Texte intégral
BRUCE TOUSSAINT
Bonjour Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. C'est un métier, c'est un job qui finalement est assez méconnu, hein, ce n'est pas le job le plus exposé du gouvernement, on n'est pas toujours sous les feux de l'actualité, mais, hier, vous étiez au coeur de l'action, on a même raconté qu'on vous a vu courir dans les couloirs de l'Assemblée, pour essayer de rattraper les députés socialistes récalcitrants. C'est vrai, ça ? Ça s'est passé comme ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien mon travail consiste de discuter avec les parlementaires, oui, évidemment, c'est tout à fait légitime, je pense que c'est vraiment le travail que Manuel VALLS a voulu mettre en place depuis qu'il est en situation, c'est-à-dire un lien beaucoup plus fort entre les parlementaires et le gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
Eh bien là, vous n'êtes pas déçu.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, non, je ne suis pas déçu, je suis même content de voir que nous avons eu à la fois, le texte a été adopté par une majorité, par une majorité de gauche, ce n'était pas fait il y a quelques jours ou quelques semaines. C'est un acte très important, c'est un acte fondateur pour l'action de ce gouvernement, pour les trois ans qui viennent. C'est une feuille de route qui a été donnée, qui est courageuse, qui est faite sur un diagnostic de vérité, qui assume un certain nombre de choix, fortement, c'est la marque de l'action du Premier ministre, c'est un engagement fort.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, ça c'est la vérité arithmétique, j'allais dire, effectivement, le texte a été adopté, mais 41 abstention, 41 députés frondeurs, comme on les a appelés, c'est beaucoup.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien écoutez, vous pouviez commenter, il y a quelques semaines, qu'ils étaient une centaine, puis ils nous ont expliqué qu'ils étaient 80, ils étaient sans doute 50 à 60 il y a encore quelques jours. Il y en a aujourd'hui 41, je pense qu'il y en a un certain nombre d'entre eux qui d'ailleurs me l'ont dit, que leur but ce n'était pas de mettre en situation, mais il y a manifestation, un peu d'humeur, après ce qui s'est passé aux élections municipales, après le fait que justement le dialogue entre les parlementaires et l'exécutif ne s'est pas suffisamment installé ces derniers mois, donc voilà, il y a un certain nombre d'entre eux, je pense notamment à ceux qui n'ont pas voté la confiance à Manuel VALLS il y a 15 jours, qui sont sur une stratégie politique, que je ne perçois pas bien d'ailleurs, mais qui est évidemment... c'est souvent ceux, d'ailleurs, qui sont présents sur vos écrans...
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que, à ceux-là...
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je voudrais d'abord remercier les 242, qui eux assument, assument les difficultés...
BRUCE TOUSSAINT
Ils l'ont voté.
JEAN-MARIE LE GUEN
... parce que c'est souvent facile de dire « moi, je bénéficie du parapluie de la gauche, du Parti socialiste, mais vous savez, quand il y a quelque chose de difficile à faire, finalement j'en suis pas ».
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, est-ce que, à ceux qui sont irréductibles, ceux qui n'ont pas voté la confiance, qui n'ont pas voté hier, vous dites : prenez vos valises, partez, assumez de ne plus être au groupe ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, bien sûr que non, ce n'est pas du tout le type de responsa... de discours que nous avons, parce que d'abord la situation est très diverse parmi eux, encore une fois je notais que la plupart d'entre eux ont voté la confiance à Manuel VALLS, ils ont envie...
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais certains n'ont voté ni la confiance, ni le pacte, hein, ils sont déjà très loin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, alors, c'est peut-être à eux de nous dire et de se dire et de dire publiquement ce qu'ils souhaitent. Je veux dire, quelle est la nature, quelle est, au plan éthique, d'abord et au plan politique, comment se positionnent-ils ceux-là ? Quel est leur but ?
BRUCE TOUSSAINT
J'ai la réponse à votre question, Pouria AMIRSHAHI, qui s'est abstenu hier, député socialiste des Français de l'étranger, il était sur I TELE il y a quelques minutes, écoutez ce qu'il dit.
