Texte intégral
Avant toute chose, je souhaite saluer tout particulièrement aujourd'hui la présence de la Hongrie, de la Pologne et de la République tchèque, nouveaux membres associés de l'UEO.
Notre session d'aujourd'hui se tient sous le signe de l'intervention des alliés en ex-Yougoslavie, dont l'issue sera riche de leçons pour l'avenir de la sécurité européenne.
Nous gérons cette crise dans le cadre de l'Alliance atlantique. L'UEO n'est pas présente en tant que telle. Ses efforts pour tenter de contribuer - même modestement - à l'équilibre durement mis à l'épreuve de la région des Balkans ne doivent pas être oubliés pour autant, notamment en Albanie : d'une part, renforcement de notre élément multinational de Conseil en matière de police - et je me félicite de ce que son action ait pu être réorientée pour assister les autorités albanaises dans l'accueil des réfugiés ; d'autre part, et avec le premier recours, à l'initiative de l'Union européenne, au Centre satellitaire de l'UEO, au bénéfice également de l'Alliance et de l'OSCE, en renforcement de l'action humanitaire en faveur des réfugiés kosovars. Je note que l'Union européenne a, dans les deux cas, joué un rôle important, conformément au Traité de l'Union européenne, pour impulser notre action. Je note aussi que ces opérations bénéficient du concours de toutes les nations de l'UEO.
Je souligne à ce propos solennellement que la France, en application de la position commune de l'Union européenne du 23 avril 1999, déclare son consentement à soumettre volontairement les navires de son pavillon à un régime d'inspection de manière à prévenir l'entrée en République fédérale de l'ex-Yougoslavie d'armements et de produits pétroliers. Elle se joint à un appel de l'UEO aux Etats tiers de rejoindre cette démarche.
Il est trop tôt pour dresser un bilan de la crise actuelle, mais de toute évidence une première leçon apparaît clairement à tous ici : la nécessité de renforcer l'Europe de la sécurité et de la défense est désormais une exigence pressante. Nous devons être conscients de ce que d'autres crises de ce type peuvent affecter notre continent. Nos opinions publiques attendent que nous soyons capables d'y faire face, en conjonction, comme c'est le cas actuellement avec nos alliés nord américains, ou éventuellement seuls. Nous devons aussi comprendre que, si nous voulons maintenir un partenariat transatlantique vigoureux, il est indispensable que les Européens jouent un rôle plus important. Nous devons enfin admettre, car là aussi le Kosovo en est une preuve manifeste, que ce rôle plus important implique un effort plus déterminé, et mieux organisé, pour nous donner des capacités à la hauteur de nos ambitions. Voilà la première leçon de la situation à laquelle nous avons à faire face.
Dans les circonstances présentes, il est frappant de constater combien la démarche entreprise par le Conseil européen de Vienne à la suite de la déclaration de Saint-Malo apparaît appropriée. Comment aller plus loin désormais ? Après la réunion de Vienne, l'Union européenne a mené ses propres réflexions qui, vous le savez, ont conduit à définir des principes et à esquisser l'identification des instruments indispensables à la mise en place d'une capacité autonome de l'Union européenne dans la gestion de crise, y compris sous l'angle militaire. Mais il est important que, par ailleurs, les Européens, y compris les alliés non-membres de l'Union européenne, aient été associés à la réflexion informelle menée au sein de l'UEO comme nous en avions décidé à la réunion ministérielle de Rome. Et je veux saluer, sur ce point comme sur les autres, l'action et l'efficacité de la présidence allemande qui a assuré la cohérence de ces deux exercices.
Le Sommet de Washington a de son côté exprimé un soutien unanime et sans ambiguïté à l'édification de l'Europe de la sécurité et de la défense. J'en retiens que les Alliés sont tous d'accord pour reconnaître que l'heure est bientôt venue pour l'Union européenne de prendre le relais à terme de l'UEO pour les développements futurs de la mise en oeuvre des décisions de Berlin. J'en retiens aussi, et je reviendrai sur ce point, qu'il manifeste la plus haute importance attachée "à veiller à ce que les Alliés européens non membres de l'UE soient associés aussi pleinement que possible à des opérations de réponse aux crises dirigées par l'UE, sur la base des arrangements de consultation existant au sein de l'UEO".
