Texte intégral
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le ministre des Finances, Michel SAPIN, est avec nous, bonjour Michel SAPIN.
MICHEL SAPIN
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous ce matin. Beaucoup de sujets. Je vais commencer très vite avec le Livret A, qui est à 1,25 % aujourd'hui, est-ce qu'il va baisser, est-ce que le taux va baisser ?
MICHEL SAPIN
Nous aurons à décider cela dans les semaines qui viennent, au mois de juillet. Il est revu deux fois par an, on arrive au moment où la Banque de France doit donner un avis et où le gouvernement donnera
JEAN-JACQUES BOURDIN
La Banque de France a donné son avis hier soir.
MICHEL SAPIN
Pas encore, elle l'a fait ici-même, d'ailleurs, je crois
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ici-même.
MICHEL SAPIN
En donnant une appréciation, ce n'est pas encore l'avis au sens formel du terme, et ensuite c'est le gouvernement qui décidera. Mais je veux dire deux choses. Premièrement, l'inflation est très faible en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 0,7.
MICHEL SAPIN
Du point de vue des consommateurs c'est plutôt une bonne nouvelle, parce que ça veut dire que les prix n'augmentent pas, je ne suis pas sûr que ce soit une belle nouvelle globalement pour l'économie, mais du point de vue des consommateurs c'est plutôt une bonne nouvelle, donc on ne peut pas faire comme si ça n'existait. Mais, deuxième chose, je tiens à conserver le pouvoir d'achat de l'épargne des plus modestes des Français, et le Livret A c'est l'épargne des plus modestes des Français. Donc je protégerai
JEAN-JACQUES BOURDIN
On va passer à 1 % ?
MICHEL SAPIN
Non, je ne donne aucune information sur ce point parce que nous ne sommes pas encore entrés dans la procédure elle-même, et je ne peux pas le faire, j'agirai contre la loi, et je ne veux pas faire de vous un complice de quelque chose qui serait contraire à la loi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne vous demande pas le taux, mais est-ce que ça va bouger ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien, je n'en sais rien, je souhaite protéger le pouvoir d'achat de l'épargne des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous souhaitez protéger, ça pourrait donc ne pas bouger. Plafond, 22.950 euros, on est bien d'accord ?
MICHEL SAPIN
Ça a augmenté déjà par le passé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça a augmenté, promesse de François HOLLANDE 30.600 euros, elle n'est pas tenue jusqu'à maintenant.
MICHEL SAPIN
Il avait dit en plusieurs étapes, nous sommes aujourd'hui à la deuxième étape, ça a été augmenté. Pour l'instant, si l'augmentation était voulue par François HOLLANDE, ce n'était pas tant pour donner aux Français la possibilité, alors là c'est les plus aisés, des plus modestes, ceux qui sont déjà au plafond, il y en a très peu qui sont au plafond, le problème de beaucoup de Français ça serait d'arriver à mettre un peu d'argent sur leur Livret A, et ils sont loin du plafond, très très loin du plafond, donc ce sont souvent plutôt des gens plus aisés qui sont au plafond. Mais, si c'est nécessaire, pour le financement du logement, nous le ferons, parce que le Livret A c'est, de l'autre côté
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous augmenterez le plafond quand ?
MICHEL SAPIN
Si c'est nécessaire, pour le financement du logement, nous le ferons. Aujourd'hui nous n'avons, malheureusement, d'un certain point de vue, pas de problème de financement de logement, il y a un problème de construction de logements.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais vous en parler
MICHEL SAPIN
Là il y a un problème lourd, de construction de logements. On peut parfaitement en parler, parce que c'est certainement, de mon point de vue, le problème numéro 1 de l'économie française, et si la croissance est faible en France, trop faible en France, en particulier au premier trimestre de cette année, mais je pense que ça va s'accélérer dans les autres trimestres, c'est parce que les programmes de logements sont trop peu nombreux, les constructions sont trop peu nombreuses.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors justement, parlons-en tout de suite. Pourquoi est-ce qu'on ne construit pas en France ? Pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Il y a beaucoup d'éléments. Trop de complexités, trop
JEAN-JACQUES BOURDIN
La dernière loi est trop complexe ?
