Texte intégral
Madame la présidente de la commission d'organisation du congrès,
Messieurs les présidents,
Mesdames et messieurs,
Près de 20 millions.
C'est le nombre de personnes prises en charge chaque année dans les services d'urgences de nos hôpitaux.
Les urgences, ce sont des vies sauvées au quotidien après un accident de la route, une crise cardiaque ou un AVC. Ce sont ces moments, ces minutes, ces secondes même, où la vie de vos patients est entre vos mains, où tout peut basculer à chaque instant.
Mais nos concitoyens se rendent aussi aux urgences après un accident domestique ou lorsque leur enfant, au beau milieu de la nuit, a du mal à respirer. Ils vont aux urgences pour le malaise d'un grand-parent ou une cheville cassée.
Ils y vont aussi quand toutes les solutions ont été épuisées pour répondre à la détresse sociale de celui qui dort dans la rue.
Les urgences, c'est la quintessence du service public hospitalier. L'hôpital public, c'est le carrefour de l'excellence médicale et de l'excellence sociale. Et c'est aux urgences que cela se voit, car c'est là que le monde médical rencontre la société tout entière. En période de crise, les professionnels des urgences sont en première ligne face à la « misère du monde. »
Ce n'est donc pas un hasard, si nos concitoyens sont à ce point attachés aux urgences. Elles sont pour eux le symbole de notre hôpital public. Un hôpital qui accueille tout le monde, à toute heure, tous les jours, sans distinction de revenu ou d'origine.
Je profite donc de ma présence parmi vous pour rendre hommage à vos équipes et à votre engagement au service des Français.
20 millions. Dire que ce chiffre est trop élevé, c'est une évidence. Dire que les passages sont trop nombreux, que dans certains territoires la faiblesse de la permanence des soins a un impact sur votre activité, que vous accueillez des patients qui devraient être accueillis différemment Là encore, ce sont des évidences. Pour autant, quand un patient arrive aux urgences, vous le prenez en charge.
I/ Ma priorité, c'est d'abord que chaque patient puisse être pris en charge dans les meilleures conditions à des services d'urgence.
a/ Être pris en charge dans les meilleures conditions, c'est d'abord pouvoir accéder à des soins urgents rapidement, où que l'on se trouve sur le territoire.
L'engagement présidentiel est clair : avant 2017, l'ensemble de nos concitoyens doit pouvoir accéder à des soins d'urgence en moins de 30 minutes.
Pour tenir cet engagement, j'ai choisi de faire du sur-mesure, c'est-à-dire de trouver des solutions adaptées à la réalité du terrain. Sans attendre, dès l'automne 2012, un diagnostic a été établi par région. Il a fait apparaître des zones quasi blanches, notamment dans les territoires de montagne. J'ai donc décidé de former et de déployer massivement des médecins correspondants de SAMU. Ces médecins volontaires sont formés à l'urgence et interviennent en avant-poste des services médicaux d'urgence et de réanimation (SMUR) dans de nombreuses régions. En 2012, on en comptait 150 seulement. Nous en aurons 650 à la fin de l'année.
Faire du sur-mesure, c'est aussi élargir le nombre d'équipes SMUR, saisonnières ou permanentes, et développer les moyens héliportés, là où ils vous permettent d'être plus efficaces et plus rapides.
Concrètement, plus de 2 millions de Français vivaient à plus de trente minutes de soins urgents il y a deux ans. Ce sera moins d'un million à la fin de cette année !
b/ Ensuite, j'ai voulu que nous puissions mieux anticiper les situations de tension. Bien que ce soit assez contre-intuitif, les urgences sont en réalité très prédictibles quant à leur niveau d'activité.
Nous pouvons prévoir précisément à quels moments vos services sont sous tension. C'est le cas, par exemple, des périodes hivernales longues ou des pics épidémiques. C'est difficile pour les patients, évidemment. Mais c'est aussi difficile pour tous les professionnels qui y travaillent. On me dit que l'hiver dernier a été calme tout est relatif !
D'ores et déjà, la communauté hospitalière nous a montré, grâce à la mise en place d'indicateurs seuils, sa capacité à identifier les situations de tension et de saturation. La formalisation d'un plan « hôpital en tension » au sein de chaque hôpital, activée en période de tension et de saturation, doit devenir la règle. Il faut que chaque hôpital soit en mesure de répondre aux situations sanitaires exceptionnelles, de façon adaptée et graduée, avant le déclenchement du plan blanc.
Pour mieux anticiper, il s'agit aussi de soutenir les structures qui ont de forts besoins.
C'est ce que j'ai fait en consacrant une enveloppe de 15M aux services les plus en tension, afin de renforcer les équipes, de financer des appuis saisonniers, d'ouvrir des capacités d'accueil ponctuelles.
c/ Mais au-delà des moyens qui doivent être attribués là où c'est nécessaire, mieux anticiper, c'est ensuite continuer à relever le défi de l'aval.