Parmi les tâches qui nous attendent maintenant, il y aura la consolidation des arrangements militaires pratiques destinés à nous permettre de mener des actions, soit en ayant recours à des moyens de l'OTAN, soit par l'emploi des seules structures nationales ou multinationales européennes. Pour le premier cas nous devrons notamment, me semble-t-il, nous attacher à conforter le rôle du D-Saceur. Pour le second cas, il faudra en particulier adapter les forces européennes à disposition de l'Union, notamment les Euroforces et le Corps européen, y compris leurs états-majors. Plus généralement, les états-majors qui en Europe sont susceptibles d'être mis à contribution dans la préparation et la conduite d'opérations de ce type, devront faire l'objet de mesures adéquates.
La contribution de l'UEO au processus de construction de l'Europe de la sécurité et de la défense pèsera sur les décisions qui vont intervenir, et cela dès Cologne. Je pense ici à deux exercices menés pendant la présidence allemande : l'exercice de première phase de l'inventaire des capacités collectives à disposition des Européens et la réflexion informelle que j'ai déjà évoquée.
S'agissant de l'évaluation, le rapport d'étape de la présidence allemande pour la 1ère phase met en relief, à juste titre, que les Européens doivent disposer de capacités renforcées par rapport à ce qui existe actuellement à l'UEO, en particulier dans les trois domaines du renseignement, de l'analyse de situation et de la planification stratégique qui constituent des instruments de base pour anticiper, suivre et, éventuellement, gérer une crise.
En ce qui concerne plus particulièrement la planification stratégique, je souscris au jugement qui avait été porté par nos experts à l'issue du dernier exercice CRISEX 1998 : l'état-major militaire doit pouvoir présenter des options stratégiques, une estimation stratégique, et, pour cela, disposer d'une équipe hautement qualifiée, susceptible d'être renforcée en cas de nécessité et pouvoir s'appuyer à tous les stades sur des capacités de planification dans les états-majors nationaux ou multinationaux. Ainsi, l'inventaire mené au sein de l'UEO fait apparaître des insuffisances que les Européens devront combler. Pour la deuxième phase de l'exercice d'inventaire, il est essentiel que les Européens définissent entre eux précisément quelles sont les capacités militaires réelles, nationales et multinationales, dont ils peuvent disposer. Cette question clé est un facteur déterminant pour l'affirmation de l'Europe de la Défense. Bien que cela aille de soi, nous pensons aussi, compte tenu du caractère sensible des enjeux, que les modalités de cette deuxième phase devront être établies par consensus au sein du Conseil.
S'agissant de la réflexion informelle animée par la présidence allemande, la question du rôle des associés et associés partenaires a particulièrement retenu l'attention. C'est une question qui devra être traitée avec la plus grande attention pour préserver les intérêts des uns et des autres dans ce que sera demain l'Europe de la Défense. Je voudrais vous dire cependant aujourd'hui qu'il serait erroné de considérer cette question comme un problème, alors qu'il s'agit de toute évidence d'une chance qui se présente. Ce n'est pas un problème, puisque comme nous l'avons vu à Washington, et comme l'exprime le consensus au sein des Quinze, nous sommes tous d'accord sur l'importance qui s'attache à maintenir un lien de solidarité fort avec les alliés européens. C'est au contraire une chance pour les Quinze de pouvoir bénéficier de la contribution de pays qui sont proches de nous et qui ont une capacité réelle en matière de Défense. C'est aussi une opportunité pour les associés et associés partenaires pour lesquels s'offre désormais, il me semble, une occasion à ne pas manquer d'établir avec l'Union européenne une relation solide et privilégiée, dans un domaine aussi capital que celui de la Défense, sous l'angle d'opérations concrètes contribuant à la sécurité et à la stabilité en Europe.
Voilà les éléments qui, de mon point de vue, peuvent nous guider pour les étapes à venir.
L'étape essentielle devant nous est bien le Conseil européen de Cologne. J'exprime ici la confiance avec laquelle nous voyons le relais bientôt pris par la Finlande s'agissant de l'Union européenne et le Luxembourg pour l'UEO. Les conclusions de Washington nous confortent dans la certitude que cette démarche rencontre un assentiment très général. Nous abordons le Sommet de Cologne avec la même prudence et le même pragmatisme qui nous ont inspirés depuis Saint-Malo. Mais l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés sur notre continent nous font un devoir de marquer clairement à Cologne la direction dans laquelle nous souhaitons aller tout comme notre détermination. Celle-ci inclut pour la France la perspective désormais réaliste de l'intégration - exigeante et attentive - au sein de l'Union européenne des capacités et fonctionnalités de l'UEO en vue de la mise en place d'instruments capables de donner à l'Union, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune, une véritable capacité d'agir et de faire entendre sa voix. D'ici là, l'UEO doit continuer d'exister dans cette perspective, celle d'Amsterdam et de "l'après Cologne".