MICHEL SAPIN
Non, elle n'est pas encore applicable la loi, donc on ne peut pas dire que c'est la loi dites Alur
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais elle vous plait, franchement, elle vous plait cette loi ?
MICHEL SAPIN
On peut pas dire que c'est la loi dite Alur qui est le responsable de la situation d'aujourd'hui.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce qu'elle vous plait cette loi, franchement ?
MICHEL SAPIN
Oui, je pense qu'elle part de bons principes. Ce que je veux, maintenant nous sommes dans son application, c'est que ça se fasse de manière simple. Il y a aussi un grand problème en France, c'est la question dite du foncier. Il y a des gens qui sont prêts à construire, il y a des gens qui sont prêts à acheter une maison, ou un appartement, mais il y a une grande difficulté en termes de disponibilité de foncier, et donc il faut et ça va trop lentement. Vous savez que l'Etat a décidé de mettre à disposition de constructeurs, en particulier dans le domaine social, des terrains, parfois des terrains de centres villes, qui sont immobilisés, parce que c'est des friches, de la Défense, ou des friches de telle ou telle administration. J'ai signé, là, il y a quelques jours, parce que le Domaine c'est sous mon autorité, sous l'autorité de Christian ECKERT, j'ai signé les premières mises à disposition, pour 1 euro, d'un certain nombre de terrains pour construire des logements. Ça va trop lentement, il faut que ça s'accélère.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais trop de normes
MICHEL SAPIN
Oui, trop de normes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trop de contraintes administratives.
MICHEL SAPIN
Trop de complexités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Trop de complexités.
MICHEL SAPIN
Il faut simplifier tout cela. Dans ce domaine, comme dans bien d'autres, c'est par de la simplification
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais il faut encourager l'accession à la propriété, est-ce que vous allez le faire ?
MICHEL SAPIN
Encourager, oui, mettre plus d'argent, je ne suis pas sûr que ce soit la bonne solution. Est-ce que vous savez
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment allez-vous faire ? Vous allez encourager l'accession à la propriété ?
MICHEL SAPIN
Est-ce que vous savez
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais je vous pose la question, oui ou pas ?
MICHEL SAPIN
Non, parce que ça fait partie
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un texte est en préparation.
MICHEL SAPIN
Bien sûr, ça fait partie, il faut l'accession à la propriété, ou, comme on dit, il faut qu'il y ait tout le processus. Quand vous commencez dans la vie, vous ne pouvez pas acheter, vous devez pouvoir louer dans de bonnes conditions, donc là il y a des dispositions qui sont des dispositions de logement social, et puis ensuite, quand vous réussissez un peu, quand vous vous installez dans la vie, ça dépend où, parce qu'à Paris c'est quand même plus difficile que quand vous êtes à Argenton-sur-Creuse, vous, vous avez qu'une idée, c'est normal, c'est d'acheter, d'être propriétaire. Donc là aussi il faut encourager tout le processus lui-même, et ça il faut que ça se débloque. Si ça se débloque, la croissance française va trouver, là, un ressort.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le problème numéro 1.
MICHEL SAPIN
Pour moi c'est le problème numéro 1 aujourd'hui, et le gouvernement, dans les trois semaines qui viennent, d'ici à la fin du mois de juin, fera des propositions de simplification et d'efficacité dans ce domaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous en avez une ?
MICHEL SAPIN
Non, les réserve au débat gouvernemental.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous ne me réservez rien du tout si j'ai bien compris. On va voir ce que vous me réservez à propos de la SNCF et de cette grève. D'abord, est-ce que vous appelez les cheminots à cesser la grève ?
MICHEL SAPIN
Non, je n'ai pas à le faire, ce sont de grandes organisations syndicales, les unes ont appelé à la grève, d'autres
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous comprenez cette grève ?
