Interview de M. Arnaud Montebourg, ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique, à "RMC/BFMTV" le 23 juin 2014, sur le dossier Alstom, le péage poids lourds.

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Média : BFM TV - Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

JEAN-JACQUES BOURDIN
Arnaud MONTEBOURG est notre invité ce matin. Bonjour.
MONSIEUR LE MINISTRE ARNAUD MONTEBOURG
Bonjour.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci d'être avec nous. Un compromis a été trouvé entre les Etats-Unis et la BNP ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, je ne peux rien dire à ce sujet. C'est une négociation avec une entreprise privée importante, la deuxième banque de la zone euro, la première banque française. Il est vrai que le gouvernement français s'est exprimé de façon extrêmement claire en demandant que les sanctions soient justes et proportionnées.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Huit à neuf milliards de dollars, c'est apparemment le montant de ce compromis, de l'amende que la BNP devra payer, ce qui fait entre six et six milliards et demi d'euros.
ARNAUD MONTEBOURG
Les Etats-Unis ont une loi extraterritoriale qui leur permet de poursuivre des infractions qui ne sont pas commises sur leur territoire. Elle leur permet en fait finalement d'attraire devant leurs juridictions des entreprises étrangères et de leur imposer une loi applicable hors de leur propre territoire. Peut-être devrions-nous les imiter car cela donne parfois un certain nombre d'avantages dans la guerre économique mondiale.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, donc compromis ? Les grands journaux américains annoncent ce compromis.
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne suis pas en mesure de m'exprimer à ce sujet car il s'agit d'un accord éventuel entre une entreprise privée et une autorité judiciaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Nous allons beaucoup parler évidemment d'ALSTOM avec vous, mais je voulais vous poser une question plus personnelle. Est-ce que vous avez vos lettres de démission dans vos poches ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je voudrais peut-être dire un mot assez net sur ce sujet. Il m'est arrivé de présenter ma démission. Ça m'est arrivé une fois de présenter ma démission après l'affaire dite Florange. Pourquoi ? Parce que je pensais que la nationalisation temporaire des hauts fourneaux de Florange était d'intérêt national et nécessaire. D'ailleurs, j'observe que la production de l'acier en Europe recommence à progresser et je pense que cette décision s'y prêtait.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Le gouvernement a fait une faute ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que nous avons commis une erreur. Je le reconnais. Peut-être m'y suis-je mal pris, peut-être ai-je ma part de responsabilité, c'est même certain. En tous cas, je pense que nous aurions dû le faire parce qu'ARCELORMITTAL n'est pas une entreprise comme les autres. Ça, c'est le point de vérité. Je l'ai reprise à la demande à l'époque du président de la République et d'un certain Edouard MARTIN qui était le syndicaliste de la CFDT. Je n'ai pas présenté d'autres démissions depuis. Par ailleurs, j'ai exprimé au président de la République que s'il nommait à nouveau Jean-Marc AYRAULT, je ne souhaitais pas continuer pour des raisons que je n'ai pas exprimées publiquement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous n'auriez pas été ministre si Jean-Marc AYRAULT avait été maintenu.
ARNAUD MONTEBOURG
Comme cela est ma liberté et mon droit. C'est ce que j'ai exprimé au président de la République et je n'ai pas rendu public le contenu des conversations que j'ai eues avec le président de la République. Donc merci de bien vouloir considérer le sérieux de mes positions car en politique, il arrive qu'on ait des convictions, qu'on les défende avec une certaine constance. Voyez-vous, quand on défend par exemple la nationalisation des hauts fourneaux de Florange, ça veut dire que nous avons une conception de l'intérêt national. On peut la défendre et considérer que parfois la passion d'exercer la fonction ministérielle peut s'effacer derrière supérieur du pays.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Arnaud MONTEBOURG, parlons de politique et de la politique conduite par le gouvernement. Est-ce que vous regrettez que la politique de rigueur n'ait pas été et ne soit pas infléchie ? Franchement ?
