Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées et à l'autonomie, sur le projet de loi d'adapatation de la société au vieillissement et la prévention de la perte d'autonomie des personnes âgées, Paris le 8 juillet 2014.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil de la CNSA à Paris le 8 juillet 2014

Texte intégral


Je suis très heureuse d'assister pour la première fois au conseil de la CNSA. Même si j'ai déjà eu la chance de rencontrer et d'échanger, parfois à plusieurs reprises, avec nombre d'entre vous, il était important que je puisse m'exprimer ce matin devant vous, en tant que Conseil et ce, à quelques heures de mon audition par la commission des affaires sociales sur la loi Vieillissement.
Trop longtemps repoussé, le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement est enfin aux portes du Parlement après une adoption en Conseil des Ministres le 3 juin dernier.
Ce texte, vous le connaissez désormais par coeur pour avoir largement contribué à sa genèse. Il propose, et c'est une première, d'aborder la double dimension du bien vieillir et de la protection des plus vulnérables. Ce changement de paradigme a été un axe fort de la concertation conduite par Michèle Delaunay et je voudrais devant vous à nouveau lui rendre hommage.
Notre responsabilité est en effet de changer les représentations du grand âge et de renforcer la lutte contre les inégalités sociales. Le CESE, dans son avis rendu le 26 mars 2014, s'est d'ailleurs félicité de ce changement de regard proposé par le projet de loi à travers notamment la distinction entre vieillesse et dépendance.
Le projet de loi est centré sur la prévention de la perte d'autonomie et l'accompagnement à domicile et en habitat collectif intermédiaire en réponse aux aspirations de la majorité de nos concitoyens. Il développe une action globale et transversale, reposant sur 3 piliers complémentaires : Anticiper/ Prévenir, Adapter la société, Accompagner la perte d'autonomie.
Je ne vais ici développer devant les élus, professionnels, représentants du secteur que vous êtes ces 3 volets mais plutôt privilégier, dans le temps que nous avons ensemble, l'explication des choix que j'ai portés, avec Marisol TOURAINE, en Conseil des Ministres.
Si l'architecture du texte est identique, la version présentée au conseil des ministres comporte deux évolutions qu'il me paraît important de vous expliquer.
le positionnement sur les établissements. Le projet de loi tout d'abord comporte des mesures sur la question des EHPAD. Les axes prioritaires concernent la transparence des tarifs sur la base d'un socle de prestations identiques, ainsi que l'encadrement de leur évolution.
Concernant la réforme plus en profondeur de l'accompagnement en EHPAD, je l'ai dit depuis mon arrivée, rappelé devant le CNRPA la semaine dernière et j'ai toujours fonctionné de cette manière : je veux avoir un discours de vérité. Et surtout ne pas faire travailler le secteur juste pour occuper le terrain. J'ai donc voulu recentrer le travail indispensable sur les maisons de retraite autour de mesures de simplification. Un groupe de travail sera ainsi lancé en septembre pour y travailler. En matière de tarification, un choc de simplification visera à renforcer la responsabilisation des gestionnaires et l'efficience des établissements, en lien avec les chantiers en cours tels que les études de couts et la réforme du référentiel PATHOS. Une nouvelle étape législative pourra intervenir lorsque le redressement des finances publiques engagé par le Gouvernement aura produit ses effets.
Le titre IV du projet de loi a fait l'objet d'un retrait d'un certain nombre de dispositions relatifs à la gouvernance locale. Pour être plus précise, il s'agit notamment de :
- la possibilité pour les ARS de déléguer aux départements le pilotage des MAIA et des plateformes d'accompagnement et de répit (ex article 58)
- Le conseil départemental de la citoyenneté et de l'autonomie, le CDCA (ex article 59)
- les maisons départementales de l'autonomie, les MDA (ex article 61)
- Par ailleurs, je dois vous préciser que la disposition sur la 3ème Vice présidence de la CNSA a été disjointe par le Conseil d'Etat car il a estimé qu'elle n'était pas de nature législative.
