Interview de M. Michel Sapin ministre des finances et des comptes publics, à "Europe 1" le 15 mai 2014, sur le "décret Alstom", sur l'écotaxe et la préparation du prochain budget de l'Etat.

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Média : Europe 1

Texte intégral

JEAN-PIERRE ELKABBACH
Nous allons essayez de renouveler les questions, bienvenue Michel SAPIN, ministre et écrivain et bonjour.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors ça recommence au Budget, la navigation dans les tempêtes et les vagues, deux ans au ministère du Travail vous aviez connu « L'écume et l'océan », votre livre qui sort chez Flammarion aujourd'hui, deux ans au ministère du Travail et à l'instant selon l'INSEE au premier trimestre la croissance a été nulle, en-deçà de 0,1 prévu, les ménages consomment moins, j'ai envie de dire ou simplement, quel est votre avis ou, est-ce que c'est grave docteur ?
MICHEL SAPIN
Non ce n'est pas grave mais ça conforte toute la politique que nous menons aujourd'hui, je le dis…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est-à-dire moins c'est bon plus ça conforte ?
MICHEL SAPIN
Non ce n'est pas ça, mais les chiffres que vous citez sont les chiffres de janvier, février, mars, les chiffres du premier trimestre. C'est le moment où le président de la République, il en a eu l'intuition, a dit on doit accélérer, on doit approfondir parce qu'on doit accélérer la croissance et il avait raison, il comprenait…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Vous vous attendiez à mieux ?
MICHEL SAPIN
Non, c'était le chiffre auquel d'ailleurs beaucoup des observateurs pouvaient s'attendre pour tout un tas de raisons. Mais c'est vraiment la motivation profonde de la politique que nous menons ; La croissance elle a repris légèrement l'année dernière en fin d'année, elle va être cette année supérieure à zéro, évidemment, mais elle sera insuffisante. Il faut accélérer.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Attendez, vous dites…
MICHEL SAPIN
Il faut donc mettre en oeuvre…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… Michel SAPIN vous dites elle sera supérieure à zéro, il y a quelques temps, Bercy, l'Elysée, Matignon, vous disiez au moins 1 %. Est-ce que ce matin vous dites 1 % ou zéro ?
MICHEL SAPIN
Bien sûr, non mais, quand je dis plus de zéro… quand vous dites 1 % c'est le chiffre que tous les observateurs internationaux…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et vous ? Et vous ?
MICHEL SAPIN
Je reçois aujourd'hui une délégation du FMI, quelle est la prévision du Fonds Monétaire International pour la France ? C'est 1 %. Donc nous sommes dans des chiffres qui sont parfaitement des objectifs raisonnables. Mais pour cela, il faut réussir ce pacte de responsabilité. C'est-à-dire il faut faire en sorte que ce soit dans les entreprises que la croissance par l'investissement et par l'emploi se produise, s'accélère, il faut diminuer nos déficits publics et c'est pour ça qu'il faut maîtriser nos dépenses et diminuer nos dépenses. C'est ça le coeur de ce pacte de responsabilité.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et il y a toujours des justificatifs ou des justifications mais l'économie piétine aujourd'hui.
MICHEL SAPIN
Elle hésite, il faut qu'elle arrête d'hésiter.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Et alors comment on la pousse, on la bouscule ?
MICHEL SAPIN
Eh bien on met en oeuvre ce pacte de responsabilité et on le fait le plus vite possible et dès le mois de juin comme vous le savez, dans quelques semaines, ce pacte de responsabilité sera adopté par le Conseil des ministres, sera adopté par l'Assemblée nationale et le Sénat et sera mis en oeuvre immédiatement.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors très rapidement un certain nombre de questions. Matignon vient de dire, la puissance publique, à propos du décret ALSTOM, doit avoir son mot à dire sur des secteurs stratégiques.
MICHEL SAPIN
Oui absolument. C'est vrai en France comme c'est vrai tout partout ailleurs. Pourquoi est-ce que seule la France serait dépourvue de capacités de peser, non pas d'interdire, mais d'être dans le dialogue, dans le dialogue avec les grandes entreprises internationales lorsqu'il s'agit de l'armement, lorsqu'il s'agit de l'énergie, lorsqu'il s'agit de l'eau, lorsqu'il s'agit de secteur qui sont des secteurs évidemment stratégiques pour un pays comme le nôtre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais il y a quelques temps vous disiez à des puissances étrangères et à des investisseurs privés, venez, venez, venez les amis, et alors ?
MICHEL SAPIN
Mais nous continuons à leur dire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais vous leur dites, il y a des tabous, il y a des trucs qui ne passent pas.
MICHEL SAPIN
Lorsque nous dialoguons là, comme à l'instant monsieur Jean-Pierre ELKABBACH, nous ne nous créons pas de veto, nous ne nous interdisons rien, nous dialoguons et l'Etat, c'est son rôle fondamental, il protège les intérêts stratégiques de la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Les fonctionnaires très nombreux, mal payés mais qui globalement n'ont pas perdu de pouvoir d'achat, manifestent aujourd'hui. Qu'est-ce que vous pouvez leur accorder ?
