Texte intégral
Monsieur le Directeur général,
Mesdames et Messieurs les Conseillers et les Attachés,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un grand plaisir et beaucoup d'intérêt que je participe aujourd'hui à vos travaux, dans le cadre de la rencontre annuelle de notre grand réseau de coopération et d'action culturelle. C'est la première fois que j'ai ainsi l'honneur d'intervenir devant vous tous. Car même si j'ai déjà rencontré certains d'entre vous lors de mes déplacements, je n'ai pas encore eu le temps d'aller partout... Je tenais donc à saisir cette occasion pour échanger avec vous et vous faire part de mes premières réflexions, quelques mois après ma prise de fonctions.
Depuis deux ans, la majorité a démontré son attachement aux enjeux qui sont au cœur de votre activité. Le président de la République et Laurent Fabius ont initié une ambitieuse refondation de notre politique de développement et de solidarité internationale. Cette refondation, c'est avant tout plus de clarté, plus de lisibilité, plus de transparence pour plus d'efficacité !
Plusieurs temps sont nécessaires pour y parvenir.
Le premier temps, c'était celui de la concertation. Les Assises du développement et de la solidarité internationale de l'hiver 2012/2013 ont rassemblé, au fil de 15 tables rondes, l'ensemble des acteurs du développement et de la solidarité internationale : des ONG, du Nord comme du Sud, des entreprises, des syndicats, des parlementaires et des élus locaux ainsi que des chercheurs.
Ensuite ce fut le temps du débat parlementaire, qui s'est achevé fin juin avec l'adoption de la loi de programmation et d'orientation relative à la politique de développement et de solidarité internationale. Le débat a été riche, parfois vif, mais toujours passionné car ce sujet mobilise. Il fait partie des valeurs universelles que porte la République. Et l'approbation de notre politique par le Parlement qui en résulte ne constitue pas seulement un progrès démocratique, elle donne de la légitimité à votre action, à notre action. La loi donne un cadre législatif et programmatique aux grandes orientations stratégiques de la politique de développement et de solidarité internationale.
Le cadre est donc désormais clair et partagé : l'objectif principal est de promouvoir un développement durable dans ses composantes économique, sociale et environnementale. Nos priorités sectorielles sont confirmées. L'égalité entre les hommes et les femmes ainsi que la lutte contre le changement climatique sont des priorités transversales. En termes de géographies, la loi réaffirme la priorité accordée à l'Afrique et à la Méditerranée, avec une attention particulière portée aux États fragiles.
Nous entrons désormais dans une nouvelle phase, qui est celle de la mise en œuvre de ces orientations. C'est le cœur de mon message aujourd'hui : il faut s'assurer que les bonnes intentions sont mises en pratique dès maintenant. Cette loi nous oblige. L'efficacité que nous appelons de nos vœux doit devenir une réalité tangible.
Et vous, qui êtes sur le terrain, vous serez en première ligne de ce chantier. J'ai toute confiance en votre capacité à traduire au quotidien le contenu de la loi.
C'est vous qui assurerez la réussite de cette politique. Et cette politique doit réussir, notamment au regard de trois enjeux globaux qui me semblent tout à fait majeurs.
Le premier enjeu, c'est d'apporter une réponse aux jeunesses du Sud. Aujourd'hui, il y a 1,2 milliard de jeunes âgés de 15 à 24 ans. Ils devraient être 1,5 milliard en 2035. Pour la seule Afrique subsaharienne, 25 millions de jeunes arriveront sur le marché du travail chaque année dès 2025.
Ces jeunes sont les travailleurs, les consommateurs, les citoyens et les dirigeants de demain. Ils constituent un enjeu majeur de développement et de solidarité, mais aussi d'influence. Ils sont une formidable opportunité, un facteur de changement considérable dont nous ne mesurons sans doute pas encore tout le potentiel. Ils peuvent, notamment en Afrique, être le moteur de l'innovation et de la prospérité économique des années à venir, mais uniquement si les sociétés qui les accueillent leur offrent des opportunités à la mesure de leurs aspirations.