Tout l'enjeu, c'est de transformer en profondeur le positionnement des urgences au sein de l'hôpital. L'aval doit être la préoccupation de tous et pas seulement la vôtre. L'amélioration de la prise en charge aux urgences doit être portée par tout l'hôpital et pas seulement par les services d'urgences. Ce que je veux, c'est vous libérer du temps médical pour que vous puissiez vous consacrer à votre cur de métier : les soins urgents.
C'est ainsi, qu'à la suite du rapport que m'a remis le Professeur Pierre Carli, j'ai rassemblé l'ensemble de la communauté hospitalière, afin de fixer un nouveau programme de gestion des lits. A ce jour, déjà plus de 150 établissements, dont 19 CHU, sont accompagnés par l'Agence Nationale d'Appui à la Performance (ANAP) pour améliorer la gestion de lits. Concrètement, cet enjeu s'est aussi traduit par l'apparition d'un nouveau métier à l'hôpital, celui de gestionnaire de lits.
Voilà comment nous avançons. En partant de diagnostics partagés. En rassemblant tout le monde. En travaillant ensemble. En engageant une mobilisation historique.
Ces résultats, ils doivent donc nous encourager à franchir une nouvelle étape dans l'organisation de nos soins urgents.
II/ Et d'abord, il s'agit de mieux inscrire les services d'urgences dans leur territoire.
Comment ? En partant des besoins des patients et non pas des structures. C'est en adoptant cette nouvelle approche que nous mettrons fin au cloisonnement, à la compétition, à la rivalité.
La territorialisation est au cur du projet de loi de santé, dont je présenterai les grandes orientations le 17 juin prochain.
Elle se concrétisera au travers du service territorial de santé au public.
Désormais, la politique de santé sera déclinée territoire par territoire.
Les établissements de santé, public et privé, les professionnels de ville, les EPHAD, les services d'hospitalisation à domicile, les services sanitaires et sociaux : tous devront apporter des réponses à des questions précises.
Parmi ces questions, il y a celles des soins non programmés. Sur ces sujets, ce sera à vous de vous mobiliser.
Les services d'urgences, les libéraux, les maisons médicales de garde, les structures de prise en charge des soins non programmés : vous devrez tous vous mettre autour de la même table, dans chaque territoire, pour définir une organisation globale et efficace de la prise en charge en soins urgents et non programmés.
Je ne crois pas aux réponses uniques. Et votre responsabilité, c'est de mettre en uvre des solutions adaptées. Le positionnement des services d'urgences ne saurait évidemment être le même d'un territoire à l'autre, selon que celui-ci est isolé ou urbain, selon que la présence de médecins de ville est suffisante ou non, selon que des structures de soins programmés se sont développées ou pas. Pour chaque situation, une réponse ad hoc doit être apportée aux patients et aucun dogmatisme ne doit prévaloir.
Je veux prendre un exemple : en Lorraine, les EHPAD participant à l'expérimentation pour les Personnes Agées En Risque de Perte d'Autonomie (PAERPA) ont mis en place une transmission systématique de fiches de liaison contenant les informations cliniques et personnelles de leurs patients qui sont accueillis dans les services des urgences. C'est ce type d'initiative, qu'il nous faut continuer de déployer, partout où cela est possible.
Pour vous aider à faire vivre concrètement le service territorial de santé au public, nous devons aller plus loin dans la coopération entre les hôpitaux et la médecine de ville. Par ailleurs, j'ai lancé des expérimentations pour revoir l'organisation et le financement des transports sanitaires urgents. Il s'agit de faire évoluer, quand c'est nécessaire, la garde ambulancière départementale. Plusieurs projets pilotes verront bientôt le jour.
III/ Pour franchir une nouvelle étape, nous devons aussi améliorer l'organisation même des services d'urgences.
a/ Et cela commence par la nécessaire évolution du financement de vos services.
Je veux d'abord que les moyens financiers consacrés aux urgences soient répartis de manière plus équitable, en tenant compte, notamment, des disparités régionales. Pour y parvenir, ce financement reposera sur des critères objectifs et transparents.
Le 24 juin prochain, une réunion du groupe technique du financement des urgences permettra de tracer une feuille de route. Ce que nous avons réussi à faire pour le SAMU, je veux le faire pour les urgences et SMUR, en concertation avec l'ensemble des acteurs. Cette réforme sera effective en 2016.
Ensuite, il faut veiller à ce que ce financement soit cohérent avec l'ensemble des transformations de notre système de soins. Je pense, par exemple, au développement des équipes de territoires.
Enfin, je veux sanctuariser le financement des services à faible activité, qui permettent un accès aux soins urgents en moins de trente minutes.
b/ Améliorer le fonctionnement de vos services, c'est s'assurer que chaque appel téléphonique urgent trouve une réponse.
Les Français appellent de plus en plus directement le SAMU en passant par le 15. En 2007, on recensait 10 millions d'appels. 5 ans plus tard, c'est plus de deux fois plus avec 22 millions d'appels ! Les SAMU-CENTRES 15 sont surchargés. Leur système d'information et de communication n'est pas toujours adapté à un tel niveau d'activité.
