Texte intégral
M. le président. La parole est à M. Emmanuel Dewees.
M. Emmanuel Dewees. Ma question concerne les propositions à caractère social que la France s'apprête à défendre lors de la toute prochaine conférence intergouvernementale de Turin.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a rappelé récemment dans le journal Libération les tristes statistiques du chômage en Europe : 18 millions de demandeurs d'emplois et vraisemblablement 50 millions de personnes en danger d'exclusion. Le Président de la République ajoutait : « A Turin, les gouvernements devront définir un véritable modèle social qui, seul, permettra d'entraîner l'indispensable adhésion des peuples. L'emploi doit être au coeur de ce modèle social européen. »
Les efforts que vous déployez dans la lutte contre le chômage méritent d'être salués. Mais ils ne porteront jamais pleinement leurs fruits s'ils ne sont pas accompagnés d'une réelle mobilisation de l'Union européenne pour l'emploi.
Vous avez présenté ce matin, en conseil des ministres, un mémorandum intitulé Pour un modèle social européen. Cette initiative nous semble utile. Il est, en effet, indispensable que cette conférence réussisse et qu'elle débouche sur des propositions concrètes répondant aux attentes des peuples européens.
La question que je souhaite vous poser est donc la suivante : pouvez-vous, devant la représentation nationale, indiquer les grandes lignes des propositions contenues dans ce mémorandum ?
M. Jean-Pierre Michel. Arrêtez de dérouler la moquette ! C'est indigne de la représentation nationale.
M. le président. Monsieur Michel, je vous en prie !
M. Jean-Pierre Michel. C'est une question téléphonée !
M. Emmanuel Dewees. Quelles sont, selon vous, monsieur le Premier ministre, les chances de voir ces propositions porter leurs fruits ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Comme vous le savez, monsieur le député, l'Union européenne va vivre, d'ici à la fin de notre siècle, de grands changements : la conférence intergouvernementale, qui commence cette semaine à Turin, puis l'élargissement, qui nous permettra de constituer la grande Europe, la monnaie unique, la nouvelle donne budgétaire, qui devra être définie avant la fin de ce siècle.
Face à tous ces défis, le Président de la République a tenu à fixer la ligne et à définir l'ambition européenne de la France. Il l'a fait en marquant sa volonté de replacer l'homme au coeur de l'aventure européenne. C'est très exactement dans cet esprit qu'a été préparé le mémorandum que j'ai présenté ce matin au conseil des ministres et qui sera adressé dans les tout prochains jours à l'ensemble de nos partenaires européens.
Quelle est l'idée force de ce mémorandum ? C'est qu'il existe, en Europe, un modèle social original et que nous sommes décidés à le défendre et à le promouvoir. Il pourrait en effet être menacé par une conception fataliste de la mondialisation des échanges. Nous sommes, certes, favorables à la mondialisation ? qui est un fait ? mais pas au prix de ce qui fait l'originalité du modèle social européen.
Que signifie ce modèle social ? C'est l'existence d'une protection sociale ; ce sont des règles du jeu social à la fois internationales et nationales ; c'est le dialogue social. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Comme moyen de résoudre les conflits et de les prévenir ; c'est enfin l'affirmation du rôle de l'Etat comme garant de la cohésion sociale et des missions de service public. Voilà les principes que nous avons rappelés dans ce mémorandum.
M. Christian Bataille. Comme c'est émouvant !
M. le Premier ministre. Au-delà des principes, nous faisons un certain nombre de propositions que je résumerai très sommairement, compte tenu du temps de parole dont le Gouvernement dispose pour répondre aux questions.
Première priorité : l'emploi comme objectif numéro un de la politique de l'Union européenne, remettre l'emploi au coeur des préoccupations de l'Union. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Cela signifie beaucoup de choses. D'abord, utiliser le fonds régional et le fonds social européens, qui regroupent chaque année, à eux deux, 20 milliards d'écus de crédits pour l'emploi, et d'abord pour l'emploi.
Ensuite, mettre également au service de l'emploi les technologies de l'information, la politique des grands réseaux, dont M. Barnier vient de parler, et les programmes de recherche au service de l'emploi.
M. Maxime Gremetz. Et les crédits du CNRS ?
M. le Premier ministre. C'est également réfléchir à un nouveau rapport au travail et à de nouvelles formes d'organisation du travail.
C'est enfin le refus obstiné du dumping social.
