Communication en Conseil des ministres de M. Alain Juppé, Premier ministre, sur la conférence intergouvernementale de Turin et la décision de la France de présenter un mémorandum pour l'Europe sociale, Paris le 27 mars 1996.

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Circonstance : Communication en Conseil des ministres le 27 mars 1996

Texte intégral

Dans quelques jours, la Conférence intergouvernementale va s'ouvrir à TURIN. Cette conférence est essentielle, parce qu'elle va permettre à l'Europe d'affronter l'élargissement de l'Union Européenne aux pays d'Europe centrale et orientale dont nous avons été séparés depuis 50 ans.
Mais les réformes institutionnelles indispensables sur lesquelles cette conférence devra déboucher l'an prochain ne doivent pas occulter une donnée encore plus importante : la finalité même de la construction européenne, c'est avant tout la défense et la promotion d'un modèle social qui constitue notre patrimoine commun.
Or ce modèle social est menacé par les bouleversements que connaît l'économie mondiale, et qui ont conduit à ce que 18 millions de nos concitoyens connaissent le chômage, et que près de 50 millions d'entre eux soient dans une situation de précarité qui les menace d'exclusion. Ceci n'est pas acceptable, et cela constitue un danger pour la cohésion de nos pays.
C'est pourquoi la France, sous l'impulsion du Président de la République, a pris l'initiative de proposer à ses partenaires un mémorandum, soumis à l'approbation du Conseil des ministres d'aujourd'hui, et qui vise à la fois à préciser les contours de ce modèle social européen et à ouvrir des pistes pour le renforcer et en assurer la pérennité.
Le mémorandum, à l'élaboration duquel les autorités françaises ont travaillé depuis le début de l'année, constitue la première contribution de la France à un débat à la fois national et européen que nous appelons de nos voeux, et qui doit déboucher le plus rapidement possible à la fois sur des décisions concrètes (adoption de certains textes comme la directive sur le détachement des travailleurs,...) et sur une nouvelle étape de la réflexion, associant à la fois la Commission, nos partenaires, les élus et l'ensemble des partenaires sociaux.
Cette réflexion doit porter à la fois sur la question, centrale, de l'emploi -qui doit être davantage au coeur des politiques communautaires- et sur le nécessaire renforcement de la dimension humaine de l'Europe, qui doit prouver qu'elle est davantage à l'écoute des citoyens.
Pour ce faire, il sera nécessaire que les décisions européennes puissent associer plus étroitement les partenaires sociaux, et que, grâce à l'intégration dans le Traité du protocole social signé par 14 Etats membres, l'Union acquière la capacité de décision qui lui manque.
Enfin, l'élargissement qui donnera à l'Union Européenne sa véritable dimension ne saurait se faire sans que la dimension sociale n'en soit prise en compte.
C'est à ce prix que l'Europe pourra à nouveau parler au coeur de nos concitoyens, et à celui des citoyens de tous les Etats membres, et que la construction européenne cessera d'être l'abstraction qu'elle est devenue dans l'esprit de beaucoup, même parmi ceux qui, par ailleurs, en reconnaissent la nécessité.Enfin, il importe que tous les membres du gouvernement agissent, dans leurs domaines respectifs, pour garantir le succès de cette initiative qui constitue une dimension essentielle de la politique européenne de la France.