Texte intégral
- Ukraine - Russie -
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Q - Les sanctions économiques sont un sujet évidemment d'actualité avec le cas de la Russie et je pense qu'il y a vraiment une question de fond qui se pose. Existe-t-il un véritable lien entre la position de ces sanctions et une diplomatie économique de la part des puissances qui pourraient imposer ces sanctions, et s'il y a un lien, dans ce cas, quelle serait la position de la diplomatie économique française, mais aussi de la diplomatie économique européenne vis-à-vis de ces sanctions et des intérêts économiques que pourraient dégager des puissances qui voudraient imposer ces sanctions ?
R - Les sanctions sont toujours coûteuses, à la fois pour le pays auquel elles s'appliquent, et pour le ou les pays qui les prennent. Alors, faut-il ou non prendre ces sanctions ? Je vais prendre deux exemples, l'un d'actualité, l'Ukraine, et l'autre, que j'ai bien connu dans une autre période, l'Afrique du Sud.
Je commence par l'Afrique du Sud. Il y a eu, il y a trente ans, un débat extrêmement serré pour savoir comment abattre l'apartheid en Afrique du Sud. Et la France a pris la tête de ce combat contre l'apartheid et a été amenée à recommander l'adoption de sanctions économiques contre l'Afrique du Sud. Je pense personnellement, pour avoir vécu cela comme chef du gouvernement, que cet élément a été un de ceux qui ont conduit l'Afrique du Sud à abandonner l'apartheid. L'apartheid est un régime épouvantable, mais qui était, d'une certaine manière, soutenu par la bourgeoisie économique blanche sud-africaine.
J'ai eu des discussions avec monseigneur Desmond Tutu, et nous étions arrivés à la conclusion avec François Mitterrand qu'il fallait appliquer des sanctions, en l'occurrence, l'interdiction de la vente du charbon et de tout lien économique. Nous avons fait adopter une résolution à l'ONU, parce que c'était l'un des seuls moyens de convaincre la bourgeoisie sud-africaine blanche que ce régime d'apartheid était sans perspective. Et que s'ils voulaient continuer à faire des affaires, il fallait qu'ils abandonnent l'apartheid parce que sinon, elles seraient impossibles. Et c'est un exemple, qu'il ne faut pas généraliser, où les sanctions extrêmes, et à l'époque nos opposants étaient les Britanniques, ont été un des éléments qui ont permis de renverser l'Apartheid.
Venons-en à l'Ukraine et à la Russie. La situation est très complexe, et j'ai coutume de dire qu'il y a deux bornes qui doivent définir les limites de notre politique. D'un côté, des États démocratiques, comme les États européens ou d'autres, ne peuvent pas rester sans réagir lorsqu'un pays, en l'occurrence la Russie, annexe une partie d'un autre pays, en l'occurrence la Crimée et qu'il s'ingère, pour employer un terme modéré, dans une partie de l'est ukrainien. Si on ne réagit pas au plan international, cela veut dire que vous admettez le principe qu'un pays, parce qu'il est plus fort qu'un autre, peut l'envahir et alors il n'y a plus de droit international ni de paix.
Mais, d'un autre côté, il y a une limite à ces réactions. C'est celle du raisonnable car qui va aller proposer que l'on fasse la guerre à la Russie ? Évidemment, personne de raisonnable. La politique que nous avons choisie en Europe est entre ces deux bornes. D'un côté, nous devons réagir, et de l'autre, nous n'allons pas non plus faire la guerre à la Russie. Et entre ces deux bornes, il y a à la fois la discussion et la sanction. Et c'est dans cette mesure que les Européens ont été amenés, après les discussions, à prendre toute une série de sanctions et nous sommes actuellement à l'échelon 3. Nous disons aux Russes : compte tenu du comportement que vous avez eu, voilà les sanctions que nous sommes amenés à prendre, qui vous pénalisent et qui nous pénalisent aussi. Si vous revenez sur certains de vos comportements, nous diminuerons ou nous supprimerons ces sanctions. Si en revanche, vous persévérez, et même vous aggravez la situation, nous augmenterons le niveau de sanctions.
Sur ces sujets, qui sont très délicats, on ne peut pas avoir une attitude que j'appellerais du «café du commerce», en disant que ce problème se déroule loin de la France et en plus nous avons suffisamment de problèmes en France. Mais il faut quand même réfléchir, et avoir toujours à l'esprit que la France agit pour ses intérêts, mais aussi pour l'universel. Il y a des discussions entre nous avec les Allemands, les Ukrainiens, les Russes et d'autres pays. La France est l'un des acteurs qui dit : fermeté et dialogue, et sanctions, mais qui essaie, dans le même temps, que les uns et les autres discutent ensemble.
Il n'y a pas d'un côté la diplomatie économique et de l'autre les sanctions. L'économie est un des registres sur lesquels doit jouer la diplomatie, et dans des circonstances particulières - j'espère qu'elles ne se prolongeront pas - il faut prononcer des sanctions, même si sur le plan économique, cela a des incidences très lourdes pour la Russie. Vous avez vu que le taux de croissance russe diminue ainsi que l'investissement étranger en Russie et de notre côté, les agriculteurs sont pénalisés.
Q - Sur les sanctions à la Russie, est-ce que ne pas faire la guerre économique à la Russie, cela veut dire leur vendre des Mistral, comme la France s'y est engagée en signant un contrat de vente...
R - Non, je n'ai pas dit ne pas faire la guerre économique, j'ai dit : ne pas faire la guerre. En ce qui concerne les Mistral, c'est une question qui a été longtemps débattue. C'est un contrat qui date de 2011, conclu après beaucoup de discussions, qui a été signé et déjà payé en grande partie. Notre attitude, qui a été rappelée encore par le président français dans son interview au Monde, est de dire : à partir du moment où le contrat a été signé et payé, normalement, la règle veut qu'il soit honoré. Maintenant, il peut toujours se produire des événements qui nous amèneraient à en rediscuter. Il y a une ligne qui est donnée avec les échelons de sanctions, il y a la règle générale des contrats et du droit international, et il y a bien sûr, il faut toujours faire attention à cela, les évolutions de la situation qui peuvent toujours se produire. Nous définissons un certain nombre de lignes, de principes, mais il ne faut jamais oublier que le principe de réalité, le principe de lucidité, ça existe, c'est même déterminant.
