Déclaration à la presse de M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international, sur le crash du vol d'Air Algérie sur le sol malien, à Paris le 28 juillet 2014.

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Mesdames, Messieurs,
Ce matin, tous les drapeaux ont été mis en berne sur les édifices publics de notre pays. Ils le seront pour trois jours, conformément à la décision du président de la République, en hommage aux victimes de la catastrophe aérienne du vol Air Algérie AH5017.
Cette décision avait été annoncée samedi après-midi ici, au Quai d'Orsay, aux proches (ils étaient plus de 150) des 54 victimes françaises de la catastrophe.
Il s'agissait d'exprimer à ces familles et à leurs proches, extrêmement dignes dans leur douleur, la solidarité de la Nation.
Il s'agissait aussi de leur apporter les réponses les plus concrètes possibles sur ce que les pouvoirs publics ont fait, sur ce que nous faisons et sur ce que nous ferons, en liaison avec les pays concernés, c'est-à-dire le Mali et l'Algérie en premier lieu, mais aussi le Burkina Faso, l'Espagne, et tous les autres pays, pour que la lumière soit faite sur les causes de la catastrophe, pour que les corps soient, dans toute la mesure du possible, identifiés et rendus, et pour accompagner chaque famille psychologiquement, administrativement, et juridiquement dans cette terrible épreuve.
Avant de laisser la parole au secrétaire d'État chargé des transports et au chef d'état-major des armées, je voudrais revenir sur quelques éléments :
D'abord l'enquête : elle avance, sous l'autorité du pays qui en a la charge au titre des conventions internationales, c'est-à-dire le Mali, et en coordination étroite avec l'Algérie.
Notre priorité a été la sécurisation du site et l'établissement, sur les lieux mêmes de la catastrophe et non d'une base logistique à grande distance. C'est maintenant chose faite.
À l'heure où nous vous parlons, 170 militaires français sont déployés sur les lieux de la catastrophe. Ils seront 200 ce soir accompagnés par des forces maliennes et par des hommes de la force des Nations unies au Mali.
Les experts en charge de l'enquête et de l'identification des victimes sont arrivés sur les lieux dans la journée de samedi. S'agissant des experts français, ils sont 22 : personnels du BEA, de la gendarmerie des transports aériens, de l'unité nationale d'identification des victimes de catastrophes. Cette équipe internationale compte aussi 3 experts maliens, 10 experts espagnols (nationalité de l'avion et de l'équipage) ainsi qu'une quinzaine d'experts algériens. Elle sera rejointe par des experts américains puisque les États-Unis sont les fabricants de l'avion.
Ce matin, à 6h45, les deux boîtes noires de l'appareil sont arrivées à l'aérodrome Paris Charles-de-Gaulle en provenance de Bamako. Ces boîtes noires avaient été remises hier à notre ambassadeur au Mali, conformément à la décision du procureur de la République de Tombouctou et à l'autorisation du président malien de la commission d'enquête. Le travail d'analyse des enregistreurs de vol peut désormais commencer dans les laboratoires du BEA, en coordination avec les autorités concernées, à commencer par l'Algérie et le Mali.
Le recueil des dépouilles des victimes est également engagé sur place par les experts français, algériens et maliens présents sur le site. Il se fait, vous le savez, dans des conditions extrêmement difficiles du fait que les restes sont «pulvérisés», que la chaleur est accablante avec en outre des pluies et l'extrême difficulté des communications et des transports. Il s'agit pourtant d'une priorité absolue.
Des démarches ont été engagées pour permettre que les opérations d'identification des dépouilles puissent ensuite être conduites en France, en coopération avec des experts des 14 autres pays dont des ressortissants figurent parmi les victimes, en présence de ces experts s'ils le demandent. Tout sera mis en oeuvre pour que les corps des victimes puissent être identifiés, mais il s'agit, je le répète, d'un travail long, minutieux et extrêmement complexe.
S'agissant des causes de la catastrophe, il est trop tôt pour livrer des certitudes. Toutes les hypothèses seront examinées dans le cadre de l'enquête. Ce que nous savons d'une façon certaine, c'est que la météo était mauvaise cette nuit-là, que l'équipage de l'avion avait demandé à se dérouter, puis à rebrousser chemin avant que le contact soit perdu, et que le site est relativement réduit, sur environ 300 mètres, et jonché de débris de petite taille.
Le Parquet de Paris a engagé dès jeudi une enquête préliminaire pour homicides involontaires (une qualification qui peut évoluer en fonction des éléments de l'enquête). Une information judiciaire sera engagée demain avec désignation de juges d'instruction.
Dans ces jours et ces heures, notre pensée va naturellement d'abord aux familles et aux proches, que nous devons accompagner tout au long de cette épreuve.
La cellule de crise du ministère des affaires étrangères qui les a accueillis est toujours active pour leur apporter son aide. Elle contribue dès aujourd'hui, en liaison avec le Parquet de Paris, à recueillir l'ensemble des documents nécessaires à la production, d'ici la fin de la semaine, des certificats de décès des victimes, le jugement valant acte de décès. Une adresse email destinée aux familles a été créée. Je la rappelle : familles.cdc@diplomatie.gouv.fr.
Dans les prochaines heures, un coordonnateur, M. Pierre-Jean Vandoorne, sera officiellement nommé par le Premier ministre pour assurer l'aide aux familles dans toutes ses dimensions. Ce diplomate confirmé, déjà rompu à ce type de mission (il a assuré une fonction analogue auprès des familles des victimes du vol Air France Rio-Paris), sera épaulé par un haut fonctionnaire de l'aviation civile, M. Aubas.
Cette équipe de coordination assurera le lien entre les familles, l'administration, l'autorité judiciaire, les sociétés d'assurance, la compagnie Air Algérie, les associations de soutien aux victimes qui jouent un rôle que je veux saluer et, le cas échéant, les autorités internationales. Car, j'y insiste, la compétence juridique, technique et les souhaits des différents pays sont et seront respectés. Toutes les dimensions seront traitées, qu'il s'agisse de l'information des familles sur l'avancement de l'enquête, de leurs démarches d'indemnisation, de leur prise en charge et de leur soutien.
Cette équipe de coordination sera en place dès demain au Centre de crise du ministère des affaires étrangères.
Le président de la République s'est engagé à ce que les proches des victimes françaises puissent, dès que les circonstances le permettront, aller se recueillir sur le site de la catastrophe. C'est une demande parfaitement légitime. L'organisation pratique de ce déplacement sera définie en liaison étroite avec l'association qui se constitue autour des familles des victimes françaises.
Par la suite, un lieu de recueillement permanent sera mis en place, en liaison là aussi avec les autorités concernées, pour que la mémoire des victimes puisse être honorée.
Mesdames et Messieurs, les boîtes noires sont donc désormais examinées par le BEA, le site est sécurisé, les enquêteurs sont à l'oeuvre, le recueil des corps est engagé, les autorités internationales sont associées, l'équipe de coordination est choisie, les divers engagements pris sont pleinement respectés.
Une nouvelle réunion d'information sera organisée, d'ici quelques semaines, pour veiller au suivi des engagements et informer les familles des derniers éléments de l'enquête.
Pour ma part, avec mes collègues, je continuerai de vous informer en toute transparence sur les différents éléments utiles.
Je donne maintenant la parole au secrétaire d'État aux transports, puis au chef d'état-major des armées, qui complèteront les informations que je viens de vous donner.
Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 29 juillet 2014