ARNAUD MONTEBOURG
Elle l'a déjà été de façon d'ailleurs négociée avec le groupe parlementaire. Tout mon travail d'ailleurs comme ministre de l'Economie est d'essayer de rapprocher les points de vue entre d'un côté Bruxelles et ses contraintes, de l'autre les besoins du pays et de la France, d'un côté le point de vue du gouvernement, et de l'autre le point de vue de la majorité parlementaire. Nous pouvons arriver finalement à construire un compromis. D'ailleurs, tous les pays démocratiques le font. Madame MERKEL vient souvent à Bruxelles en disant : « Excusez-moi mais le Bundestag, le Parlement allemand, ne serait pas d'accord. Je ne peux donc pas prendre cette décision ». C'est naturel qu'il y ait une discussion démocratique et un point d'équilibre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
J'ai envie de vous poser une question complémentaire. Est-ce qu'un faible niveau de déficit, de dette et d'inflation garantit la prospérité, franchement ?
ARNAUD MONTEBOURG
Un faible niveau d'inflation, pas toujours ; un faible nouveau d'endettement, pas toujours ; un faible niveau de déficit, pas toujours non plus. Ce qui compte, c'est la croissance de l'activité économique. Pour le moment, la zone euro et pas seulement la France est la lanterne rouge de la croissance mondiale, six ans après la chute de Lehman Brothers.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il faut encourage la croissance.
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Paris doit donc aussi changer de politique et encourager la croissance.
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas que Paris, c'est toute la zone euro et elle a déjà évolué. Je voudrais vous faire observer, Jean-Jacques BOURDIN, que le Premier ministre dans son discours de politique générale a demandé à la Banque centrale européenne de changer de politique, ce qu'elle a fait au mois de juin, au début de ce mois. Nous avons un mouvement très important, très puissant de la part de la Banque centrale européenne : elle a des taux d'intérêt désormais négatifs. Ça veut dire que les banques, au lieu de prêter, si elles laissaient l'argent dans les comptes de la Banque centrale européenne, ça leur coûterait de l'argent parce que ce sont des taux d'intérêt négatifs. Ça veut dire que si au lieu de prêter, les banques laissaient l'argent dans les comptes de la Banque centrale européenne, ça leur coûterait de l'argent parce que ce sont des taux d'intérêt négatifs au lieu de prêter où là ça leur rapporterait de l'argent.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui. Mais dites-moi, le Pacte de responsabilité est un « Pacte de stupidité » ; ce n'est pas moi qui le dis, c'est Mateo RENZI. Vous êtes d'accord avec lui ?
ARNAUD MONTEBOURG
Il y a beaucoup de socio-démocrates, Sigmar GABRIEL en tête, moi-même…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous dites la même chose ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je ne le dirais pas dans ces termes mais je vais vous dire une chose. Je pense que nous avons un problème avec l'excès de normes comptables qui nous empêche par application de règles de faire des choix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc 3 % en 2015, on peut s'en passer.
ARNAUD MONTEBOURG
Attendez, attendez Jean-Jacques BOURDIN. Appliquer des règles aveuglément, quelles que soient les circonstances économiques, c'est absurde. En revanche, faire des choix c'est nécessaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, mais 3 % en 2015, on peut s'en passer ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, moi je considère que le sujet c'est par exemple la façon dont on comptabilise les investissements d'avenir. Par exemple, on peut dépenser et investir si c'est pour investir et non pas faire les fins de mois d'un Etat impécunieux. On peut par exemple investir dans des infrastructures, cela rapporte de l'argent et rapporte à un pays. Il y a une comptabilisation que les socio-démocrates souhaitent infléchir dans les fameux 3 %. La question ce n'est pas les 3 %, c'est ce qu'on met dedans.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernière question avant de passer à ALSTOM. Le projet de loi de finances rectificative arrive à l'Assemblée nationale. De nombreux députés protestent, certains de vos amis aussi protestent et ont déposé des amendements. « Le gouvernement peut faire mieux, plus efficace et plus juste » disent-ils. Vous êtes d'accord avec eux ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois qu'il faut trouver un point de rencontre et d'équilibre entre les élus et chercher finalement l'accord entre le gouvernement et sa majorité. La démocratie parlementaire est faite pour cela.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Que c'est bien dit Arnaud MONTEBOURG !
ARNAUD MONTEBOURG
Ce n'est pas bien dit, je crois que tout le monde peut le voir.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais enfin, ce n'est pas la politique de Manuel VALLS
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que si, il l'a montré. Dans les premiers mois de ses fonctions à Matignon, il a infléchi.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un député socialiste qui ne vote pas le budget, est-il encore dans la majorité ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez, c'est à lui qu'il faut le demander, à ce député.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais vous n'avez pas d'avis ?