Cela suppose de mettre en place un ensemble de politiques publiques adaptées. Je pense aux actions en faveur de la formation et de l'emploi, de l'égalité femmes-hommes, de la santé (le VIH/Sida touche particulièrement les jeunes) mais aussi de la citoyenneté, tout en stimulant l'environnement économique.
Je n'ai pas l'intention de bouleverser notre dispositif au service d'une nouvelle priorité. Mais il se trouve que nous menons déjà des actions significatives dans ces différents domaines. En revanche, cette orientation «jeunesse» est insuffisamment lisible et visible. Il apparaît important de la renforcer, de lui donner une plus grande cohérence, de bien l'identifier et la valoriser. Je compte sur vous pour y parvenir rapidement.
Il nous faut accompagner, en particulier en Afrique francophone, la mise à niveau d'un enseignement de base de qualité, étendu au collège, permettant une alphabétisation durable et un parcours réussi vers la formation ou l'emploi. Le développement de nouveaux outils numériques pour l'apprentissage du français devra être encouragé.
Le réseau français dans son acception large est déjà mobilisé, de l'AFD à l'institut français, en passant par les ambassades, mais cette action reste encore peu valorisée. L'AEFE devra y prendre toute sa part en s'investissant davantage dans la coopération éducative - je sais qu'elle travaille en ce sens.
Nous devons aussi adapter et développer l'enseignement et la formation techniques et professionnels en répondant à la demande de compétences plus opérationnelles et plus en phase avec les opportunités d'emploi. La formation en alternance a fait ses preuves. Il faut la soutenir. La formation dans le secteur informel est capitale, tant ce secteur est prédominant, notamment en Afrique. Pour cela, il nous faut innover, mobiliser davantage les ONG, les associations professionnelles mais aussi les entreprises locales et françaises, et notamment les entreprises porteuses d'initiatives d'économie inclusive. Il nous faut aussi développer la formation professionnelle aux métiers agricoles et aux métiers ruraux non agricoles, ou dans des branches avec un potentiel d'emploi. Nos partenaires le souhaitent, nos entreprises en expriment le besoin, la fondation franco-africaine pour la croissance, lancée hier, nous le montre, nous avons les capacités de le faire, l'AFD ayant une expertise reconnue sur ce terrain. Il n'y a pas à hésiter !
Mais l'éducation est un combat perdu si les conditions sociales et sanitaires ne sont pas réunies. Il nous faut poursuivre notre lutte pour la santé des jeunes, notamment des adolescents. En développant l'accès à la santé des enfants et des femmes. En promouvant les droits sexuels et reproductifs. En luttant contre le VIH/Sida et les maladies associées.
Le second enjeu majeur auquel nous devons faire face, vous le connaissez bien : c'est la protection de l'environnement et la lutte contre le dérèglement climatique. Laurent Fabius et l'ensemble du gouvernement est pleinement mobilisé à l'approche de la Conférence climat Paris 2015.
Les engagements de réduction d'émissions des grands émetteurs, pays développés ou émergents, sont souvent vus comme essentiels. Ils le sont, certes, mais ne permettront pas seuls de réussir un accord ambitieux à Paris en 2015. La mobilisation des 150 autres pays, dont les émissions comptent peu dans l'équilibre global, mais pour lesquels le dérèglement climatique est un enjeu de survie, sanitaire, humain (migration), social (urbanisation) ou économique (enjeux agricoles) est indispensable.
L'enjeu est avant tout un enjeu de développement. Si rien n'est fait, le dérèglement climatique remettra en cause des années d'efforts de développement, par exemple en termes de mortalité infantile ou de lutte contre la désertification. L'accord de Paris devra donc être universel dans sa portée (c'est-à-dire s'appliquer aussi bien aux pays avancés qu'aux pays en développement) et global dans son approche (c'est à dire aborder aussi bien les enjeux d'atténuation que les enjeux d'adaptation, notamment dans leur dimension financière).