MICHEL SAPIN
Je comprends l'inquiétude, mais ce qui me gêne c'est que justement la réforme qui est aujourd'hui discutée, au Parlement, elle est là pour, en quelque sorte, répondre à ces inquiétudes. Et donc, une réforme qui tient compte des inquiétudes et qui en provoquent, je suis toujours un peu gêné, un peu embêté, si je puis dire, parce que, au fond, quel est l'objectif du gouvernement, avec cette loi, c'est premièrement de sauvegarder une grande entreprise nationale publique du transport ferroviaire, pour éviter
JEAN-JACQUES BOURDIN
En regroupant la SNCF et RESEAU FERRE DE FRANCE, mais en trois entités
MICHEL SAPIN
Mais oui, parce qu'ils étaient séparés.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais en trois entités, publiques, en trois EPIC, établissements publics.
MICHEL SAPIN
Parce qu'on ne peut pas faire autrement. Mais, ils étaient séparés
JEAN-JACQUES BOURDIN
On ne peut pas faire autrement, pourquoi ?
MICHEL SAPIN
Ils étaient séparés
JEAN-JACQUES BOURDIN
Parce qu'il faut garantir une concurrence aux yeux de l'Europe ?
MICHEL SAPIN
Non, parce qu'il y a des règles qui existent au niveau européen.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Eh bien oui !
MICHEL SAPIN
Ils étaient séparés, nous les réunissons. Pourquoi ? Ce n'est pas pour le plaisir de les réunir, mais ça permet de faire aussi des économies de moyens, ça permet de faire des économies de gestion
JEAN-JACQUES BOURDIN
44 milliards d'euros de dette.
MICHEL SAPIN
Et parce que, il y a par ailleurs en millions, oui, il y a des
JEAN-JACQUES BOURDIN
44 milliards d'euros de dette.
MICHEL SAPIN
Oui, donc il y a une dette qui est considérable, et que, pour la SNCF, comme pour l'Etat, on ne peut pas continuer comme ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc l'Etat ne paiera pas ?
MICHEL SAPIN
Si, nous nous contribuons, par exemple nous allons contribuer, parce que l'Etat reçoit des dividendes, nous remettons tous ces dividendes dans la SNCF, pour aider la SNCF à se moderniser
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, vous remettez tous les dividendes, d'accord, mais enfin les dividendes ce n'est pas ça qui va faire réduire la dette, franchement !
MICHEL SAPIN
Ça évite en tous les cas de l'augmenter.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ça évite de l'augmenter.
MICHEL SAPIN
Et dans un premier temps, ma première préoccupation, pour la SNCF, comme pour la France, c'est de stabiliser la dette, et c'est comme ça qu'on la fera diminuer.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat ne fera pas d'effort supplémentaire ? Est-ce que l'Etat fera un effort supplémentaire financier ?
MICHEL SAPIN
Nous verrons. Déjà l'effort est considérable
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, mais oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Et la SNCF, aujourd'hui, se regroupe
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais les syndicats vous le demandent, oui ou non ?
MICHEL SAPIN
Bien sûr, mais la SNCF aussi me le demande, j'en discute avec elle, monsieur CUVILLIER est dans le débat parlementaire, dans le débat parlementaire il y a toujours des choses qui doivent évoluer. Un débat parlementaire c'est un débat entre le gouvernement, le Parlement d'une manière générale, sa majorité, les choses évolueront. Mais que les choses soient claires, l'objectif du gouvernement c'est de sauvegarder une grande entité nationale pour qu'elle puisse être capable de faire face à la concurrence. Elle peut être meilleure que les autres, elle doit être meilleure que les autres, y compris par le service public qui les anime ces cheminots, là, qui sont inquiets. Et moi je respecte ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ils sont inquiets aussi pour leur statut.
MICHEL SAPIN
Oui, mais
JEAN-JACQUES BOURDIN
Est-ce que le statut cheminot sera maintenu dans le texte qui sera voté ?
MICHEL SAPIN
Oui, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui ?
MICHEL SAPIN
Bien sûr, évidemment.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que ceux qui intégreront la SNCF, auront le statut, le même statut qu'aujourd'hui ?
