toute augmentation de salaire, c'est l'arrêt des augmentations automatiques de salaires. C'est vrai aussi dans le privé. Il n'y a pas d'augmentation automatique de salaire dans le privé.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous justifiez ce plan et ces mesures Michel SAPIN, vous n'avez pas peur de décrocher par rapport à votre électorat ?
MICHEL SAPIN
Mais chacun prend ses responsabilités, nous sommes dans le temps de la responsabilité, le Premier ministre, le président de la République, chacun des ministres au sein de ce gouvernement prend ses responsabilités ; nous ne nous cachons pas derrière notre petit doigt, nous ne sommes pas là simplement à dire 50 milliards, 50 milliards, nous rentrons dans les détails. Nous rentrons dans le contenu de ce pacte parce qu'il n'y a pas d'efforts sans qu'à un moment donné ça ait une conséquence sur les uns ou sur les autres. Il faut donc dire les choses en face, dire en face les yeux dans les yeux aux Français, ce que nous faisons, c'est ça la responsabilité. Et ensuite cette responsabilité elle sera jugée par chacun. Chacun à gauche, chacun à droite, chacun en France et c'est cette responsabilité là que chacun d'entre nous assumera.
JEAN-MICHEL APHATIE
Personne ne peut dire si ce plan, quand on s'engage dans ces mécaniques, on ne sait pas si elles sont performantes ou pas, si ce plan sera le dernier ou pas.
MICHEL SAPIN
Quand on s'engage dans un plan comme celui-ci c'est qu'on pense qu'il est le bon ou alors, ce n'est peut-être pas la peine, y compris pas la peine de prendre des décisions qui sont des décisions difficiles…
JEAN-MICHEL APHATIE
Manuel VALLS disait hier que le gel des prestations sociales n'irait pas au-delà de 18 mois, vous le redirez-vous ce matin Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Oui bien sûr, bien sûr, clairement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous en prenez l'engagement ?
MICHEL SAPIN
Mais bien sûr…
JEAN-MICHEL APHATIE
On se reverra dans un an pour en parler.
MICHEL SAPIN
Mais non, ne dites pas parce que dès qu'on a un scepticisme de cette nature là, c'est déjà pas simple, c'est déjà difficile pour un certain nombre de gens qui pouvaient s'attendre à une augmentation de leurs prestations, on ne va pas baisser les prestations, il y a beaucoup de pays en Europe qui ont baissé les prestations, pour des prestations de 100 euros, un an après c'était 90 euros. Nous n'allons diminuer aucune prestation, nous allons même augmenter les prestations minimales pour les plus faibles des Français. Donc nous garantissons cela mais pendant un an. C'est un effort qui est nécessaire pour 2015, pour l'année 2015 qui est une année difficile, c'est la mise en oeuvre du pacte de responsabilité, c'est le retour de la croissance, c'est avec le retour de la croissance que les entreprises se portent mieux, qu'elles créent des emplois, qu'il y a du pouvoir d'achat en France qui à ce moment-là peut être distribué, mais distribué de manière saine, sans aller chercher à l'extérieur par l'endettement un pouvoir d'achat que nous n'avons pas. Il y en a assez de pouvoir d'achat à crédit, c'est terminé ça.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le plan sera complété dans les prochains jours, LES ECHOS par exemple disent ce matin que sur les prestations sociales, d'autres mauvaises nouvelles sont à venir en évoquant notamment une remise en cause de la prime de naissance ou une diminution de la prime de naissance, vous pouvez confirmer quelque chose Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Il y a la poursuite du plan famille qui a été décidé l'année dernière et qui produit un certain nombre d'économies. Il y a la poursuite du plan sur les retraites, je ne parle pas du niveau des pensions, mais sur le plan… sur les retraites qui produit aussi un certain nombre d'économies. Il y a des décisions déjà prises qui ont des conséquences en 2015, en 2016 et en 2017.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous avez vu bien sûr le commentaire d'Arnaud MONTEBOURG ministre de l'Economie, dans LES ECHOS, il a des phrases particulières, j'aimerais que vous les précisiez si vous le pouvez Michel SAPIN, la stratégie de croissance ne doit pas être entravée par la réduction des déficits…
MICHEL SAPIN
Mais c'est parfaitement exact…
JEAN-MICHEL APHATIE
…ça sonne comme une prise de distance ?
