Texte intégral
Bonjour. J'avais convié aujourd'hui les parlementaires français pour que nous puissions à la fois avoir un échange sur les priorités européennes de la France et sur la méthode de travail que je propose d'établir entre les parlementaires européens français, de tous les groupes, de toutes les sensibilités, et le gouvernement, pour s'assurer qu'ils soient le mieux informés possible des positions défendues par la France au sein du Conseil sur les grands enjeux d'avenir, comme le soutien à la croissance, à l'investissement.
Nous pensons qu'après les élections européennes, après l'élection d'un nouveau président de la Commission européenne, comme nous l'avons nous-mêmes exprimé dans le document transmis par la France à ses partenaires, la priorité est bien la relance de la croissance, la création d'emploi. C'est ce que nous avons proposé à nos partenaires dans le cadre de notre «agenda pour la croissance et le changement» auquel nous entendons évidemment associer pleinement le Parlement européen.
Nous sommes d'ailleurs très satisfaits que le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, ait repris dans son programme de travail présenté devant le Parlement européen et le Conseil européen, cette priorité au soutien à l'investissement. Il a proposé un plan très proche de celui que nous avions nous-mêmes mis en avant, de 300 milliards d'euros sur les trois prochaines années, un plan à la fois d'investissements publics et privés, en mobilisant tous les moyens disponibles, en particulier ceux de la BEI que nous avions déjà renforcés pour pouvoir investir dans les infrastructures en matière de transport, d'énergie mais aussi dans la recherche, dans l'innovation, dans la formation, dans le soutien à l'emploi des jeunes.
Ce programme de travail reprend également la priorité que nous avions fixée, de bâtir une Europe de l'énergie. On le voit avec la crise ukrainienne, il faut que l'Europe soit capable d'assurer sa sécurité énergétique et donc, là encore, d'avoir une plus grande solidarité, d'avoir des réseaux de transport de l'énergie, du gaz, de l'électricité qui soient mieux interconnectés entre les différents pays européens, d'investir dans des capacités de production qui remplissent en même temps les exigences du développement durable, donc davantage d'énergie renouvelable.
L'Europe doit être un leader mondial de ce point de vue parce qu'il faut lier cet enjeu de la sécurité énergétique avec la lutte contre le changement climatique, et la baisse des émissions de gaz à effet de serre.
Pour la France, c'est une très grande priorité. Nous allons accueillir la conférence mondiale sur le climat en 2015. Il faut que l'Europe y arrive unie, d'abord avec une position commune - et la France y travaille -, mais aussi avec des propositions et en montrant comment, dans le monde de demain, on peut à la fois avoir une énergie à un prix abordable qui réponde aux besoins de compétitivité de l'économie des entreprises mais aussi aux besoins des ménages, et en même temps faire en sorte que cette énergie soit moins polluante, qu'elle ait moins d'incidence négative sur le climat.
Ce qui est en jeu, c'est l'avenir de la planète, c'est un très grand enjeu de transformation du modèle de croissance en Europe et c'est vraiment une question qu'on ne peut pas traiter de façon séparée, pays par pays. Il n'y a qu'ensemble qu'on arrivera à relever ces défis.
Nous sommes aussi évidemment très attachés à défendre l'espace de liberté, de sécurité et de justice européen, à ce qu'il y ait une politique d'immigration commune, à ce qu'on ne laisse pas les pays du sud de l'Europe, les pays de la Méditerranée seuls face aux drames qui s'y déroulent.
Nous avons donc trouvé dans le programme de travail du président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, des propositions que nous avions nous-mêmes mises en avant, pour qu'il y ait par exemple des gardes-frontières européens et qu'il y ait une politique mieux coordonnée de migration et d'asile sur le plan européen.
Et puis, avec les parlementaires européens, nous avons eu un échange sur la façon de nous assurer que les idées, les propositions françaises puissent être bien comprises, bien relayées au sein du Parlement européen, qu'il y ait aussi une coordination peut-être plus importante entre les parlementaires européens et les parlementaires nationaux parce que tous les sujets qui sont traités au Parlement européen concernent la vie quotidienne des Français.