MICHEL SAPIN
Le problème qui est posé aujourd'hui c'est qu'il n'y a pas les mêmes règles pour la SNCF et pour d'autres grandes organisations qui sont aujourd'hui dans la concurrence. Qu'est-ce que nous faisons, qu'est-ce que le ministre CUVILLIER est en train de faire ? Faire en sorte qu'il y ait les mêmes règles pour tout le monde, y compris pour des entreprises privées, parce que si dans le privé on peut payer n'importe comment, alors que dans la SNCF il y a des statuts qui sont légitimes et qui font que les cheminots travaillent dans certaines conditions, à ce moment-là vous avez une concurrence déloyale. Eh bien nous allons lutter contre cette concurrence déloyale. Je pense qu'il y a de quoi rassurer les cheminots et rassurer aussi les usagers des trains, qui tiennent à cette SNCF, qui tiennent au service public, qui tiennent à cet esprit de service public.
JEAN-JACQUES BOURDIN
La croissance, vous maintenez 1 % en 2014 ?
MICHEL SAPIN
Oui, on est dans des prévisions. Vous savez ce que disait quelqu'un
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui
MICHEL SAPIN
Les prévisions c'est un art très difficile, surtout quand il s'agit de l'avenir. Bon, eh bien ! Donc, aujourd'hui nous sommes à une prévision de 1 %, elle peut être discutée comme toutes prévisions, elle est considérée comme pouvant être atteinte par les uns et par les autres, y compris par le Haut conseil des finances publiques qui donne un avis
JEAN-JACQUES BOURDIN
Qui fait une projection, qui dit 0,3 % en 2014 et non pas 1 %.
MICHEL SAPIN
Non, non, pas le Haut conseil.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah si.
MICHEL SAPIN
Non, vous confondez. Pardon, je ne vais pas entrer dans les détails
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le Conseil des finances publiques.
MICHEL SAPIN
Oui, non, vous confondez ce qu'on appelle l'acquis de croissance et la prévision de croissance, mais je ne veux pas rentrer dans les détails, ce n'est pas
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le gouvernement ne tiendra pas ses engagements, c'est ce que dit ce Conseil.
MICHEL SAPIN
Non, non, reprenez le terme du Conseil, le terme dit « ce 1 % peut être atteint », mais à condition que, deux choses. A condition, premièrement, que les décisions prises, très très importantes, par la Banque Centrale Européenne, reviennent vers les entreprises, pour qu'elles puissent être financées, effectivement, dans leurs projets d'investissement, à pas cher, et deuxièmement, et c'est ce dont nous avons parlé hier au Conseil des ministres, dont nous allons parler dans les semaines qui viennent, que nous mettions enfin en oeuvre le Pacte de responsabilité et de solidarité, parce que ça
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vais en parler.
MICHEL SAPIN
Les entreprises et les ménages l'attendent, maintenant on passe à l'acte.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Michel SAPIN, vous passez à l'acte. Il n'empêche que vous avez fait 0 % - nous avons fait en France 0 % de croissance au premier trimestre. Il reste trois trimestres, nous allons voir. Vous avez déjà les chiffres pour le deuxième trimestre ?
MICHEL SAPIN
Non. Les chiffres vont là aussi tomber dans quelques semaines. Ce n'est pas le gouvernement qui fixe les chiffres heureusement. Ce sont des organismes indépendants qui fixent des chiffres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je le sais. Il n'empêche que vous fixez, vous, des objectifs.
MICHEL SAPIN
La Banque de France aujourd'hui dit qu'il y aura une croissance légère au deuxième trimestre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Légère ? C'est 0,1-0,2.
MICHEL SAPIN
Ils sont sur une prévision. Une prévision, on est toujours sûr de se tromper en plus ou en moins. Ils sont sur une prévision de 0,2 % au deuxième trimestre. Nous verrons ce qui se passe au premier trimestre parce que tout cela est révisé, mais ce n'est pas cela l'important. La prévision c'est très important, mais c'est l'action qui est importante. C'est ce qu'on fait, ce qu'il y a de nouveau, ce qu'une entreprise peut décider, ce à quoi elle s'attend pour l'année prochaine.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'objectif de la loi rectificative est de baisser la pression fiscale et en même temps encourager les entreprises à investir et à créer de l'emploi. On est bien d'accord ?