ARNAUD MONTEBOURG
Si j'ai un avis, vous me permettrez de le garder pour moi, monsieur BOURDIN. J'aimerais pouvoir expliquer un certain nombre de choses sur le dossier Alstom parce que beaucoup de gens me posent des questions. Si je ne peux pas les exprimer, je vais être obligé d'aller sur une autre radio, monsieur BOURDIN.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça alors, qu'est-ce que c'est que cette menace ?
ARNAUD MONTEBOURG
[rires]
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais allez-y ! Je vous laisse libre, monsieur MONTEBOURG, mais vous ne m'avez quand même pas répondu sur les députés socialistes.
ARNAUD MONTEBOURG
Je dis que le mieux est de leur demander parce que c'est eux qui prennent cette décision.
JEAN-JACQUES BOURDIN
ALSTOM, accord donc avec GENERAL ELECTRIC. D'abord les emplois, c'est ce qui me préoccupe et ce qui préoccupe les Français, notamment les salariés d'ALSTOM. Quelles garanties sur les emplois ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ce qui est d'abord un point important, c'est qu'il s'agit d'une alliance et non pas d'un rachat. Je vous rappelle que si nous avions laissé faire, s'il n'y avait pas eu cette bataille à la fois juridique, économique, financière et politique, nous aurions un ALSTOM dévoré. Il serait repeint en GENERAL ELECTRIC dans le monde entier, aussi en France, et les centres de décision se seraient retrouvés dans le Connecticut. C'est là qu'on aurait pris les décisions d'affecter ou non en France telle ou telle activité, donc tel ou tel emploi. Nous avons évité cette décision parce que nous avons imposé un certain nombre de compromis en utilisant le décret de contrôle des investissements étrangers en France. Les actionnaires ont des intérêts financiers et un gouvernement défend la France et ses intérêts industriels. C'est ce compromis-là qui a été construit. Qu'est-ce que c'est que ce compromis ? C'est très simple. On a dit à GENERAL ELECTRIC : « Vous devez laisser en France ce qui nous permet de garantir notre indépendance énergétique ». C'est quoi l'indépendance énergétique ? C'est d'abord le nucléaire qui reste sous souveraineté française avec des droits de veto à l'intérieur de l'entreprise qui est 50/50 Alstom-General Electric mais aussi les énergies renouvelables et toutes les technologies qu'a construites ALSTOM depuis longtemps. Ça, c'est d'une certaine manière cette alliance. C'est une alliance équilibrée qui nous permet en effet d'imaginer que ce qui va profiter à GENERAL ELECTRIC, qui est quand même le numéro un mondial de l'énergie, deux cent cinquante milliards, en face de laquelle il y a un petit ALSTOM de vingt milliards parce qu'ALSTOM c'est seulement vingt milliards, dix fois moins. C'est la raison pour laquelle on a demandé, et j'ai je crois obtenu des uns et des autres, que l'Etat soit en face de cet accord et même dans l'accord. Parce qu'en face d'un conglomérat de deux cent cinquante milliards, mieux vaut qu'il y ait un Etat pour pouvoir équilibrer les comptes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Alors l'Etat a demandé des garanties sur l'emploi.
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement. La première chose, c'est le maintien de l'emploi existant. Ça, c'était bien le minimum. Mais surtout, GENERAL ELECTRIC nous a proposé la création en trois ans de mille emplois. Nous leur avons dit : « Les promesses n'engagent que ceux qui veulent bien les croire. Qu'est-ce que vous pouvez faire pour assurer que cet engagement sera bien accompli ? » Réponse : « Nous vous proposons des pénalités financières » et nous avons demandé des pénalités financières équivalant à cinquante mille euros par emploi qui ne serait pas crée. C'est un précédent, il n'y en a jamais eu. C'est la première fois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Un précédent qui pourrait être suivi d'autres.
ARNAUD MONTEBOURG
Il pourrait être un exemple. Pourquoi ? Parce que c'est la première fois finalement qu'une entreprise mondiale accepte de la part d'un Etat de prendre des engagements qui soient sanctionnés de façon financière. Si les mille emplois ne sont pas crées, c'est cinquante millions de pénalités.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça pourrait être l'objet d'une loi ou d'un projet de loi ?