Q - Donc les Mistral sont toujours en suspens ?
R - Non, je ne me suis pas exprimé en ce sens. (...).
- Diplomatie économique -
Q - Bonjour Monsieur le Ministre, bonjour à tous. Pour la première fois depuis 1993, la Conférence des ambassadeurs n'invite pas que des ambassadeurs et des ambassadrices mais également des Français et beaucoup de jeunes. C'est dire le succès de cette conférence et c'est donc une bonne idée à laquelle nous assistons tous et d'ailleurs mon rôle est de vous rappeler que vous pouvez poser des questions sur Twitter avec un compte qui s'appelle «COMF AMB» et que nous sommes suivis sur Twitter grâce aux services multimédias du Quai d'Orsay qui sont évidemment hautement importants.
Alors Monsieur le Ministre, sans faire de grandes interventions, il y a quand même une chose qui est remarquable, cette année en 2014, c'est que le Quai d'Orsay n'est plus seulement le MAE, comme disent les diplomates ici, c'est devenu le MAEDI, ministère des affaires étrangères et du développement international et on pourrait ajouter du tourisme.
C'est une grande nouveauté et c'est ça, je crois, qui compte à la fois pour les jeunes qui sont ici, puisque c'est l'avenir, et pour vos ambassadeurs, parce que c'est devenu une vraie priorité, ce que vous appelez la diplomatie économique. Mais tout de même : Irak, Iran, Liban, Syrie, Ukraine ; est-ce que vous avez le temps... et est-ce que vos ambassadeurs et vos ambassadrices ont le temps de faire de l'économie quand la diplomatie est tellement exigeante puisque c'est partout des questions de guerre et de paix ?
R - La réponse est oui. On n'a pas attendu Laurent Fabius pour que les ambassadeurs et les ambassadrices s'occupent d'économie, car si un pays n'est pas économiquement puissant, il ne peut pas être diplomatiquement rayonnant.
La France est une grande puissance diplomatique mais si elle décrochait durablement sur le plan économique, un beau jour - cela ne m'est pas encore arrivé mais cela pourrait arriver - mes collègues américains, chinois, russes me diraient : Mon Cher Laurent, c'est très intéressant ce dont tu parles mais, comme on dit chez les psychanalystes, «d'où parles-tu» ? Donc il faut être puissant économiquement.
Et les ambassadeurs qui sont les représentants de la France à l'étranger, non seulement sont amenés à s'occuper d'économie mais il faut qu'ils apportent leur pierre pour le développement économique. Ce sont les entreprises qui font la richesse ou l'absence de richesse d'un pays. Mais l'État, l'administration - et les ambassadeurs sont les patrons de l'État à l'étranger - doivent faciliter les choses. Ils ne m'avaient pas attendu pour cela, mais je leur ai dit : Mesdames et Messieurs, désormais c'est explicitement dans votre cahier des charges ; ça c'était la première idée. Cela s'est concrétisé par un certain nombre de choses que j'ai lancées, et puis cela s'est concrétisé lors du remaniement précédent, puisque j'ai demandé et obtenu qu'on rattache à cette maison le commerce extérieur et le tourisme.
La deuxième idée, c'est que désormais, la diplomatie - et c'est le thème que j'ai choisi pour la conférence des ambassadeurs - est une «diplomatie globale».
Il y a la diplomatie stratégique mais enfin n'est pas Metternich qui veut, et c'est vrai qu'il faut s'occuper - vous avez oublié Gaza - de l'Ukraine, de l'Irak, du Liban, de la négociation nucléaire avec l'Iran, etc. Ça c'est indispensable et c'est passionnant mais c'est un élément du métier, à la fois du métier à l'administration centrale et du métier d'ambassadeur.
Il y a la diplomatie économique, j'en ai dit un mot.
Il y a la diplomatie culturelle. Nous sommes le premier réseau culturel au monde. Nous avons l'Institut français, beaucoup d'instituts, des alliances françaises. Nous avons une capacité en matière d'aide au développement, qui est exceptionnelle et nous avons maintenant ce que nous faisons en matière sportive. Ce n'est donc plus un métier, - à supposer qu'il l'ait jamais été -, segmenté. C'est la globalité et la transversalité qui fait la force de la diplomatie française et qui définit le travail des ambassadrices et ambassadeurs.
Donc, deux idées : premièrement, l'économie est déterminante pour la puissance diplomatique ; deuxièmement, ce n'est plus un métier de spécialistes. J'ai besoin d'une diplomatie et de diplomates globaux. Voilà ce qui explique le MAEDI.
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Là-dessus comme dit Mme Collet, déjà auparavant les ambassadeurs faisaient de l'économie. Mais maintenant c'est systématique. Et, localement, l'ambassadeur ou l'ambassadrice est efficace et est effectivement - on a changé les décrets -, le patron de l'ensemble.
En ce qui concerne le rapport avec l'administration centrale, il y a une direction qui s'occupe de cela. Je vais faire des annonces nouvelles vendredi à la Conférence des ambassadeurs et maintenant c'est cette maison qui a la cotutelle - ce qui n'existait pas avant - d'un certain nombre d'éléments qui sont très important :
UBIFRANCE. C'est l'organisme qui amène les entreprises moyennes à l'étranger ; l'AFII, c'est l'organisme qui suscite les investissements étrangers en France ; et, en matière d'expertise, alors qu'il y avait toute une série de fragmentations en France, la décision a été prise par le gouvernement de coordonner et de regrouper l'ensemble des expertises sous la tutelle de cette maison, avec nos ambassadeurs comme avant-postes.
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Q - C'est un des points majeurs, les petites entreprises et les moyennes entreprises, comment font-elles finalement et à quoi pouvez-vous leur être utile, Monsieur le Ministre ?
R - D'abord, nous avons un déficit extérieur qui est de l'ordre de 60 milliards d'Euros. On parle toujours du déficit budgétaire mais j'ai coutume de dire que le déficit budgétaire c'est très ennuyeux. Simplement on peut, par une décision de puissance publique, le stopper. Si le Premier ministre nous envoie ce qu'on appelle des lettres-plafonds en disant : «Monsieur le Ministre, là où vous dépensiez 100, l'année prochaine vous allez dépenser 95», évidemment c'est très ennuyeux mais c'est ce qu'on fait. Donc c'est un acte de puissance publique qui peut corriger le déficit budgétaire même si cela a des conséquences autres.