POURIA AMIRSHAHI, DEPUTE PS DES FRANÇAIS DE L'ETRANGER
Entre nous, il était temps que cette Vème République soit un peu plus dynamisée quant à la vie de son Parlement. Sur un sujet aussi important, qui est la trajectoire européenne, qui, comme vous le savez, a souvent fait débat, y compris dans tous les camps, vous ayez, non pas une dissidence, comme je vous entends le dire, mais une dissonance, franchement, ce n'est pas plus mal, c'est sain pour le débat démocratique et après tout ce n'est pas interdit que d'exprimer des points de vue parfois divergents.
BRUCE TOUSSAINT
Votre réponse, Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien ce n'est pas du tout interdit, surtout quand on a été élu sur la base de l'expression de telle ou telle orientation politique. Or, nous avons été élus par exemple, François HOLLANDE a été très clair là-dessus depuis toute sa campagne électorale, sur la maitrise des déficits publics. Qu'un certain nombre de collègues veuillent s'abstraire et oublier cet engagement premier de François HOLLANDE, bon, voilà. Après, je pense qu'il y a un petit jeu politique, on sait qu'il y a des différences politiques qui ressemblent plus à des congrès du Parti socialiste qu'à une action au Parlement, et donc, voilà, mais je pense que tout ça...
BRUCE TOUSSAINT
Beaucoup d'amis de Martine AUBRY se sont abstenus...
JEAN-MARIE LE GUEN
Non... non...
BRUCE TOUSSAINT
Mais aussi des amis de Benoît HAMON. Alors là, c'est quand même surprenant, parce qu'il est quand même un des piliers du gouvernement et Benoît HAMON n'arrive pas à demander à ses amis de voter pour le pacte de...
JEAN-MARIE LE GUEN
Très sincèrement...
BRUCE TOUSSAINT
C'est très confus, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce que nous allons faire, ce que nous sommes en train de faire, c'est d'effacer une lecture qui a été légitime pendant longtemps à l'intérieur du Parti socialiste et des socialistes, c'est justement de faire une lecture à travers les problèmes internes du parti, en tant que tel. Je pense que ce qu'attendent les Français, et particulièrement les Français de gauche, c'est que nous soyons dans l'action, pour résoudre les problèmes concrets. Et donc la répercussion au Parlement ou dans la vie politique, des problèmes internes du Parti socialiste, c'est de moins en moins une lecture pertinente et de moins en moins intéressant, en tout cas certainement pas à la hauteur des problèmes. En plus que s'il fallait faire l'archéologie dont vous parlez, on verrait que les choses sont beaucoup plus compliquées.
CHRISTOPHE BARBIER
Le message hier, c'est aussi 50 milliards, mais stop, c'est-à-dire que vous ne pourrez plus faire d'efforts supplémentaires si nécessaire.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui ne devra plus faire d'efforts ?
CHRISTOPHE BARBIER
Eh bien le gouvernement, s'il faut remettre une couche l'an prochain, durcir encore dans la loi de finances, si la croissance n'est pas au rendez-vous...
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais d'abord, nous avons... Vous savez que les 50 milliards c'est un plan de financements qui est là sur trois ans...
CHRISTOPHE BARBIER
Oui.
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est-à-dire que c'est une projection.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il va y avoir le pacte de solidarité, le plan pauvreté, il faudra trouver des sous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, et de ce point de vue, ces éléments seront présentés, mais ce que nous voulons, c'est une... Nous avons une stratégie économique et une stratégie politique. La stratégie économique c'est le pacte de responsabilité et de solidarité, c'est-à-dire que nous voulons donner des marges aux entreprises. C'est un désaccord que nous avons avec, pas tous, mais un certain nombre des minoritaires qui sont là, qui finalement, à chaque fois que l'on dit entreprises, pensent patrons. Nous, nous pensons que les entreprises elles sont là, elles ont une vocation à créer de la richesse et de l'emploi, si elles investissent, si elles ne distribuent pas avec l'argent qui est, j'allais dire, mis dans l'économie des dividendes, et là-dessus Manuel VALLS a été très clair, mais nous... et nous allons vérifier que les choses se passent positivement, mais la divergence que nous avons, pas avec tous, d'ailleurs, mais un certain nombre d'entre eux. Certains, à chaque fois que l'on parle d'entreprise, pensent que c'est mauvais pour la gauche. Moi je crois que c'est bon pour les Français, je pense que nous avons besoin d'une économie avec des entrepreneurs, c'est la différence avec une petite minorité de nos amis, et je pense d'ailleurs qu'ils peuvent évoluer.
