Texte intégral
PATRICK COHEN
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
PATRICK COHEN
C'est bien une guerre qui est en train qui est en train de gagner une partie de l'Ukraine, une guerre civile ?
LAURENT FABIUS
Pas encore, mais on n'en est pas loin, parce que quand on voit les affrontements, chaque jour, à l'Est de l'Ukraine, au Sud avec l'affaire dramatique d'Odessa, c'est évidemment le risque. Mais, mais mais, notre objectif et je fais miennes les remarques de monsieur GUETTA, d'ailleurs, notre objectif doit être la désescalade, la désescalade...
PATRICK COHEN
Comment ?
LAURENT FABIUS...et non pas accepter la guerre civile. Eh bien en ayant contact avec les deux parties, ça ne se fait pas toujours grand jour, mais le contact est constant, à la fois avec la partie ukrainienne, Kiev, et avec les Russes, je suis par exemple en contact quasiment hebdomadairement avec mon collègue LAVROV, et il faut continuer en ce sens. Nous en voulons pas la guerre avec la Russie, il faut être clair, ça n'aurait absolument aucun sens, et en même temps nous ne pouvons pas rester sans réagir lorsqu'il y a l'annexion, hier de la Crimée, demain peut-être d'autre chose. Et donc, entre les deux bornes extrêmes, qu'est-ce qu'il faut choisir ? La désescalade et les sanctions pour essayer de faire bouger les choses, c'est notre position.
PATRICK COHEN
Mais l'Europe parait terriblement impuissante, Laurent FABIUS, le « soft power », comme disent les diplomates, ne semble rien pouvoir face au fracas des armes.
LAURENT FABIUS
Mais, monsieur COHEN, là encore essayons d'être... de raisonner, pas simplement de se laisser emporter par des images, au demeurant, ou des réalités épouvantables. Personne ici ne va proposer qu'on déclare la guerre à la Russie. Bien. Donc c'est une borne qu'il faut éliminer. L'autre borne, c'est de rester sans réagir, les bras ballants, et donc entre les deux, c'est la place de la diplomatie et des sanctions, lorsque les choses n'avancent pas suffisamment. Nous avons déjà pris deux degrés de sanctions, qui sont effectives, si jamais, si les élections du 25 mai n'ont pas lieu, les élections présidentielles en Ukraine, qui sont quand même la sortie normale d'une crise, à ce moment-là nous passerons au stade 3. Je remarque d'ailleurs, ce que peu de gens font, c'est que c'est le même jour qu'il y a des élections paisibles, pacifiques, dans l'Union européenne, peut-être va-t-on en parler, et que, en Ukraine, aux porte de l'Union européenne, la question de savoir si on peut organiser les élections, est posée. Qu'est-ce que ça veut dire, en termes clairs ? Ça veut dire que l'Union européenne c'est la paix, on a oublié, c'est la paix, c'est la garantie de la paix, alors qu'aux frontières de l'Union européenne, il reste des risques graves d'affrontements.
PATRICK COHEN
Quelles sont les responsabilités du gouvernement de Kiev, aujourd'hui, dans la situation actuelle ? On a beaucoup parlé de celle des Russes et de monsieur POUTINE, mais l'Ukraine a-t-elle eu raison d'intervenir militairement comme elle l'a fait dans les villes de l'Est du pays ?
LAURENT FABIUS
Les responsabilités sont diverses. Il y a incontestablement une responsabilité de la Russie, c'est la Russie qui a annexé la Crimée, et en droit international c'est évidemment inacceptable. Si on remet en cause les frontières, que ce soit en Europe, que ce soit en Afrique, que ce soit en Asie etc., ça veut dire la génération de guerre partout. Donc il y a une responsabilité forte de la Russie. Maintenant, en ce qui concerne le gouvernement ukrainien, il est dans une situation très difficile, vous l'avez d'ailleurs très bien rappelé. S'il ne fait rien, les habitants d'Ukraine vont dire : « Ben alors, écoutez, pourquoi êtes-vous au pouvoir, puisque vous ne pouvez pas assurer l'unité de votre pays ? ». S'il fait quelque chose, il risque l'engrenage, d'où la tactique qu'il a choisie, qui n'est pas facile, qui est d'envoyer des forces, mais parfois les forces sont insuffisantes. Encore une fois, l'objectif, l'objectif c'est la désescalade et la préparation des élections du 25 mai. D'ailleurs je relève...