Q - Est-ce que les agences régionales de développement sont des acteurs de la diplomatie économique ?
R - Oui, on les associe bien sûr. Mais ce que je voulais dire c'est que, autant le déficit budgétaire peut être réduit ou réglé par des actes de puissance publique, autant le déficit commercial c'est tout à fait autre chose.
Le déficit commercial c'est les échanges de biens et de services et c'est le vrai juge de paix de notre compétitivité. Or quand - la dernière fois que j'étais au gouvernement, enfin c'était dans les années 2000 - j'étais ministre de l'économie et des finances, à l'époque nous avions encore un excédent commercial.
Là quand nous avons repris les affaires en 2012 nous avions un déficit d'un peu plus de 70 milliards. Évidemment il y a beaucoup d'universitaires, d'étudiants parmi vous, vous connaissez ces mécanismes mais, au-delà, il faut sortir l'argent pour payer ce déficit. Et c'est le vrai juge de paix de notre compétitivité qui avait énormément reculé. Or on ne peut pas reculer de compétitivité éternellement.
Nous sommes donc obligés de regagner en compétitivité et de redresser notre balance. Cela dépend des entreprises et des PME notamment. Quand on compare la France et l'Allemagne c'est au niveau des moyennes entreprises qu'est la différence. Nous, nous avons pas mal de petites entreprises mais elles n'arrivent pas à devenir moyennes puis grandes. Il faut donc les aider. Certes le patron d'AIRBUS ou M. Arnault viennent vous voir - c'est très bien - mais, à la limite ils peuvent se débrouiller. Il faut aussi qu'ils amènent d'autres entreprises avec eux. Et nous, il faut que nous favorisions les petites et les moyennes.
Mais ce que je voulais dire, c'est que si nous parlons de «diplomatie économique», n'ayez pas le sentiment que maintenant l'économie a pris le pas sur tout le reste, ce n'est pas vrai du tout. D'abord parce que l'aspect stratégique est tout à fait important et les États avec lesquels nous discutons évidemment tiennent compte de la puissance économique de la France mais aussi de sa politique générale, stratégique.
Deuxièmement c'est lié aussi à notre influence culturelle et éducative. Si on veut qu'il y ait davantage d'entreprises françaises en Éthiopie ou en Malaisie, il faut que les entrepreneurs qui viennent s'installer là-bas et leurs salariés puissent avoir des écoles françaises, des lycées français. Nous sommes donc amenés à avoir une présence très forte.
De la même façon il faut que nous apportions une formation. Souvent ce qui fait la différence c'est le «plus» dans les produits français, ce n'est pas spécifiquement la qualité du produit, mais que l'on apporte de plus en plus une formation avec, c'est ce qu'on nous demande.
Il n'y a donc pas d'un côté la grande diplomatie stratégique, de l'autre l'intendance économique, et puis, dans une troisième part, le culturel. Tout cela est lié, et les ambassadeurs et ambassadrices ont cette tâche.
Quand Mme Collet s'occupe de l'Éthiopie, elle s'occupe d'économie mais elle s'occupe aussi de la grande question du Nil et de savoir si le Nil va pouvoir circuler jusqu'en Égypte. Elle s'occupe, puisqu'elle est également notre correspondante auprès de l'Union africaine - qui est à Addis-Abeba -, de toutes les relations avec l'Union africaine. Et quand Mme Dorance - qui va partir pour le Pakistan - est ou était en Malaisie, elle s'occupait des relations générales avec la Malaisie, notamment des relations stratégiques. C'est un pays riche et il y a donc des développements à avoir sur des industries de souveraineté. C'est tout cela le métier qui en fait un métier extrêmement passionnant, un peu nouveau mais formidable à condition bien sûr d'avoir le sens de l'accueil de la présence étrangère et à condition, Mesdames et Messieurs - je dis cela pour les étudiants - de savoir les langues.
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Q - Est-ce qu'il y a des lignes rouges pour les entreprises françaises en termes d'éthique ? Est-ce qu'on sait transformer les liens économiques en garanties de paix ?
R - Oui, la question de l'éthique s'adresse aux entreprises. Elles doivent respecter le code de l'OCDE qui est un code rigoureux pour interdire toute une série de pratiques. Nos entreprises le font et j'espère que les entreprises d'autres pays le font aussi. Mais évidemment, d'après ce que certains spécialistes disent, l'obtention de tel ou tel marché n'est pas - je suis au Quai d'Orsay, il faut que je sois diplomate - n'est pas toujours liée à la qualité intrinsèque des produits. Nous essayons de jouer le jeu honnêtement et de jouer la concurrence honnêtement. Je ne peux que passer un message de respect à la fois des normes éthiques et des populations.
Q - Monsieur le Ministre, ma question m'amène à réfléchir sur les liens et le rôle des chambres de commerce françaises à l'étranger dans cette diplomatie économique, le rôle que vous leur attribuez et les liens qu'ils ont avec vos ambassades.
R - La question des chambres de commerce est un sujet dont nous discutions avec Mme Penicaud, patronne d'UBIFRANCE et de l'AFII, puisque nous fusionnons ces deux établissements. Il faut travailler de plus en plus avec les chambres de commerce, avec les régions aussi, et avec également la Banque publique d'investissement. Et il y en a d'autres aussi qui, à un degré ou à un autre, peuvent et veulent travailler pour le développement de notre présence à l'étranger, et - un point sur lequel on n'a pas assez insisté - le développement de l'investissement étranger en France. Si on veut créer des emplois, il faut aussi qu'il y ait des groupes étrangers et des personnes, physiques ou morales, qui viennent investir en France. Un travail est mené, qui doit être de plus en plus développé avec les chambres de commerce, qui ont leur travail spécifique, mais qui doit être harmonisé au sein de ce qu'on appelle communément «l'équipe de France.»
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Q - Existe-t-il aujourd'hui une intelligence économique à la française, afin d'assurer et de protéger les intérêts français à l'étranger, et de même chercher à aller développer les contrats de nos entreprises à l'étranger ?
R - La réponse est oui.
