Déclaration de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, en hommage aux militaires français intervenant au Mali, à Gao le 16 juillat 2014.

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Circonstance : Déplacement en République du Mali, le 16 juillet 2014

Texte intégral


Mon général,
officiers, sous-officiers et soldats,
Le 14 juillet dernier, alors que la France entière se rassemblait autour de nos armées, pour célébrer la fête nationale et rendre un hommage particulier aux soldats de la Grande Guerre, à plus de 3 000 kilomètres de la métropole, dans la région d'Al Moustarath, l'explosion d'un véhicule suicide emportait la vie d'un soldat français et en blessait six autres. L'adjudant-chef Dejvid Nikolic, sous-officier du premier régiment étranger de génie a été grièvement blessé dans l'explosion. Il a succombé de ses blessures quelques heures plus tard.
Comme je l'ai fait la semaine dernière en Centrafrique, après les incidents de Bambari et de Bangui au cours desquels dix soldats ont été blessés, j'ai tout de suite souhaité venir auprès de vous.
Aujourd'hui, je partage votre tristesse, mais je vous apporte aussi, au nom du Président de la République et en mon nom personnel, tout notre soutien dans les moments difficiles que vous traversez. Dans ces moments de deuil, de souffrance collective, il est clair pour moi que ma place est ici, à vos côtés.
J'associe à ce premier hommage les députés, qui ont marqué hier solennellement, à l'Assemblée nationale, une minute de silence à la mémoire de l'adjudant-chef Nikolic. Car lorsqu'un de nos soldats tombe au combat, c'est bien la Nation entière qui se trouve aujourd'hui endeuillée.
J'associe enfin à cet hommage le Président malien que j'ai rencontré hier soir et qui m'a présenté au nom de son pays ses plus sincères condoléances.
Mes pensées vont bien sûr à l'adjudant-chef Nikolic. Alors que son régiment défilait fièrement sur les champs Élysées, il a payé de sa vie son engagement au service de la France et de ses valeurs. Son sacrifice marque, une nouvelle fois, l'engagement sans faille de nos légionnaires au service de leur pays d'adoption. Ils le font depuis 1831 avec honneur et fidélité.
Je pense aussi, bien sûr, à sa famille et ses amis. Je sais que les armées, dans la Légion et dans son régiment en particulier, à travers ses camarades, feront tout pour apporter réconfort et aide, aujourd'hui, mais aussi car c'est toute votre force, dans la durée. Car la Légion ne pleure ni n'oublie ses morts : elle les honore.
Je pense également avec émotion à vos six camarades, légionnaire, marsouins et bigors, blessés dans leur chair, qui ont été rapatriés en métropole dans les meilleurs délais : le capitaine Duboisdendien et le caporal Li Hip du 3e RAMA ; le sergent Ulrich, le caporal-chef Bigot et le caporal-chef Tite du régiment de marche du Tchad ; enfin le brigadier-chef Demange du 1er régiment étranger de cavalerie.
Les nouvelles que j'ai pu obtenir ce matin sont rassurantes. C'est l'occasion pour moi de saluer ici le professionnalisme et la réactivité exemplaires de nos médecins, infirmiers et auxiliaires sanitaires. A chacun de mes déplacements, je constate que leur action au plus près, et parfois au cœur de nos engagements, est l'un des piliers de la qualité opérationnelle de nos forces en opération. Je veux les en remercier devant vous.
Votre mandat, comme celui de vos prédécesseurs, est mené d'une manière exemplaire. Vous en faites l'expérience, la situation au Mali et plus généralement au Sahel n'est pas encore stabilisée. L'action de groupes armés et des mouvances terroristes fragilise l'ensemble de la région, alors qu'au Mali une issue politique tend aujourd'hui à se dessiner. C'est dans ce contexte opportun que viennent de débuter, à Alger, des négociations qui rassemblent l'ensemble des protagonistes autour de la médiation algérienne.
Les événements de Kidal, il y a deux mois, ont servi de révélateur aux décideurs politiques du Mali, mais aussi de toute la région, sur les dangers du statu quo actuel voire de la compétition stérile des multiples négociations étrangères. Ces entretiens d'Alger doivent maintenant permettre l'instauration d'un dialogue inclusif et l'amorce d'une réconciliation entre tous les Maliens. Ces négociations constituent à cet égard une étape essentielle vers une sortie politique de la crise au Mali.
Nos ennemis, les ennemis du Mali, ont bien compris tout l'enjeu des événements qui se déroulent aujourd'hui à Alger.
Nos ennemis, les ennemis du Mali, se nourrissent de tous les trafics et prospèrent grâce à l'insécurité rampante et la constitution de zones grises.
Nos ennemis, les ennemis du Mali, cherchent à augmenter leur liberté d'action pour conduire leurs méfaits.
Ils ont frappé vos frères d'armes de la MINUSMA et des FAMA. Aujourd'hui, ils s'attaquent aux soldats français, parce que notre opération contrarie leurs desseins. Il nous faut donc redoubler de vigilance pour maintenir l'espoir et apaiser les tensions, en particulier dans le quart nord-est du pays. A nous, avec les forces armées maliennes et la MINUSMA, de relever collectivement ce défi. Je sais que vous y êtes déjà pleinement engagés, avec détermination et courage.
Dans cette mission, vous pouvez compter sur vos chefs en qui j'ai toute confiance. Vous pouvez également vous appuyer sur l'ensemble des moyens dont nous disposons sur la bande sahélo-saharienne, avec l'opération Barkhane que le Président de la République vient de dévoiler officiellement, et qui deviendra une réalité dans quelques jours à N'Djamena. La régionalisation de notre action permettra d'apporter cohérence et complémentarité dans un dispositif que j'ai souhaité global, car couvrant toute la bande sahélo-saharienne.
Ici, à Gao, au sein du Fuseau Ouest, il appartient désormais au Groupement Désert de poursuivre sa mission. Son objectif est clair : éradiquer la menace terroriste du Nord-Mali. Soyez certains de la détermination du Président de la République à conduire cette mission jusqu'à son terme.
Malgré le deuil et une peine que je partage avec vous, la mission continue. C'est votre honneur de soldat que de dépasser ces circonstances, et de mener à bien la mission cruciale qui vous a été confiée.
Dans cette perspective, vous avez toute ma confiance.
Vive la République ! Vive la France !
Source http://www.defense.gouv.fr, le 23 juillet 2014