C'est pourquoi le projet Système d'Information SAMU sera poursuivi. Il s'agit d'un investissement de plusieurs dizaines de millions d'euros entre 2014 et 2022. C'est considérable. Mieux intégrer les systèmes d'information, c'est permettre plus de coopération et une meilleure coordination de l'ensemble des acteurs qui intervient dans le champ des soins urgents.
c/ Améliorer le fonctionnement de vos services, c'est également progresser dans la qualité de l'accueil des usagers.
Lorsqu'un patient est malade, qu'il souffre, qu'il est en détresse psychique, ou même lorsqu'il est simplement inquiet pour sa santé, il doit pouvoir être reçu dans les meilleures conditions. Nous le savons tous, l'accueil des patients aux urgences peut être amélioré, en particulier durant les périodes de saturation.
Améliorer l'accueil, c'est notamment réduire, au maximum, le temps que nos concitoyens passent dans les salles d'attente.
D'abord, il convient d'engager la généralisation de ce que l'on appelle les « fast tracks » ou prises en charge rapides. Elles permettent de dispenser rapidement des soins simples aux patients qui ne sont pas les plus urgents et qui n'ont pas besoin d'être hospitalisés. Ces dispositifs ont déjà été développés dans de nombreux établissements et donnent d'excellents résultats. Nous devons poursuivre en ce sens.
Au-delà, la réflexion doit porter sur les délais d'attente.
Certes, il n'est pas facile d'objectiver des délais d'attente cibles. L'enquête de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) auprès des structures des urgences hospitalières, qui sera restituée demain, nous donnera déjà des éléments plus objectifs.
Je suis toutefois persuadée qu'en s'organisant mieux encore, en développant dans plus de services d'urgences les bonnes pratiques d'organisation qui existent déjà, on peut réduire les délais pour les patients dont les pathologies sont les moins graves.
Attendre dans un service d'urgence est aussi une affaire de ressenti. Tout le monde peut comprendre que l'on doive patienter parce qu'un malade ou un blessé grave passe avant vous. Mais on ne le perçoit pas toujours et cette attente cristallise bien souvent toutes les récriminations contre les urgences.
Reconnaissons aussi que des dysfonctionnements existent dans certains services. A ce titre, je me réjouis que le directeur général de l'APHP, en liaison avec la commission médicale d'établissement, se soit saisi de cette question qui n'est autre, encore une fois, que celle de la qualité du service rendu au public.
Alors, comment s'engager concrètement pour réduire les temps d'attente aux urgences ?
Différentes idées sont sur la table. Je pense notamment à l'adoption par chaque service d'urgence d'une charte d'accueil avec des critères précis portant sur la qualité. Par exemple, cette charte pourrait prévoir qu'un point de situation soit réalisé chaque heure pour chaque patient. Elle pourrait également prévoir que chaque service soit équipé d'indicateurs sur les temps d'attente par secteur d'accueil. Voilà des actions simples qui répondent à des attentes fortes des patients.
Certes, aucun indicateur synthétique ne traduira à lui seul la réalité du fonctionnement d'un service d'urgence. Mais travailler sur des délais de prise en charge, et je dis bien des délais de prise en charge, est une des voies sur lesquelles une réflexion doit être engagée. Une réflexion sans obsession de la notion d'indicateur, mais avec l'idée de les mettre à profit pour améliorer la qualité du service rendu et de mieux nous organiser.
IV/ Enfin, au-delà même de l'organisation de vos services, il faut renforcer l'attractivité de vos métiers.
Pour garantir l'excellence du service public hospitalier, il faut continuer d'attirer des jeunes vers votre profession. Il faut aller vers les étudiants, vers les internes, pour les convaincre de rejoindre vos rangs.
Pour y parvenir, il s'agit de leur donner de la visibilité à l'échelle d'une vie professionnelle. Le rapport que nous avons commandé avec Geneviève FIORASO, secrétaire d'Etat à l'Enseignement supérieur et à la Recherche, auprès de la commission pédagogique nationale des études de santé et la commission nationale de l'internat et du post-internat avance des solutions intéressantes : il propose notamment de créer un DES de médecine d'urgence. Il nous faut maintenant tirer les conséquences de ce rapport pour faire évoluer la formation initiale des futurs médecins urgentistes.
Mesdames et messieurs,
Pour faire progresser nos urgences, votre engagement est décisif. Je sais pouvoir compter sur votre mobilisation, à l'échelle de vos services, au niveau de nos territoires.
Je souhaite que vos échanges, tout au long de ce congrès, soient fructueux. Je prêterai d'ailleurs une attention particulière aux conclusions de vos travaux qui viendront enrichir encore nos réflexions, ainsi que l'action que nous conduisons ensemble pour améliorer encore le service rendu aux patients.
Je vous remercie.
Source http://www.sante.gouv.fr, le 5 juin 2014