Texte intégral
Mes chers compatriotes,
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier d'être venus si nombreux aujourd'hui à l'Institut français, à notre Institut. C'est pour moi une occasion irremplaçable de vous rencontrer.
Vous formez ici une communauté vivante et riche. D'abord par votre nombre, près de 5000 Françaises et Français répartis dans tout le Danemark. Mais aussi par votre qualité, votre diversité : dans la plupart des secteurs de la vie danoise, l'on trouve des Français qui, dans cette nation amie, font honneur à notre pays. Enfin la communauté française est jeune : la majorité de nos concitoyens vivant ici, a moins de trente ans. Ils offrent l'image d'une France moderne, ouverte, innovatrice. En outre certains d'entre vous, en nombre significatif, nous représentent au sein des organisations internationales ayant leurs sièges à Copenhague : l'Agence européenne de l'Environnement, le Bureau européen de l'OMS et bien d'autres encore.
Je sais que votre expatriation soulève, ici, des difficultés spécifiques - malgré les avantages sociaux, la vie culturelle, la qualité de l'environnement qu'offre le Danemark. Je pense, par exemple, à l'impôt sur le revenu, qui touche ceux d'entre vous représentant ici des sociétés français et qui, dès le début de la quatrième année, sont soumis au régime danois, plus lourd que le nôtre. Je pense aussi à ceux qui, après une vie de travail au Danemark, se retirent en France et redoutent une fiscalité plus lourde sur les pensions versées ici sur place. De façon plus courante, les nouveaux arrivés doivent acquitter une forte taxe danoise pour importer une voiture pour laquelle la TVA a déjà été versée en France. Il y a aussi le problème de la diffusion gratuite sur le câble de TV 5 - bien précieuse pour le monde francophone et notre pays - et qui est, je le sais, toujours provisoire. De tout cela nous parlons aux autorités danoises et je veillerai à ce que des solutions équitables soient trouvées à ces difficultés.
Ces questions n'empêchent pas que soit maintenue fortement la tradition, de la présence française au Danemark. L'Amicale, dont beaucoup d'entre vous sont membres, n'a-t-elle pas été fondée il y a près d'un siècle, en 1908 ? C'est sans doute qu'il y a en France une attirance particulière pour ce pays, pour la lumière du Nord, pour cette ville magnifique qu'est Copenhague. C'est aussi que nos liens se fondent sur une amitié historique avec le Danemark, notre partenaire dans l'Union européenne, notre allié au sein de l'Alliance atlantique. Ce pays accueille donc en vous les citoyens d'une Europe que vous contribuez de façon concrète, à bâtir chaque jour. D'ailleurs, si j'en crois les chiffres, beaucoup d'entre vous ont choisi de voter lors des toutes récentes élections européennes, pour les listes danoises.
Vous restez cependant profondément attachés à notre pays : la vitalité de l'Amicale qui contribue au succès du "Comité consulaire pour l'Emploi", celle des autres associations comme Copenhague-Accueil, le développement régulier du Lycée français Prins le démontrent. Et vos représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'en font l'écho.
Vous contribuez ainsi à resserrer les liens entre nos deux pays. On dit parfois que les Danois ne comprennent pas toujours les Français. Il me semble pourtant - sans doute un peu grâce à vous - que les choses changent. Je suis frappé du nombre de manifestations culturelles françaises qui, s'ajoutant à celles préparées par l'Institut lui-même, sont organisées ici : exposition Cartier Bresson en ce moment au grand musée de Louisiana, concert la semaine dernière de l'Orchestre national de France, exposition Matisse le mois dernier, pour ne citer que cela. Jusqu'à Lars von Trier, le fondateur de l'école Dogma, qui tourne en ce moment une comédie musicale avec Catherine Deneuve dans le rôle principal. Le regard porté sur notre pays change. Les 700 000 Danois qui nous honorent, tous les ans désormais, d'une visite y contribuent sans doute aussi.
Nos deux pays ont d'ailleurs coopéré étroitement dans le conflit du Kosovo, qui est entré heureusement depuis quelques jours dans une phase nouvelle. Après deux mois et demi d'opérations aériennes, M. Milosevic a du accepter les conditions posées par la communauté des nations et le Conseil de sécurité des Nations unies en a pris acte en adoptant le 10 juin la résolution 1244. Cette dernière précisait notamment les conditions dans lesquelles pourrait se déployer une force internationale de sécurité, chargée, après le départ de toutes les forces serbes, de garantir le retour des réfugiés kosovars dans leurs foyers.
La France a pris toute sa part de l'engagement militaire allié, parce qu'elle ne pouvait accepter que le régime de Belgrade poursuive impunément son entreprise de nettoyage ethnique du Kosovo, au mépris des valeurs démocratiques sur lesquelles l'Europe se construit.
Notre pays s'est placé au premier rang pour l'aide aux réfugiés, en Macédoine et en Albanie, et il prend aujourd'hui une part active au déploiement de troupes au Kosovo, dans le cadre de la KFOR, et participe à l'administration civile intérimaire.