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Q - Monsieur le Ministre, je suis un ancien consul général de France à Erbil, au Kurdistan d'Irak. Merci d'y être allé et d'avoir pris ces positions et ces décisions. Je voulais revenir justement sur la présence économique, en tant que consul général, j'ai assez souffert au Kurdistan d'Irak de voir que notre positionnement économique était surtout de vendre de la «haute technologie». Les Allemands, les Italiens, les Tchèques et les autres étaient là, c'était de la «moyenne ou de la petite technologie». Quelles sont donc les mesures précises qui auraient pu être prises vis-à-vis des PME qui, effectivement, ne peuvent pas se payer des billets d'avion continuels, des présences dans les expositions, les foires internationales, etc. ?
R - Merci en tout cas de ce que vous avez fait. Il n'y a pas de réponse générique, et Madame Penicaud sera certainement plus compétente que moi pour répondre. Simplement, je crois qu'il y a des règles de bon sens à observer et après, des moyens pratiques. Les règles de bon sens, c'est que c'est le client qui fait le choix. Parfois, et il serait stupide de généraliser, nous voyons des entreprises - mais c'est plutôt le cas des grandes entreprises - qui ont des produits absolument magnifiques qui ne correspondent pas à ce que souhaite le client, mais qui ne veulent pas changer en disant : «mais le produit est tellement magnifique que ce serait un crime de lèse-majesté que de le modifier.» Je ne suis pas un entrepreneur, donc je ne voudrais pas dire de choses inexactes, mais c'est quand même le client qui, à la fin, décide ou non d'apposer sa signature. Il y a une adéquation entre les produits ou services que nous proposons et les désirs de clients, qui est quand même la règle numéro un du commerce, fusse le commerce international, qui n'est pas toujours intégrée par certains de nos vendeurs. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point concerne les PME. C'est vrai que dans beaucoup de régions, le petit entrepreneur va à un salon y passe deux jours puis repart, et pense qu'il va obtenir des marchés mirifiques. En général, ce n'est pas le cas, car il n'a pas les moyens de rester longtemps, de s'établir. C'est notre travail, c'est votre travail, Madame Penicaud, en particulier avec UBIFRANCE, et les chambres de commerce, de présélectionner du côté de la demande comme du côté de l'offre ce qui peut déboucher, et d'accompagner ces offres-là. Je crois que vous avez fixé le chiffre de 1 000 entreprises de taille intermédiaire qui doivent être propulsées, aidées, accompagnées. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire au hasard, c'est du travail en amont. À partir du moment où on l'a retenu une entreprise qui veut être présente à l'export, il faut l'accompagner, l'aider, y compris par des moyens financiers et administratifs. C'est ce travail qu'il faut faire et qui n'a pas été suffisamment fait jusqu'à présent. Quand notre commerce était excédentaire, il n'y avait pas de problème mais aujourd'hui, et depuis plusieurs années, il est fortement déficitaire. Il faut redresser la barre, c'est bien évidemment la responsabilité des entreprises, mais nous devons nous mettre à leur service pour les aider.
Nous avons parlé essentiellement de diplomatie économique, mais je ne voudrais surtout pas que vous ayez le sentiment, pour ceux d'entre vous qui éventuellement voudraient venir dans cette maison, que ce que vous allez faire, c'est uniquement de l'économie. Je crois que ce qui est intéressant, c'est la diversité des tâches d'où la nécessité d'être curieux, et de connaître les langues. Parce que, il y a un vrai avantage à connaître les langues, et je trouve qu'il y a un certain relâchement dans la formation et l'apprentissage des langues. Quand on entend un ambassadeur de France qui s'exprime en anglais et qui parle comme un vache espagnole, non, ça ne va pas. Le charme de l'accent français, c'est un charme dont on se lasse assez vite. Donc il faut parler français, parler anglais, parler espagnol, parler chinois, parler japonais.
(...).
- Tourisme -
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Q - C'est la première fois qu'on voit un ministre des affaires étrangères jouer les ministres du tourisme à Roissy et accueillir les touristes chinois. Pourquoi, pour vous, le tourisme est si important ?
R - D'abord le touriste, c'est l'ambassadeur de la France. Il faudrait comprendre cela : les Français qui vont à l'étranger sont nos ambassadeurs, qu'ils le veuillent ou non, et quand des étrangers viennent en France ils sont des ambassadeurs réciproques. Il n'est donc pas surprenant que cette maison s'occupe du tourisme.
Ensuite, je pense - je m'intéresse beaucoup à l'économie - que ce secteur est peut-être le secteur qui peut le plus rapidement apporter des ressources supplémentaires massives à la France. Je ne vais pas vous abreuver de chiffres, mais, en 1955, il y avait 25 millions de touristes à travers le monde. Aujourd'hui, il y en a un milliard et dans quinze ans, il y en aura deux milliards. Donc en quinze ans, il va y avoir un milliard de gens en plus qui vont circuler dans le monde. Si nous sommes capables de capter une partie importante, ou significative, de ce milliard actuel et qui représente un milliard d'euros, en termes de devises, il n'y a pas besoin de faire des comptes compliqués...
En termes d'emplois, c'est par définition des emplois qui sont non délocalisables. Il se trouve que c'est un secteur où nous avons un avantage comparatif considérable parce que le bon Dieu, nos ancêtres, la nature, le patrimoine et le génie français ont fait que, quand on demande aux citoyens du monde : «quel est le pays que vous voulez visiter, en numéro un ?», ils placent la France.
Ce serait donc vraiment une aberration de ne pas miser sur ce secteur. Or pendant très longtemps, on a considéré que ce n'était même pas un secteur économique. Et il y avait une certaine défaveur vis-à-vis du tourisme, confère le vocabulaire : en français quand vous dites «celui-là c'est un touriste» ce n'est pas exactement un compliment. Il faut donc inverser complètement la donne et faire de ce secteur, pour lequel nous avons un avantage inouï, une espèce de tête de pont.
Économiquement, nous avons les touristes français qu'il faut maintenir, bien sûr, en France, nous avons les touristes européens et jusqu'à présent c'est encore les Européens, avec au premier rang les Allemands, qui viennent majoritairement en France.