J'aurai l'occasion de revenir sur la traduction concrète de cette stratégie cet après-midi. Mais je tiens ici à souligner un message qui vous concerne particulièrement : il est crucial d'encourager l'appropriation des enjeux climatiques par les autorités politiques de ces 150 pays, notamment en Afrique et au sein de l'Alliance des Petits États Insulaires en Développement. L'enjeu, c'est qu'ils soient audibles dans la négociation avec des demandes claires répondant à leurs besoins, et pas «à reculons», sous l'emprise d'une méfiance diffuse et donc difficile à surmonter.
Je vais donc m'impliquer dans ce dialogue, pour écouter ces pays, comprendre leurs aspirations et leurs craintes. Mais ce travail d'appropriation dépasse tous les entretiens bilatéraux que je pourrai avoir : il nécessite un vrai débat public, associant les sociétés civiles et les milieux économiques. C'est un travail minutieux, qui implique d'identifier sur chaque territoire les acteurs du changement et de l'immobilisme. Ce travail, vous seuls pouvez le mener, au plus près de vos terrains, en mobilisant les outils à votre disposition. Je vous demande de vous y engager personnellement, avec vos chefs de postes.
L'autre enjeu majeur, c'est la mise en œuvre d'une meilleure régulation de la mondialisation. Les entreprises se sont mondialisées mais les pratiques sociales, qui sont au cœur du modèle français et européen, n'ont pas aussi aisément traversé les frontières. C'est une évidence bien connue, mais la tragédie du Rana Plaza au Bangladesh l'an dernier nous l'a brutalement rappelé. Sur cette question grave, il ne faut faire preuve ni d'angélisme ni de cynisme mais de détermination.
Le développement économique et humain nécessite l'implication de tous les acteurs - les États, les institutions internationales, les sociétés civiles, mais aussi bien sûr les entreprises. Dans le soutien au développement économique, on a trop longtemps séparé l'action de l'État de l'action des entreprises. En réalité, les deux y concourent et doivent y concourir de façon complémentaire, de façon cohérente, de façon efficace.
Mais la reconnaissance du rôle des entreprises amène aussi à une plus grande reconnaissance de leurs responsabilités. Je pense en particulier à leur responsabilité sociale et environnementale. Toutefois, les initiatives menées en solitaire ne feraient que pénaliser notre propre économie, sans pour autant se traduire par de résultats tangibles. Il nous faut donc convaincre, pour que cet effort de régulation soit partagé, porté par tous. Je vois trois pistes d'action.
La première, c'est de poursuivre notre plaidoyer pour un renforcement des normes dans toutes les enceintes internationales pertinentes. D'ailleurs, la loi qui vient d'être promulguée rappelle très clairement l'engagement de la France à promouvoir le renforcement des critères de RSE auprès de nos partenaires. Elle souligne aussi notre volonté d'encourager les entreprises françaises à appliquer les principes directeurs de l'OCDE et des Nations unies.
Au-delà des enceintes multilatérales, nous devons aussi agir sur le terrain. Convainquons les gouvernements partenaires qu'il est bénéfique, pour leur population, d'élever leur niveau d'exigence, notamment dans les marchés publics. Aidons-les à mettre en place les cadres législatifs et réglementaires adaptés. C'est la deuxième piste d'action.
Et justement, la réforme nationale de l'expertise technique sera un moyen de peser davantage en ce sens - j'y reviendrai. Ensemble, soyons volontaristes, portons haut nos valeurs et permettons aux entreprises françaises d'être perçues comme des partenaires privilégiés pour les décideurs des pays en développement ou émergents. Vous travaillez au quotidien dans les postes avec nos partenaires et avec les entreprises ; votre rôle dans ce domaine est majeur.
Enfin, troisième axe de travail en la matière, il faut encourager les initiatives innovantes des entreprises en faveur du développement.