Le processus de réglement de la crise répond à nos préoccupations : les Nations unies ont joué tout leur rôle et la Russie, partenaire majeur pour la paix et la sécurité en Europe, y a pris toute sa part. Les principes arrêtés par les pays du G8 pour assurer le retour des réfugiés et l'avenir d'un Kosovo autonome dans le cadre de la Yougoslavie ont été respectés.
Enfin, je voudrais souligner deux évolutions importantes. La première concerne la justice internationale : les experts du Tribunal pénal international sont déjà sur le terrain, pour instruire l'inculpation - historique - de M. Milosevic et de quatre autres dirigeants de la République fédérale de Yougoslavie pour crimes contre l'humanité. C'est un progrès considérable de la conscience universelle et une victoire décisive du droit.
La seconde concerne l'Europe. Je voudrais souligner qu'elle a, tout au long du conflit montré sa cohérence. Aux côtés de ses alliés nord-américains, l'Europe a pris une place éminente dans les opérations militaires et elle a joué un rôle décisif dans la définition des modalités d'un retour à la paix. Demain, elle sera au centre du processus de reconstruction des Balkans, convaincue que c'est par l'affirmation du droit des peuples de cette région à la démocratie et au développement que pourront être garanties pour les décennies à venir la paix et la stabilité du continent.
Avant de terminer cette évocation du conflit du Kosovo, je tiens à souligner devant vous la coopération exemplaire que nous avons montrée avec le Danemark à l'occasion de cette crise. Qu'il s'agisse de l'action conjointe de nos avions, de la force de soutien humanitaire en Albanie et maintenant de la force de garantie des accords au Kosovo, nous tissons sur le terrain des liens particulièrement solides et fructueux.
Ma visite officielle ici est la première d'un chef de gouvernement français depuis Pierre Mauroy, il y a près de 15 ans. Je souhaite ainsi marquer la volonté du gouvernement français de développer encore nos relations, et cela dans tous les secteurs. D'autant plus que le Danemark joue dans la construction européenne sa partition originale. Celle d'une nation millénaire fière de son histoire. Celle aussi d'une démocratie qui connaît en matière économique et sociale de grandes réussites. Dès l'an prochain, l'achèvement du "lien-fixe" sur l'Oeresund ouvrira de nouvelles perspectives, pour créer, peut-être, avec la 0 suédoise, une puissance région européenne. Il y aura là, demain, de nouvelles occasions de coopération entre Danois et Français : à nous, à vous, chers compatriotes, de saisir ces chances
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 1999)
Permettez-moi, tout d'abord, de vous remercier d'être venus si nombreux aujourd'hui à l'Institut français, à notre Institut. C'est pour moi une occasion irremplaçable de vous rencontrer.
Vous formez ici une communauté vivante et riche. D'abord par votre nombre, près de 5000 Françaises et Français répartis dans tout le Danemark. Mais aussi par votre qualité, votre diversité : dans la plupart des secteurs de la vie danoise, l'on trouve des Français qui, dans cette nation amie, font honneur à notre pays. Enfin la communauté française est jeune : la majorité de nos concitoyens vivant ici, a moins de trente ans. Ils offrent l'image d'une France moderne, ouverte, innovatrice. En outre certains d'entre vous, en nombre significatif, nous représentent au sein des organisations internationales ayant leurs sièges à Copenhague : l'Agence européenne de l'Environnement, le Bureau européen de l'OMS et bien d'autres encore.
Je sais que votre expatriation soulève, ici, des difficultés spécifiques - malgré les avantages sociaux, la vie culturelle, la qualité de l'environnement qu'offre le Danemark. Je pense, par exemple, à l'impôt sur le revenu, qui touche ceux d'entre vous représentant ici des sociétés français et qui, dès le début de la quatrième année, sont soumis au régime danois, plus lourd que le nôtre. Je pense aussi à ceux qui, après une vie de travail au Danemark, se retirent en France et redoutent une fiscalité plus lourde sur les pensions versées ici sur place. De façon plus courante, les nouveaux arrivés doivent acquitter une forte taxe danoise pour importer une voiture pour laquelle la TVA a déjà été versée en France. Il y a aussi le problème de la diffusion gratuite sur le câble de TV 5 - bien précieuse pour le monde francophone et notre pays - et qui est, je le sais, toujours provisoire. De tout cela nous parlons aux autorités danoises et je veillerai à ce que des solutions équitables soient trouvées à ces difficultés.
Ces questions n'empêchent pas que soit maintenue fortement la tradition, de la présence française au Danemark. L'Amicale, dont beaucoup d'entre vous sont membres, n'a-t-elle pas été fondée il y a près d'un siècle, en 1908 ? C'est sans doute qu'il y a en France une attirance particulière pour ce pays, pour la lumière du Nord, pour cette ville magnifique qu'est Copenhague. C'est aussi que nos liens se fondent sur une amitié historique avec le Danemark, notre partenaire dans l'Union européenne, notre allié au sein de l'Alliance atlantique. Ce pays accueille donc en vous les citoyens d'une Europe que vous contribuez de façon concrète, à bâtir chaque jour. D'ailleurs, si j'en crois les chiffres, beaucoup d'entre vous ont choisi de voter lors des toutes récentes élections européennes, pour les listes danoises.