PATRICK COHEN
Vous tenez à ces élections du 25 mai, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
C'est fondamental ! Dans une...
PATRICK COHEN
Vous partagez l'objectif du gouvernement de Kiev, là-dessus.
LAURENT FABIUS
Bien sûr, mais pas seulement du gouvernement de Kiev. Quand on a une situation où on veut s'en sortir par la démocratie, il faut aller aux élections. D'ailleurs je remarque en passant, une contradiction absolument insoutenable de la part de nos partenaires russes : d'un côté ils disent « il ne faut pas d'élections en Ukraine », et de l'autre, alors que c'est la sortie par la paix, et de l'autre ils disent : « En Syrie alors qu'il y a la guerre, alors qu'il y a 150 000 morts il faut voter pour monsieur Bachar ELASSAD, au début du mois de juin ». Donc, en Syrie, c'est une farce absolue, quand vous avez une situation de guerre, c'est impossible, mais en Ukraine, si on veut s'en sortir, pacifiquement, il faut aller vers les élections. Et donc par rapport à votre question précise, « quelles sont les responsabilités », ce n'est pas blanc ou noir, on le sait bien, mais il y a une responsabilité forte des Russes, ça n'empêche pas qu'il faut dialoguer avec eux, et je répète, nous sommes au contact avec les Russes et nous avons dès le début...
PATRICK COHEN
C'est un reproche qui vous a été fait, Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Pardon ?
PATRICK COHEN
C'est un reproche qui vous a été fait.
LAURENT FABIUS
De ?
PATRICK COHEN
Sur la Syrie, comme sur l'Ukraine, de ne pas avoir assez dialogué avec les Russes, de ne pas avoir envoyé assez de signaux ou de hauts responsables à Moscou pour parler avec monsieur POUTINE.
LAURENT FABIUS
Mais, écoutez, nous le faisons en permanence, ça ne veut pas dire que nous devons être à la télévision tous les matins et tous les soirs, ce qui compte c'est d'essayer d'être efficace. Nous ne pouvons pas, à nous seuls, résoudre la crise. Mais j'ai dit à beaucoup de reprises, que, en ce qui concerne l'Ukraine, l'Ukraine ça ne doit pas être, ou bien l'Union européenne, ou bien la Russie, mais l'Ukraine doit avoir de bonnes relations, à la fois avec la Russie et l'Union européenne. Et pour prendre des choses concrètes, vous vous rappelez peut-être que le 21 février dernier, nous avons signé avec mon collègue allemand et mon collègue polonais, un accord à Kiev qui a empêché, à Kiev, la guerre civile, personne ne peut contester cela, et d'autre part que j'étais il y a deux semaines en Moldavie et en Géorgie, avec mon collègue allemand, parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on regarde la carte, pas loin de l'Ukraine, il y a des risques. Moldavie, chacun va se reporter sur la carte, c'est une région qui est limitrophe, où il y a une bande qui s'appelle la Transnistrie, qui est sous contrôle russe, et si jamais la Transnistrie, ce qui n'est pas impossible, décidait de se rattacher à la Russie, vous avez un couloir entre Transnistrie et Odessa au sud, qui ferait que l'Ukraine n'aurait plus quasiment de voie d'accès sur la mer, en l'occurrence la Mer Noire, donc nous sommes allés avec mon collègue allemand, pour dire aux Géorgiens, aux Moldaves et au reste du monde : attention, pas touche à la Moldavie et à la Géorgie.
PATRICK COHEN
On vous entend, Laurent FABIUS, on regarde les actualités jour après jour, et on se demande : que reste-t-il de l'Ordre international ? Du système ordonné, pacifié, que l'Est et l'Ouest avaient installé il y a une quarantaine d'années, les accords d'Helsinki de 75, qui garantissaient le respect des frontières et de la souveraineté des états, le Mémorandum de Budapest, qui protégeait l'intégrité de l'Ukraine, l'accord de Genève qui avait été signé il y a trois semaines seulement avec les Américains et les Russes, tout cela a volé en éclats.
LAURENT FABIUS
Mais, c'est ce que j'appelle l'Ordre zéro polaire, si on peut dire. En deux mots. Qu'est-ce qui se passe depuis des années ? Vous avez eu, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, jusqu'à une période relativement récente, un ordre qui était bipolaire, c'était l'URSS d'un côté et les Etats-Unis de l'autre, qui faisaient la loi. Bien. C'était très contestable mais ça fonctionnait comme ça. Ensuite vous avez eu une période courte, d'une dizaine d'années, où ce sont les Etats-Unis qui ont fait la loi, c'est ce que l'on appelle l'Ordre unipolaire. On dit aujourd'hui : nous sommes dans un système multipolaire. C'est pas vrai du tout, nous sommes dans un système que j'appelle zéro polaire, où il n'y a pas de patron, et du coup des crises se développent sans qu'il y ait de capacité de résolution, parce que l'ONU est paralysée, etc.
