Interview de Mme Carole Delga, secrétaire d'Etat au commerce, à l'artisanat, à la consommation et à l'économie sociale et solidaire, à "RMC" le 15 juillet 2014, sur la défense de la gastronomie française et la publication du décret sur le "fait maison".

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Média : Emission Forum RMC FR3 - RMC

Texte intégral

FABIEN CROMBE
Le fait maison, on va en savoir plus ce matin, à partir d'aujourd'hui, un petit logo arrive dans nos restaurants sur les plats à la carte, le fait maison pour garantir une cuisine particulière, une cuisine faite sur place, un plat entièrement cuisiné sur place. Carole DELGA est avec nous. Bonjour.
CAROLE DELGA
Bonjour.
FABIEN CROMBE
Secrétaire d'Etat, chargée du Commerce, de l'artisanat, de la consommation. Vous êtes à l'origine, vous avez fait ce décret, un décret qui est très commenté, qui s'applique à partir d'aujourd'hui, ce logo fait maison, qu'est-ce qu'il a pour but pour d'abord les cuisiniers ?
CAROLE DELGA
Alors pour les cuisiniers, c'est reconnaître un savoir-faire, l'art de travailler sur place des produits, et puis, également, pour les consommateurs d'avoir une information qui est de qualité, et qui est fiable et qui est aussi visible.
FABIEN CROMBE
Alors, le débat, c'est qu'on a ce logo qui nous dit : on indique des plats entièrement cuisinés sur place, à base de produits bruts, et on s'aperçoit que ces produits, ça ne veut pas dire forcément des produits frais, ils peuvent être surgelés, fumés, salés, prédécoupés, prétranchés, pré-décortiqués, bref, est-ce qu'on n'a pas la crainte avec ce logo fait maison, qui fleure bon le petit plat de la grand-mère, de mettre sur le même plan, avec ce logo, une cuisine avec des produits frais et une cuisine faite à base de produits bruts sortis d'usine et surgelés, qui sont autorisés par ce logo ?
CAROLE DELGA
Alors, le fait maison s'inscrit dans une politique globale de valorisation de la gastronomie française, puisque c'est quand même un des fleurons de notre France, notre gastronomie, nous avons le fait maison et nous avons une deuxième étape, qui est le label, bien sûr, de maître restaurateur. Le maître restaurateur, c'est en effet des produits qui sont faits à partir de produits frais, et également avec services de qualité, avec des circuits courts pour l'approvisionnement. Le fait maison, c'est l'acte de cuisiner sur place, c'est l'acte de préparer, le fait maison, c'est le contraire de la cuisine d'assemblage. Donc le fait maison, c'est une première étape, la deuxième étape, c'est le titre de maître restaurateur. Il faut voir cela dans son ensemble…
FABIEN CROMBE
On avait besoin de deux niveaux ? Ça ne complique pas pour le consommateur ?
CAROLE DELGA
Non, ça ne complique pas, je pense que le consommateur est tout à fait apte de comprendre que dans la cuisine, il y a différents niveaux, cela permet surtout d'avoir une traçabilité qui est forte, une lisibilité ; actuellement sur toutes les cartes de France, on pouvait mettre fait maison sans qu'il y ait de réglementation, le décret permet d'avoir une définition, permet aussi d'avoir des contrôles, et permet également de communiquer sur ce savoir-faire propre à la France.
FABIEN CROMBE
Alors, il y a deux exemples particuliers, tout à l'heure, Philippe TOINARD justement, chroniqueur gastronomique, nous disait qu'il avait du mal à voir la différence avec une cuisine d'assemblage, alors que c'était le but du logo, en nous prenant l'exemple de chair de crabe, et il nous faisait une verrine en fait avec que des produits qu'il avait reçus, des chairs de crabe déjà préparées, il rajoutait une feuille de salade, et il faisait sa petite verrine, et ça devenait un plat fait maison, et il nous disait : voilà, on ne s'éloigne pas de la cuisine d'assemblage, et pourtant, tout d'un coup, là, j'ai mon logo.
CAROLE DELGA
Non, parce que dans une verrine, à ce moment-là, il faut qu'il y ait une sauce, et la sauce, elle doit être faite maison, donc si c'est une mayonnaise, la mayonnaise doit être faite maison…
FABIEN CROMBE
Alors, le fond de sauce par exemple, du moment qu'on le précise, ça peut être fait maison ?
CAROLE DELGA
Oui, mais un fond de sauce, ça ne permet pas de faire juste la sauce, il faut à partir du fond de sauce rajouter d'autres ingrédients pour faire une sauce !
FABIEN CROMBE
Alors, je vois que par exemple, je peux faire du fait maison sans faire mon pain, sans faire ma crème fraîche, sans faire ma pâte feuilletée, le fond de sauce, à partir du moment où je le précise, même sans ma choucroute, je peux aussi faire venir ma choucroute, donc ça fait quand même des petits détails, mais crème fraîche, pâte feuilletée, pain, on se dit : ben, oui, mais à ce moment-là, rapidement, ce n'est plus vraiment du fait maison.
CAROLE DELGA
Mais ce produit-là, enfin, ces produits que vous venez de citer sont des produits qui ne sont jamais faits en restaurant, les restaurants ne font pas le riz, ne font pas leur pain, les consommateurs en sont…
FABIEN CROMBE
Non, mais la pâte feuilletée par exemple, on peut se dire qu'elle est faite…
CAROLE DELGA
Mais la pâte feuilletée, c'est quand même un…
FABIEN CROMBE