CHRISTOPHE BARBIER
On a vu des centristes, hier, voter pour ou s'abstenir. Il y a quelque chose de possible, de manière durable, entre ce PS là et les centristes, entre vous et les centristes ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Manuel VALLS a eu un discours de vérité et de responsabilité vis-à-vis du groupe socialiste, vis-à-vis de la gauche et il l'a eu aussi vis-à-vis de l'ensemble des groupes du Parlement, et je constate qu'il y a eu, effectivement, un certain nombre...
CHRISTOPHE BARBIER
Un retour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est-à-dire des parlementaires qui, tout en montrant leur différence, et d'ailleurs en ne votant pas, pour la plupart d'entre eux, le pacte de responsabilité, ont dit : « Attendez, nous prenons acte du fait que vous avez tenu un discours de vérité, de responsabilités, qu'il y a des efforts, et donc, eh bien nous vous mettons, nous vous prenons au mot ». Moi, j'estime que ça c'est une attitude qui est une attitude démocratique, républicaine et responsable. Notre pays est dans une très grande situation de gravité, et les postures qui peuvent exister, parfois à la gauche de la gauche, et les postures qui existent aussi souvent à l'UMP, eh bien, ne sont pas positives pour notre pays, nous avons besoin de nous rassembler.
BRUCE TOUSSAINT
Ça veut dire quoi « les postures », Jean-Marie LE GUEN ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est-à-dire que l'on prétend faire, par exemple, comme monsieur COPE, 180 milliards d'euros d'économies, quand soi-même on a été incapable de faire une véritable réforme.
BRUCE TOUSSAINT
Pour la gauche de la gauche...
JEAN-MARIE LE GUEN
Et pour la gauche de la gauche, c'est de dire qu'il n'y a pas besoin d'effort à faire et que naturellement les choses se retrouveront, aussi bien les comptes publics que l'emploi. C'est-à-dire continuer une même politique ou en l'accréditant, une certaine forme de laxisme français qui a été celui qu'on a connu depuis dix ans, sous la droite, malgré des politiques injustes, mais où on a laissé partir les comptes publics, où on a étouffé l'industrie française et qui fait qu'aujourd'hui les marges de manoeuvre de notre économie, de notre pays, sont très faibles.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN, une dernière question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Y-aurait-il eu 41 abstentions si ce texte avait été présenté par Jean-Marc AYRAULT, par Laurent FABIUS ou par un autre, honnêtement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je n'en sais strictement rien, je ne vais pas faire de ma politique fiction.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vous pouvez ne pas faire de langue de bois.
JEAN-MARIE LE GUEN
Si vous voulez mon sentiment, est-ce qu'il y en aurait eu plus ou est-ce qu'il y en aurait eu moins, j'ai pas compris...
BRUCE TOUSSAINT
Il y en aurait eu moins.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien je ne le crois pas.
BRUCE TOUSSAINT
Vous ne croyez pas que c'est lié à la personnalité de Manuel VALLS ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, absolument pas !
BRUCE TOUSSAINT
A sa perception dans la majorité ?
CHRISTOPHE BARBIER
Même chez les écolos ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien écoutez, d'ailleurs vous l'avez-vous même pris, même chez les écolos, et vous l'avez-vous-même entendu, à travers les témoignages de ceux qui se sont abstenus, beaucoup d'entre eux disent, c'est un peu le paradoxe, mais nous le faisons parce que nous voulons aider Manuel VALLS, et moi, quand j'ai eu des discussions avec eux, beaucoup sont sensibles à la volonté d'agir de Manuel VALLS, c'est pour ça que d'ailleurs je ne crois pas que les frontières soient figées, je pense qu'il y a un dialogue qui est tout à fait possible.