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mai 1999)
Notre session d'aujourd'hui se tient sous le signe de l'intervention des alliés en ex-Yougoslavie, dont l'issue sera riche de leçons pour l'avenir de la sécurité européenne.
Nous gérons cette crise dans le cadre de l'Alliance atlantique. L'UEO n'est pas présente en tant que telle. Ses efforts pour tenter de contribuer - même modestement - à l'équilibre durement mis à l'épreuve de la région des Balkans ne doivent pas être oubliés pour autant, notamment en Albanie : d'une part, renforcement de notre élément multinational de Conseil en matière de police - et je me félicite de ce que son action ait pu être réorientée pour assister les autorités albanaises dans l'accueil des réfugiés ; d'autre part, et avec le premier recours, à l'initiative de l'Union européenne, au Centre satellitaire de l'UEO, au bénéfice également de l'Alliance et de l'OSCE, en renforcement de l'action humanitaire en faveur des réfugiés kosovars. Je note que l'Union européenne a, dans les deux cas, joué un rôle important, conformément au Traité de l'Union européenne, pour impulser notre action. Je note aussi que ces opérations bénéficient du concours de toutes les nations de l'UEO.
Je souligne à ce propos solennellement que la France, en application de la position commune de l'Union européenne du 23 avril 1999, déclare son consentement à soumettre volontairement les navires de son pavillon à un régime d'inspection de manière à prévenir l'entrée en République fédérale de l'ex-Yougoslavie d'armements et de produits pétroliers. Elle se joint à un appel de l'UEO aux Etats tiers de rejoindre cette démarche.
Il est trop tôt pour dresser un bilan de la crise actuelle, mais de toute évidence une première leçon apparaît clairement à tous ici : la nécessité de renforcer l'Europe de la sécurité et de la défense est désormais une exigence pressante. Nous devons être conscients de ce que d'autres crises de ce type peuvent affecter notre continent. Nos opinions publiques attendent que nous soyons capables d'y faire face, en conjonction, comme c'est le cas actuellement avec nos alliés nord américains, ou éventuellement seuls. Nous devons aussi comprendre que, si nous voulons maintenir un partenariat transatlantique vigoureux, il est indispensable que les Européens jouent un rôle plus important. Nous devons enfin admettre, car là aussi le Kosovo en est une preuve manifeste, que ce rôle plus important implique un effort plus déterminé, et mieux organisé, pour nous donner des capacités à la hauteur de nos ambitions. Voilà la première leçon de la situation à laquelle nous avons à faire face.
Dans les circonstances présentes, il est frappant de constater combien la démarche entreprise par le Conseil européen de Vienne à la suite de la déclaration de Saint-Malo apparaît appropriée. Comment aller plus loin désormais ? Après la réunion de Vienne, l'Union européenne a mené ses propres réflexions qui, vous le savez, ont conduit à définir des principes et à esquisser l'identification des instruments indispensables à la mise en place d'une capacité autonome de l'Union européenne dans la gestion de crise, y compris sous l'angle militaire. Mais il est important que, par ailleurs, les Européens, y compris les alliés non-membres de l'Union européenne, aient été associés à la réflexion informelle menée au sein de l'UEO comme nous en avions décidé à la réunion ministérielle de Rome. Et je veux saluer, sur ce point comme sur les autres, l'action et l'efficacité de la présidence allemande qui a assuré la cohérence de ces deux exercices.
Le Sommet de Washington a de son côté exprimé un soutien unanime et sans ambiguïté à l'édification de l'Europe de la sécurité et de la défense. J'en retiens que les Alliés sont tous d'accord pour reconnaître que l'heure est bientôt venue pour l'Union européenne de prendre le relais à terme de l'UEO pour les développements futurs de la mise en oeuvre des décisions de Berlin. J'en retiens aussi, et je reviendrai sur ce point, qu'il manifeste la plus haute importance attachée "à veiller à ce que les Alliés européens non membres de l'UE soient associés aussi pleinement que possible à des opérations de réponse aux crises dirigées par l'UE, sur la base des arrangements de consultation existant au sein de l'UEO".
Parmi les tâches qui nous attendent maintenant, il y aura la consolidation des arrangements militaires pratiques destinés à nous permettre de mener des actions, soit en ayant recours à des moyens de l'OTAN, soit par l'emploi des seules structures nationales ou multinationales européennes. Pour le premier cas nous devrons notamment, me semble-t-il, nous attacher à conforter le rôle du D-Saceur. Pour le second cas, il faudra en particulier adapter les forces européennes à disposition de l'Union, notamment les Euroforces et le Corps européen, y compris leurs états-majors. Plus généralement, les états-majors qui en Europe sont susceptibles d'être mis à contribution dans la préparation et la conduite d'opérations de ce type, devront faire l'objet de mesures adéquates.