MICHEL SAPIN
Oui, oui. En maîtrisant et même en diminuant les dépenses publiques.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je vois et j'entends peut-être trop je ne sais pas, vous allez me dire votre sentiment quelques députés socialistes qui contestent. C'est, dit-on, l'appel des Cent. Ils contestent votre politique, disent qu'il faut plus encourager la croissance, arrêter avec le gel des aides sociales. Vous leur dites quoi à ces députés-là ?
MICHEL SAPIN
Il y a des députés ; j'entends parfois dire « les députés ». Il y a des députés socialistes qui contestent sur tel ou tel point la politique.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Combien sont-ils ?
MICHEL SAPIN
Je n'en sais rien. On verra le chiffre mais ça se compte sur les doigts de deux mains. Ils contestent aujourd'hui frontalement, globalement la politique que nous menons. Ecoutez, si au Parti socialiste il n'y avait pas de contestataires, il n'y aurait plus de Parti socialiste. Ça fait partie, si je puis dire, de nos gènes. C'est peut-être un peu dommage, surtout quand on est au pouvoir, parce que les Français nous regardent et les Français se posent une question. Un chef d'entreprise que je rencontrais la semaine dernière vient de toucher le CICE. Ce n'était pas une grosse somme, il a touché 27 000 euros. Je parle d'un vrai chef d'entreprise que je suis allé voir. Avec ces 27 000 euros, il va pouvoir acheter une nouvelle machine et il va pouvoir embaucher et payer les premiers mois de quatre salariés nouveaux. C'est vraiment très important. Quelle est la première question qu'il me pose ? Il me dit : « C'est bien le CICE, mais est-ce que ça va continuer ? Parce que j'entends des députés dire qu'il faudrait peut-être remettre en cause le CICE ». Ça, ce n'est pas possible ! Comment voulez-vous que l'on puisse redresser l'économie de la France si on donne le sentiment du zigzag perpétuel ? Si on donne le sentiment qu'on ne pourrait pas faire ce qu'on a annoncé ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous avez donné le sentiment du zigzag depuis le début !
MICHEL SAPIN
Non. Justement c'est la cohérence, c'est la constance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous avez privilégié le pouvoir d'achat au début du quinquennat et maintenant, vous avez changé de politique. Pardon, Michel SAPIN !
MICHEL SAPIN
Non, nous n'avons pas changé de politique. Nous sommes dans la même cohérence. Je vais vous dire sur quoi il y a un changement. Nous n'avons changé dans l'analyse profonde de la situation de l'économie française. Ce sont les entreprises françaises qui, aujourd'hui, ne sont pas suffisamment compétitives. C'est elles qui ont le plus perdu, non pas au cours de ces derniers mais au cours de ces dix ou douze dernières années leurs capacités de se battre sur les marchés. Il faut donc leur redonner cette capacité et redonner cette capacité, c'est de l'investissement et c'est de l'emploi. Mais ce diagnostic a été fait quand ? A la fin de l'année 2012, c'est ça qui a permis de mettre en place ce qu'on appelle le CICE, un allègement des charges des entreprises. Nous amplifions, nous continuons, nous en remettons parce que les entreprises en ont absolument besoin. Nous l'accompagnons avec des baisses d'impôts et de cotisations pour les plus modestes des Français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire que ce sont les classes moyennes qui vont payer.
MICHEL SAPIN
Mais elles ne vont pas payer ! Ce n'est pas parce que vous allégez pour les uns que ça veut dire que vous faites payer les autres.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez augmenter les impôts des autres, justement des classes moyennes. Je ne parle même pas de ceux qui gagnent trois fois le smic ! Pas trois fois, 1,3 le smic.
