Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports à France 2 le 17 juin 2014, sur la politique de la ville et notamment la "carte de la pauvreté".

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2

Texte intégral


WILLIAM LEYMERGIE
Pour « Les 4 vérités », ce matin, Roland SICARD reçoit Najat VALLAUD-BELKACEM, la ministre des Sports.
ROLAND SICARD
Bonjour à tous, bonjour Najat VALLAUD-BELKACEM.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
ROLAND SICARD
On va donc commencer par la Coupe du monde de football. Vous étiez au Brésil, vous avez vu l'équipe de France. Belle équipe ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, belle équipe, et puis très beau premier match, c'était formidable, l'ambiance était au rendez-vous et...
ROLAND SICARD
On vous voit d'ailleurs avec le maillot des Bleus, très motivée.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, très motivée, c'est vrai que j'ai tendance à ne pas faire les choses à moitié, donc j'ai décidé de soutenir cette équipe à fond, j'y crois, j'ai envie de leur donner de la confiance, de la chaleur, c'est ce que je leur ai dit, et honnêtement, au-delà de moi, les Français, je trouve, adhèrent bien à cette équipe que l'on a envie de nous voir faire vibrer.
ROLAND SICARD
Est-ce que vous avez senti une équipe soudée, une vraie équipe, une bande de copain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, ça fait déjà quelques temps, en réalité depuis le match contre l'Ukraine, que cette équipe s'est révélée, en tout cas aux yeux des Français, comme un groupe, en effet, soudé, solidaire, avec un vrai état d'esprit collectif, que Didier DESCHAMPS a réussi à installer, et des joueurs qui, je me souviens quand on était allé les voir à Clairefontaine avec le président de la République, se révèlent finalement plutôt humbles et conscients de l'honneur qui leur est fait de participer au Mondial et de représenter la France. Je pense que c'est avec un tel état d'esprit qu'ils sont capables d'aller loin.
ROLAND SICARD
Voilà, justement, c'est une équipe qui peut aller loin ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui. Je ne me risquerai pas aux pronostics, mais j'avoue que, intérieurement, disons, le pronostic que je m'étais fait, s'agissant de leur dernier match, a été plutôt bien réalisé.
ROLAND SICARD
Donc vous êtes prête à retourner au Brésil.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Ah, ça dépendra un petit peu du parcours, mais s'ils pouvaient arriver en quarts de finale, j'aimerais bien pouvoir y retourner, oui.
ROLAND SICARD
Vous êtes aussi ministre de la Ville, et ce matin vous publiez ce que l'on appelle « la carte de la pauvreté ». Il y a moins de villes concernées qu'auparavant. Pourquoi, il y a moins d'argent ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, pas du tout. Surtout, soyons bien clairs, on maintient les moyens de la politique de la ville, en revanche, s'agissant de politique de la ville, ça fait dix ans que l'on avait besoin d'une bonne réforme pour simplifier tous les dispositifs. Vous savez que, depuis 30 ans maintenant, les dispositifs s'étaient empilés, sans beaucoup de cohérence, on avait des Zones urbaines sensibles...
ROLAND SICARD
Il y avait trop de saupoudrage ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
... des PUCS, des ZFU, du saupoudrage, trop de territoires concernés par rapport à finalement là où se concentre la pauvreté. Et donc on a décidé de mener une réforme complète, qui nous a conduits à quadriller le territoire français, pour voir où sont véritablement les poches de pauvreté. Nous en avons identifié 1 300 en métropole, poches de pauvreté, et donc ce sont ces 1 300 territoires...
ROLAND SICARD
Au lieu de 1 700.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Au lieu de 2 500.
ROLAND SICARD
2 500.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Donc on passe de 2 500 territoires précédemment concernés par la politique de la Ville, à 1 300. Et sur ces 1 300 territoires, qui d'abord font apparaitre, vraiment, des situations très diverses, puisqu'on n'a pas simplement des banlieues à la périphérie des grandes villes, mais on a aussi des villes moyennes, on a aussi du centre-ville parfois, c'est là qu'on voit la réalité de la pauvreté en France, qui s'est un peu inséminée partout. Dans ces poches de pauvreté, on va mettre le paquet pour pouvoir aider ces territoires et ces quartiers à sortir de la pauvreté.
ROLAND SICARD
Qu'est-ce qui va changer, justement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Eh bien ce qui va changer c'est d'abord la façon dont on agit. Ça peut sembler être du détail, ça en n'est pas. On se met à l'échelle de l'agglomération pour agir, et non pas à l'échelle d'une commune. Or, quand on est à l'échelle d'une agglomération, on a plus de moyens pour assurer la mobilité, par exemple, d'un territoire à l'autre, d'un territoire pauvre à un territoire plus riche, pour assurer la mixité sociale, c'est-à-dire qu'il ne sert à pas grand-chose de rénover l'habitat, de reconstruire des nouveaux bâtiments plus beaux, un meilleur cadre de vie ; si vous y remettez les mêmes personnes, avec les mêmes difficultés sociales, il faut agir pour qu'il y ait davantage de mixité sociale, donc on va le faire au niveau de l'agglomération, par le biais de ce que l'on appelle des contrats de ville, qui vont être signés à la fois par l'Etat et les Collectivités locales, mais aussi les bailleurs sociaux, la Caisse d'allocations familiales, Pôle emploi, etc., pour répondre à chacune des problématiques des habitants.
ROLAND SICARD