Nous avons les touristes extra-européens qui se développent à grande vitesse. Le nombre de touristes chinois a augmenté de 25 % d'une année sur l'autre. C'est une excellente publicité pour la France, à condition qu'ils soient bien reçus, et c'est une source de recettes non négligeable puisqu'un Chinois en moyenne dépense 1 600 euros lorsqu'il vient en France. Mais il faut beaucoup progresser puisque les touristes viennent essentiellement à Paris et en région parisienne alors qu'il y a beaucoup de régions en France et que nous ne sommes pas suffisamment bons pour les accueillir, nous sommes moins bons que les Espagnols. Les Espagnols ont 30 % de touristes en moins que nous, et cela leur rapporte 30 % en plus. Si nous avions la même productivité que l'Espagne de ce point de vue-là, le déficit commercial de la France - je reviens à l'actualité - aurait baissé de 15 %. (...).
- Partenariat transatlantique -
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Q - Je voudrais savoir qu'elle est la position de la France à propos du partenariat transatlantique qui ferait tomber les barrières entre l'Union européenne et les États-Unis. Quels sont les impacts négatifs que sa mise en oeuvre produirait, étant donné que ces impacts ne sont pas négligeables, puisque plusieurs régions françaises se sont prononcées ou se sont opposées à la signature de ce traité ? Merci.
R - Le Partenariat transatlantique est une question complexe aussi ne m'en veuillez pas si je suis un peu schématique. J'entends pas mal de gens qui ont des idées toutes faites selon lesquelles il s'agit d'un traité horrible et qu'il faut être contre pour des raisons idéologiques. D'autres, en revanche, disent qu'il faut être pour car il s'agit des Américains et du commerce. Je vais vous dire en quelques mots comment j'aborde les choses. Il faut savoir que même si le traité est négocié par l'Europe, ce sera le Parlement français qui devra le ratifier.
Développer le commerce international, a priori, est une bonne chose, puisque ça permet, sous certaines conditions, de favoriser la croissance. Les trois déterminants qui favorisent la croissance française sont liés à l'investissement, à la consommation et aux échanges extérieurs. Pour l'Europe et pour la France, le développement du commerce doit être bénéfique mais en y regardant dans quelles conditions. Cela doit être également le cas pour les Américains, parce que sinon ils diront non à cette négociation.
Que peut-on dire sur ces négociations ? Nous avons des choses à gagner pour pénétrer un certain nombre de marchés publics aux États-Unis. Ces derniers sont beaucoup plus restrictifs qu'en Europe. En Europe, on estime que près 80 % des marchés publics sont ouverts aux Américains tandis que seulement 25 % des marchés publics américains sont ouverts aux concurrents étrangers. L'une des choses que nous demandons - sans garantie de succès - c'est la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics. Je ne suis pas sûr que l'on arrive à nos fins, parce que les Américains - nous en avons parlé notamment lorsque le président Obama rendait visite au président français et j'en parle souvent avec John Kerry - répondent oui au niveau de l'État central mais chaque État est responsable de sa réglementation.
Un deuxième terrain sur lequel il faut discuter c'est le secteur des marchandises agricoles. Pour certains d'entre elles, nous pouvons pénétrer le marché américain, tandis que pour d'autres il y a un refus d'accès et nous leur demandons d'ouvrir leur marché. Il s'agit d'une discussion serrée. Troisième exemple, le secteur culturel. Nous avons exclu d'aborder les thèmes de l'expression culturelle ou de la diversité culturelle. Nous pensons que la culture n'est pas une marchandise comme une autre, et que l'on doit la soumettre à un certain nombre de dispositions spécifiques. Pour le moment, les Américains nous répondent oui, mais est-ce qu'ils nous diront oui à la fin de la négociation ? La question est posée.
Il y a un dernier exemple sur le règlement des conflits. Qui va trancher ? Est-ce que ce sont des tribunaux publics ou des juridictions privées ? Il y a toute une controverse car si ce sont des juridictions privées, il y a des possibilités de lobbying.
Finalement, ce sera le gouvernement français qui soumettra un texte au Parlement, même si c'est l'Europe qui négocie. Je suis lucide, et j'ai un certain nombre d'idées pour la négociation qui est en train d'être menée, mais je ne proposerai un jugement final au président de la République que lorsque nous aurons vu ce que nous pouvons obtenir et les concessions que nous serons amenés à faire. Voilà ma position.
(...).
- Politique étrangère -
Q - Alors tout de même, vous demandez plus à vos ambassadeurs mais avec moins de moyens ; est-ce que le Quai d'Orsay a toujours suffisamment de moyens pour que la France soit à la hauteur de ses ambitions ?
R - Même les organisations syndicales ne me disent pas ça. Il y a une réalité dont vous avez été informés, c'est que les finances publiques ne sont pas florissantes et donc il y a un effort à faire pour limiter les déficits. Et cet effort ne peut pas être fait simplement par les autres ministères. Ayant été Premier ministre, je sais la difficulté de la tâche et il faut que tout le monde apporte sa contribution. Donc le Quai d'Orsay, apporte sa contribution. Mais on peut le faire d'une façon plus ou moins efficace et plus ou moins inventive et nous avons trouvé, en liaison avec les organisations syndicales, un certain nombre de méthodes qui font que le ministère arrive à vivre. Simplement il y a des limites et il ne faudrait évidemment pas aller au-delà du raisonnable.
Mais qu'est-ce qu'on a fait par exemple ? Nous sommes attachés à une règle qui est l'universalité, c'est-à-dire je veux qu'il y ait une présence française partout dans le monde. Mais l'universalité n'est pas l'uniformité, ce n'est pas la même chose. C'est-à-dire qu'on peut être présents partout dans le monde mais pas de la même façon.
Q - Présents seuls ou avec l'Europe ? Avec d'autres pays européens ? Est-ce qu'on peut partager nos ambassades ?
R - On a lancé quelques initiatives avec l'Allemagne et un peu avec l'Espagne. Pour l'instant, c'est à dose homéopathique. Nous souhaitons, en particulier avec mon collègue et ami allemand Frank-Walter Steinmeier, qu'on fasse davantage mais pour l'instant, c'est quand même limité.
Mais il y a quand même des initiatives qu'on a prises et qui se traduisent par des économies. Exemple : dans une trentaine de postes qui sont des petits postes, dans des pays tout à fait respectables, jusqu'à présent le seuil minimum en termes d'emplois était sept ou huit emplois et nous sommes passés à quatre emplois.
