Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à I-Télé le 1er août 2014, sur l'absence de politique alternative à gauche de la gauche, les perspectives économiques et l'agenda parlementaire de la rentrée.

Prononcé le 1er août 2014

Média : Itélé

Texte intégral

JEAN-JEROME BERTOLUS
Jean-Marie LE GUEN, bonjour.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Vous êtes en charge des Relations avec le Parlement au sein du gouvernement, vous serez tout à l'heure dans le séminaire qui va être consacré à la rentrée, qui va se tenir à l'Elysée. Mais d'abord, un mot sur ce sondage, sondage choc publié par MARIANNE, donc, si le deuxième tour des élections présidentielles avait lieu dimanche prochain, eh bien Marine LE PEN serait au deuxième tour, et François HOLLANDE éliminé dès le premier tour. C'est un nouveau signal d'alerte pour vous ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, ça traduit une situation un peu surréaliste, dans la mesure où nous ne sommes pas en campagne électorale, donc il faut faire la part des choses, nous sommes en responsabilités, sous le feu des attaques croisées, d'une façon plus générale. Qu'est-ce que nous pouvons en tirer comme enseignement ? D'abord, vis-à-vis de la politique du Front national, non critique souvent le Front national pour ce qu'il est, son identité, ses origines d'extrême droite, et c'est à mon avis assez logique. Mais je pense qu'il va falloir maintenant qu'on passe directement à la critique de ce que propose le Front national, qui de mon point de vue amènerait notre pays dans un véritable chaos économique, et en plus avec des tensions civiles, puissantes dans ce pays. Donc c'est une politique extrêmement dangereuse et je n'ai pas peur d'interpeler nos compatriotes en leur disant : « Ne jouez pas avec le feu, le Front national c'est vraiment ce qui peut arriver, évidemment de pire à notre pays, et à eux-mêmes, bien sûr, en tant que concitoyens. Mais au-delà de cette question, je remarque aussi que les divisions à gauche renforcent évidemment l'idée que la gauche n'est pas en situation de pouvoir l'emporter. Donc tout ça, ce sont des éléments d'analyses…
JEAN-JEROME BERTOLUS
MELENCHON est assez haut, finalement, MELENCHON qui veut prendre des vacances, eh bien il se retrouve assez haut dans ce sondage.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, assez haut, il y a sans doute une gauche de la gauche, qui est aux alentours de 10 %. Le problème c'est qu'on ne voit pas de politique alternative à gauche de la gauche. On voit des postures, on voit des discours, mais quoi d'autre…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc vous dites au Front de gauche : « Faites attention » ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'il y a une responsabilité, je pense qu'il ne faut pas mésestimer la gravité de la situation historique où nous sommes, pour notre pays, car notre pays est menacé du déclin si nous ne redressons pas notre économie et notre industrie. Et pour la gauche, Manuel VALLS l'a dit, à force d'être dans le déni, à force d'être dans la division, dans le sectarisme, eh bien il y a un risque profond que la gauche se divise et ne soit pas en situation d'attirer véritablement les Français et la confiance des Français. C'est un sujet.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Alors, justement, justement vous parlez de redressement du pays. Il y a un séminaire tout à l'heure à l'Elysée, consacré en fait à la rentrée, mais ça va être une rentrée très compliquée, hein, on semble se diriger vers une révision des chiffres de la croissance, on semble se diriger vers finalement un objectif de réduction du déficit budgétaire inatteignable, les 3 %, avec un chômage qui n'est pas maîtrisé, bref, c'est la rentrée de tous les dangers, non ?
JEAN-MARIE LE GUEN
C'est une rentrée difficile. Vous savez, quand vous lisez ce que disent les économistes, et y compris les journaux économiques, on parle d'un terme que nos compatriotes ne connaissent pas beaucoup qui s'appelle le terme de déflation, et il semblerait que l'Europe, et y compris l'Allemagne, commencent…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Et la France ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Et la France, et l'ensemble des pays européens, l'ensemble de la zone euro, et y compris l'Allemagne, commencent à entrer dans une zone où on pointe la déflation, c'est-à-dire une maladie que nous n'avons pas connue en réalité depuis peut-être 50 ans, mais qui, aujourd'hui, affaiblit notre économie et en particulier la croissance, crée, l'absence de croissance et le risque de chômage qui s'accroit. Donc nous sommes dans cette situation dont il va falloir tirer les conséquences, au plan français sans doute mais aussi et beaucoup au plan européen. Nous sommes dans une situation économique grave, et donc il va falloir que l'Europe se ressaisisse. Alors, des politiques de croissance, la France ne cesse de plaider pour des politiques de croissance en Europe, qui sont des politiques vertueuses, où il y a des réformes, nous faisons des réformes, où il y a un souci de la dépense publique, et nous avons le souci de la dépense publique, elle ne progresse pas, mais en même temps il faut investir, la question de l'investissement.