MICHEL SAPIN
Non mais il ne s'agit pas d'accorder… d'abord je voudrais dire, parce qu'il faut que les Français le comprennent, on a toujours le sentiment pour les Français que les fonctionnaires seraient des privilégiés. Dans la période actuelle, nous avons demandé des efforts réels à l'ensemble des fonctionnaires de France, que ce soit dans l'Etat, dans les collectivités locales ou dans les hôpitaux. Ces efforts sont réels, il faut le reconnaître, il faut le dire, ces efforts devront continuer parce que nous ne pouvons pas maitriser nos dépenses publiques si nous ne continuons pas à maitriser la masse salariale. Mais la diminution du pouvoir d'achat, c'est non. Il y a une évolution du pouvoir d'achat qui sera une évolution qui permettra de le maintenir globalement même si, il faut le dire, je le reconnais, pour certains d'entre eux il peut y avoir, lorsqu'ils sont tout à fait en haut de leur évolution, de leur carrière, il pourra y avoir au cours des mois qui viennent, des diminutions de pouvoir d'achat.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La suspension de la dénommée écotaxe fait perdre à Bercy 100 millions par mois donc 1,2 milliard par an. Face à cette écume là, qu'est-ce que vous décidez ?
MICHEL SAPIN
Mais ça, ce n'est pas une écume, c'est l'échec, l'échec d'une réforme voulue par Nicolas SARKOZY. Il l'a fait voter, il a refusé de la mettre en application parce qu'il a ressenti les difficultés…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
D'accord, mais vous vous avez d'abord essayé de l'appliquer.
MICHEL SAPIN
Non, non…on a regardé les choses…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
On a beaucoup de choses à dire encore Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
…on ne l'a pas mise en place. On a regardé les choses, on s'est aperçu, y compris parce qu'il y a eu des mouvements de protestation dans tel ou tel endroit ou dans telle ou telle profession, que ça n'était pas applicable en l'état. Il y aura donc un nouveau dispositif…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand ?
MICHEL SAPIN
Et sur ce nouveau dispositif…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Quand ? Quand ?
MICHEL SAPIN
Dans les semaines qui viennent…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Qui va payer ? Qui va payer ?
MICHEL SAPIN
C'est sur ce nouveau dispositif que et l'Assemblée nationale, et le gouvernement réfléchissent et les décisions seront prises très vite.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Ségolène ROYAL dans PARIS MATCH, obligé de parler d'elle, s'en prend au baronnie local, à Arnaud MONTEBOURG et à vous-même, vous êtes tous traités de machos, qu'est-ce que ça vous fait d'ailleurs ?
MICHEL SAPIN
Mais non, là aussi vous savez comment les choses peuvent se passer, vous êtes journaliste qui avez de l'expérience…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Encore les journalistes !
MICHEL SAPIN
Ségolène ROYAL ce n'est pas seulement une amie en politique pour moi, parce qu'il faut toujours se méfier des amis en politique, c'est une amie dans la vie.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il vaut mieux peut-être avoir des ennemis non ?
MICHEL SAPIN
Vous voyez, ça vous laisse sans voix ! C'est une amie dans la vie et donc évidemment tous ses propos sont des propos qui ne nous troublent ni elle ni moi.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Naturellement vous n'êtes pas rancunier, ça se voit et puis il y a la solidarité du gouvernement un jour, etc, elle, elle dit, elle se contredit et puis personne ne peut la gérer et ça recommencera.
MICHEL SAPIN
Mais non il faut arrêter avec ça, parce que je comprends qu'à ce moment-là elle se sente blessée quand on dit elle n'est pas contrôlable et tout ça. C'est une femme éminente, c'est une femme compétente, c'est une ministre qui est compétente, elle a déjà exercé d'ailleurs des responsabilités dans ce domaine il y a des années…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais on le pense tous, pourquoi, pourquoi doute-t-elle elle même de sa compétence et de sa légitimité ?
MICHEL SAPIN
….donc elle fait son travail, elle le fait dans un cadre qui est celui d'un gouvernement où la solidarité est le mot qui est le mot principal.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Elle se fait son cinéma toute seule, comme chanterait GOLDMAN.
MICHEL SAPIN
Mais arrêtez, vous êtes toujours dans cette forme de dénigrement d'une personne.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non mais c'est un comportement, ce n'est pas moi qui…
MICHEL SAPIN
C'est une femme qui a du caractère, c'est une femme qui a de la présence, c'est une femme qui a de la flamboyance et c'est une femme qui a de la compétence et c'est ainsi qu'elle agit comme ministre.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
C'est vous l'ami ! L'océan c'est le temps long de Fernand BRAUDEL, ce qui compte, ce qui marque. Par exemple la Défense, vous avez confirmé des coupes budgétaires, quelle en est le montant ?
MICHEL SAPIN
Non mais je n'ai pas parlé de coupe budgétaire. Les crédits de la Défense ce ne sont pas des crédits comme les autres dans un budget…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui, mais trois fois le président de la République les a sanctuarisés…
MICHEL SAPIN
Mais comme tous les autres présidents de la République, comme tous les autres présidents de la République les ont, à juste titre, sanctuarisés. Ce ne sont pas des crédits comme les autres parce que c'est la sécurité, là encore, des intérêts fondamentaux de la France qui sont en jeu.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Alors justement n'y touchez pas !