MICHEL SAPIN
Je viens de vous dire, premièrement, que nous sommes dans la cohérence et dans la continuité s'agissant de l'analyse de la situation économique de la France et de la nécessité de diminuer les déficits. Il y a un point où vous voyez une modification. C'est qu'il n'y aura pas une seule augmentation d'impôts de décidée pour le budget de 2015 et au-delà, ce qu'avaient fait tous les gouvernements successifs de droite ou de gauche. A partir de 2015, il n'y a plus aucune augmentation d'impôts qui sera décidée. Les Français veulent le voir parce que quand ils m'entendent, ils disent : « Oui, bon, vous nous l'avez dit ! »
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, ils le veulent le voir d'autant plus qu'ils viennent de remplir leur déclaration de revenus.
MICHEL SAPIN
Non seulement il n'y a pas d'augmentation d'impôts mais il y a même des diminutions d'impôts et de cotisations.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour les plus modestes.
MICHEL SAPIN
L'année prochaine, 1,3 smic.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour un couple.
MICHEL SAPIN
Non. Vous multipliez, 2,6 si c'est pour un couple. Pour 1,3 smic - mais ça peut être des retraités jusqu'à un revenu équivalent à 1,3 smic il y aura une baisse des cotisations. L'équivalent au niveau du smic sera une baisse de l'ordre de 500 euros. C'est un gain de 500 euros. Ce sera en bas de la feuille de paie. En bas de la feuille de paie, il y aura un gain.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A partir de quand ?
MICHEL SAPIN
A partir du 1er janvier de l'année 2015. Comme nous voulons que les gens soient sûrs, parce qu'ils disent : « Oh là là ! on ne sait pas », ça va être voté dès maintenant. Dès le mois de juillet, nous allons voter les baisses de cotisations en faveur des entreprises, les baisses de cotisations en faveur des ménages. Dès le mois de juillet et ce sera applicable au 1er janvier prochain. La baisse d'impôts sur le revenu est, elle, applicable dès maintenant, dès le mois de septembre, dès le mois d'octobre, et visible immédiatement sur la feuille. Voilà ! ça, ça a changé. Oui, sur ce point-là ça a changé.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça a changé ? Ce n'est pas ce que dit Laurence BOONE. Vous la connaissez maintenant, la nouvelle conseillère économique de François HOLLANDE.
MICHEL SAPIN
Je suis comme vous, je découvre des visages et des personnalités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le 26 mai, elle écrivait : « Arrêtons le massacre ! Les choix de politique économique du gouvernement sont pratiquement inexistants. La France dans trois ans ? Plus de trois millions de chômeurs, 4 % de déficit, dette 100 % du PIB, des jeunes très diplômés qui continueront de s'installer à l'étranger. Notre système de protection sociale est trop coûteux, il faut adapter les horaires et les salaires en fonction de la conjoncture ».
MICHEL SAPIN
Ça prouve que le président de la République choisit des esprits libres pour le conseiller.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est le moins que l'on puisse dire ! C'est le contraire de votre politique !
MICHEL SAPIN
Elle est conseillère technique, c'est un esprit libre. C'est avec un esprit libre qu'on peut avoir de bons conseils mais ce n'est pas pour autant qu'on va changer sa politique. On a une politique cohérente et constante. Je pourrais vous citer d'autres articles de cette personne parfaitement honorable à qui vous faites une publicité à laquelle elle-même ne s'attendait pas. Je pourrais vous citer d'autres articles qui disent exactement le contraire. C'est une sociale démocrate qui croit dans le marché mais qui croit dans la justice sociale. De ce point de vue-là, j'ai le sentiment que je me trouve plutôt en harmonie avec ça.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pour Barclays et Bank of America. La finance est de retour !
MICHEL SAPIN
Non, c'est les compétences qui sont de retour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon ? Les compétences pas la finance. Bon, l'écotaxe. Ça va rapporter moins que prévu aux finances de l'Etat. Et pour financer les infrastructures ?