Il y a aussi des différenciations en fonction de l'évolution du monde. Il y a encore peu d'années, tous services compris, nous avions autant de personnel en Belgique qu'en Chine... ou plutôt pas plus en Chine qu'en Belgique. Nous avons beaucoup d'estime pour nos amis belges et pour leur économie et pour leur diplomatie, mais il est vraisemblable que la Chine est appelée à devenir une puissance plus importante dans le futur, que la Belgique, par son rayonnement.
Nous avons donc été amenés à diminuer un certain nombre de postes en Europe et à en augmenter en revanche en Asie, en Afrique, en Amérique du sud. Il y a donc des choses qu'on peut faire.
Puis - c'est ce qui attire l'attention des journaux même si ce n'est pas nécessairement essentiel - nous avons une gestion dynamique de notre immobilier parce qu'il faut que les ambassadeurs gardent un certain niveau en représentation. L'un des ambassadeurs me disait : «si j'invite à dîner le président X ou Y au restaurant, il ne va pas venir ; si je l'invite à la résidence il va venir.» C'est vrai et il faut tenir compte de ça. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut avoir des appartements ou des résidences qui sont à la fois somptuaires et non fonctionnels. Il y a des choses qu'on peut faire évoluer. Je répète, il faut faire attention parce qu'il y a des moyens au-dessous desquels on ne peut pas descendre.
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Q - Alors, dernière question avant de donner la parole aux ambassadeurs, compte tenu de ce que vous avez dit des risques de guerre de ce monde de trouble, quel est votre défi numéro un en tant que ministre des affaires étrangères ?
R - J'ai quatre priorités et à chaque fois que vous voyez la France - le président de la République, le Premier ministre, moi-même - prendre une position, nous nous situons par rapport à quatre objectifs. La situation, vous l'avez dit, est extrêmement diverse et cet été est l'été de toutes les crises. Mais si on veut travailler efficacement, il faut avoir des points fixes. J'en ai quatre :
Premièrement, la paix et la sécurité. Quand nous prenons une position, nous la prenons par rapport à cet objectif de paix et de sécurité, ce qui ne veut pas dire le pacifisme, c'est un autre problème, mais sur toute une série de conflit, paix et sécurité c'est l'objectif numéro un.
Q - Elle est menacée en Europe la paix, aujourd'hui avec ce qui se passe en Ukraine ?
R - En tout cas, la tension est extrêmement sérieuse. Quand vous voyez un pays annexer une autre région, en l'occurrence la Crimée, et un pays qui une première fois il y a trois jours et maintenant, une deuxième fois, envoyer des convois humanitaires sans y avoir été invité, c'est un élément de tension considérable.
Donc la paix et la sécurité, point numéro un.
Deuxièmement, la planète, sous ce double angle : l'organisation de la planète - Nations unies, droits de l'Homme etc. - et le climat. La principale affaire diplomatique du quinquennat va être la COP 21, la conférence sur le changement climatique, que nous allons accueillir à Paris en décembre 2015 et c'est cette maison qui est chargée de présider cette conférence.
Troisièmement l'Europe : réorientation et relance.
Et, quatrièmement, le rayonnement et le redressement de la France.
Et à chaque fois que se pose un problème, il faut anticiper. Quand on est diplomate il faut suivre les affaires et anticiper. C'est autour de ces quatre objectifs que nous le déterminons.
(...)
Q - Sur quel point le principe de diplomatie globale se différencie de celui de diplomatie d'influence ?
R - La diplomatie globale c'est ce qui permet à la diplomatie d'influence d'avoir des bras. Avec l'influence doivent venir les moyens de l'influence. Et les moyens de l'influence c'est à la fois l'action stratégique, l'action économique, l'action culturelle, l'action de développement.
Comme disait Mme Collet, nous avons une agence dont nous avons la cotutelle qui est l'Agence française de développement. L'agence française de développement aide à la solidarité, mais elle aide à la solidarité notamment en donnant des crédits qui vont à des entreprises. Parmi les entreprises, ce n'est pas «seulement» les entreprises françaises mais c'est «aussi» les entreprises françaises.
Il peut y avoir des cas extrêmes ou il peut y avoir un conflit ; et je tiens beaucoup à ce que la dimension de solidarité soit présente dans l'action de la France parce que c'est une des singularités de la France. La France essaie toujours d'agir à la fois pour défendre ses intérêts et pour défendre l'universel, c'est en cela qu'on reconnaît la spécificité de la France.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit, lors de votre discours au siège de l'ASEAN à Jakarta le 2 août 2013, que c'est la première fois qu'un membre du gouvernement français se rend au siège de l'ASEAN. Après une longue absence de la présence de la France dans l'ASEAN, est-ce que l'ASEAN sera ou va devenir prioritaire pour la politique étrangère française ? Sachant aussi que, fin 2015, l'ASEAN va entrer dans la nouvelle étape de l'intégration, la communauté économique ASEAN 2015.
R - Effectivement, j'ai le souvenir d'une visite en Indonésie qui m'avait beaucoup intéressé. J'avais rendu visite et j'étais, je crois, le premier (membre du gouvernement) français à rendre visite à l'ASEAN. Mes prédécesseurs ont fait beaucoup de travail dans beaucoup de pays, mais parfois, il arrive que je sois le premier à me rendre dans un pays, et cela me frappe. Mais le côté qui m'a le plus frappé, c'est quand je suis allé en Mongolie. Le président de Mongolie, qui est un homme d'ailleurs qui a beaucoup d'humour, m'a dit : on est très heureux de vous accueillir parce que vous êtes le premier envoyé français depuis Saint-Louis.
En ce qui concerne l'Indonésie, c'était beaucoup plus récent. L'Indonésie est un pays formidable, et j'espère que nous allons accueillir bientôt son nouveau président. D'autre part, l'ASEAN est évidemment une zone qui va énormément se développer, c'est 500 millions de personnes dans une région où il y a aussi des tensions. Donc la France doit être présente et veut être présente. De ce point de vue-là, j'ai nommé, il y a quelques semaines un représentant spécial et je le fais dans quelques pays ou zones, peu nombreuses. Ce représentant spécial, c'est M. Varin, un industriel très connu, ancien patron de Peugeot, qui est passionné par cette zone du monde et qui - de la même façon que Louis Schweitzer, a fait un très bon travail avec l'ambassadeur Christian Masset, au Japon - va, je crois, nous aider à être très présent dans les pays de l'ASEAN. (...).
