Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à une question sur les attentats terroristes et la mort de Khaled Kelkal, abattu par des gendarmes "en situation de légitime défense", à l'Assemblée nationale le 3 octobre 1995.

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Circonstance : Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale, le 3 octobre 1995

Texte intégral

M. le président. La parole est à M. Yvon Jacob.
M. Yvon Jacob. Monsieur le Premier ministre, la neutralisation du dénommé Khaled Kelkal et de ses complices, grâce à la mobilisation exceptionnelle de l'ensemble des forces de police et de gendarmerie, constitue une avancée indéniable dans la lutte contre le terrorisme islamique.
Au nom du groupe RPR de l'Assemblée nationale, je vous demande tout d'abord de bien vouloir transmettre à l'ensemble des personnels ayant pris part à cette enquête et à l'opération qui a permis de mettre hors d'état de nuire les terroristes nos plus vives félicitations. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Je souhaiterais que vous éclairiez aujourd'hui la représentation nationale sur le degré d'implication de Kelkal et de son groupe dans les attentats qui ont ensanglanté notre pays depuis le début du mois de juillet. Je souhaiterais également que vous nous disiez le sentiment qu'inspire au Gouvernement la polémique indigne que nous voyons se développer dans notre pays et dont certains médias se font les relais complaisants. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. Yvon Jacob. Enfin, quelles initiatives le Gouvernement entend-il prendre afin de poursuivre la lutte contre le terrorisme et de rassurer nos compatriotes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, depuis plus de deux mois maintenant, la France est confrontée au plus grave des défis, celui du terrorisme aveugle et lâche.
Face au péril, les Français ont donné le meilleur d'eux-mêmes, ils ont réagi avec sang-froid et dans l'unité, et je tiens à rendre hommage aux responsables politiques de toutes sensibilités, présents sur tous les bancs de cette assemblée, qui ont fait preuve d'un grand esprit de cohésion et d'une solidarité sans faille.
L'action des forces de sécurité ? la police, la gendarmerie et, dans le cadre du plan Vigipirate, l'armée ? et des autorités judiciaires a permis de faire progresser l'enquête et d'identifier des suspects. L'un d'entre eux, Kelkal, vient d'être abattu par les gendarmes sur lesquels il tirait et qui se trouvaient face à lui, en situation de légitime défense. C'est un point marqué par la loi contre le crime. (Applaudissement sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre), et je salue avec vous le courage et le sens du devoir de nos gendarmes, de nos policiers, de toutes les forces engagées dans cette action.
Or voici que, comme vous l'avez dit, se développe un début de polémique. Au risque d'attiser l'incompréhension et même la haine dans certains secteurs de l'opinion, on va jusqu'à parler d'assassinat délibéré.
Il ne m'appartient pas de me prononcer sur le déroulement de l'enquête que conduisent les autorités judiciaires, et, sur ce point, monsieur le député, je ne pourrai pas répondre à votre légitime curiosité ? c'est à la justice de dire comment progresse l'enquête ?...
M. Alain Marsaud. Très bien !
M. le Premier ministre. ... mais il m'appartient d'affirmer que je ne laisserai pas des gendarmes ou des policiers sans défense quand on leur tire dessus. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
Certes, nous aurions préféré prendre Kelkal vivant, ce qui aurait facilité l'enquête. Il a choisi la violence, il en a payé le prix.
Gardons-nous de cet étrange renversement de valeurs qui pousse certains à manifester plus d'égards à celui qui viole les lois qu'à celui qui les défend (Vifs applaudissements sur les mêmes bancs), au présumé criminel plutôt qu'à la victime désignée.
Pour ma part, je n'oublierai pas la vision des corps déchiquetés par l'explosion de l'attentat du RER dans l'après-midi du 25 juillet dernier. J'assume donc, sans hésiter et sans faiblir, la responsabilité qui est la mienne et qui tient en quelques mots : faire que la loi soit plus forte que le crime. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juillet 2014