Interview de Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, de la ville, de la jeunesse et des sports à Europe 1 le 28 juillet 2014, sur la loi sur l'égalité hommes-femmes, notamment sur la notion de situation de détresse en cas de recours à l'IVG.

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Média : Europe 1

Texte intégral


NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Bonjour.
MAXIME SWITEK
Je n'ai rien oublié ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Rien merci.
MAXIME SWITEK
Rien oublié. Que répondez-vous aux sénateurs UMP qu'on a entendu dans le journal de 8h00, l'UMP je le rappelle a saisi le conseil constitutionnel au sujet de votre loi sur l'égalité homme-femme, sur un point précis, les femmes qui auront recours à un IVG n'auront plus désormais à invoquer une situation de détresse. C'est ce que prévoyait la loi VEIL, cette notion est supprimée, l'UMP ne l'accepte pas, que répondez-vous à l'UMP ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
L'UMP n'accepte donc pas la décision qui a été prise par le Parlement lui même puisque cette disparition de la condition de détresse pour pouvoir procéder à une IVG, a fait l'objet d'une discussion animée, vous vous en souvenez au Parlement, c'était il y a quelques mois et que le Parlement a tranché très largement en sa faveur, donc l'UMP a tout à fait le droit de porter un recours devant le conseil constitutionnel. Mais je voudrais, si vous me permettez-vous expliquer en deux mots le sens de cette disposition. La loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes a un objet, c'est de lever les obstacles qui s'opposent encore aujourd'hui à l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. On sait qu'on est dans un pays dans lequel les femmes ont obtenu un certain nombre de droits, mais on voit bien que dans la réalité, ça ne se passe pas tout à fait comme ça, on a le droit à l'égalité professionnelle, mais il y a toujours 25 % d'écarts de rémunération. On a le droit à la parité mais on ne retrouve pas les femmes dans les responsabilités etc… Et il s'agit donc avec cette loi de prendre un à un les freins et de les lever. S'agissant par exemple du droit à l'IVG, il existe depuis 40 ans, mais enfin il a encore un tarif, il avait encore un tarif trop important et donc c'était de nature à dissuader les femmes qui n'avaient pas les moyens, alors on le rembourse à 100 % par la Sécurité Sociale, on lève le frein financier. Un certain nombre de médecins qui considéraient que l'acte d'IVG n'était pas suffisamment rémunéré, renonçaient à le pratiquer, ce qui fait qu'on trouvait de moins en moins de médecins, alors on revalorise l'acte d'IVG. Et puis cette condition de détresse était inscrite dans les textes, alors même qu'aujourd'hui qui mieux que la femme elle-même peut décider, j'allais dire en son âme et conscience qu'elle est dans une situation qui la conduit à vouloir interrompre sa grossesse.
MAXIME SWITEK
L'UMP saisit le conseil constitutionnel, est-ce que vous irez jusqu'à comparer l'UMP au Tea Party, c'est ce qu'a fait notamment Bruno LE ROUX, le patron des députés socialistes ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En tout cas l'UMP a donné à avoir d'elle une image qui n'est pas forcément à son honneur, pendant ce débat en effet, parce que je vous rappelle qu'un certain nombre de députés UMP ont profité de ce débat pour déposer un amendement tendant à remettre en cause complètement le remboursement par la Sécurité Sociale de l'IVG. C'est-à-dire en réalité à interdire aux femmes qui n'ont pas les moyens de pouvoir recourir à une IVG. Donc je crois qu'il y a en effet au sein de cette formation politique des conservateurs qui peuvent faire penser, pourquoi pas au Tea Party.