La contribution de l'UEO au processus de construction de l'Europe de la sécurité et de la défense pèsera sur les décisions qui vont intervenir, et cela dès Cologne. Je pense ici à deux exercices menés pendant la présidence allemande : l'exercice de première phase de l'inventaire des capacités collectives à disposition des Européens et la réflexion informelle que j'ai déjà évoquée.
S'agissant de l'évaluation, le rapport d'étape de la présidence allemande pour la 1ère phase met en relief, à juste titre, que les Européens doivent disposer de capacités renforcées par rapport à ce qui existe actuellement à l'UEO, en particulier dans les trois domaines du renseignement, de l'analyse de situation et de la planification stratégique qui constituent des instruments de base pour anticiper, suivre et, éventuellement, gérer une crise.
En ce qui concerne plus particulièrement la planification stratégique, je souscris au jugement qui avait été porté par nos experts à l'issue du dernier exercice CRISEX 1998 : l'état-major militaire doit pouvoir présenter des options stratégiques, une estimation stratégique, et, pour cela, disposer d'une équipe hautement qualifiée, susceptible d'être renforcée en cas de nécessité et pouvoir s'appuyer à tous les stades sur des capacités de planification dans les états-majors nationaux ou multinationaux. Ainsi, l'inventaire mené au sein de l'UEO fait apparaître des insuffisances que les Européens devront combler. Pour la deuxième phase de l'exercice d'inventaire, il est essentiel que les Européens définissent entre eux précisément quelles sont les capacités militaires réelles, nationales et multinationales, dont ils peuvent disposer. Cette question clé est un facteur déterminant pour l'affirmation de l'Europe de la Défense. Bien que cela aille de soi, nous pensons aussi, compte tenu du caractère sensible des enjeux, que les modalités de cette deuxième phase devront être établies par consensus au sein du Conseil.
S'agissant de la réflexion informelle animée par la présidence allemande, la question du rôle des associés et associés partenaires a particulièrement retenu l'attention. C'est une question qui devra être traitée avec la plus grande attention pour préserver les intérêts des uns et des autres dans ce que sera demain l'Europe de la Défense. Je voudrais vous dire cependant aujourd'hui qu'il serait erroné de considérer cette question comme un problème, alors qu'il s'agit de toute évidence d'une chance qui se présente. Ce n'est pas un problème, puisque comme nous l'avons vu à Washington, et comme l'exprime le consensus au sein des Quinze, nous sommes tous d'accord sur l'importance qui s'attache à maintenir un lien de solidarité fort avec les alliés européens. C'est au contraire une chance pour les Quinze de pouvoir bénéficier de la contribution de pays qui sont proches de nous et qui ont une capacité réelle en matière de Défense. C'est aussi une opportunité pour les associés et associés partenaires pour lesquels s'offre désormais, il me semble, une occasion à ne pas manquer d'établir avec l'Union européenne une relation solide et privilégiée, dans un domaine aussi capital que celui de la Défense, sous l'angle d'opérations concrètes contribuant à la sécurité et à la stabilité en Europe.
Voilà les éléments qui, de mon point de vue, peuvent nous guider pour les étapes à venir.
L'étape essentielle devant nous est bien le Conseil européen de Cologne. J'exprime ici la confiance avec laquelle nous voyons le relais bientôt pris par la Finlande s'agissant de l'Union européenne et le Luxembourg pour l'UEO. Les conclusions de Washington nous confortent dans la certitude que cette démarche rencontre un assentiment très général. Nous abordons le Sommet de Cologne avec la même prudence et le même pragmatisme qui nous ont inspirés depuis Saint-Malo. Mais l'ampleur des défis auxquels nous sommes confrontés sur notre continent nous font un devoir de marquer clairement à Cologne la direction dans laquelle nous souhaitons aller tout comme notre détermination. Celle-ci inclut pour la France la perspective désormais réaliste de l'intégration - exigeante et attentive - au sein de l'Union européenne des capacités et fonctionnalités de l'UEO en vue de la mise en place d'instruments capables de donner à l'Union, dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune, une véritable capacité d'agir et de faire entendre sa voix. D'ici là, l'UEO doit continuer d'exister dans cette perspective, celle d'Amsterdam et de "l'après Cologne".
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 mai 1999)