Ils peuvent concerner l'environnement, comme nous venons de l'évoquer, mais aussi les services publics, la politique des transports et aussi, de plus en plus, notre politique extérieure. C'est ensemble, Européens, avec nos partenaires allemands en particulier, que nous traitons ces sujets, comme l'Ukraine. Il faut donc qu'il y ait un lien avec le Parlement national. En tant que secrétaire d'État aux affaires européennes, je veux aider à ce lien, à cette coordination qui est utile pour la France et pour bien mettre en oeuvre les politiques européennes en France mais qui est utile aussi pour nous assurer de l'influence des positions françaises au sein des institutions européennes, en particulier au sein du Parlement européen.
Q - Quelle est votre lecture, votre interprétation politique de l'échec du sommet de Bruxelles sur les nominations ?
R - Hier soir, le Conseil européen s'est réuni. Il a notamment traité de deux grandes questions liées à la situation internationale, en Ukraine et au Proche-Orient. Il a pris des positions et des décisions, en particulier sur l'Ukraine, pour aboutir à un cessez-le-feu, avec un nouveau degré de sanctions. Il faut faire preuve à la fois de fermeté et de dialogue, comme nous le faisons depuis le sommet de Bénouville, où pour la première fois, pendant les cérémonies du débarquement en Normandie, le président de la République avait permis que s'organise une rencontre entre le président ukrainien Petro Porochenko et le président russe Vladimir Poutine. Un certain nombre d'engagements ont été pris, qui devaient permettre la libération des otages, la sécurité de la frontière ukrainienne, la désescalade, qui n'ont pas été respectés. Il est donc nécessaire qu'il y ait une pression supplémentaire pour rétablir le dialogue et aboutir à un cessez-le-feu réel, respecté et à une solution diplomatique, parce que ce que nous voulons, c'est l'apaisement.
Et puis il y a eu, en plus des questions internationales, la question des nominations. Après l'élection du président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, les chefs d'État ou de gouvernement ont eu un échange sur le futur président du Conseil européen, le futur Haut représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune et le président de l'Eurogroupe et les membres du Collège des Commissaires. Il y avait des positions différentes.
Les chefs d'État ou de gouvernement ont simplement constaté que les discussions devaient se poursuivre et ont décidé d'une méthode, puisque la Commission actuelle est en fonction jusqu'à la fin du mois d'octobre et le président du Conseil européen jusqu'à la fin du mois de novembre. Il faut utiliser ce temps pour permettre au président de la Commission européenne de constituer le Collège des Commissaires.
Il y aura donc un nouveau sommet à la fin du mois d'août. Dans l'intervalle, tous les pays devront transmettre au président élu de la Commission européenne leur proposition de commissaire d'ici à la fin du mois de juillet. Le président élu de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, fera une proposition de composition de ce Collège des 28 commissaires, avec les responsabilités qui seront affectées à chacun des Commissaires. Cette étape devra donc être finalisée d'ici à la fin du mois d'août, d'ici au prochain Conseil européen.
Au mois d'août, sur la base de cette répartition qui aura permis à chaque État membre de savoir quelle est la responsabilité qu'il pourra occuper, les chefs d'États et de gouvernements pourront désigner à la fois le Haut-Représentant, qui est en fait le premier vice-président. Nous, nous souhaitons d'ailleurs que ce soit une femme. Le président de la Commission européenne est un homme, il est bon qu'il y ait un équilibre de genres au sein de la Commission européenne.
Nous souhaitons également qu'il y ait un équilibre politique. Il était normal que la famille politique qui a gagné les élections européennes, celle de Jean-Claude Juncker, le PPE, puisse avoir le président de la Commission européenne. Nous avons respecté ce résultat. Mais je crois que, compte tenu du fait qu'il y a à la fois au sein du Conseil européen mais aussi au sein du Parlement européen une forte représentation de la composante socialiste et social-démocrate, il est normal que le premier vice-président, qui doit donc être une première vice-présidente, soit de la composante et de la sensibilité politique socialiste ou social-démocrate.
Puis il y aura un débat sur le président ou la présidente du Conseil européen. D'ailleurs, ce serait peut-être bien qu'il s'agisse là aussi d'une femme puisqu'aujourd'hui le président de la Commission européenne est un homme, la présidente du Conseil européen pourrait être une femme.
Nous pensons aussi qu'elle pourrait être de sensibilité progressiste, pour respecter l'équilibre, puisqu'aujourd'hui vous avez 12 Premiers ministres ou chefs d'État au sein de l'Union européenne qui sont de sensibilité socialiste ou social-démocrate, et il faut, pour que l'Europe avance, que soit respectée sa diversité politique. Les discussions d'hier ont permis d'établir cette méthode, et maintenant il faudra donc aboutir sur des nominations.