- Innovation technologique : les entreprises ont un rôle de premier plan à jouer dans la lutte contre le dérèglement climatique par exemple, dans le cadre de l'agenda positif ;
- Innovation numérique, qui sera essentielle pour l'éducation de demain, j'en ai déjà parlé, ou pour le renforcement de la francophonie ;
- Innovation financière, parce qu'en ces temps difficiles au niveau budgétaire, il faut savoir faire mieux avec moins ;
- Innovation sociale enfin, parce que nous devons soutenir les entreprises exemplaires, qui intègrent des préoccupations de développement durable dans leur cœur d'activité, parce qu'elles y ont intérêt, mais bien entendu, également parce qu'elles sont en quête d'un surcroit de sens que réclament de plus en plus fréquemment les salariés ou les consommateurs.
Emmanuel Faber, directeur général délégué de Danone, m'a remis le mois dernier un rapport rédigé avec Jay Naïdoo sur cette thématique. Ce rapport trace plusieurs pistes d'accompagnement. Elles méritent d'être approfondies. L'AFD y travaille actuellement et nous devrons collectivement identifier les acteurs pertinents, les idées novatrices, les moyens de partager ces innovations à grande échelle, pour le bien du plus grand nombre.
Toutefois, je ne partage pas le diagnostic posé vendredi dernier par M. Faber dans Le Monde, selon lequel l'aide publique au développement serait à bout de souffle. Au contraire, je crois qu'elle est plus utile que jamais, si elle sait s'adapter à la nouvelle donne d'aujourd'hui. Mais cela implique qu'elle revisite ses concepts, s'ouvre aux autres acteurs, qu'elle soit plus audacieuse et plus catalytique.
Voilà ce que je souhaitais vous dire sur ces trois thèmes qui me semblent prioritaires pour répondre, au moins partiellement, aux trois défis majeurs qui se posent à nous, dans un contexte plus global, celui de la structuration des objectifs de développement durable, qui sera «l'autre» grand rendez-vous structurant de 2015, au même titre que Paris-Climat.
Voilà pour la partie développement. Dans mon portefeuille ministériel, il y a aussi la francophonie. Et d'ailleurs, je ne crois pas qu'il faille dissocier les deux volets. Bien au contraire ! Le développement et la Francophonie se complètent.
Sur la jeunesse, le lien est évident. Le dynamisme de la jeunesse dans les pays francophones du Sud ouvre des perspectives prometteuses pour la pratique de la langue française. Actuellement, 60 % de la population des pays francophone a moins de 30 ans. Et ce n'est qu'un début. Certaines projections suggèrent un potentiel de 700 millions de locuteurs francophones en 2050, dont plus de 80 % en Afrique. C'est au-dessus de la croissance de la population mondiale attendue sur la période.
Mais je le répète : c'est un potentiel. Rien ne nous garantit que ce sera le cas. Tout dépendra de la capacité des systèmes éducatifs de ces pays et de nos opérateurs à former cette jeunesse dans notre langue. Et à ce rythme, ce n'est pas acquis ! C'est pourquoi nous devons renforcer notre effort en faveur des systèmes éducatifs à travers nos systèmes de coopération. Pour que le français reste enseigné à grande échelle, à bon niveau et qu'il soit utilisé dans le milieu professionnel.
Des initiatives encourageantes existent déjà et je suis sûre que nous pouvons réussir. Je reviens du Conseil des ministres européens en charge du développement, qui se déroulait à Florence et où j'ai pu constater le dynamisme des formations Esabac, donnant lieu à l'obtention d'un double baccalauréat français et italien. À Madagascar, où j'ai inauguré l'extension du lycée français de Tananarive, j'ai pu voir à quel point l'utilisation des nouvelles technologies dans l'enseignement est déjà une réalité. De telles initiatives existent partout et doivent nous donner confiance en l'avenir.
Nous devons aussi encourager la mobilité étudiante et le suivi des anciens étudiants, qui constituent un relai d'influence. Campus France est un outil formidable dont le potentiel doit être pleinement utilisé.