MICHEL SAPIN
Mais lorsqu'un pays, tout un pays fait des efforts, recherche… c'est 50 milliards d'économie, moi je suis le comptable de ces 50 milliards d'économies, on a fini avec les augmentations d'impôts, c'est terminé les augmentations d'impôts, nous ne financerons des mesures nouvelles que par des économies nouvelles…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Combien, quelle fourchette, quelle fourchette ? Vous savez que les armées se plaignent et qu'elles grondent.
MICHEL SAPIN
Tous les ministères auront à faire un effort et c'est légitime.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
De combien le ministère de Défense ?
MICHEL SAPIN
Mais je le redis ici, les crédits de la Défense ne sont pas des crédits comme d'autres. Ce sont les intérêts fondamentaux de la France qui sont en cause, ils seront protégés et protégés jusqu'au bout.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
La sécurité, la menace sur le terrorisme qui menace de Alger, de Tlemcen, le Mali, le Sahel, la France avec toutes ces réductions, et d'ailleurs, c'est Jean-Yves LE DRIAN qui a répondu hier à l'Assemblée nationale, la Défense a pratiqué déjà la rigueur, je l'écoutais, il disait, pour la loi de programmation militaire, 35.000 postes à peu près en moins, économies sur les salaires, 4,4 milliards sur les sites industriels, 14 milliards, ça ne suffit pas ?
MICHEL SAPIN
Jean-Yves LE DRIAN a dit quelque chose de très juste hier, la souveraineté de la France ça passe par une défense efficace, la souveraineté de la France, ça passe par un rééquilibrage des finances publiques.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Donc vous allez réduire le budget…
MICHEL SAPIN
Dans les deux cas nous nous battons pour la défense de la souveraineté de la France.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais ça veut dire que vous allez créer, parce qu'il y a quatre, je ne peux pas développer, mais quatre programmes qui vont être sabotés…
MICHEL SAPIN
Mais vous ne savez rien, vous parlez de ce… vous connaissez bien les programmes, mais vous ne savez rien de ce que nous allons faire. Donc il faut éviter de faire peur quand on parle de la souveraineté de la France !
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Mais je ne fais pas peur. Les militaires le disent eux-mêmes…
MICHEL SAPIN
Les militaires qui sont au Mali ….
JEAN-PIERRE ELKABBACH
… satellites espions, les drones, l'entreprise NEXTER, 2.200 salariés de Roanne qui sont menacés dans l'année si vous bouclez le budget.
MICHEL SAPIN
Monsieur ELKABBACH… donc, les militaires qui sont au Mali, les militaires qui sont en Centrafrique, ceux qui prennent des risques, ceux qui sont sur le terrain c'est pas des diminutions de crédits, ce seront des augmentations de crédits pour ceux qui sont au contact, pour ceux qui sont dans la défensive de notre sécurité à nous.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Merci, mais vous ne voulez pas dire combien, vous ne voulez pas dire combien.
MICHEL SAPIN
Voilà c'est ça, donc ne faites pas peur avec ces choses-là…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Non…
MICHEL SAPIN
…les crédits de la Défense c'est trop important pour être traités de manière purement accessoire.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Est-ce que le président de la République va intervenir sur ce sujet, est-ce qu'il va intervenir François HOLLANDE, chef des Armées ?
MICHEL SAPIN
Evidemment il est le chef des Armées, il a évidemment à intervenir y compris sur ce sujet.
THOMAS SOTTO
Merci Michel SAPIN d'être venu ce matin sur Europe 1, je rappelle le nom de votre livre…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Oui le livre est très intéressant, je l'ai lu attentivement, il est souligné etc, « L'écume et l'océan », c'est dommage ça sera pour une prochaine fois comme dirait CANTELOUP, une prochaine fois.
THOMAS SOTTO
C'est chez Flammarion. On a le temps d'écrire des livres quand on est ministre du Travail et qu'on doit inverser la courbe du chômage ?
MICHEL SAPIN
J'y réponds dès les premières lignes, donc ça va vous obliger à le lire.
THOMAS SOTTO
Eh bien voilà, je le lirai. Merci Michel SAPIN d'être venu ce matin sur Europe 1.
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Il y a portraits, Thomas, il y a des portraits très intéressants de ceux qui ne sont plus là dans les fonctions…
MICHEL SAPIN
François CHEREQUE, Bernard THIBAULT…
JEAN-PIERRE ELKABBACH
Laurence PARIZOT, et vous faites un portrait de quelqu'un que vous avez connu, qui est l'Allemande…
MICHEL SAPIN
Ursula Von Der LEYEN qui est une ministre allemande, qui est justement ministre de la Défense…
THOMAS SOTTO
On le lira ne serait-ce que pour savoir quand est-ce qu'un ministre trouve le temps d'écrire des bouquins. Merci, bonne journée.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 22 mai 2014