Entre nous, à quinze, d'abord. Et voilà pourquoi nous réclamons l'adoption de la directive sur le détachement des travailleurs. Lorsque des ressortissants d'un pays de l'Union européenne vont travailler dans un autre pays membre, l'ensemble des règles de rémunération et des règles sociales de l'Etat qui les accueille doivent leur être immédiatement appliquées. C'est un problème de justice et de loyauté.
Refus du dumping social, également, dans les règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Premier axe de ce mémorandum : l'emploi. Deuxième axe : les jeunes. Si nous voulons que les citoyens européens s'intéressent davantage à l'Europe, il faut leur montrer que l'Europe s'intéresse aux jeunes. Le programme Socrates concerne déjà 1 million de jeunes, mais il faut aller plus loin : favoriser l'apprentissage des langues étrangères, les jumelages d'établissements scolaires d'Etat membre à Etat membre, la création d'universités européennes ; réfléchir à la mise au point d'un service volontaire européen pour les jeunes ; enfin, mener une lutte sans merci contre la drogue, fléau qui menace tout particulièrement la jeunesse européenne.
Troisième grand axe : la lutte contre l'exclusion. Nous demandons l'élaboration d'un programme européen contre l'exclusion, d'un programme européen pour les personnes âgées, d'un programme européen pour les quartiers en difficulté. Nous proposons la création d'un observatoire contre le racisme et la xénophobie et l'élaboration d'une charte des droits fondamentaux économiques et sociaux de l'Europe.
Quatrième direction : le dialogue social, avec des thèmes que vous connaissez : temps de travail, emplois de proximité, protection sociale. Nous suggérons aussi la consultation systématique des partenaires sociaux sur tous les textes européens à dimension économique et sociale. Enfin, nous proposons l'intégration du protocole social dans le traité sur l'Union européenne, pour bien montrer notre volonté en ce domaine.
A total, grâce à ce mémorandum, la France reprend l'initiative. Elle est en pointe dans la construction européenne. Elle propose une vision cohérente et ambitieuse. Ce que je souhaite, mesdames et messieurs les députés, c'est que nous nous rassemblions autour du Président de la République pour que la France soit, une fois encore, le moteur d'une Europe à dimension humaniste, généreuse et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)source http://www.assemblee-nationale.fr, le 10 juillet 2014
M. Emmanuel Dewees. Ma question concerne les propositions à caractère social que la France s'apprête à défendre lors de la toute prochaine conférence intergouvernementale de Turin.
Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a rappelé récemment dans le journal Libération les tristes statistiques du chômage en Europe : 18 millions de demandeurs d'emplois et vraisemblablement 50 millions de personnes en danger d'exclusion. Le Président de la République ajoutait : « A Turin, les gouvernements devront définir un véritable modèle social qui, seul, permettra d'entraîner l'indispensable adhésion des peuples. L'emploi doit être au coeur de ce modèle social européen. »
Les efforts que vous déployez dans la lutte contre le chômage méritent d'être salués. Mais ils ne porteront jamais pleinement leurs fruits s'ils ne sont pas accompagnés d'une réelle mobilisation de l'Union européenne pour l'emploi.
Vous avez présenté ce matin, en conseil des ministres, un mémorandum intitulé Pour un modèle social européen. Cette initiative nous semble utile. Il est, en effet, indispensable que cette conférence réussisse et qu'elle débouche sur des propositions concrètes répondant aux attentes des peuples européens.
La question que je souhaite vous poser est donc la suivante : pouvez-vous, devant la représentation nationale, indiquer les grandes lignes des propositions contenues dans ce mémorandum ?
M. Jean-Pierre Michel. Arrêtez de dérouler la moquette ! C'est indigne de la représentation nationale.
M. le président. Monsieur Michel, je vous en prie !
M. Jean-Pierre Michel. C'est une question téléphonée !
M. Emmanuel Dewees. Quelles sont, selon vous, monsieur le Premier ministre, les chances de voir ces propositions porter leurs fruits ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe du Rassemblement pour la République.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Alain Juppé, Premier ministre. Comme vous le savez, monsieur le député, l'Union européenne va vivre, d'ici à la fin de notre siècle, de grands changements : la conférence intergouvernementale, qui commence cette semaine à Turin, puis l'élargissement, qui nous permettra de constituer la grande Europe, la monnaie unique, la nouvelle donne budgétaire, qui devra être définie avant la fin de ce siècle.
Face à tous ces défis, le Président de la République a tenu à fixer la ligne et à définir l'ambition européenne de la France. Il l'a fait en marquant sa volonté de replacer l'homme au coeur de l'aventure européenne. C'est très exactement dans cet esprit qu'a été préparé le mémorandum que j'ai présenté ce matin au conseil des ministres et qui sera adressé dans les tout prochains jours à l'ensemble de nos partenaires européens.