Je voudrais ici vous dire avec force et sincérité qu'il ne faut pas sur-interpréter ces modifications du texte. Il était en effet incontournable pour le gouvernement, et on nous aurait reproché l'inverse, d'assurer la cohérence avec la réforme territoriale, mais aussi avec le projet de loi santé. Comme j'ai pu le dire à plusieurs reprises, les articles relatifs à la Gouvernance locale n'ont pas été supprimés mais ont été réservés nous permettant de retravailler ces questions essentielles de Gouvernance. Compte tenu des calendriers, les débats en séance à l'Assemblée nationale seront un moment privilégié pour cette mise en cohérence qui tiendra compte des récentes prises de parole du Premier Ministre concernant la particularité des territoires ruraux dans la réflexion sur le devenir des Conseils généraux. Le département continue par ailleurs d'irriguer l'ensemble du projet de loi et il ne saurait en être autrement concernant son rôle essentiel en matière d'action sociale et qui sera amené à se renforcer dans les années à venir.
Je me permets donc d'utiliser ici la légitimité et la représentativité du Conseil de la CNSA pour souhaiter un débat serein à la rentrée sur la Gouvernance. Elle est essentielle pour faire vivre l'esprit et les mesures de la Loi. J'ai été une élue locale et une parlementaire et vous propose de m'accorder votre confiance pour conduire ce chantier qui se fera dans la concertation.
Concernant la question du financement des mesures nouvelles, le Gouvernement n'a pas la prétention de répondre à l'ensemble des besoins avec l'enveloppe dédiée, qui était connue dès l'ouverture de la concertation. Je souhaite toutefois rappeler que dans le contexte actuel de tensions sans précédent sur les finances publiques, les 645 millions d'euros par an représentent un effort important rendu possible grâce à la solidarité nationale et à l'engagement présidentiel.
Cette somme permet à la fois de financer le volet Accompagnement de la loi à hauteur de 460 millions d'euros, comprenant la revalorisation de l'APA à domicile (375 M€) et le droit au répit pour les aidants (78 M€) ; mais aussi de dégager de réelles marges de manoeuvre pour le volet Anticipation / prévention (185 millions d'euros) ce qui n'a jamais été fait précédemment. Enfin, le financement du volet Adaptation à hauteur de 84 millions d'euros sera assuré pendant la phase de montée en charge. La totalité de la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie, la CASA, sera donc bien affectée à la loi dès son entrée en vigueur.
La compensation à 100% par l'Etat de ces mesures nouvelles permettra par ailleurs un meilleur équilibre entre la participation financière de l'Etat et celle des départements.
En attendant l'entrée en vigueur de la loi, et si j'ai bien conscience que vous attendez des réponses rapides, je vous rappellerai que la question de l'affectation de la CASA relève du PLFSS 2015. Les concertations que j'ai pu menées depuis mon arrivée m'ont permis d'identifier des thèmes prioritaires que je porterai le moment venu.
Ce qui m'amène naturellement à vous parler de la situation des services d'aide à domicile.
Ils sont un maillon essentiel pour un accompagnement à domicile professionnel, sécurisé et respectueux des habitudes de vie des personnes. Le secteur d'intervention auprès des publics fragiles est dans une situation qui me préoccupe énormément. La mobilisation du fonds de restructuration à hauteur de 130 M€ de 2012 à 2014 a été un soutien significatif. L'utilisation du budget de la section IV de la CNSA est par ailleurs saluée des têtes de réseau du domicile que j'ai rencontrées car il les accompagne efficacement dans leur programme de modernisation.
Il nous faut désormais construire des réponses pérennes en lien avec les départements, les ARS qui disposent d'une vision d'ensemble de l'offre sanitaire et médico-sociale sur les territoires et vous-même.
A travers la réforme de l'APA à domicile, la loi va apporter naturellement un développement de l'activité par la meilleure solvabilisation de la demande. Une revalorisation des salaires est également prévue. Au total, 375 M€ sont consacrés à ces mesures. Le projet de loi comporte également des articles relatifs à la refondation de l'aide à domicile et à l'expérimentation d'une offre plus intégrée entre l'aide et les soins à domicile (SPASAD).
Nous devrons aboutir collectivement à des avancées structurelles de simplification, de valorisation des missions d'intérêt général et de meilleure régulation de l'offre. J'ai la volonté d'avancer rapidement sur ce chantier certes difficile, mais désormais indispensable. Sans nous précipiter, il nous faut aller vite.
Je souhaite enfin que le débat parlementaire puisse encore aller plus loin sur le respect et la dignité des personnes âgées vulnérables.
Sur ces deux thèmes des services à domicile et les droits, et plus globalement sur l'ensemble de la loi Vieillissement, 7 mois après la clôture de la concertation au CESE, je réunirai à nouveau le secteur mi-septembre pour lancer la phase parlementaire tant attendue.
Je vous remercie.
Source http://www.cnsa.fr, le 28 juillet 2014