MICHEL SAPIN
Je vais vous dire une chose. L'écotaxe, dont vous savez que ça avait été voté il y a trois ans par Nicolas SARKOZY, cette écotaxe ne marche pas. Ça ne marche pas, ça ne rapporte rien, rien du tout. Ça a même crée quelques révoltes parfois qui étaient outrées mais souvent à partir de préoccupations parfaitement compréhensibles en particulier dans les endroits et les régions extrêmement éloignés de la région parisienne, je pense en particulier à la Bretagne. Ça ne marche pas, donc on réforme, on change. Aujourd'hui, nous travaillons à autre chose que l'écotaxe.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchise kilométrique ?
MICHEL SAPIN
On verra. Le dispositif est en cours de finalisation.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais c'est la meilleure solution ?
MICHEL SAPIN
Ségolène ROYAL fait diverses solutions. On peut trouver des solutions pour répondre aux préoccupations qui se sont exprimées au moment où l'on devait mettre en application une décision prise par d'autres. Ça ne marche pas, on le réforme. Mais il y a besoin de l'argent parce que l'argent, ce n'est pas de l'argent au budget de l'Etat. L'argent, c'est de l'argent pour des travaux, des infrastructures. Les usagers ont besoin de ces travaux et les entreprises françaises du bâtiment et des travaux publics en ont besoin aussi. Il faudra trouver ces ressources parce que ça fait partie aussi de la croissance, du travail, de l'investissement, de l'emploi dont nous avons besoin en France.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernier mot sur UBER, sur ce conflit entre les taxis et les VTC. UBER, cette entreprise de VTC qui appartient à Google qui ne paye pas d'impôts en France, c'est supportable ça, franchement ?
MICHEL SAPIN
Non, ce n'est pas supportable. Ce n'est supportable ni pour la France, ni pour personne d'autre. Google ne paye pas en France mais ne paye pas non plus ailleurs ou quasiment pas ailleurs.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que peut faire l'Etat ?
MICHEL SAPIN
Ce n'est pas que peut faire l'Etat, parce que si c'est chacun dans son coin, c'est ça qui fait que Google ou d'autres s'organisent pour faire remonter leurs bénéfices dans des îles qui n'ont de virginité que le nom, mais où on ne paye absolument aucun impôt sur les divers revenus. Oui, c'est l'Europe. Vous avez vu d'ailleurs que l'Europe est en train de pourchasser, si je puis dire, ceux qui ont mis en place des processus pour échapper à l'impôt. Pas seulement à l'impôt en France mais à l'impôt tout court. Les Anglais pourtant, ils ne sont pas tout à fait faits comme nous sur un certain nombre de raisonnements économiques les Allemands, les Belges, les Italiens, les Espagnols, les Français ont décidé que ça, ça devait s'arrêter et je suis dans ce combat-là.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Comment ça va l'arrêter ?
MICHEL SAPIN
Parce que nous allons mettre en place qui sera cohérent entre nous et qui nous permettra de taxer les revenus effectivement perçus à partir du marché français.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous allez faire ça quand ?
MICHEL SAPIN
Là, dans les mois et les semaines qui viennent. Je vois encore mes homologues à la fin du mois de juin. On va parler de beaucoup de choses mais en particulier de cette bataille contre ce qu'on appelle l'optimisation fiscale, comment faire en sorte de ne pas payer d'impôts. Vous savez, nous allons payer la mesure en faveur des ménages les plus modestes avec quoi ?
JEAN-JACQUES BOURDIN
Avec le retour de la fraude fiscale ?
MICHEL SAPIN
En faisant payer des impôts sur ceux qui ont caché leur argent en Suisse. On leur a dit : « Il vaut mieux régulariser, comme ça vous serez plus tranquilles ».
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va rapporter combien cette année ?
MICHEL SAPIN
Cette année, on dépasse toutes nos espérances. C'est un milliard de plus que ce qui était prévu. C'est exactement le milliard de la baisse d'impôts.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et l'année prochaine, vous avez des projections ?
MICHEL SAPIN
Vous savez, moi je préfère baisser l'impôt des plus modestes en faisant payer ceux qui avaient caché leur argent en Suisse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Michel SAPIN.Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 juin 2014