- Politique africaine - Nigeria -
(...)
Comme l'a fort bien dit l'ambassadeur, le Nigeria est un pays anglophone et très peuplé. Selon les prévisions de l'ONU, à la fin du siècle, il y aura 900 millions de personnes au Nigeria. Même si c'est un pays anglophone, le nombre de francophones dans ce pays est - en valeur absolue et non en valeur relative - plus important que dans la plupart des pays francophones.
Pour toutes ces raisons et d'autres, il faut que nous soyons présents au Nigeria, et d'une manière générale en Afrique. Autant nous sommes très présents, et c'est tout à fait normal, dans les pays francophones, autant désormais, et je crois que c'est une évolution assez sensible au cours des dernières années, nous sommes présents dans toutes les Afriques, et avec l'approbation des pays eux-mêmes.
Nous sommes présents dans l'Afrique francophone, dans l'Afrique anglophone, dans l'Afrique lusophone et dans l'Afrique arabophone. Et ce n'est pas parce que nous sommes présents dans l'Afrique anglophone que nous allons être moins présents dans l'Afrique francophone. L'Afrique est un grand continent d'avenir, la France a des relations particulières avec l'ensemble de ce continent. C'est une évolution, c'est un choix politique, qui nous semble très important.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2014
(...)
Q - Les sanctions économiques sont un sujet évidemment d'actualité avec le cas de la Russie et je pense qu'il y a vraiment une question de fond qui se pose. Existe-t-il un véritable lien entre la position de ces sanctions et une diplomatie économique de la part des puissances qui pourraient imposer ces sanctions, et s'il y a un lien, dans ce cas, quelle serait la position de la diplomatie économique française, mais aussi de la diplomatie économique européenne vis-à-vis de ces sanctions et des intérêts économiques que pourraient dégager des puissances qui voudraient imposer ces sanctions ?
R - Les sanctions sont toujours coûteuses, à la fois pour le pays auquel elles s'appliquent, et pour le ou les pays qui les prennent. Alors, faut-il ou non prendre ces sanctions ? Je vais prendre deux exemples, l'un d'actualité, l'Ukraine, et l'autre, que j'ai bien connu dans une autre période, l'Afrique du Sud.
Je commence par l'Afrique du Sud. Il y a eu, il y a trente ans, un débat extrêmement serré pour savoir comment abattre l'apartheid en Afrique du Sud. Et la France a pris la tête de ce combat contre l'apartheid et a été amenée à recommander l'adoption de sanctions économiques contre l'Afrique du Sud. Je pense personnellement, pour avoir vécu cela comme chef du gouvernement, que cet élément a été un de ceux qui ont conduit l'Afrique du Sud à abandonner l'apartheid. L'apartheid est un régime épouvantable, mais qui était, d'une certaine manière, soutenu par la bourgeoisie économique blanche sud-africaine.
J'ai eu des discussions avec monseigneur Desmond Tutu, et nous étions arrivés à la conclusion avec François Mitterrand qu'il fallait appliquer des sanctions, en l'occurrence, l'interdiction de la vente du charbon et de tout lien économique. Nous avons fait adopter une résolution à l'ONU, parce que c'était l'un des seuls moyens de convaincre la bourgeoisie sud-africaine blanche que ce régime d'apartheid était sans perspective. Et que s'ils voulaient continuer à faire des affaires, il fallait qu'ils abandonnent l'apartheid parce que sinon, elles seraient impossibles. Et c'est un exemple, qu'il ne faut pas généraliser, où les sanctions extrêmes, et à l'époque nos opposants étaient les Britanniques, ont été un des éléments qui ont permis de renverser l'Apartheid.
Venons-en à l'Ukraine et à la Russie. La situation est très complexe, et j'ai coutume de dire qu'il y a deux bornes qui doivent définir les limites de notre politique. D'un côté, des États démocratiques, comme les États européens ou d'autres, ne peuvent pas rester sans réagir lorsqu'un pays, en l'occurrence la Russie, annexe une partie d'un autre pays, en l'occurrence la Crimée et qu'il s'ingère, pour employer un terme modéré, dans une partie de l'est ukrainien. Si on ne réagit pas au plan international, cela veut dire que vous admettez le principe qu'un pays, parce qu'il est plus fort qu'un autre, peut l'envahir et alors il n'y a plus de droit international ni de paix.
Mais, d'un autre côté, il y a une limite à ces réactions. C'est celle du raisonnable car qui va aller proposer que l'on fasse la guerre à la Russie ? Évidemment, personne de raisonnable. La politique que nous avons choisie en Europe est entre ces deux bornes. D'un côté, nous devons réagir, et de l'autre, nous n'allons pas non plus faire la guerre à la Russie. Et entre ces deux bornes, il y a à la fois la discussion et la sanction. Et c'est dans cette mesure que les Européens ont été amenés, après les discussions, à prendre toute une série de sanctions et nous sommes actuellement à l'échelon 3. Nous disons aux Russes : compte tenu du comportement que vous avez eu, voilà les sanctions que nous sommes amenés à prendre, qui vous pénalisent et qui nous pénalisent aussi. Si vous revenez sur certains de vos comportements, nous diminuerons ou nous supprimerons ces sanctions. Si en revanche, vous persévérez, et même vous aggravez la situation, nous augmenterons le niveau de sanctions.
Sur ces sujets, qui sont très délicats, on ne peut pas avoir une attitude que j'appellerais du «café du commerce», en disant que ce problème se déroule loin de la France et en plus nous avons suffisamment de problèmes en France. Mais il faut quand même réfléchir, et avoir toujours à l'esprit que la France agit pour ses intérêts, mais aussi pour l'universel. Il y a des discussions entre nous avec les Allemands, les Ukrainiens, les Russes et d'autres pays. La France est l'un des acteurs qui dit : fermeté et dialogue, et sanctions, mais qui essaie, dans le même temps, que les uns et les autres discutent ensemble.