CHRISTOPHE BARBIER
Et le dialogue, c'est vous, certains ont dit que vous avez été trop cassant, trop dur dans cette période, vous allez arrondir vos méthodes ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, moi je suis quelqu'un qui respecte les parlementaires et qui parle politique, voilà. Donc je parle politique, ça peut parfois étonner, parce que très souvent la gauche a été, on a plutôt essayé d'évacuer les problèmes. Moi je n'essaie pas de les évacuer, je les pose, je respecte les gens qui ne sont pas d'accord avec moi, en parlant, et en disant ce que je crois.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question, Jean-Marie LE GUEN, GENERAL ELECTRIC, finalement choisi pour ALSTOM, enfin, voilà, les fiançailles, on va dire, le mariage ça sera pour un peu plus tard...
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, non, je crois que le mariage aura lieu, s'il devait avoir lieu, il y aura peut-être un mariage dans un mois, mais là, on en est vraiment qu'aux fiançailles.
BRUCE TOUSSAINT
Le grand rêve de l'AIRBUS de l'énergie, que nous a vendu Arnaud MONTEBOURG, avec l'allemand SIEMENS, tout ça, ça ne marche pas, donc c'est GENERAL ELECTRIC.
JEAN-MARIE LE GUEN
Franchement, là aussi, je pense que vous anticipez ou que vous avez peut-être une vision téléologique de l'avenir industriel du pays, mais les choses ne se feront pas comme ça. Il y a un débat, il y aura des propositions SIEMENS, il y aura un débat français, il y aura un débat au sein, évidemment, de l'entreprise, je crois que chacun a compris que la tentation et la tentative de passer en force était considérée comme pas acceptable, dans une économie raisonnable, dans une économie où il y a un minimum de places aussi pour la démocratie sociale, et où les intérêts patriotiques doivent l'emporter, y compris lorsqu'on est dirigeant de grandes entreprises nationales. On n'appartient pas à une aristocratie mondiale qui ne rend pas de compte aux citoyens de sa patrie.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jean-Marie LE GUEN, merci d'avoir été avec nous ce matin, sur I TELE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2014
Bonjour Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
BRUCE TOUSSAINT
Secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement. C'est un métier, c'est un job qui finalement est assez méconnu, hein, ce n'est pas le job le plus exposé du gouvernement, on n'est pas toujours sous les feux de l'actualité, mais, hier, vous étiez au coeur de l'action, on a même raconté qu'on vous a vu courir dans les couloirs de l'Assemblée, pour essayer de rattraper les députés socialistes récalcitrants. C'est vrai, ça ? Ça s'est passé comme ça ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien mon travail consiste de discuter avec les parlementaires, oui, évidemment, c'est tout à fait légitime, je pense que c'est vraiment le travail que Manuel VALLS a voulu mettre en place depuis qu'il est en situation, c'est-à-dire un lien beaucoup plus fort entre les parlementaires et le gouvernement.
BRUCE TOUSSAINT
Eh bien là, vous n'êtes pas déçu.
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, non, je ne suis pas déçu, je suis même content de voir que nous avons eu à la fois, le texte a été adopté par une majorité, par une majorité de gauche, ce n'était pas fait il y a quelques jours ou quelques semaines. C'est un acte très important, c'est un acte fondateur pour l'action de ce gouvernement, pour les trois ans qui viennent. C'est une feuille de route qui a été donnée, qui est courageuse, qui est faite sur un diagnostic de vérité, qui assume un certain nombre de choix, fortement, c'est la marque de l'action du Premier ministre, c'est un engagement fort.
BRUCE TOUSSAINT
Alors, ça c'est la vérité arithmétique, j'allais dire, effectivement, le texte a été adopté, mais 41 abstention, 41 députés frondeurs, comme on les a appelés, c'est beaucoup.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien écoutez, vous pouviez commenter, il y a quelques semaines, qu'ils étaient une centaine, puis ils nous ont expliqué qu'ils étaient 80, ils étaient sans doute 50 à 60 il y a encore quelques jours. Il y en a aujourd'hui 41, je pense qu'il y en a un certain nombre d'entre eux qui d'ailleurs me l'ont dit, que leur but ce n'était pas de mettre en situation, mais il y a manifestation, un peu d'humeur, après ce qui s'est passé aux élections municipales, après le fait que justement le dialogue entre les parlementaires et l'exécutif ne s'est pas suffisamment installé ces derniers mois, donc voilà, il y a un certain nombre d'entre eux, je pense notamment à ceux qui n'ont pas voté la confiance à Manuel VALLS il y a 15 jours, qui sont sur une stratégie politique, que je ne perçois pas bien d'ailleurs, mais qui est évidemment... c'est souvent ceux, d'ailleurs, qui sont présents sur vos écrans...