ARNAUD MONTEBOURG
Je crois que ce n'est pas nécessaire parce que dans la discussion contractuelle entre un investisseur étranger et un Etat, il y a du respect mutuel, il y a toujours du respect puisque nous sommes contents qu'il y ait quand même de grandes entreprises américaines qui viennent investir en France, ou japonaises ou allemandes comme tel était le cas. Mais il est important aussi que notre souveraineté soit préservée et notamment nos intérêts industriels et humains, sociaux, les emplois crées et ceux qui évidemment ne seront pas détruits.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat va entrer au capital d'ALSTOM à hauteur de vingt pourcents, on est bien d'accord.
ARNAUD MONTEBOURG
Vingt pourcents.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Une nationalisation partielle en quelque sorte, on peut l'appeler comme on veut.
ARNAUD MONTEBOURG
On peut le dire. L'Etat sera actionnaire principal, le premier actionnaire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
L'Etat va racheter vingt pourcents du capital à BOUYGUES. On est bien d'accord ?
ARNAUD MONTEBOURG
Exactement.
JEAN-JACQUES BOURDIN
A quel prix ?
ARNAUD MONTEBOURG
Le prix n'a pas été fixé pour une raison simple. C'est qu'il y a un désaccord entre BOUYGUES et l'Etat.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous proposez vingt-huit euros.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, nous n'avons jamais proposé de prix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est pas vrai, ça ? Ce que j'ai lu partout est faux.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, c'est inexact
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous proposiez combien alors ?
ARNAUD MONTEBOURG
Le prix du marché.
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est-à-dire ? L'action est à combien aujourd'hui ?
ARNAUD MONTEBOURG
Comme le prix du marché évolue et est fixé en fonction de la cotation, nous ne pouvons pas le définir par avance.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais aujourd'hui, l'action a un prix.
ARNAUD MONTEBOURG
Je vais vous expliquer, si vous me laissez m'exprimer. D'abord, monsieur BOUYGUES s'est engagé à une chose, c'est de nous prêter ses 20 % d'actions pour que nous puissions immédiatement – dès que la transaction sera faite entre GENERAL ELECTRIC et ALSTOM – siéger au conseil d'administration, prendre ses 2 postes de conseil d'administration et exercer le droit de vote. Donc ça, il nous les prête même si on n'a pas encore pris le temps de les acheter…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Jusqu'à quand ?
ARNAUD MONTEBOURG
Pendant 20 mois.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Pendant 20 mois.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, pendant 20 mois, monsieur BOUYGUES a une obligation de nous vendre, il est obligé de nous vendre si on le lui demande.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais qui va fixer le prix ?
ARNAUD MONTEBOURG
Attendez ! Pendant 20 mois, lui a dit « moi, je m'oblige à vous vendre à 35 € » parce que c'est sa demande.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, 35 €.
ARNAUD MONTEBOURG
Mais nous, nous n'avons pas d'obligation de le lui acheter, donc il nous est parfaitement possible d'acheter sur le marché si le marché est moins cher.
JEAN-JACQUES BOURDIN
28 € aujourd'hui l'action.
ARNAUD MONTEBOURG
Et au bout de 20 mois, monsieur BOUYGUES ne peut plus exiger le maintien d'un prix.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais monsieur BOUYGUES…
ARNAUD MONTEBOURG
Voilà, ne peut plus exiger le maintien de son prix…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pouvez…
ARNAUD MONTEBOURG
Laissez-moi vous expliquer parce que c'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est compliqué…
ARNAUD MONTEBOURG
Mais ce n'est pas compliqué, c'est un bon accord, donc si vous me laissez l'expliquer on peut le comprendre.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais je l'ai compris, pendant 20 mois effectivement, monsieur BOUYGUES veut vendre à 35 €…
ARNAUD MONTEBOURG
Et après, il n'y a plus de prix garanti.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il n'y a plus de prix… ou mais si l'action…
ARNAUD MONTEBOURG
Et entre-temps…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Après vaut 40 € !
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez ! C'est…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous paierez plus cher !
ARNAUD MONTEBOURG
Ou nous pouvons l'acheter maintenant sur le marché et pas à BOUYGUES.
JEAN-JACQUES BOURDIN
28 €.
ARNAUD MONTEBOURG
Nous pouvons décider d'acheter au moment opportun.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous pourriez le décider…
ARNAUD MONTEBOURG
Mais bien entendu.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc vous demandez à monsieur BOUYGUES de baisser son prix !