La francophonie, c'est aussi un instrument politique, qui regroupe des pays partageant des valeurs communes. Elle doit donc se positionner sur les grands enjeux du moment, notamment :
- l'agenda post 2015, en particulier sur les questions d'éducation ou pour le droit des femmes
- la préparation de Paris climat 2015.
Ces sujets seront à l'ordre du jour du sommet de Dakar. Nous devons porter ensemble la même ambition !
Le lien entre francophonie et entreprises est moins direct mais tout aussi réel. L'environnement des affaires (le droit des affaires par exemple), les références économiques, comme les marques ou les modèles de développement (délégation de service public) sont des connaissances partagées, inconsciemment le plus souvent, et donc profondément marquantes.
Ce brassage est encore plus fort en matière culturelle. Les industries culturelles et créatives et les médias le savent bien. Et je tiens à saluer la présence aujourd'hui de TV5 Monde, de RFI, de France 24.
Nous devons capitaliser sur ces points communs, sur ces communautés de valeurs et d'intérêt ! Le président a commandé à Jacques Attali un rapport sur la dimension économique de la francophonie. Ses conclusions sont attendues à la fin du mois d'août, une partie du sommet de Dakar sera par ailleurs consacrée à l'élaboration d'une stratégie économique de la francophonie. Le sujet est sur la table. Saisissons-le !
C'est dans cette optique, et de façon très pragmatique, que j'envisage de travailler sur la francophonie. J'aurai d'ailleurs l'occasion d'y revenir ce soir au Palais de Tokyo. Mais sachez que mon ambition, c'est de rendre la francophonie encore plus dynamique et la langue française encore plus attractive.
Sur tous ces chantiers, votre mobilisation est d'autant plus nécessaire que, comme l'a rappelé Laurent Fabius ce matin en ouvrant vos travaux, les défis qui nous attendent au cours des prochains mois sont considérables. La mobilisation de l'ensemble du réseau est absolument essentielle pour notre politique de développement. Le réseau, c'est vous bien sûr, mais aussi sur le terrain vos partenaires et je pense en particulier à l'AFD, acteur pivot de notre politique de développement sur le terrain.
Tout d'abord, vous êtes ceux qui permettrez de faire de l'efficacité autre chose qu'un concept ou une injonction... L'efficacité doit devenir une réalité tangible. Ne vous méprenez pas : je sais fort bien que vous n'avez pas attendu la loi ou mon arrivée au gouvernement pour travailler dans un souci d'efficacité. Mais les objectifs sont aujourd'hui posés.
Le sens de mon message, c'est qu'au moment où le gouvernement a demandé des efforts conséquents aux Français pour le redressement des comptes publics, nous devons démontrer plus systématiquement l'utilité de nos actions. Nous assumons les économies car c'est un effort qui s'impose à tous les budgets. Une plus grande efficacité a donc pour but de compenser la stabilisation des moyens à disposition. Nous avons un devoir d'efficacité et de transparence envers les contribuables et les populations que nous aidons. Il nous faut pour cela renforcer la cohérence des actions avec l'ensemble des acteurs du développement, là où chacun est le plus efficace.
Très concrètement, je vois quatre déclinaisons de ce principe :
La première, c'est l'évaluation de nos actions. Mesurer l'impact de chaque action engagée. Pas dans une logique punitive ou comptable mais dans une démarche de prise en compte des retours d'expérience pour améliorer la qualité de nos actions au bénéfice des publics ciblés. La loi définit une trentaine d'indicateurs. Tous ne sont pas pertinents dans votre action quotidienne : à vous de voir, dans chaque situation, comment intégrer cette exigence.
La seconde, c'est la recherche de l'effet de levier par le partenariat : cela passe notamment par un travail d'influence auprès de tous les instruments multilatéraux, européens ou autres, présents dans vos pays et auxquels la France contribue.