CHRISTOPHE BARBIER
Est-ce que, à ceux-là...
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais je voudrais d'abord remercier les 242, qui eux assument, assument les difficultés...
BRUCE TOUSSAINT
Ils l'ont voté.
JEAN-MARIE LE GUEN
... parce que c'est souvent facile de dire « moi, je bénéficie du parapluie de la gauche, du Parti socialiste, mais vous savez, quand il y a quelque chose de difficile à faire, finalement j'en suis pas ».
CHRISTOPHE BARBIER
Alors, est-ce que, à ceux qui sont irréductibles, ceux qui n'ont pas voté la confiance, qui n'ont pas voté hier, vous dites : prenez vos valises, partez, assumez de ne plus être au groupe ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, bien sûr que non, ce n'est pas du tout le type de responsa... de discours que nous avons, parce que d'abord la situation est très diverse parmi eux, encore une fois je notais que la plupart d'entre eux ont voté la confiance à Manuel VALLS, ils ont envie...
CHRISTOPHE BARBIER
Oui, mais certains n'ont voté ni la confiance, ni le pacte, hein, ils sont déjà très loin.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, alors, c'est peut-être à eux de nous dire et de se dire et de dire publiquement ce qu'ils souhaitent. Je veux dire, quelle est la nature, quelle est, au plan éthique, d'abord et au plan politique, comment se positionnent-ils ceux-là ? Quel est leur but ?
BRUCE TOUSSAINT
J'ai la réponse à votre question, Pouria AMIRSHAHI, qui s'est abstenu hier, député socialiste des Français de l'étranger, il était sur I TELE il y a quelques minutes, écoutez ce qu'il dit.
POURIA AMIRSHAHI, DEPUTE PS DES FRANÇAIS DE L'ETRANGER
Entre nous, il était temps que cette Vème République soit un peu plus dynamisée quant à la vie de son Parlement. Sur un sujet aussi important, qui est la trajectoire européenne, qui, comme vous le savez, a souvent fait débat, y compris dans tous les camps, vous ayez, non pas une dissidence, comme je vous entends le dire, mais une dissonance, franchement, ce n'est pas plus mal, c'est sain pour le débat démocratique et après tout ce n'est pas interdit que d'exprimer des points de vue parfois divergents.
BRUCE TOUSSAINT
Votre réponse, Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien ce n'est pas du tout interdit, surtout quand on a été élu sur la base de l'expression de telle ou telle orientation politique. Or, nous avons été élus par exemple, François HOLLANDE a été très clair là-dessus depuis toute sa campagne électorale, sur la maitrise des déficits publics. Qu'un certain nombre de collègues veuillent s'abstraire et oublier cet engagement premier de François HOLLANDE, bon, voilà. Après, je pense qu'il y a un petit jeu politique, on sait qu'il y a des différences politiques qui ressemblent plus à des congrès du Parti socialiste qu'à une action au Parlement, et donc, voilà, mais je pense que tout ça...
BRUCE TOUSSAINT
Beaucoup d'amis de Martine AUBRY se sont abstenus...
JEAN-MARIE LE GUEN
Non... non...
BRUCE TOUSSAINT
Mais aussi des amis de Benoît HAMON. Alors là, c'est quand même surprenant, parce qu'il est quand même un des piliers du gouvernement et Benoît HAMON n'arrive pas à demander à ses amis de voter pour le pacte de...
JEAN-MARIE LE GUEN
Très sincèrement...
BRUCE TOUSSAINT
C'est très confus, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ce que nous allons faire, ce que nous sommes en train de faire, c'est d'effacer une lecture qui a été légitime pendant longtemps à l'intérieur du Parti socialiste et des socialistes, c'est justement de faire une lecture à travers les problèmes internes du parti, en tant que tel. Je pense que ce qu'attendent les Français, et particulièrement les Français de gauche, c'est que nous soyons dans l'action, pour résoudre les problèmes concrets. Et donc la répercussion au Parlement ou dans la vie politique, des problèmes internes du Parti socialiste, c'est de moins en moins une lecture pertinente et de moins en moins intéressant, en tout cas certainement pas à la hauteur des problèmes. En plus que s'il fallait faire l'archéologie dont vous parlez, on verrait que les choses sont beaucoup plus compliquées.
