Interview de M. Harlem Désir, secrétaire d'Etat aux affaires européennes, avec ITélé le 7 mai 2014, sue les élections européennes, le Parti socialiste et sur la politique du gouvernement.

Prononcé le

Média : Itélé

Texte intégral

BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Harlem DESIR.
MONSIEUR LE SECRETAIRE D'ETAT HARLEM DESIR
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Merci d'être avec nous ce matin sur I-Télé. Vous êtes Secrétaire d'Etat chargé des Affaires européennes. Les élections européennes approchent ; on va bien sûr en parler dans quelques instants, mais d'abord retour tout de même sur votre nomination le 9 avril dernier. Ça fait quasiment un mois, vous avez été extrêmement discret d'ailleurs pendant ces quatre semaines. Je vous remercie d'ailleurs de nous accorder votre première grande interview. La question est très simple pour démarrer, parce que votre nomination a suscité énormément de commentaires et de critiques, il faut bien le dire. Est-ce que vous vous attendiez à un tel déferlement ?
HARLEM DESIR
Non, mais en même temps, vous savez, moi je suis passé dans l'action dans cette nouvelle responsabilité qui est la mienne. Rencontrer mes homologues, défendre les positions de la France à Bruxelles, aller rencontrer les députés européens qui étaient en train d'adopter des mesures très importantes que François HOLLANDE a défendues depuis le début de la crise, ce qu'on appelle l'Union bancaire pour éviter que nous soyons confrontés à de nouveaux effondrements du système financier qui avait quand même entraîné ensuite la récession, se battre avec mes collègues et préparer les conditions pour qu'il y ait un accord par exemple sur la taxe sur les transactions financières- ç'a été adopté hier à Bruxelles en présence de Michel SAPIN dans un conseil des ministres des finances – et puis préparer d'abord la mobilisation pour ces élections européennes. Je me suis rendu à Strasbourg par exemple, dans des villes de province, pour appeler à voter.
BRUCE TOUSSAINT
Ça, c'est votre nouvelle vie.
HARLEM DESIR
Oui, absolument. Il y a beaucoup de très gros dossiers qui sont devant nous au plan européen. Construire une Europe de l'énergie, continuer à réorienter l'Europe vers la croissance, vers l'emploi, en particulier l'emploi des jeunes, et ça va dépendre aussi du résultat de cette élection européenne. Est-ce qu'il y aura une majorité progressiste ? Est-ce qu'on aura un nouveau président de la Commission qui sera favorable à cela ? C'est une élection pour élire un Parlement européen qui n'aura jamais eu autant de pouvoir et on nous dit que l'abstention devrait monter ; il ne faut pas l'accepter donc il faut se battre, se mobiliser et expliquer l'enjeu de cette élection.
BRUCE TOUSSAINT
Harlem DESIR, je suis malgré tout obligé de vous reposer la question. Lorsque le sénateur socialiste de la Nièvre Gaétan GORCE déclare que vous étiez un naufrageur du PS au gouvernement, lorsque le député Pascal TERRASSE déclare que c'est la prime au mauvais avec votre nomination…
HARLEM DESIR
Mais c'est de l'histoire ancienne. J'ai l'impression que vous exhumez des déclarations.
CHRISTOPHE BARBIER
C'est blessant surtout.
BRUCE TOUSSAINT
C'était il y a quatre semaines.
HARLEM DESIR
Oui, mais je ne vais pas y revenir. Ecoutez, je suis tourné vers l'avenir.
BRUCE TOUSSAINT
Non mais vous pourriez solder ça et nous dire ce que vous avez ressenti, tout simplement.
HARLEM DESIR
Je l'ai dit. Dans les critiques en politique, il y a toujours du vrai et il y a parfois quand même de l'exagéré. D'abord il y a eu beaucoup de choses très bien, très importantes qui ont été faites au Parti socialiste pendant les deux dernières années. On a travaillé sur des sujets comme la réforme des retraites, sur l'Europe, on a fait des propositions qui sont celles que défend aujourd'hui ce parti, sur la notion de progrès, sur les extrémismes et les populismes, et il y a aussi des choses que je regrette peut-être qu'on n'ait pas fait mieux évidemment. Je prends ma part de responsabilité, je l'ai dit, dans une situation où il faut que nous nous améliorerions. Mais je suis tourné vers l'avenir, maintenant j'ai une nouvelle fonction et, je l'avais dit, je suis entièrement tourné vers cet enjeu de l'Europe.
BRUCE TOUSSAINT
On va y venir dans un instant. On va y venir, je vous le promets. Avez-vous réussi à la tête du Parti socialiste ?