Les sommes en jeu dépassent bien souvent l'enveloppe dont vous disposez en gestion directe. En RDC, par exemple, le Service de coopération et d'action culturelle dispose d'une enveloppe d'1,3 millions d'euros en gestion directe mais les fonds investis par la France dans le pays à travers l'ensemble des opérateurs et des bailleurs multilatéraux (FED, Fonds mondial...) s'élève à une cinquantaine de millions d'euros. À vous d'orienter et de valoriser ces investissements.
J'ai signé hier, à Florence, l'acte constitutif du fonds Békou, un fonds multi-bailleurs pour la RCA. Je suis fière que cette initiative soit la concrétisation d'une idée française. C'est un autre exemple de cette démarche partenariale où les moyens que nous investissons en propre permettront de mobiliser nos partenaires sur nos priorités. Ce sont plus de financement, une meilleure coordination locale, plus de cohérence et in fine, plus d'efficacité et plus d'impact !
Un mot sur un grand chantier qui a été ouvert dans le cadre de la loi : la réforme de l'expertise technique internationale. Nous allons rassembler sous une seule bannière des acteurs aujourd'hui éparpillés dans tous les ministères, pour créer un seul opérateur, capable d'embrasser, à terme, tous les enjeux, tous les secteurs : il sera universel, en termes de masse critique financière, en termes de compétences ; il s'appuiera sur nos experts dans les différents ministères partenaires, pour la promotion de nos savoir-faire et de projection d'influence... Ce n'est pas un rêve, c'est une réalité en marche. Ce matin-même, le préfigurateur a été nommé en conseil des ministres. Je gage que cette unification attendue de l'offre publique française en matière d'expertise technique internationale vous épargnera bien des tracas
Troisième déclinaison : plus d'efficacité, c'est aussi plus de transparence. Lors d'un déplacement au Mali, j'ai pu voir comment la mise en ligne, sur Internet, des projets menés pouvaient y contribuer. Les citoyens peuvent nous interpeller très vite sur ce qui n'a pas réellement été fait, ce qui ne va pas. C'est un vrai moyen pour connaître et entreprendre les démarches correctives nécessaires. La publication des informations relatives à l'aide va être généralisée à l'ensemble des pays pauvres prioritaires. L'objectif est que, à terme, tous les citoyens puissent consulter en ligne le détail de chaque projet que nous menons dans ces 16 pays. Ils seront consultables aussi bien en France que dans les pays partenaires. Et je vous demande à tous de porter une grande attention aux retours que l'on peut vous faire sur ces projets : ils sont indispensables pour mieux faire et pour ne pas gaspiller les moyens financiers.
Quatrième déclinaison : pour être plus efficace, il faut également innover. Et j'ai pu constater ce matin l'ampleur de votre mobilisation au service de l'innovation. Comme je vous l'ai dit, Emmanuel Faber et Jay Naidoo m'ont remis il y a quelques semaines un rapport qui montre l'importance d'innover. Les conclusions de ce rapport vous seront présentées dans le cadre d'un atelier cet après-midi. L'innovation est avant tout un état d'esprit, une mise en mouvement - et je constate avec satisfaction que cet esprit vous anime, dans vos actions au quotidien, à travers le monde, dans vos postes respectifs.
Enfin l'autre élément structurant de nos actions, c'est la proximité. La rénovation de la politique française de développement, c'est aussi son ouverture résolue envers les acteurs du développement dans leur diversité et la reconnaissance de l'importance de la concertation dans l'élaboration et la mise en œuvre de la politique de développement. La loi d'orientation et de programmation pour le développement l'affirme très clairement.
Et quand je dis «travailler tous ensemble», je pense à tous les acteurs représentés dans le nouveau Conseil national du Développement et la Solidarité internationale, et qui travaillent sur le terrain. Je pense aux acteurs présents dans les territoires et impliqués dans des projets de développement, et qu'il faut accompagner. Je pense aux collectivités territoriales dont le rôle est reconnu dans la nouvelle loi. Je pense aux ONG, bien sûr, particulièrement actives et engagées, mais je pense aussi aux entreprises : ce sont des acteurs dont le rôle doit non seulement être reconnu mais aussi encouragé, accompagné, dans des logiques de co-création où chaque partenaire apporte le meilleur de son expertise au service de la réalisation d'un projet commun.