PATRICK COHEN
Paralysée par le véto russe, aussi.
LAURENT FABIUS
Voilà, par le véto russe, et dans ces circonstances, la position de la France est de dire : objectif paix et sécurité, objectif planète, objectif reconstruction de l'Europe, objectif redressement de la France. Nous essayons de le faire, nous mettons nos moyens là-dedans, nous sommes entendus dans certains continents, nous sommes entendus en Afrique, nous sommes entendus dans d'autres continents, mais nous ne sommes qu'un au sein de l'Union européenne, même si nous sommes un des membres permanents du Conseil de sécurité. Et notre effort permanent, je veux le redire ici, à ce micro, c'est de faire en sorte que, au lieu de l'affrontement il y ait le dialogue, même si c'est très difficile.
PATRICK COHEN
Il faut changer l'ONU aussi ?
LAURENT FABIUS
Il faut réformer l'ONU, bien sûr, et en particulier la pratique au Conseil de sécurité ; nous avons fait une proposition, très difficile à faire accepter par nos partenaires, mais essentielle, disant que lorsqu'il y a des crimes de masse, il faudrait que les 5 membres permanents, ceux qui ont la possibilité de donner leur véto, ne puissent pas opposer leur véto, ça aurait évité un drame en Syrie, ça aurait peut-être évité d'autres drames.
PATRICK COHEN
Laurent FABIUS, ministre des Affaires étrangères, avec nous jusqu'à 08h50. On vous retrouve dans quelques minutes, après la...
LAURENT FABIUS
Volontiers.
PATRICK COHEN
La revue de presse, avec les questions des auditeurs, et on parlera aussi politique et de ces élections européennes qui auront lieu dans moins de trois semaines maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2014
Bonjour Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Bonjour.
PATRICK COHEN
C'est bien une guerre qui est en train qui est en train de gagner une partie de l'Ukraine, une guerre civile ?
LAURENT FABIUS
Pas encore, mais on n'en est pas loin, parce que quand on voit les affrontements, chaque jour, à l'Est de l'Ukraine, au Sud avec l'affaire dramatique d'Odessa, c'est évidemment le risque. Mais, mais mais, notre objectif et je fais miennes les remarques de monsieur GUETTA, d'ailleurs, notre objectif doit être la désescalade, la désescalade...
PATRICK COHEN
Comment ?
LAURENT FABIUS...et non pas accepter la guerre civile. Eh bien en ayant contact avec les deux parties, ça ne se fait pas toujours grand jour, mais le contact est constant, à la fois avec la partie ukrainienne, Kiev, et avec les Russes, je suis par exemple en contact quasiment hebdomadairement avec mon collègue LAVROV, et il faut continuer en ce sens. Nous en voulons pas la guerre avec la Russie, il faut être clair, ça n'aurait absolument aucun sens, et en même temps nous ne pouvons pas rester sans réagir lorsqu'il y a l'annexion, hier de la Crimée, demain peut-être d'autre chose. Et donc, entre les deux bornes extrêmes, qu'est-ce qu'il faut choisir ? La désescalade et les sanctions pour essayer de faire bouger les choses, c'est notre position.
PATRICK COHEN
Mais l'Europe parait terriblement impuissante, Laurent FABIUS, le « soft power », comme disent les diplomates, ne semble rien pouvoir face au fracas des armes.
LAURENT FABIUS
Mais, monsieur COHEN, là encore essayons d'être... de raisonner, pas simplement de se laisser emporter par des images, au demeurant, ou des réalités épouvantables. Personne ici ne va proposer qu'on déclare la guerre à la Russie. Bien. Donc c'est une borne qu'il faut éliminer. L'autre borne, c'est de rester sans réagir, les bras ballants, et donc entre les deux, c'est la place de la diplomatie et des sanctions, lorsque les choses n'avancent pas suffisamment. Nous avons déjà pris deux degrés de sanctions, qui sont effectives, si jamais, si les élections du 25 mai n'ont pas lieu, les élections présidentielles en Ukraine, qui sont quand même la sortie normale d'une crise, à ce moment-là nous passerons au stade 3. Je remarque d'ailleurs, ce que peu de gens font, c'est que c'est le même jour qu'il y a des élections paisibles, pacifiques, dans l'Union européenne, peut-être va-t-on en parler, et que, en Ukraine, aux porte de l'Union européenne, la question de savoir si on peut organiser les élections, est posée. Qu'est-ce que ça veut dire, en termes clairs ? Ça veut dire que l'Union européenne c'est la paix, on a oublié, c'est la paix, c'est la garantie de la paix, alors qu'aux frontières de l'Union européenne, il reste des risques graves d'affrontements.