Quelle est l'idée force de ce mémorandum ? C'est qu'il existe, en Europe, un modèle social original et que nous sommes décidés à le défendre et à le promouvoir. Il pourrait en effet être menacé par une conception fataliste de la mondialisation des échanges. Nous sommes, certes, favorables à la mondialisation ? qui est un fait ? mais pas au prix de ce qui fait l'originalité du modèle social européen.
Que signifie ce modèle social ? C'est l'existence d'une protection sociale ; ce sont des règles du jeu social à la fois internationales et nationales ; c'est le dialogue social. (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Comme moyen de résoudre les conflits et de les prévenir ; c'est enfin l'affirmation du rôle de l'Etat comme garant de la cohésion sociale et des missions de service public. Voilà les principes que nous avons rappelés dans ce mémorandum.
M. Christian Bataille. Comme c'est émouvant !
M. le Premier ministre. Au-delà des principes, nous faisons un certain nombre de propositions que je résumerai très sommairement, compte tenu du temps de parole dont le Gouvernement dispose pour répondre aux questions.
Première priorité : l'emploi comme objectif numéro un de la politique de l'Union européenne, remettre l'emploi au coeur des préoccupations de l'Union. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe du Rassemblement pour la République et sur quelques bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre. ? Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe communiste.)
Cela signifie beaucoup de choses. D'abord, utiliser le fonds régional et le fonds social européens, qui regroupent chaque année, à eux deux, 20 milliards d'écus de crédits pour l'emploi, et d'abord pour l'emploi.
Ensuite, mettre également au service de l'emploi les technologies de l'information, la politique des grands réseaux, dont M. Barnier vient de parler, et les programmes de recherche au service de l'emploi.
M. Maxime Gremetz. Et les crédits du CNRS ?
M. le Premier ministre. C'est également réfléchir à un nouveau rapport au travail et à de nouvelles formes d'organisation du travail.
C'est enfin le refus obstiné du dumping social.
Entre nous, à quinze, d'abord. Et voilà pourquoi nous réclamons l'adoption de la directive sur le détachement des travailleurs. Lorsque des ressortissants d'un pays de l'Union européenne vont travailler dans un autre pays membre, l'ensemble des règles de rémunération et des règles sociales de l'Etat qui les accueille doivent leur être immédiatement appliquées. C'est un problème de justice et de loyauté.
Refus du dumping social, également, dans les règles de l'Organisation mondiale du commerce.
Premier axe de ce mémorandum : l'emploi. Deuxième axe : les jeunes. Si nous voulons que les citoyens européens s'intéressent davantage à l'Europe, il faut leur montrer que l'Europe s'intéresse aux jeunes. Le programme Socrates concerne déjà 1 million de jeunes, mais il faut aller plus loin : favoriser l'apprentissage des langues étrangères, les jumelages d'établissements scolaires d'Etat membre à Etat membre, la création d'universités européennes ; réfléchir à la mise au point d'un service volontaire européen pour les jeunes ; enfin, mener une lutte sans merci contre la drogue, fléau qui menace tout particulièrement la jeunesse européenne.
Troisième grand axe : la lutte contre l'exclusion. Nous demandons l'élaboration d'un programme européen contre l'exclusion, d'un programme européen pour les personnes âgées, d'un programme européen pour les quartiers en difficulté. Nous proposons la création d'un observatoire contre le racisme et la xénophobie et l'élaboration d'une charte des droits fondamentaux économiques et sociaux de l'Europe.
Quatrième direction : le dialogue social, avec des thèmes que vous connaissez : temps de travail, emplois de proximité, protection sociale. Nous suggérons aussi la consultation systématique des partenaires sociaux sur tous les textes européens à dimension économique et sociale. Enfin, nous proposons l'intégration du protocole social dans le traité sur l'Union européenne, pour bien montrer notre volonté en ce domaine.
A total, grâce à ce mémorandum, la France reprend l'initiative. Elle est en pointe dans la construction européenne. Elle propose une vision cohérente et ambitieuse. Ce que je souhaite, mesdames et messieurs les députés, c'est que nous nous rassemblions autour du Président de la République pour que la France soit, une fois encore, le moteur d'une Europe à dimension humaniste, généreuse et solidaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe de l'Union pour la démocratie française et du Centre.)source http://www.assemblee-nationale.fr, le 10 juillet 2014