Vous restez cependant profondément attachés à notre pays : la vitalité de l'Amicale qui contribue au succès du "Comité consulaire pour l'Emploi", celle des autres associations comme Copenhague-Accueil, le développement régulier du Lycée français Prins le démontrent. Et vos représentants au Conseil supérieur des Français de l'étranger s'en font l'écho.
Vous contribuez ainsi à resserrer les liens entre nos deux pays. On dit parfois que les Danois ne comprennent pas toujours les Français. Il me semble pourtant - sans doute un peu grâce à vous - que les choses changent. Je suis frappé du nombre de manifestations culturelles françaises qui, s'ajoutant à celles préparées par l'Institut lui-même, sont organisées ici : exposition Cartier Bresson en ce moment au grand musée de Louisiana, concert la semaine dernière de l'Orchestre national de France, exposition Matisse le mois dernier, pour ne citer que cela. Jusqu'à Lars von Trier, le fondateur de l'école Dogma, qui tourne en ce moment une comédie musicale avec Catherine Deneuve dans le rôle principal. Le regard porté sur notre pays change. Les 700 000 Danois qui nous honorent, tous les ans désormais, d'une visite y contribuent sans doute aussi.
Nos deux pays ont d'ailleurs coopéré étroitement dans le conflit du Kosovo, qui est entré heureusement depuis quelques jours dans une phase nouvelle. Après deux mois et demi d'opérations aériennes, M. Milosevic a du accepter les conditions posées par la communauté des nations et le Conseil de sécurité des Nations unies en a pris acte en adoptant le 10 juin la résolution 1244. Cette dernière précisait notamment les conditions dans lesquelles pourrait se déployer une force internationale de sécurité, chargée, après le départ de toutes les forces serbes, de garantir le retour des réfugiés kosovars dans leurs foyers.
La France a pris toute sa part de l'engagement militaire allié, parce qu'elle ne pouvait accepter que le régime de Belgrade poursuive impunément son entreprise de nettoyage ethnique du Kosovo, au mépris des valeurs démocratiques sur lesquelles l'Europe se construit.
Notre pays s'est placé au premier rang pour l'aide aux réfugiés, en Macédoine et en Albanie, et il prend aujourd'hui une part active au déploiement de troupes au Kosovo, dans le cadre de la KFOR, et participe à l'administration civile intérimaire.
Le processus de réglement de la crise répond à nos préoccupations : les Nations unies ont joué tout leur rôle et la Russie, partenaire majeur pour la paix et la sécurité en Europe, y a pris toute sa part. Les principes arrêtés par les pays du G8 pour assurer le retour des réfugiés et l'avenir d'un Kosovo autonome dans le cadre de la Yougoslavie ont été respectés.
Enfin, je voudrais souligner deux évolutions importantes. La première concerne la justice internationale : les experts du Tribunal pénal international sont déjà sur le terrain, pour instruire l'inculpation - historique - de M. Milosevic et de quatre autres dirigeants de la République fédérale de Yougoslavie pour crimes contre l'humanité. C'est un progrès considérable de la conscience universelle et une victoire décisive du droit.
La seconde concerne l'Europe. Je voudrais souligner qu'elle a, tout au long du conflit montré sa cohérence. Aux côtés de ses alliés nord-américains, l'Europe a pris une place éminente dans les opérations militaires et elle a joué un rôle décisif dans la définition des modalités d'un retour à la paix. Demain, elle sera au centre du processus de reconstruction des Balkans, convaincue que c'est par l'affirmation du droit des peuples de cette région à la démocratie et au développement que pourront être garanties pour les décennies à venir la paix et la stabilité du continent.
Avant de terminer cette évocation du conflit du Kosovo, je tiens à souligner devant vous la coopération exemplaire que nous avons montrée avec le Danemark à l'occasion de cette crise. Qu'il s'agisse de l'action conjointe de nos avions, de la force de soutien humanitaire en Albanie et maintenant de la force de garantie des accords au Kosovo, nous tissons sur le terrain des liens particulièrement solides et fructueux.
Ma visite officielle ici est la première d'un chef de gouvernement français depuis Pierre Mauroy, il y a près de 15 ans. Je souhaite ainsi marquer la volonté du gouvernement français de développer encore nos relations, et cela dans tous les secteurs. D'autant plus que le Danemark joue dans la construction européenne sa partition originale. Celle d'une nation millénaire fière de son histoire. Celle aussi d'une démocratie qui connaît en matière économique et sociale de grandes réussites. Dès l'an prochain, l'achèvement du "lien-fixe" sur l'Oeresund ouvrira de nouvelles perspectives, pour créer, peut-être, avec la 0 suédoise, une puissance région européenne. Il y aura là, demain, de nouvelles occasions de coopération entre Danois et Français : à nous, à vous, chers compatriotes, de saisir ces chances
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 22 juin 1999)