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Mais, Jean-Marie LE GUEN, justement, vous êtes encore une fois, je l'ai dit, en charge des relations avec le Parlement, vous avez bataillé contre ceux que l'on appelle les frondeurs, c'est-à-dire les socialistes qui au sein du groupe, eh bien estiment que la politique économique du gouvernement est mauvaise. Vous vous attendez à une nouvelle offensive des frondeurs à la rentrée, notamment sur le projet de loi de finances ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, il y a des différences qui existent au sein du Parti socialiste, qui existent d'ailleurs depuis des années. Si vous regardez bien les votes, ils sont à peu près identiques sur tous les votes importants depuis le début du quinquennat. Mais je constate que nous avons fait passer tous nos textes, avec une majorité de gauche, parfois d'ailleurs avec, sur certains textes, je pense au texte sur la région, le texte sur la réforme ferroviaire, elle est appréciée aussi par d'autres parlementaires, qui veulent prendre en considération nos projets de loi, et donc qui les laissent passer, qui facilitent son acceptation, mais indépendamment de leur vote, nous avons fait passer tous nos textes, avec une majorité de gauche. Donc je suis…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Donc pas d'inquiétude.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, je pense que le groupe parlementaire, majoritaire, et un certain nombre de nos alliés, je pense à un certain nombre de radicaux, à un certain nombre de Verts, comprennent la difficulté de la situation et ne se laissent pas aller aux sirènes du renoncement, à l'effort. L'effort doit être fait…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Les radicaux… pas forcément au Sénat. Rentrée parlementaire importante, il va y avoir une session extraordinaire du Parlement, est-ce que vous ne craignez pas un petit peu un embouteillage de textes, quand même ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, nous avons un agenda très chargé, et l'Assemblée nationale a déjà beaucoup progressé. Il est vrai que le Sénat, qui va connaître des élections, un renouvellement, on peut dire qu'il y a…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Avec un passage à droite ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah ben écoutez, il y a des élections, donc je ne vais pas commenter les résultats.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Non, mais tout le monde le dit.
JEAN-MARIE LE GUEN
Oui, mais voilà, il faut se méfier, quand tout le monde dit quelque chose, ce n'est pas toujours la vérité. Donc, il y a un risque que cela passe à droite et en même temps, est-ce que le Sénat va continuer à être une instance qui pèse et qui existe, ou est-ce que le Sénat va se mettre dans une forme de chambre d'opposition, ce qui ralentirait le travail parlementaire. Nous, nous souhaitons réformer notre pays. Nous avons des lois qui organisent différemment la réforme territoriale, pour plus de cohésion sociale, plus d'efficacité, cohésion territoriale, économies aussi dans le fonctionnement. Nous avons la transition énergétique, nous avons une loi très importante que le vieillissement, une autre dans la lutte sur le djihadisme, tout ça dans les premières semaines des mois de septembre et d'octobre, c'est-à-dire un travail parlementaire très actif, très important pour notre pays. La loi sur la transition énergétique, nous voulons accompagner un changement, véritablement, de monde, hein, les énergies renouvelables…
JEAN-JEROME BERTOLUS
Pourquoi l'urgence sur cette loi, d'ailleurs, pourquoi Ségolène ROYAL a demandé l'urgence ?
JEAN-MARIE LE GUEN
D'abord parce qu'il y a de la croissance verte derrière et il faut aller le plus vite possible, aller chercher la croissance verte. Deuxièmement, parce que les procédures parlementaires sont un peu longues aujourd'hui.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Une toute dernière question. Quelles consignes le président de la République va-t-il donner tout à l'heure à ses ministres ? Soyez plus rapides, soyez plus concrets, plus efficaces ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'il y aura tous ces thèmes, il y a aussi la vigilance, la réactivité et puis la volonté d'innover, de faire en sorte que malgré les difficultés, nous continuons à avancer, à transformer ce pays. Il n'y a pas d'autre choix pour notre pays que celui de la réforme et de la réforme juste, car ce qui serait pire, évidemment, c'est le chaos proposé par le Front national ou cette violence sociale contenue implicitement par certains programmes de l'UMP.
JEAN-JEROME BERTOLUS
Jean-Marie LE GUEN merci.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.Source : Service d'information du Gouvernement, le 4 août 2014