HARLEM DESIR
Il y a des choses qui ont été réussies, il y a des choses qui ne l'ont pas été. En tous cas, on a subi une défaite électorale. Ce sont les Français qui disent le dernier mot en démocratie et elle a été sévère. Elle envoie un message très clair. Justement, ils veulent peut-être qu'on s'occupe moins de nous-mêmes et plus d'eux, d'avoir des résultats. C'est bien la mission que nous a donné le président de la République : plus d'efficacité, plus de rapidité, plus de résultats pour l'emploi, et moi dans mon domaine – celui de l'Europe – c'est ce à quoi je consacre toute mon énergie parce qu'on a aussi besoin que l'environnement européen soit plus favorable à la croissance. C'est d'ailleurs la bataille qu'a menée le président pour qu'on arrête avec les politiques d'austérité, pour qu'on comprenne qu'il fallait soutenir des projets d'investissement. C'est ce à quoi il s'attèle quand il rencontre nos partenaires. Vous savez qu'il va rencontrer la chancelière Angela MERKEL. Moi-même je suis allé rencontrer mon homologue allemand, j'ai rencontré mon homologue italien parce que l'Italie va assurer la présidence de l'Union européenne pendant le dernier semestre et que toute notre mobilisation, tous nos objectifs, c'est que l'Europe produise des résultats pour les citoyens. C'est comme ça qu'on va réconcilier les citoyens avec l'Europe.
CHRISTOPHE BARBIER
Vous en appelez au civisme et à la participation. Le président de la République, lui, veut reporter le vote des régionales. Est-ce qu'il n'y a pas des messages contradictoires ? « Ça fait tripatouillage » dit COPE.
HARLEM DESIR
C'est de la polémique cette réponse de Jean-François COPE, parce qu'à partir du moment où il y a la proposition de faire une grande réforme des collectivités locales, qui doit nous permettre d'abord des régions qui, en se rassemblant, soient plus fortes, plus puissantes puisqu'elles ont notamment cette compétence du développement économique. Quand on regarde à l'échelle européenne, déjà certaines de nos régions sont grandes mais là, ça va nous donner un véritable atout.
CHRISTOPHE BARBIER
Faisons-le dès cet automne et votons en mars prochain, comme prévu.
HARLEM DESIR
Voilà, mais vous savez qu'on ne peut pas faire une élection moins d'un an après avoir fixé de nouvelles règles. Plutôt que de dire on va élire là maintenant de nouvelles régions, de nouveaux départements, puis après on va faire la réforme qui va amener d'ailleurs à la disparition du département et à fusionner ses compétences avec les régions ou avec les communautés de communes et rassembler les régions, d'abord on fait la réforme. On prend quelques mois, quelques mois nécessaires pour faire cette réforme de nos collectivités, simplifier quand même ce millefeuille administratif.
CHRISTOPHE BARBIER
Bien sûr.
HARLEM DESIR
Parce que le fond de l'affaire, c'est ça. Vous avez une entreprise, vous êtes sur un territoire, elle veut une aide économique. Elle demande une fois à la région, une fois à la commune, une fois au département, une fois même à un fond européen ou à la Banque Publique d'Investissement. On va clarifier tout cela et ensuite, on organise les élections en 2016.
CHRISTOPHE BARBIER
Et on fait un référendum pour que les Français disent : « Ce nouveau découpage, on dit oui ».
HARLEM DESIR
Franchement, quand il s'agit de faire une grande réforme comme celle des collectivités locales, je ne crois pas que le référendum soit la meilleure option. C'est au président de la République qu'il revient d'en décider. J'ai vu par exemple ce qui s'était passé en Alsace, où il y avait ce projet de rassembler les deux départements. Tous les acteurs, les principaux élus, les acteurs économiques y étaient très favorables et puis dans le référendum, un cumul de « non » de nature très différente a bloqué cette avancée. Moi, je crois surtout qu'il faut qu'il y ait un grand débat au Parlement, entre les collectivités. Je vois déjà qu'il y a beaucoup de présidents de régions qui sont en train de travailler au rapprochement entre leurs régions. Les départements réfléchissent eux-mêmes à l'évolution du rôle de leurs collectivités. Menons donc ce débat de façon très ouverte, et adoptons cette réforme pour que très vite, en 2016, on puisse avoir de nouvelles collectivités qui soient en place.
BRUCE TOUSSAINT
Alors les élections européennes. Il y a un sondage quotidien qui est fait par Ifop-Fiducial pour Paris Match et Sud Radio. On peut vous donner le dernier sondage, celui d'hier, qui donne le Front National à 24 % d'intentions de vote en tête, devant l'UMP à 22,5 et devant aussi le Parti socialiste à 18 % d'intentions de vote. Est-ce que ça va être une nouvelle bérézina ces élections européennes pour le PS ?
HARLEM DESIR
Non. D'abord moi, je pense que ça montre qu'il faut rentrer dans la campagne.
BRUCE TOUSSAINT
Il serait temps !