Pour un plat fait maison, pour un étiquetage fait maison, ça ne me choque pas que dans ma brasserie, ma pâte feuilletée, elle soit déjà faite, je ne suis pas choqué par ça, mais si on me propose le fait maison, là, je trouve ça plutôt surprenant que, du coup, ma pâte feuilletée soit déjà prête.
CAROLE DELGA
La pâte feuilletée, c'est une dérogation, c'est-à-dire, toutes les autres pâtes, la pâte sablée, la pâte brisée, doivent être faites sur place, la pâte feuilletée est assez complexe à faire, elle demande énormément de temps, c'est pour ça qu'il y a une dérogation pour ce type de pâte. Ensuite, il faut voir que sur la choucroute, vous me citiez, c'est la choucroute fermentée, après, elle doit être cuite sur place…
FABIEN CROMBE
A chaque fois, il y a un détail…
CAROLE DELGA
Non, mais la cuisine, elle est complexe…
FABIEN CROMBE
J'imagine que pour boucler un logo comme ça, oui, j'imagine…
CAROLE DELGA
La cuisine est complexe en France.
FABIEN CROMBE
J'imagine qu'il a dû y avoir pas mal de pressions au niveau de l'agroalimentaire pour faire passer certaines choses ; difficile à mettre en place un logo pareil ?
CAROLE DELGA
Mais oui, mais quand on crée une nouvelle appellation, c'est toujours compliqué, mais ce qui est important, c'est d'avoir une information qui est juste, qui correspond aussi à la complexité de la cuisine, et qui permet d'avoir un équilibre entre la lisibilité, l'information du consommateur et la réalité, et puis surtout, la volonté du gouvernement de soutenir la gastronomie en France.
FABIEN CROMBE
Alors, ce soutien de la gastronomie, au sens large, puisque, on l'a vu, c'est soit produits frais achetés et prêts, et tout faits sur place ou le plat est cuisiné sur place, mais on a reçu de la viande surgelée, du poisson surgelé ou des légumes prédécoupés, on l'a compris. Pour le client, quel avantage vous espérez en tirer ?
CAROLE DELGA
Pour le client…
FABIEN CROMBE
Pour la consommation notamment.
CAROLE DELGA
Tout à fait, mais pour le client, c'est que, maintenant, fait maison, ça a une définition, alors que, il y a de ça quelques jours, il n'y avait pas de définition, donc il y a un contrôle qui peut être fait à partir de textes réglementaires, et cela permet aussi au client d'avoir confiance dans cette cuisine de qualité, ce qui fait vraiment l'image de la France. Parce que nous avons fait plusieurs sondages qui ont démontré que pour les Français, et que pour les touristes étrangers, d'avoir une mention qui explique simplement, mais de façon certaine, ce que c'est que la cuisine française, c'est un plus.
FABIEN CROMBE
Et il y avait ce besoin ? Pourquoi ce logo aujourd'hui ? Qu'est-ce qui était nécessaire en gros ?
CAROLE DELGA
Il était nécessaire justement de réglementer cette disposition du fait maison, d'avoir une définition précise avec des dérogations aussi précises pour que ça soit encadré…
FABIEN CROMBE
En fait ça, en fait, c'est la difficulté, c'est-à-dire que vous avez choisi un logo avec une casserole et un toit de maison, le principe, c'est de dire fait maison, et je pense que pour le public, fait maison, ça parle, mais ça parle justement du petit plat mitonné. Et comme il y a énormément de dérogations, c'est la difficulté de dire : oui, c'est fait maison, mais il y a aussi des produits prédécoupés et pré-surgelés, c'est ça qui est difficile en fait, c'est à la fois la simplicité du fait maison et la complexité de la cuisine.
CAROLE DELGA
Oui, mais dans ce que vous indiquez, vous mentionnez : c'est cuisiné sur place, mais c'est bien ça le fait maison, et là, le décret remplit ces conditions-là, c'est bien cuisiné sur place. Après, en effet, il est toléré par exemple que pour les myrtilles, elles aient été surgelées, et quand on fait une tarte aux myrtilles, à ce moment-là, on fait sa pâte brisée soi-même, on met les myrtilles surgelées, ça, le consommateur est à même de l'entendre et à même de le comprendre. Et puis, comme je l'ai dit, c'est : le fait maison ne se limite pas, il y a aussi le titre au-dessus qui est maître restaurateur, et qui permet de valoriser cela.
FABIEN CROMBE
Qui existait déjà, lui, maître restaurateur…
CAROLE DELGA
Qui existait déjà depuis cinq ans, mais que nous allons en fait compléter, que nous allons faire monter en gamme. Il y a aussi un autre groupe de travail qui va être mis en place à la rentrée sur le métier de cuisinier, donc c'est un ensemble de dispositifs qui est mené par le gouvernement…
FABIEN CROMBE
On est en train d'encadrer un petit peu cette profession et sa visibilité pour la clientèle, et…
CAROLE DELGA
C'est cela exactement, c'est soutenir…
FABIEN CROMBE
Quel grade je vais voir de cuisinier ou quel grade de cuisine je vais voir…
CAROLE DELGA
C'est soutenir la gastronomie française parce que c'est une image de la France pour le tourisme en France, mais aussi pour le tourisme à l'international, donc il est nécessaire qu'il y ait des réglementations, et qu'il y ait un soutien fort de la part du gouvernement.
FABIEN CROMBE
Ce logo, je peux le voir à partir d'aujourd'hui ?
CAROLE DELGA
Ce logo, vous pouvez le voir en effet à partir d'aujourd'hui.
FABIEN CROMBE
Merci beaucoup d'être venue nous voir, Carole DELGA.
CAROLE DELGA
Merci à vous.
FABIEN CROMBE
Secrétaire d'Etat, chargée du Commerce, de l'artisanat, de la consommation, mais aussi de l'économie sociale et solidaire, pour être tout à fait précis.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 18 juillet 2014