PATRICK COHEN
Quelles sont les responsabilités du gouvernement de Kiev, aujourd'hui, dans la situation actuelle ? On a beaucoup parlé de celle des Russes et de monsieur POUTINE, mais l'Ukraine a-t-elle eu raison d'intervenir militairement comme elle l'a fait dans les villes de l'Est du pays ?
LAURENT FABIUS
Les responsabilités sont diverses. Il y a incontestablement une responsabilité de la Russie, c'est la Russie qui a annexé la Crimée, et en droit international c'est évidemment inacceptable. Si on remet en cause les frontières, que ce soit en Europe, que ce soit en Afrique, que ce soit en Asie etc., ça veut dire la génération de guerre partout. Donc il y a une responsabilité forte de la Russie. Maintenant, en ce qui concerne le gouvernement ukrainien, il est dans une situation très difficile, vous l'avez d'ailleurs très bien rappelé. S'il ne fait rien, les habitants d'Ukraine vont dire : « Ben alors, écoutez, pourquoi êtes-vous au pouvoir, puisque vous ne pouvez pas assurer l'unité de votre pays ? ». S'il fait quelque chose, il risque l'engrenage, d'où la tactique qu'il a choisie, qui n'est pas facile, qui est d'envoyer des forces, mais parfois les forces sont insuffisantes. Encore une fois, l'objectif, l'objectif c'est la désescalade et la préparation des élections du 25 mai. D'ailleurs je relève...
PATRICK COHEN
Vous tenez à ces élections du 25 mai, Laurent FABIUS ?
LAURENT FABIUS
C'est fondamental ! Dans une...
PATRICK COHEN
Vous partagez l'objectif du gouvernement de Kiev, là-dessus.
LAURENT FABIUS
Bien sûr, mais pas seulement du gouvernement de Kiev. Quand on a une situation où on veut s'en sortir par la démocratie, il faut aller aux élections. D'ailleurs je remarque en passant, une contradiction absolument insoutenable de la part de nos partenaires russes : d'un côté ils disent « il ne faut pas d'élections en Ukraine », et de l'autre, alors que c'est la sortie par la paix, et de l'autre ils disent : « En Syrie alors qu'il y a la guerre, alors qu'il y a 150 000 morts il faut voter pour monsieur Bachar ELASSAD, au début du mois de juin ». Donc, en Syrie, c'est une farce absolue, quand vous avez une situation de guerre, c'est impossible, mais en Ukraine, si on veut s'en sortir, pacifiquement, il faut aller vers les élections. Et donc par rapport à votre question précise, « quelles sont les responsabilités », ce n'est pas blanc ou noir, on le sait bien, mais il y a une responsabilité forte des Russes, ça n'empêche pas qu'il faut dialoguer avec eux, et je répète, nous sommes au contact avec les Russes et nous avons dès le début...
PATRICK COHEN
C'est un reproche qui vous a été fait, Laurent FABIUS.
LAURENT FABIUS
Pardon ?
PATRICK COHEN
C'est un reproche qui vous a été fait.
LAURENT FABIUS
De ?
PATRICK COHEN
Sur la Syrie, comme sur l'Ukraine, de ne pas avoir assez dialogué avec les Russes, de ne pas avoir envoyé assez de signaux ou de hauts responsables à Moscou pour parler avec monsieur POUTINE.