MAXIME SWITEK
Aussi conservateurs que les ultras conservateurs américains ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Qui sont très conservateurs et qui sont prêts à remettre en cause les droits des femmes. On les retrouve d'ailleurs ces conservateurs par exemple en Espagne où l'IVG d'ailleurs a été menacé il y a quelques mois tout simplement de disparaitre. Donc c'est vrai que c'est l'occasion de se dire à nouveau qu'il nous faut la plus grande vigilance et que les progressistes de tous les bords, car je crois qu'à droite on trouve aussi a contrario des progressistes, de tous les bords doivent s'unir quand il s'agit de choses aussi fondamentales que le respect, les droits, la dignité des femmes.
MAXIME SWITEK
L'actualité ce matin Najat VALLAUD-BELKACEM, c'est encore et toujours Gaza, on en a parlé dans le journal de 8h00, une manifestation a encore dégénérée samedi place de la République à Paris, manifestation interdite. Le NPA d'Olivier BESANCENOT a appelé à braver l'interdiction, est-ce que vous réclamez des sanctions contre ce parti ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Moi, je déplore que le NPA n'ait émis aucune condamnation des débordements et des messages de haine qu'on a pu voir circuler dans les manifestations. Moi je suis évidemment la première à réclamer un droit à manifester. J'ai pu manifester moi-même dans le passé et j'espère pouvoir continuer à le faire, mais il est des moments où l'interdiction s'impose parce que le risque de trouble à l'ordre public et de débordement est trop important. C'est la décision qu'a pris le gouvernement, juste je rappelle qu'il y a eu près de, ou plus de 300 manifestations qui se sont tenues, cinq qui ont été interdites, donc on voit bien que la règle qui l'emporte, c'est quand même l'autorisation de la manifestation. L'interdiction est une exception, quand on l'adopte c'est qu'elle est vraiment indispensable et j'aimerais que toutes les formations politiques en effet aient cet esprit responsabilité.
MAXIME SWITEK
Et donc une sanction contre le NPA ou pas ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
En tout cas ce qui est sûre c'est qu'il faut publiquement s'élever contre cette position qui consiste à toujours fermer les yeux sur les débordements oui.
MAXIME SWITEK
Vous parlez vous-même de débordement, il y a eu des échauffourées, des drapeaux israéliens brulés, des croix gammées taguées sur la statue de la République, une prière organisée en pleine rue, et pourtant, et pourtant le ministre de l'Intérieur notamment s'est félicité de la manière dont les forces de l'ordre avaient travaillé. Est-ce que vous avez le sentiment que les forces de l'ordre ont maitrisé la situation complètement samedi ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Tout n'est jamais parfait si vous voulez, mais compte tenu des éléments qui étaient en jeu, en l'occurrence samedi, compte tenu de la tension actuelle, compte tenu de la situation encore aujourd'hui entre Israël et Gaza, on se rend bien compte que tout était réuni pour encore une fois être très dur à gérer, très compliqué à gérer et dans ces conditions c'est vrai que les forces de l'ordre ont très bien fait leur travail et il faut les saluer. Maintenant, moi j'espère que nous allons pouvoir, encore une fois, retrouver un esprit de responsabilité dans lequel ça n'est pas un mal en soi que de chercher à manifester pour défendre la population palestinienne. Moi j'estime que ce qui se passe en ce moment à Gaza est insoutenable, donc je trouve cela même plutôt bien, plutôt rassurant que les Français, que l'opinion publique française puisse s'émouvoir de ce qui se passe entre l'Israël et la Palestine, simplement je pense que notre première responsabilité, nous la France, c'est d'appeler à la paix, c'est d'appeler à un cessez-le-feu immédiat et que ça n'est pas en attisant des tensions ici qu'on aidera ni les Gazaouis, ni les Israéliens là-bas.
MAXIME SWITEK
Mais appeler à un cessez-le-feu, on voit bien que ça ne change rien, et on a posé la question ce matin sur Europe 1. Où sont et que font les diplomates et à quoi servent-ils aujourd'hui ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Je crois qu'on ne peut vraiment pas dire cela, en tout cas s'agissant de la France. Laurent FABIUS réunissait encore samedi ses homologues à Paris pour définir une position commune qui est d'ailleurs en train de se matérialiser puisque Conseil de sécurité des Nations Unies s'est exprimé hier soir.