CHRISTOPHE BARBIER
Le message hier, c'est aussi 50 milliards, mais stop, c'est-à-dire que vous ne pourrez plus faire d'efforts supplémentaires si nécessaire.
JEAN-MARIE LE GUEN
Qui ne devra plus faire d'efforts ?
CHRISTOPHE BARBIER
Eh bien le gouvernement, s'il faut remettre une couche l'an prochain, durcir encore dans la loi de finances, si la croissance n'est pas au rendez-vous...
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais d'abord, nous avons... Vous savez que les 50 milliards c'est un plan de financements qui est là sur trois ans...
CHRISTOPHE BARBIER
Oui.
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est-à-dire que c'est une projection.
CHRISTOPHE BARBIER
Mais il va y avoir le pacte de solidarité, le plan pauvreté, il faudra trouver des sous.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais bien sûr, et de ce point de vue, ces éléments seront présentés, mais ce que nous voulons, c'est une... Nous avons une stratégie économique et une stratégie politique. La stratégie économique c'est le pacte de responsabilité et de solidarité, c'est-à-dire que nous voulons donner des marges aux entreprises. C'est un désaccord que nous avons avec, pas tous, mais un certain nombre des minoritaires qui sont là, qui finalement, à chaque fois que l'on dit entreprises, pensent patrons. Nous, nous pensons que les entreprises elles sont là, elles ont une vocation à créer de la richesse et de l'emploi, si elles investissent, si elles ne distribuent pas avec l'argent qui est, j'allais dire, mis dans l'économie des dividendes, et là-dessus Manuel VALLS a été très clair, mais nous... et nous allons vérifier que les choses se passent positivement, mais la divergence que nous avons, pas avec tous, d'ailleurs, mais un certain nombre d'entre eux. Certains, à chaque fois que l'on parle d'entreprise, pensent que c'est mauvais pour la gauche. Moi je crois que c'est bon pour les Français, je pense que nous avons besoin d'une économie avec des entrepreneurs, c'est la différence avec une petite minorité de nos amis, et je pense d'ailleurs qu'ils peuvent évoluer.
CHRISTOPHE BARBIER
On a vu des centristes, hier, voter pour ou s'abstenir. Il y a quelque chose de possible, de manière durable, entre ce PS là et les centristes, entre vous et les centristes ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Manuel VALLS a eu un discours de vérité et de responsabilité vis-à-vis du groupe socialiste, vis-à-vis de la gauche et il l'a eu aussi vis-à-vis de l'ensemble des groupes du Parlement, et je constate qu'il y a eu, effectivement, un certain nombre...
CHRISTOPHE BARBIER
Un retour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, c'est-à-dire des parlementaires qui, tout en montrant leur différence, et d'ailleurs en ne votant pas, pour la plupart d'entre eux, le pacte de responsabilité, ont dit : « Attendez, nous prenons acte du fait que vous avez tenu un discours de vérité, de responsabilités, qu'il y a des efforts, et donc, eh bien nous vous mettons, nous vous prenons au mot ». Moi, j'estime que ça c'est une attitude qui est une attitude démocratique, républicaine et responsable. Notre pays est dans une très grande situation de gravité, et les postures qui peuvent exister, parfois à la gauche de la gauche, et les postures qui existent aussi souvent à l'UMP, eh bien, ne sont pas positives pour notre pays, nous avons besoin de nous rassembler.
BRUCE TOUSSAINT
Ça veut dire quoi « les postures », Jean-Marie LE GUEN ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est-à-dire que l'on prétend faire, par exemple, comme monsieur COPE, 180 milliards d'euros d'économies, quand soi-même on a été incapable de faire une véritable réforme.
BRUCE TOUSSAINT
Pour la gauche de la gauche...