ARNAUD MONTEBOURG
Donc je veux dire par là…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Vous demandez à monsieur BOUYGUES de baisser son prix !
ARNAUD MONTEBOURG
Je n'ai rien demandé, c'est un accord qui a été scellé entre les deux parties et sur lequel, les deux parties se sont exprimées. Ce que je veux vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est important parce que c'est de l'argent public !
ARNAUD MONTEBOURG
Bien entendu, et c'est même de l'argent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
C'est entre 1,7 milliards d'euros et 2,5 milliards !
ARNAUD MONTEBOURG
C'est de l'argent d'ailleurs qui appartient aux Français…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, c'est pour ça…
ARNAUD MONTEBOURG
Puisque c'est le patrimoine des Français investi dans les entreprises. Nous avons 71 participations à hauteur de 110 milliards. Donc nous procédons maintenant à la vente d'un certain nombre de participations traditionnellement, nous l'avons fait dans SAFRAN, dans THALES, dans AIRBUS, dans AEROPORTS DE PARIS par exemple pour entrer dans le capital de PSA, de PEUGEOT CITROEN, à hauteur de presque 1,8 milliard. Nous avons obtenu 14 % au côté de DONGFENG, les Chinois 14 %, au côté de la famille PEUGEOT 14 %. C'est une alliance là aussi, nous avons fait la même chose dans ALSTOM. Donc nous vendons pour réinvestir, car l'argent des participations de l'Etat ne doit pas servir à faire les fins de mois du budget de l'Etat. Et je voudrais vous dire, la seule entorse que nous nous autorisons, c'est que cet argent peut servir à désendetter l'Etat…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Bien. Alors pendant 20 mois…
ARNAUD MONTEBOURG
Qui, comme vous le savez, a beaucoup de dettes.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, a beaucoup de dettes oui. 28 € d'un côté, 35 € de l'autre, il n'y avait pas moyen de trouver un accord, enfin BOUYGUES vous a donné la possibilité, la possibilité de réussir, c'est bien cela ! Il y a une contrepartie donnée à BOUYGUES ?
ARNAUD MONTEBOURG
La contrepartie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Je ne sais pas moi, dans la téléphonie mobile ou par exemple…
ARNAUD MONTEBOURG
Non, non, non…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Sur la TNT ?
ARNAUD MONTEBOURG
La contrepartie…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Non, il n'y a pas de contrepartie ?
ARNAUD MONTEBOURG
Est en face de l'accord, tout est dans l'accord, l'accord dit : écoutez ! Vous nous donnez vos actions pour que nous puissions exercer les droits de vote…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Mais pourquoi est-ce que BOUYGUES dirait oui, quel est l'intérêt de BOUYGUES de dire oui ?
ARNAUD MONTEBOURG
Mais parce que si… tout simplement monsieur BOURDIN, si monsieur BOUYGUES n'avait pas passé un accord ce week-end, l'opération de GENERAL ELECTRIC était bloquée par le gouvernement, voilà. C'était une condition préalable de cette opération…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et monsieur BOUYGUES ne voulait pas que cet accord soit bloqué !
ARNAUD MONTEBOURG
Pourquoi avons-nous besoin que l'Etat soit présent dans l'alliance ? Parce que c'est une alliance à 3. Nous avons signé un protocole de 50 pages avec le patron de GENERAL ELECTRIC, le patron d'ALSTOM et moi-même samedi midi. Et nous avons signé cet accord qui garantit par exemple qu'il y ait des coentreprises, dont le siège mondial sera en France. Certaines activités d'ailleurs et du chiffre d'affaires de GENERAL ELECTRIC a été apporté à ces coentreprises, qui auront leur siège social et mondial en France. Et d'ailleurs, beaucoup de nos activités dans les turbines à vapeur, dans le nucléaire, dans l'hydraulique, dans l'éolien ; ainsi que le renforcement de la branche transport pour ASLTOM Transports, qui va pouvoir obtenir l'activité de signalisation de GENERAL ELECTRIC. Tous ces éléments de renforcement, ils ont besoin d'une garantie que l'Etat soit là, pour que le gros GENERAL ELECTRIC ne dévore pas dans le temps le petit ALSTOM. Et donc il y aura ici un Etat qui garantira le maintien de cette alliance. Vous savez, je voudrais vous dire une chose, l'alliance GENERAL ELECTRIC et SAFRAN, SAFRAN c'est l'ancienne SNECMA qui fabrique les moteurs d'avion, il y a eu…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Il fonctionne bien.