HARLEM DESIR
Il serait temps, mais oui ! parce que c'est normal, il y a eu les élections municipales, après il y a eu le changement de gouvernement, l'adoption du Pacte de responsabilité, et cætera. Il y a eu une phase pendant laquelle l'actualité et les médias ont été très tournés vers l'actualité nationale. Mais il y a cette élection européenne qui, comme je le disais à l'instant, est vraiment décisive pour les cinq prochaines années. Non seulement parce que de la majorité au Parlement européen va dépendre notre capacité à avoir des politiques qui sont beaucoup plus favorables au soutien à la croissance, à l'emploi des jeunes – vous savez, ce programme que le président de la République a défendu, qui s'appelle la garantie jeunesse. On a obtenu déjà un budget de six milliards d'euros pour toutes les régions où il y a plus de 25 % de chômage des jeunes, leur donner à chacun un accès à la formation, une qualification, un emploi. On veut généraliser cela. Tous ces programmes supposent qu'il y ait un soutien du Parlement européen, il a énormément de pouvoir. Deuxièmement, mais ça ne se sait pas encore, je crois qu'il y a très peu de Français qui le savent, ça va être la première fois que c'est à l'issue de l'élection du Parlement européen qu'on va élire le président de la Commission européenne en fonction de la majorité qui l'aura emporté à l'échelle européenne. Chaque siège de député en faveur d'une option progressiste va permettre de donner une chance à ce que Martin SCHULZ, qui est l'actuel président du Parlement européen, puisse être le prochain président de la Commission. C'est quand même une personnalité qui a montré sa proximité avec les préoccupations des citoyens, qui est contre les politiques d'austérité, qui est pour l'harmonisation sociale contre le dumping social. Nous avons adopté, vous le savez, une directive sur les travailleurs détachés pour en finir avec cette course vers le bas. Il a soutenu cela, c'était une initiative du président de la République. Nous sommes pour l'harmonisation fiscale, nous sommes contre les paradis fiscaux, lui aussi. Il faut que les Français se mobilisent parce que ce sera l'intérêt de la France.
CHRISTOPHE BARBIER
Ferez-vous une campagne télévisée ? Y aura-t-il une campagne télévisée de l'Etat pour inciter les Français à aller voter ?
HARLEM DESIR
Oui. Moi-même dès que je suis arrivé, je me suis préoccupé de cela. Il y a une campagne d'information avec des spots. Pour l'instant, c'est sur les radios, avec des informations dans les réseaux de transport, dans le métro, dans toutes les grandes capitales régionales. Il y a toute une campagne Internet et je souhaite aussi qu'il y ait le maximum de débats retransmis entre les candidats sur les chaînes. Je sais que vous-même vous allez retransmettre le grand débat du 15 mai.
BRUCE TOUSSAINT
I-Télé retransmet le grand débat.
HARLEM DESIR
Voilà, je vous en félicite. Nous avons demandé au CSA, parce que ce n'est pas le gouvernement qui peut intervenir dans les programmes des chaînes de télévision. Le président du CSA, Olivier SCHRAMECK, a interpellé le président de France Télévisions et j'espère que France Télévisions va donner beaucoup plus d'espace pour qu'il y ait de l'information à cette campagne et que les citoyens soient bien informés de ce qui se joue dans une élection où, il faut le rappeler, il n'y a qu'un seul tour. On ne vote qu'un seul jour, c'est le 25 mai.
BRUCE TOUSSAINT
Ce sera le 25 mai. Evidemment, ce sera à vivre sur I-Télé. Dernière question Harlem DESIR. Votre successeur à la tête du Parti socialiste, Jean-Christophe CAMBADELIS, c'est un bon choix pour diriger le PS ?
HARLEM DESIR
D'abord je l'ai proposé, je l'ai soutenu quand j'ai été appelé à entrer au gouvernement. Je le connais bien, je connais son attachement au Parti socialiste. Je lui souhaite vraiment très bonne chance.
BRUCE TOUSSAINT
Ç'a été un adversaire aussi.
HARLEM DESIR
Non. Vous savez, ce n'est pas parce qu'à un moment on a pu être concurrent qu'on est adversaire. C'est une mission passionnante, notamment dans le rapport aux militants socialistes, et en même temps qui est difficile. Moi je souhaite donc que tous les socialistes l'aident à réussir dans cette tache parce qu'il le fait en notre nom collectif.
BRUCE TOUSSAINT
Les fameux 41 députés frondeurs, vous pensez qu'il faudrait les sanctionner ?
HARLEM DESIR
Je pense qu'il faut toujours débattre et qu'il faut se rassembler. Les socialistes ont besoin d'unité. Vous me demandiez tout à l'heure ce à quoi peut-être je suis attaché dans ce que j'ai pu faire. J'ai toujours veillé à l'unité des socialistes parce qu'on est divers, chacun a des points de vue différents mais quand on a mené la discussion, au moment de passer au vote, au moment de défendre une réforme, une politique, il faut qu'on soit absolument uni et rassemblé. C'est ça le message que je voudrais leur donner. Il faut donc qu'ils aident le Premier secrétaire et qu'ils aident surtout le gouvernement, Manuel VALLS et le président de la République à réussir la mission de redressement de la France qu'ils se sont fixée.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Harlem DESIR. Merci d'avoir été avec nous ce matin sur I-Télé.
HARLEM DESIR
Merci.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 16 mai 2014