Mais ce qui a occupé le plus les chefs d'État et de gouvernement hier soir, cela a été la discussion autour du programme de travail présenté par Jean-Claude Juncker, c'est-à-dire les priorités pour la croissance, pour l'emploi, pour l'Europe de l'énergie, pour la politique d'immigration commune qui devront être celles de l'Europe pour les cinq prochaines années.
Il était important, de même que le Parlement européen avait entendu Jean-Claude Juncker cette semaine avant de l'investir comme président de la Commission européenne, qu'hier, le Conseil européen, donc les chefs d'État ou de gouvernement puissent consacrer l'essentiel de leur réunion à la discussion avec le président de la Commission européenne sur les priorités pour répondre aux attentes des citoyens européens et à la nécessité d'une relance de l'Europe.
Q - Et pourquoi est-ce que le Commissaire français ne pourrait pas être une femme, aussi, parce que le Parlement européen demande davantage de femmes dans la composition de la Commission. Et ici, en tout cas au Parlement européen, des conservateurs, notamment français, ont déjà dit qu'ils seraient opposés à la nomination de M. Moscovici. Or, il a été confirmé comme candidat pré-désigné.
R - Il doit y avoir un équilibre de genre dans le Collège des commissaires. Il y a des pays qui ont proposé des hommes, des pays qui ont proposé des femmes et le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker va évidemment être très attentif, très vigilant, comme le Parlement européen, à ce qu'il y ait au total, sur le Collège des 28 commissaires, le respect d'un certain équilibre en termes de parité, de diversité.
Il ne peut pas y avoir moins de femmes dans le prochain Collège des commissaires qu'il y en a dans l'actuel. Il y a neuf commissaires femmes et je pense qu'il faut qu'il y en ait un plus grand nombre dans le prochain Collège. C'est cette discussion entre le président de la Commission européenne et chacun des États membres qui va permettre d'aboutir à cet équilibre. Et cet équilibre doit être obtenu à l'échelle des 28, puisque chacun des États membres n'a qu'un candidat, il ne peut pas proposer un homme et une femme.
Q - Et la France a proposé un homme ?
R - Le président de la République fera connaitre la proposition de la France. Pour l'instant, elle n'a pas encore été communiquée officiellement.
Q - Comment s'est passé le dialogue avec les élus du Front national ce matin ?
R - Ce matin, ils ne sont pas intervenus dans le débat, mais j'ai dit depuis déjà plusieurs semaines, depuis l'élection du Parlement européen, que je souhaitais pouvoir traiter de façon égale tous les députés européens, et donc tous les députés européens étaient invités ce matin, de même que j'ai rencontré les chefs de délégations de toutes les sensibilités, de tous les groupes.
À partir du moment où les députés veulent avoir une attitude constructive, personnellement je serais disponible. Et je souhaite que tous les députés européens puissent être informés des positions françaises, c'est-à-dire des positions défendues par le gouvernement français sur les grands dossiers européens, qu'il s'agisse de l'emploi, de la croissance, de l'Europe de l'énergie, de l'espace de liberté et de sécurité, de la politique d'immigration commune, de la politique étrangère, de l'Ukraine. Je traite donc de façon absolument égale l'ensemble des sensibilités politiques.
Q - Vous avez évoqué ce matin avec les députés la perte d'influence française au Parlement européen ?
R - Je ne pense pas qu'il faille partir de cette idée. La France a 74 députés au Parlement européen (...) Il faut que ceux qui sont dans les groupes qui ont une influence décisive puissent jouer pleinement leur rôle, et je vois qu'il y a de nouveau une vice-présidente française du Parlement européen, ce qui n'était pas le cas dans la précédente mandature. Il y a deux présidents de Commission, il y a de nombreux vice-présidents de Commission, il y a des vice-présidents de groupes. La France est un pays qui a une influence qui tient à la fois à son histoire dans la construction européenne, aux idées qu'elle peut apporter, et en particulier celles qu'a défendues le président de la République et qui ont été largement reprises par le nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, l'emploi, la croissance, la jeunesse, l'énergie. Et il revient aussi aux parlementaires européens français de faire valoir les positions de la France dans les commissions et les groupes du Parlement européen.
Merci beaucoup.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 juillet 2014