Déclaration de M. Alain Juppé, Premier ministre, en réponse à une question sur la journée mondiale de lutte contre la misère et les mesures gouvernementales contre la pauvreté et l'exclusion, à l'Assemblée nationale le 17 octobre 1995.

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Circonstance : Séance de questions au gouvernement à l'Assemblée nationale-journée mondiale de lutte contre la misère le 17 octobre 1995

Texte intégral

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard.
M. Jean-Pierre Brard. C'est aujourd'hui la journée mondiale de lutte contre la misère. Tous ceux qui, sur le terrain, sont confrontés à cette réalité, tous ceux qui s'y intéressent, voient chaque jour s'élargir les fractures, s'aggraver la déstabilisation de familles au sein desquelles se conjuguent la détresse matérielle avec la désespérance morale. Aussi suis-je un peu choqué d'entendre certains de nos collègues dire aujourd'hui en versant quelques larmes de crocodile qu'ils seront présents, ce soir, place du Trocadéro alors qu'ils soutiennent, monsieur le Premier ministre, votre politique qui est à l'origine de cette fracture sociale. (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République). Un peu de dignité et de respect, s'il vous plaît, précisément pour les familles qui sont dans cette situation !
Monsieur le Premier ministre, vous déplorez la fracture sociale mais vous l'approfondissez à chaque fois que vous vous penchez dessus. Parce que, enfin, la hausse du forfait hospitalier, c'est vous ! L'augmentation de la TVA et la réduction du pouvoir d'achat, c'est vous ! (Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. François Grosdidier. Le déficit, c'est vous ! La dette, c'est vous !
M. Jean-Pierre Brard. L'augmentation de la taxe d'habitation pour les familles les plus modestes, mesure qui concernera des millions de personnes en 1996, c'est vous !
Monsieur le Premier ministre, si vous voulez réconcilier les français et la politique, il faut réduire l'écart entre le discours et les actes. Il faut que politique et sincérité puissent se conjuguer. (Exclamations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.) Je vais vous donner immédiatement une occasion de démontrer que vous pouvez faire ce que vous dites. Il est une vieille revendication, mise en avant par la Jeunesse ouvrière chrétienne visant à assurer la gratuité des moyens de transport pour la recherche d'un travail. Cela pourrait être la carte Orange gratuite en Ile-de-France, par exemple.
Monsieur le Premier ministre, quelle mesure comptez-vous prendre pour que les cinq millions de personnes qui sont dépourvues de travail dans notre pays puissent accomplir leurs recherches sans que leurs frais de transport ne viennent réduire encore les faibles moyens dont elles disposent pour faire vivre leur famille ? Concrètement, envisagez-vous la gratuité de la carte Orange en Ile-de-France et des moyens de transport dans les autres parties du pays ?
M. Jacques Myard. On rase gratis !
M. Jean-Pierre Brard. Voilà comment aller, ce soir, place du Trocadéro sans avoir un comportement philistin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste. ? Protestations sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Vous avez fait une longue énumération, monsieur le député, qui témoigne de votre part d'un accès d'amnésie considérable par rapport aux deux septennats qui viennent de s'écouler. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Je me bornerai à vous répondre que le contrat Initiative-emploi, qui permet d'ores et déjà à 70 000 chômeurs de longue durée d'être insérés dans l'entreprise, c'est nous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
Les 10 000 logements d'extrême urgence et les 10 000 logements d'insertion dont M. Périssol a dit tout à l'heure qu'ils seraient prêts pour l'hiver, c'est nous !
Plusieurs députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est nous !
M. le Premier ministre. La prestation autonomie, qui va permettre dans les mois qui viennent à 400 000 personnes âgées de rester à domicile avec une aide pour les gestes de la vie quotidienne, c'est nous ! De nombreux députés du groupe du Rassemblement pour la République. C'est nous !
M. Michel Fromet. L'augmentation du taux de la TVA, c'est vous !
M. le Premier ministre. Alors, ce soir, nous n'aurons aucun scrupule à nous rendre place du Trocadéro pour témoigner de notre volonté de réduire la fracture sociale. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)
M. le président. Nous avons terminé les questions au Gouvernement.Source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 juillet 2014