MICHEL SAPIN
Non pas du tout, c'est parfaitement exact, c'est d'ailleurs le coeur de la politique que nous menons. La croissance, certains disent, il suffit de distribuer du pouvoir d'achat, de faire de la dépense publique pour avoir plus de croissance, non, parce que quand on finance cette dépense publique uniquement par de l'endettement, il y a un moment donné où ça s'arrête, ça se casse, les gens ne vous font plus confiance, ils ne vous prêtent plus d'argent ou vous le prête tellement cher que ce n'est plus possible, c'est comme dans un ménage, si vous payez trop cher d'intérêts eh bien vous n'achetez pas votre logement. Là ce serait exactement la même chose, donc la croissance nous allons la chercher dans les entreprises, dans la compétitivité des entreprises, dans leur capacité à avoir des produits nouveaux, dans la capacité à se battre sur les marchés internationaux…
JEAN-MICHEL APHATIE
Il y a une contradiction entre…
MICHEL SAPIN
Non il n'y a pas de contraction…
JEAN-MICHEL APHATIE
…la réduction des déficits semble dire Arnaud MONTEBOURG et la stratégie de croissance.
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas une contradiction, c'est un équilibre entre les deux, c'est pour ça que nous maitrisons les finances publiques. J'en entends certains qui nous disent il faut faire 100 milliards, 120 milliards, j'entends même parfois 200 milliards d'économies, ils ne sont même pas capables de dire le premier des milliards. Nous nous sommes sur 50 milliards, c'est difficile, c'est à notre portée, on n'est pas dans une politique d'austérité, on est dans une politique sérieuse, dans une politique responsable.
JEAN-MICHEL APHATIE
Alors soit pour la réduction des déficits mais poursuit Arnaud MONTEBOURG, en échange nous avons des choses à demander à Bruxelles, nous souhaitons dans l'intérêt de l'Europe et de la France, des contreparties à la baisse des déficits. Quelles sont ces contreparties Michel SAPIN ?
MICHEL SAPIN
Mais c'est aussi tout à fait exact comme vision des choses, c'est d'ailleurs ce que j'ai fait et ce que j'ai en partie obtenu dans la discussion avec mes partenaires européens. Certains, bien intentionnés, disent que j'ai été chercher je ne sais trop quoi, quémander je ne sais trop quel délai. Ils étaient là ? Ils étaient à ma place ?
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous aviez un discours début avril qui n'était pas celui que vous avez aujourd'hui…
MICHEL SAPIN
J'ai parlé du rythme…
JEAN-MICHEL APHATIE
On a traduit…
MICHEL SAPIN
Le rythme ça peut être aussi une accélération…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ce n'est pas tellement dans l'esprit des gens ça.
MICHEL SAPIN
Donc le rythme lui-même est modifié, il a été discuté avec nos partenaires européens pour qu'il soit bien compris. Donc nous allons à un rythme qui est un peu moins rapide de diminution des déficits que celui qui était prévu, mais évidemment nous respectons tous nos engagements. Donc le problème…
JEAN-MICHEL APHATIE
Donc vous demandez des contreparties à Bruxelles ?
MICHEL SAPIN
Oui… c'est quoi la première des contreparties ? c'est ce que monsieur Mario DRAGHI qui est le président de la Banque Centrale Européenne, a annoncé ce week-end…
JEAN-MICHEL APHATIE
Baisser l'euro.
MICHEL SAPIN
Oui, faire baisser l'euro parce qu'un euro trop fort c'est un euro qui est mauvais pour la croissance, qui est mauvais pour nos entreprises, qui est mauvais pour nos emplois. Eh bien il l'a pris en compte cela, il l'a annoncé, il est en train de le faire en toute indépendance. Ce n'est pas une contrepartie au sens, je te donne, je te prends, non. Mais c'est un équilibre des politiques en Europe pour que la croissance revienne en Europe, pour qu'elle revienne en France, il faut des politiques qui soutiennent les entreprises, des politiques qui soutiennent le pouvoir d'achat en leur rendant du pouvoir d'achat sans augmenter les impôts et il faut en même temps, un euro qui soit au bon niveau.
JEAN-MICHEL APHATIE
Pour en terminer rapidement, vous avez vu la colère des députés socialistes, vous aurez une majorité à l'Assemblée nationale pour voter ce plan ?
MICHEL SAPIN
Attention quand on dit les députés socialistes, que certains députés… que tous s'interrogent c'est normal, c'est difficile, on n'est pas là dans la facilité, on ne distribue pas comme ça pour faire plaisir, on est chacun en face de ses responsabilités. Je n'ai aucun doute sur le fait que chacun face à ses responsabilités saura où est le bon choix, où est le bon vote. C'est le soutien de ce plan qui est présenté par le gouvernement.
JEAN-MICHEL APHATIE
Michel SAPIN, ministre des Finances était l'invité de RTL ce matin, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 17 avril 2014