Et les habitants vont participer.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Et les habitants bénéficieront de ces politiques spécifiques que nous mettons en place, pour donner un coup de pouce et sortir plus rapidement les quartiers de la pauvreté. Ces politiques spécifiques, elles porteront aussi bien donc sur la rénovation des l'habitat, c'est important, sur des transports qui manquent aujourd'hui et qu'il faut créer, puisque la meilleure façon d'aider les gens à trouver de l'emploi, c'est aussi leur permettre de sortir facilement, aller chercher de l'emploi à côté ou travailler à côté. Sur des politiques de développement économique, et c'est pour ça que nous allons soutenir des pépinières d'entreprises, nous allons aider les habitants de ces quartiers à créer leur propre entreprise, avec des prêts spécifiques de la Banque publique d'investissement, un vrai coup de pouce. Et puis, sur des politiques de cohésion sociale, visant par exemple à lutter contre un phénomène qui est très préoccupant, c'est la pauvreté toute particulière des mères isolées, dans ces quartiers où on voit bien que le nombre de familles monoparentales est très important, et les mères isolées se retrouvent dans une situation où elles ont très difficilement accès au travail, ont des difficultés de modes de garde. Donc nous allons prendre en mains chacun de ces sujets, de façon très vigilante, très étroite, dans un partenariat entre l'Etat et les Collectivités locales, pour aider ces territoires à sortir vite de la carte des quartiers pauvres.
ROLAND SICARD
Il y a ce que vous appelez « la clause du territoire le plus favorisé », c'est quoi exactement ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, j'ai conçu cette clause, pour dire une chose. Comme je vous le disais tout à l'heure, ça ne sert pas à grand-chose de rénover l'habitat, de rénover le cadre de vie, si on remet dans les quartiers en question, les mêmes populations avec les mêmes difficultés. L'important c'est vraiment de veiller à ce que dans les quartiers en question, eh bien soient attirées aussi des populations aux revenus un peu plus élevés, pour assurer davantage de mixité sociale, et pour que les enfants puissent grandir dans un cadre dans lequel tous les parents ne sont pas au chômage et qu'ils aient des modèles de parents qui travaillent pour aussi leur donner envie de réussir leurs études et d'aller plus loin. Et donc la clause du quartier le plus favorisé, c'est quoi ? C'est de dire : quand on rénove un quartier, il ne faut pas se contenter de vouloir en faire un quartier ordinaire, il faut au contraire profiter de ces moyens publics que l'on met, et de cette énergie, pour en faire un quartier exceptionnel, avec à chaque fois un atout particulier, par exemple le fait que dans ce quartier, dans l'établissement scolaire du coin, s'apprend une langue étrangère rare. Un atout exceptionnel, par exemple le fait que les bâtiments qui sont rénovés dans ce quartier, seront particulièrement performants en termes énergétiques. Par exemple le fait que dans ce quartier, eh bien on puisse avoir une connectivité été un usage du numérique qui soient particulièrement exceptionnels, ce qui fait que ça va attirer vers ce quartier, y compris des familles qui ne seraient pas naturellement venues s'y installer, mais qui, pour que leur enfant puisse apprendre cette langue, pour pouvoir profiter de la connectivité, etc., viendront le faire, c'est ainsi que s'assure la mixité. C'est ça la clause du quartier le plus favorisé.
ROLAND SICARD
Ces quartiers, c'est aussi la violence, on vient de le voir à Pierrefitte. Comment est-ce qu'on peut lutter contre cette violence ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
La meilleure façon de, en l'occurrence, de prendre en considération cette problématique de la violence, c'est les Zones de sécurité prioritaire, qui bien sûr ne disparaissent pas, les 80 Zones de sécurité prioritaire qui ont été mises en place par Manuel VALLS lorsqu'il était ministre de l'Intérieur, demeurent. La façon d'y travailler, qui est là encore, très partenariale entre l'Etat et les collectivités locales, procureurs, la police, pour bien connaitre le type de délinquance qui est le plus prégnant, demeure, et donc c'est aussi et ça fait partie de la politique de la ville, la lutte contre l'insécurité.
ROLAND SICARD
Un mot sur la grève de la SNCF. Manuel VALLS a choisi la fermeté. On ne va pas s'enliser dans un conflit interminable ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, ce que je sais, c'est que cette réforme dont l'examen début cet après midi au Parlement, est une réforme nécessaire, indispensable. On parle d'un système qui était à bout de souffle, extrêmement endetté, 40 milliards d'euros d'endettement, d'un système qui... dont on nous demandait depuis le niveau européen, de le libéraliser davantage, d'introduire de la concurrence. Frédéric CUVILLIER a réussi à...
ROLAND SICARD
Le ministre des Transports.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, pardon, le ministre des Transports a réussi à obtenir le regroupement des deux entités, SNCF, RFF, pour que tous ceux qui travaillent autour du rail, en gros, puissent travailler ensemble, de façon plus efficace perdre moins d'argent, conserver le statut de cheminot, le préserver et en même temps être plus efficace au service des usagers. Cette réforme est indispensable.
ROLAND SICARD
Merci.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Merci.
ROLAND SICARD
William, c'est à vous.
WILLIAM LEYMERGIE
Merci beaucoup, la météo maintenant.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juin 2014