LAURENT FABIUS
Mais, écoutez, nous le faisons en permanence, ça ne veut pas dire que nous devons être à la télévision tous les matins et tous les soirs, ce qui compte c'est d'essayer d'être efficace. Nous ne pouvons pas, à nous seuls, résoudre la crise. Mais j'ai dit à beaucoup de reprises, que, en ce qui concerne l'Ukraine, l'Ukraine ça ne doit pas être, ou bien l'Union européenne, ou bien la Russie, mais l'Ukraine doit avoir de bonnes relations, à la fois avec la Russie et l'Union européenne. Et pour prendre des choses concrètes, vous vous rappelez peut-être que le 21 février dernier, nous avons signé avec mon collègue allemand et mon collègue polonais, un accord à Kiev qui a empêché, à Kiev, la guerre civile, personne ne peut contester cela, et d'autre part que j'étais il y a deux semaines en Moldavie et en Géorgie, avec mon collègue allemand, parce qu'il ne faut pas oublier que, quand on regarde la carte, pas loin de l'Ukraine, il y a des risques. Moldavie, chacun va se reporter sur la carte, c'est une région qui est limitrophe, où il y a une bande qui s'appelle la Transnistrie, qui est sous contrôle russe, et si jamais la Transnistrie, ce qui n'est pas impossible, décidait de se rattacher à la Russie, vous avez un couloir entre Transnistrie et Odessa au sud, qui ferait que l'Ukraine n'aurait plus quasiment de voie d'accès sur la mer, en l'occurrence la Mer Noire, donc nous sommes allés avec mon collègue allemand, pour dire aux Géorgiens, aux Moldaves et au reste du monde : attention, pas touche à la Moldavie et à la Géorgie.
PATRICK COHEN
On vous entend, Laurent FABIUS, on regarde les actualités jour après jour, et on se demande : que reste-t-il de l'Ordre international ? Du système ordonné, pacifié, que l'Est et l'Ouest avaient installé il y a une quarantaine d'années, les accords d'Helsinki de 75, qui garantissaient le respect des frontières et de la souveraineté des états, le Mémorandum de Budapest, qui protégeait l'intégrité de l'Ukraine, l'accord de Genève qui avait été signé il y a trois semaines seulement avec les Américains et les Russes, tout cela a volé en éclats.
LAURENT FABIUS
Mais, c'est ce que j'appelle l'Ordre zéro polaire, si on peut dire. En deux mots. Qu'est-ce qui se passe depuis des années ? Vous avez eu, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, jusqu'à une période relativement récente, un ordre qui était bipolaire, c'était l'URSS d'un côté et les Etats-Unis de l'autre, qui faisaient la loi. Bien. C'était très contestable mais ça fonctionnait comme ça. Ensuite vous avez eu une période courte, d'une dizaine d'années, où ce sont les Etats-Unis qui ont fait la loi, c'est ce que l'on appelle l'Ordre unipolaire. On dit aujourd'hui : nous sommes dans un système multipolaire. C'est pas vrai du tout, nous sommes dans un système que j'appelle zéro polaire, où il n'y a pas de patron, et du coup des crises se développent sans qu'il y ait de capacité de résolution, parce que l'ONU est paralysée, etc.
PATRICK COHEN
Paralysée par le véto russe, aussi.
LAURENT FABIUS
Voilà, par le véto russe, et dans ces circonstances, la position de la France est de dire : objectif paix et sécurité, objectif planète, objectif reconstruction de l'Europe, objectif redressement de la France. Nous essayons de le faire, nous mettons nos moyens là-dedans, nous sommes entendus dans certains continents, nous sommes entendus en Afrique, nous sommes entendus dans d'autres continents, mais nous ne sommes qu'un au sein de l'Union européenne, même si nous sommes un des membres permanents du Conseil de sécurité. Et notre effort permanent, je veux le redire ici, à ce micro, c'est de faire en sorte que, au lieu de l'affrontement il y ait le dialogue, même si c'est très difficile.
PATRICK COHEN
Il faut changer l'ONU aussi ?
LAURENT FABIUS
Il faut réformer l'ONU, bien sûr, et en particulier la pratique au Conseil de sécurité ; nous avons fait une proposition, très difficile à faire accepter par nos partenaires, mais essentielle, disant que lorsqu'il y a des crimes de masse, il faudrait que les 5 membres permanents, ceux qui ont la possibilité de donner leur véto, ne puissent pas opposer leur véto, ça aurait évité un drame en Syrie, ça aurait peut-être évité d'autres drames.
PATRICK COHEN
Laurent FABIUS, ministre des Affaires étrangères, avec nous jusqu'à 08h50. On vous retrouve dans quelques minutes, après la...
LAURENT FABIUS
Volontiers.
PATRICK COHEN
La revue de presse, avec les questions des auditeurs, et on parlera aussi politique et de ces élections européennes qui auront lieu dans moins de trois semaines maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2014