JEAN-MARIE LE GUEN
Et pour la gauche de la gauche, c'est de dire qu'il n'y a pas besoin d'effort à faire et que naturellement les choses se retrouveront, aussi bien les comptes publics que l'emploi. C'est-à-dire continuer une même politique ou en l'accréditant, une certaine forme de laxisme français qui a été celui qu'on a connu depuis dix ans, sous la droite, malgré des politiques injustes, mais où on a laissé partir les comptes publics, où on a étouffé l'industrie française et qui fait qu'aujourd'hui les marges de manoeuvre de notre économie, de notre pays, sont très faibles.
BRUCE TOUSSAINT
Jean-Marie LE GUEN, une dernière question.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui.
BRUCE TOUSSAINT
Y-aurait-il eu 41 abstentions si ce texte avait été présenté par Jean-Marc AYRAULT, par Laurent FABIUS ou par un autre, honnêtement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, je n'en sais strictement rien, je ne vais pas faire de ma politique fiction.
BRUCE TOUSSAINT
Non, mais vous pouvez ne pas faire de langue de bois.
JEAN-MARIE LE GUEN
Si vous voulez mon sentiment, est-ce qu'il y en aurait eu plus ou est-ce qu'il y en aurait eu moins, j'ai pas compris...
BRUCE TOUSSAINT
Il y en aurait eu moins.
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien je ne le crois pas.
BRUCE TOUSSAINT
Vous ne croyez pas que c'est lié à la personnalité de Manuel VALLS ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, absolument pas !
BRUCE TOUSSAINT
A sa perception dans la majorité ?
CHRISTOPHE BARBIER
Même chez les écolos ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Eh bien écoutez, d'ailleurs vous l'avez-vous même pris, même chez les écolos, et vous l'avez-vous-même entendu, à travers les témoignages de ceux qui se sont abstenus, beaucoup d'entre eux disent, c'est un peu le paradoxe, mais nous le faisons parce que nous voulons aider Manuel VALLS, et moi, quand j'ai eu des discussions avec eux, beaucoup sont sensibles à la volonté d'agir de Manuel VALLS, c'est pour ça que d'ailleurs je ne crois pas que les frontières soient figées, je pense qu'il y a un dialogue qui est tout à fait possible.
CHRISTOPHE BARBIER
Et le dialogue, c'est vous, certains ont dit que vous avez été trop cassant, trop dur dans cette période, vous allez arrondir vos méthodes ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, moi je suis quelqu'un qui respecte les parlementaires et qui parle politique, voilà. Donc je parle politique, ça peut parfois étonner, parce que très souvent la gauche a été, on a plutôt essayé d'évacuer les problèmes. Moi je n'essaie pas de les évacuer, je les pose, je respecte les gens qui ne sont pas d'accord avec moi, en parlant, et en disant ce que je crois.
BRUCE TOUSSAINT
Dernière question, Jean-Marie LE GUEN, GENERAL ELECTRIC, finalement choisi pour ALSTOM, enfin, voilà, les fiançailles, on va dire, le mariage ça sera pour un peu plus tard...
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, non, je crois que le mariage aura lieu, s'il devait avoir lieu, il y aura peut-être un mariage dans un mois, mais là, on en est vraiment qu'aux fiançailles.
BRUCE TOUSSAINT
Le grand rêve de l'AIRBUS de l'énergie, que nous a vendu Arnaud MONTEBOURG, avec l'allemand SIEMENS, tout ça, ça ne marche pas, donc c'est GENERAL ELECTRIC.
JEAN-MARIE LE GUEN
Franchement, là aussi, je pense que vous anticipez ou que vous avez peut-être une vision téléologique de l'avenir industriel du pays, mais les choses ne se feront pas comme ça. Il y a un débat, il y aura des propositions SIEMENS, il y aura un débat français, il y aura un débat au sein, évidemment, de l'entreprise, je crois que chacun a compris que la tentation et la tentative de passer en force était considérée comme pas acceptable, dans une économie raisonnable, dans une économie où il y a un minimum de places aussi pour la démocratie sociale, et où les intérêts patriotiques doivent l'emporter, y compris lorsqu'on est dirigeant de grandes entreprises nationales. On n'appartient pas à une aristocratie mondiale qui ne rend pas de compte aux citoyens de sa patrie.
BRUCE TOUSSAINT
Merci Jean-Marie LE GUEN, merci d'avoir été avec nous ce matin, sur I TELE.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 15 mai 2014