Déclaration de M. Harlem Désir, secrétaire d'État aux affaires européennes, sur les priorités de la construction européenne, à l'Assemblée nationale le 26 juin 2014.

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Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Le Conseil européen de cette fin de semaine revêt un caractère exceptionnel. L'Europe est à un moment clé. Elle sort de l'une des crises économique et sociale les plus graves de son histoire. Les Européens, lors des élections du 25 mai, ont exprimé leur doute, leurs exigences, leurs attentes.
L'Europe a besoin d'une feuille de route claire pour les cinq prochaines années, afin de renouer durablement avec la croissance, réaliser de grands projets communs dans les domaines d'avenir et retrouver la confiance des citoyens.
L'Europe doit changer - elle doit absolument changer. Elle doit être plus simple, se concentrer sur quelques grandes priorités, avec des objectifs d'efficacité et de résultats. Voilà pourquoi le président de la République a adressé à nos partenaires européens un «agenda pour la croissance et le changement en Europe» autour de cinq grandes priorités.
La première de ces priorités, c'est une nouvelle initiative pour la croissance. Il nous faut consolider la reprise et développer le potentiel de croissance de l'Europe, renforcer sa base industrielle et d'innovation, accroître les investissements au service aussi bien de grands projets structurants que du tissu de nos petites et moyennes entreprises.
Pour cela, il nous faut mobiliser sans tarder les instruments du budget européen 2014-2020 - les fonds structurels, si utiles, le mécanisme pour les interconnexions, le budget de la recherche et de l'innovation Horizon 2020. La Banque européenne d'investissement doit amplifier son action et prendre plus de risques dans le soutien à l'économie réelle. Les project bonds, qui voient le jour, doivent se multiplier.
Cette nouvelle stratégie pour la croissance suppose aussi de développer de nouveaux instruments. Il s'agit d'abord d'orienter l'épargne privée, abondante en Europe, vers le financement des grands projets européens et des entreprises, en créant un plan d'épargne européen. Il convient ensuite de mettre en oeuvre une véritable politique industrielle européenne, en adaptant les politiques européennes de la fiscalité, de la concurrence et du commerce à l'émergence de champions européens.
Il faut mieux coordonner nos politiques économiques au sein de la zone euro et utiliser toutes les flexibilités du pacte de stabilité et de croissance, pour tenir compte des réformes engagées et de la situation économique de l'ensemble de la zone euro et de chacun des États membres. Enfin, nous devons améliorer le fonctionnement de la zone euro, en la dotant d'une présidence permanente, d'un eurogroupe social, d'un eurogroupe industriel et d'une enceinte parlementaire pour renforcer sa légitimité démocratique.
La deuxième priorité, c'est l'affirmation d'une ambition sociale, et d'abord en direction de la jeunesse. La «garantie jeunesse», que nous avons défendue ensemble, doit être effective partout en Europe et prolongée au-delà de 2015 avec les moyens financiers adéquats, que nous proposons de porter à 20 milliards d'euros pour la prochaine législature. L'Europe doit favoriser également l'apprentissage, avec un statut de l'apprenti européen, promouvoir les formations en alternance et accompagner les jeunes qui créent, qui innovent. Elle doit enfin mettre en réseau les agences européennes pour l'emploi afin de permettre à l'ensemble des jeunes, pas seulement aux étudiants, de bénéficier de l'espace de travail européen.
La définition d'une politique européenne de l'énergie et du climat constitue la troisième priorité. L'Europe doit s'unir autour d'objectifs ambitieux : réduire de 40 % nos émissions de gaz à effet de serre d'ici 2030 et porter la part des énergies renouvelables à 27 %, comme l'a proposé la Commission. Elle doit le faire par un accord qui devra intervenir au plus tard lors du Conseil européen d'octobre afin d'aborder en position de force la Conférence de Paris 2015 sur le climat, à laquelle nous attachons une grande importance.
La France est aujourd'hui à l'initiative : au niveau national, avec le projet de loi sur la transition énergétique, et au niveau européen, en travaillant à réconcilier les positions des différents pays. Mais ne nous y trompons pas, la réduction de la dépendance énergétique et l'efficacité énergétique sont indissociables. Cet équilibre est la clé de voûte de la stratégie européenne.
Le quatrième objectif est de renforcer l'espace de liberté, de sécurité et de justice et de bâtir une véritable politique d'immigration commune. Le Conseil européen fixera les orientations du programme post-Stockholm, c'est-à-dire les priorités des cinq prochaines années.
Nous souhaitons garantir les droits et la liberté de circulation à l'intérieur de nos frontières, protéger nos frontières extérieures en luttant contre les filières d'immigration irrégulière et la traite des êtres humains et réguler les flux migratoires, en particulier en Méditerranée, en renforçant l'agence Frontex et en créant à terme des gardes-frontières européens.
Pour cela, il nous faut lutter contre les abus et les fraudes, mettre en œuvre une politique de stabilité vis-à-vis des pays de la rive sud de la Méditerranée. Le Conseil européen devra délivrer un message fort sur cette solidarité entre États membres, pour la mise en place d'une politique d'immigration commune.
Enfin, il nous faut réformer le fonctionnement de l'Union européenne. La mise en œuvre du droit européen ne doit pas créer de contraintes inutiles. L'Europe doit être là où son action est attendue. Elle doit, elle aussi, être soumise à un choc de simplification, pour n'entraver ni l'activité des entreprises ni l'initiative des citoyens. L'organisation interne de la Commission doit refléter ces grandes priorités. Nous proposons donc qu'elle soit structurée en pôles.
La mise en œuvre de ces priorités, au sein de l'Union européenne, devra également s'accompagner d'une affirmation de son rôle sur la scène internationale, avec la construction d'une véritable Europe de la défense, dotée de sa propre base industrielle. Ses procédures, comme sa gouvernance, devront être simplifiées.
Telles sont, Mesdames et Messieurs les Députés, les priorités que nous proposerons à nos partenaires à l'occasion de ce Conseil européen. Il y a urgence, le projet européen a besoin d'une nouvelle orientation, d'une réinitialisation. C'est l'ambition de la France que de développer l'Europe ; elle a besoin de l'engagement de l'Union comme l'Union a besoin d'elle pour renouer avec la croissance, et avec la confiance.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juin 2014