ARNAUD MONTEBOURG
Pendant 40 ans 26.000 moteurs d'avion qui ont été fabriqués par SAFRAN et GENERAL ELECTRIC. Toutes les 2 secondes dans le monde, il y a un avion qui décolle ou qui se pose avec un de ces moteurs que nous avons co-fabriqués, les Américains et nous ; et nous en avons 11.000 supplémentaires qui sont commandés. Donc ces alliances industrielles, elles fonctionnent et c'est ce que nous voulons faire avec ALSTOM. Et en vérité ALSTOM est maintenu, nous sortons de ce dossier comment ? ALSTOM maintenu, ALSTOM désendetté, ALSTOM renforcé et ALSTOM allié. Et quand j'entends un certain nombre de dirigeants politiques qui disent « oui mais c'est une braderie », nulle braderie, nous avons préservé nos intérêts. Je rappelle qu'au début, nous étions rachetés, point, et n'avions rien à dire.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Dernier mot sur le péage poids lourds qui va rapporter – d'après ce qu'a dit Ségolène ROYAL – 500 millions d'euros par an. Et ça va coûter combien ?
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez ! Je ne pourrai pas vous donner les détails, ce que je peux vous dire c'est que c'est une décision visant à frapper le transit sur notre territoire. Tous les camions qui passent…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça va frapper aussi les entreprises françaises.
ARNAUD MONTEBOURG
Ah ! Seules celles, si j'ai bien compris…
JEAN-JACQUES BOURDIN
De transport.
ARNAUD MONTEBOURG
Qui transitent. Qu'est-ce c'est le transit, ce sont ceux qui passent en France mais qui ne paient jamais d'impôt…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ça c'est vrai, mais les entreprises françaises qui roulent en France seront aussi pénalisées !
ARNAUD MONTEBOURG
J'ai cru comprendre qu'il ne s'agissait que du transit, donc les entreprises françaises…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ah bon !
ARNAUD MONTEBOURG
Que du transit, si j'ai bien compris, voilà. Mais nous laisserons madame ROYAL faire ses annonces elle-même.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Oui, dernière chose sur ALSTOM, c'est un succès personnel pour vous ou…
ARNAUD MONTEBOURG
Ecoutez ! Je vais vous dire…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Franchement, parce qu'on a dit… vous avez lu tant de choses autour de vous…
ARNAUD MONTEBOURG
Je suis habitué…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Ces derniers temps.
ARNAUD MONTEBOURG
A la critique acerbe. Et je vais vous dire une chose, on s'est moqué de moi lorsque j'ai créé le Fonds de résistance économique, et pourtant grâce au Fonds de résistance économique, où l'Etat fait la banque aux conditions de marché pour sauver des entreprises viables industriellement, on a sauvé KEM ONE, la pétrochimie française, on a sauvé MORY DUCROS, la logistique, une entreprise importante, on a sauvé ASCOMETAL, les aciers spéciaux français, on a sauvé FAGORBRANDT, l'électroménager français et combien d'autres. Donc on peut toujours se moquer, mais il y a des gens dans les entreprises, il y a des ouvriers, il y a des cadres, des ingénieurs, ils nous le disent quand on y va et ils me remercient. Moi, je reçois des lettres de remerciement monsieur BOURDIN, donc j'aimerais…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Donc c'est le succès d'Arnaud MONTEBOURG.
ARNAUD MONTEBOURG
Non, je veux dire c'est le succès de la stratégie du redressement productif, où l'Etat revient en force dans l'économie, et nous en avons besoin…
JEAN-JACQUES BOURDIN
Et ce n'est pas fini.
ARNAUD MONTEBOURG
Pendant des années, des décennies, on a laissé faire, eh bien ! Maintenant c'est terminé. On sait qu'il faut travailler avec l'Etat, et l'Etat – c'est vrai – il n'a pas d'intérêt financier, il n'a que des intérêts industriels et humains, il défend la France et c'est sa noblesse.
JEAN-JACQUES BOURDIN
Merci Arnaud MONTEBOURG.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 24 juin 2014