MAXIME SWITEK
Mais avec quel rsultat sur le terrain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Avec une résolution qui a été adoptée pour appeler à un cessez-le-feu immédiat.
MAXIME SWITEK
Mais avec quel résultat sur le terrain ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Un résultat que nous souhaitons le plus rapide possible en effet. Malheureusement parfois les limites de la diplomatie, c'est que les diplomates et Chefs d'Etats prennent des décisions, et c'est déjà important qu'ils se soient mis d'accord sur une décision comme celle-là. Ensuite, c'est vrai que c'est aux autorités israéliennes et palestiniennes de prendre aussi leurs responsabilités sur le terrain.
MAXIME SWITEK
Najat VALLAUD-BELKACEM, je disais que vous êtes également ministre de la Jeunesse et des sports. Avez-vous plus d'informations ce matin sur la mort de ce petit garçon dans une colonie de l'Ariège il y a trois semaines ? Est-ce que vous savez précisément de quoi il est mort ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Des enquêtes ont été ouvertes comme vous le savez. C'est d'abord un drame et je veux à nouveau dire à la famille de ce petit garçon toute notre solidarité. Très vite les autorités sur place ont fait en sorte que l'on puisse analyser à la fois les aliments et l'eau qui ont été servis, vérifier que toutes les normes d'hygiène et de sécurité avaient été respectées. Les premières enquêtes ont démontré que tout cela n'était pas en cause en réalité, en tout cas pas de façon certaine. Il y a des enquêtes plus approfondies qui sont donc réalisées. Maintenant, je voudrais quand même dire une chose aux familles qui écoutent et qui se demandent si c'est encore sécurisant d'envoyer ses enfants en colonie. Malheureusement, il advient des drames chaque année mais de moins en moins, ce qui prouve quand même que les normes de sécurité se sont améliorées. Mais les colonies restent un lieu extrêmement surveillé, beaucoup plus surveillé en réalité que le reste des endroits où les enfants vont en vacances. Les colonies font l'objet d'agréments et de contrôles réguliers qui portent aussi bien sur les normes d'hygiène et de sécurité que sur le taux d'encadrement, la qualité des encadrants – par exemple, la moitié des encadrants d'une colonie doit forcément avoir tel type de diplôme, BAFA, BAFD, et cætera - sur le projet éducatif de la colonie. Toutes ces vérifications sont assorties de contrôles sur place puisque chaque été, vous avez dix mille contrôles qui sont réalisés dans ces établissements qui accueillent des mineurs. Quand quelque chose de pas normal apparaît, le préfet peut procéder à la fermeture de l'établissement. C'est quand même des endroits très sécurisés et ça reste des endroits où les enfants apprennent à rencontrer les autres, à s'ouvrir les horizons. Ça reste de formidables outils éducatifs.
MAXIME SWITEK
Une toute dernière question, je change complètement de sujet. Que peut faire la Ministre des Sports pour qu'un Français soit premier du Tour de France dans un an, dans deux ans, dans trois ans ?
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
[rires] Ecoutez, ce qu'on a obtenu cette année est pas mal déjà. Ça faisait trente ans qu'on ne l'avait pas eu.
MAXIME SWITEK
C'est pas mal mais on ne peut pas se contenter de ça, vous êtes d'accord.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Non, c'est sûr mais je crois qu'en fait, la France gagne le Tour de France même quand ce n'est pas un Français à la première place parce que c'est quand même une merveilleuse occasion de montrer le savoir-faire français, les paysages français.
MAXIME SWITEK
Mais un Français en jaune, ce serait quand même mieux.
NAJAT VALLAUD-BELKACEM
Oui, c'est sûr. Eh bien, allez-y ! Merci messieurs PERAUD et PINOT donc.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 30 juillet 2014