C'est tout l'intérêt du CNDSI, qui est un espace de dialogue multi-acteurs voulu par le président de la République. Il permet d'échanger avec tous les acteurs sur les objectifs, les orientations, la cohérence et les moyens de la politique française de développement. En somme, il permet à chacun de «s'apprivoiser» au sens où le Petit Prince entendait ce terme...
Mais cette concertation que je crois fructueuse, ne doit pas avoir uniquement lieu à Paris. Non, elle doit être généralisée dans les pays partenaires. Écoute des besoins des populations, concertation avec les pays partenaires, réponses apportées aux initiatives locales doivent être des pratiques du quotidien. L'attention portée à la société civile doit jouer un rôle prépondérant. C'est une condition pour comprendre les besoins, adapter son action, débusquer les initiatives qui méritent d'être soutenues et qui produiront le plus d'impact.
Enfin, pour ceux qui travaillent dans un environnement régional comportant une ou plusieurs collectivités d'outre-mer, je veux attirer votre attention sur la nécessité de s'appuyer sur l'une des grandes richesses de notre pays contribuant à son rayonnement. Je veux parler des territoires ultra-marins.
La loi le précise clairement pour le développement : les collectivités d'outre-mer devront être informées des projets menés dans leur environnement régional. Ce doit être aussi le cas de notre action culturelle. Notre politique de développement doit pouvoir s'appuyer sur leur savoir-faire et leurs réseaux dans le cadre d'une politique de développement régional. Je souhaite que vous soyez attentifs à cela.
La proximité, c'est aussi faire connaitre les actions entreprises par notre diplomatie auprès de l'ensemble de nos concitoyens. 2015 sera l'année européenne du développement. C'est une opportunité extraordinaire pour mettre en avant les projets portés. Car si nos concitoyens continuent à soutenir massivement la solidarité internationale, ils souhaitent aussi en être mieux informés. J'espère que vous pourrez faire remonter des projets innovants, des projets qui donnent envie à la jeunesse de France de s'impliquer dans du volontariat, de soutenir les actions menés dans les pays les moins avancés. Pour ceux d'entre vous qui êtes basés dans un pays européen, c'est le moment de mettre en avant des projets portés conjointement par nos deux pays. Il y a là une très belle occasion de faire connaître ce que la France fait, de ce que vous réalisez au quotidien.
Enfin, dernier point de méthode : restons positifs ! Le climat politique actuel est difficile. L'action de la France en matière d''aide publique au développement reste encore peu visible, et n'est souvent abordée par les journalistes qu'à travers le prisme de la baisse des moyens.
Mais l'aide au développement va bien au-delà des enjeux budgétaires, c'est une démarche. Vous le savez, c'est votre quotidien, et au-delà, ce sera un des grands sujets de discussion onusien de l'année 2015.
Ainsi, aussi bien sur le fonds que sur la forme, le cycle vertueux voulu par le président de la République (passage de la coopération au développement, Assises du développement, projet de loi structurant, exigence de transparence et de concertation) porte ses fruits. Si nos moyens budgétaires sont mis à l'épreuve, c'est une raison de plus pour que nos efforts en faveur d'une aide plus efficace, moins opaque, plus concertée soient visibles et porteurs de résultats.
La politique de développement et la politique culturelle de la France ne sont pas anodines. Elles ne sont pas marginales. Non, elles sont au cœur de notre République car elles permettent d'affirmer et de véhiculer ses valeurs. Des valeurs de générosité. Des valeurs humanistes. Des valeurs universelles. Ces politiques font la fierté de la France et raffermissent sa voix dans le monde. Oui, votre travail quotidien fait bouger les lignes. Soyez en fiers ! Il contribue à construire un monde plus humain. Et c'est là le plus essentiel.
Je vous remercie.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 juillet 2014