Il n'y a pas d'un côté la diplomatie économique et de l'autre les sanctions. L'économie est un des registres sur lesquels doit jouer la diplomatie, et dans des circonstances particulières - j'espère qu'elles ne se prolongeront pas - il faut prononcer des sanctions, même si sur le plan économique, cela a des incidences très lourdes pour la Russie. Vous avez vu que le taux de croissance russe diminue ainsi que l'investissement étranger en Russie et de notre côté, les agriculteurs sont pénalisés.
Q - Sur les sanctions à la Russie, est-ce que ne pas faire la guerre économique à la Russie, cela veut dire leur vendre des Mistral, comme la France s'y est engagée en signant un contrat de vente...
R - Non, je n'ai pas dit ne pas faire la guerre économique, j'ai dit : ne pas faire la guerre. En ce qui concerne les Mistral, c'est une question qui a été longtemps débattue. C'est un contrat qui date de 2011, conclu après beaucoup de discussions, qui a été signé et déjà payé en grande partie. Notre attitude, qui a été rappelée encore par le président français dans son interview au Monde, est de dire : à partir du moment où le contrat a été signé et payé, normalement, la règle veut qu'il soit honoré. Maintenant, il peut toujours se produire des événements qui nous amèneraient à en rediscuter. Il y a une ligne qui est donnée avec les échelons de sanctions, il y a la règle générale des contrats et du droit international, et il y a bien sûr, il faut toujours faire attention à cela, les évolutions de la situation qui peuvent toujours se produire. Nous définissons un certain nombre de lignes, de principes, mais il ne faut jamais oublier que le principe de réalité, le principe de lucidité, ça existe, c'est même déterminant.
Q - Donc les Mistral sont toujours en suspens ?
R - Non, je ne me suis pas exprimé en ce sens. (...).
- Diplomatie économique -
Q - Bonjour Monsieur le Ministre, bonjour à tous. Pour la première fois depuis 1993, la Conférence des ambassadeurs n'invite pas que des ambassadeurs et des ambassadrices mais également des Français et beaucoup de jeunes. C'est dire le succès de cette conférence et c'est donc une bonne idée à laquelle nous assistons tous et d'ailleurs mon rôle est de vous rappeler que vous pouvez poser des questions sur Twitter avec un compte qui s'appelle «COMF AMB» et que nous sommes suivis sur Twitter grâce aux services multimédias du Quai d'Orsay qui sont évidemment hautement importants.
Alors Monsieur le Ministre, sans faire de grandes interventions, il y a quand même une chose qui est remarquable, cette année en 2014, c'est que le Quai d'Orsay n'est plus seulement le MAE, comme disent les diplomates ici, c'est devenu le MAEDI, ministère des affaires étrangères et du développement international et on pourrait ajouter du tourisme.
C'est une grande nouveauté et c'est ça, je crois, qui compte à la fois pour les jeunes qui sont ici, puisque c'est l'avenir, et pour vos ambassadeurs, parce que c'est devenu une vraie priorité, ce que vous appelez la diplomatie économique. Mais tout de même : Irak, Iran, Liban, Syrie, Ukraine ; est-ce que vous avez le temps... et est-ce que vos ambassadeurs et vos ambassadrices ont le temps de faire de l'économie quand la diplomatie est tellement exigeante puisque c'est partout des questions de guerre et de paix ?
R - La réponse est oui. On n'a pas attendu Laurent Fabius pour que les ambassadeurs et les ambassadrices s'occupent d'économie, car si un pays n'est pas économiquement puissant, il ne peut pas être diplomatiquement rayonnant.
La France est une grande puissance diplomatique mais si elle décrochait durablement sur le plan économique, un beau jour - cela ne m'est pas encore arrivé mais cela pourrait arriver - mes collègues américains, chinois, russes me diraient : Mon Cher Laurent, c'est très intéressant ce dont tu parles mais, comme on dit chez les psychanalystes, «d'où parles-tu» ? Donc il faut être puissant économiquement.
Et les ambassadeurs qui sont les représentants de la France à l'étranger, non seulement sont amenés à s'occuper d'économie mais il faut qu'ils apportent leur pierre pour le développement économique. Ce sont les entreprises qui font la richesse ou l'absence de richesse d'un pays. Mais l'État, l'administration - et les ambassadeurs sont les patrons de l'État à l'étranger - doivent faciliter les choses. Ils ne m'avaient pas attendu pour cela, mais je leur ai dit : Mesdames et Messieurs, désormais c'est explicitement dans votre cahier des charges ; ça c'était la première idée. Cela s'est concrétisé par un certain nombre de choses que j'ai lancées, et puis cela s'est concrétisé lors du remaniement précédent, puisque j'ai demandé et obtenu qu'on rattache à cette maison le commerce extérieur et le tourisme.
La deuxième idée, c'est que désormais, la diplomatie - et c'est le thème que j'ai choisi pour la conférence des ambassadeurs - est une «diplomatie globale».
Il y a la diplomatie stratégique mais enfin n'est pas Metternich qui veut, et c'est vrai qu'il faut s'occuper - vous avez oublié Gaza - de l'Ukraine, de l'Irak, du Liban, de la négociation nucléaire avec l'Iran, etc. Ça c'est indispensable et c'est passionnant mais c'est un élément du métier, à la fois du métier à l'administration centrale et du métier d'ambassadeur.
Il y a la diplomatie économique, j'en ai dit un mot.
Il y a la diplomatie culturelle. Nous sommes le premier réseau culturel au monde. Nous avons l'Institut français, beaucoup d'instituts, des alliances françaises. Nous avons une capacité en matière d'aide au développement, qui est exceptionnelle et nous avons maintenant ce que nous faisons en matière sportive. Ce n'est donc plus un métier, - à supposer qu'il l'ait jamais été -, segmenté. C'est la globalité et la transversalité qui fait la force de la diplomatie française et qui définit le travail des ambassadrices et ambassadeurs.
Donc, deux idées : premièrement, l'économie est déterminante pour la puissance diplomatique ; deuxièmement, ce n'est plus un métier de spécialistes. J'ai besoin d'une diplomatie et de diplomates globaux. Voilà ce qui explique le MAEDI.
(...)
Là-dessus comme dit Mme Collet, déjà auparavant les ambassadeurs faisaient de l'économie. Mais maintenant c'est systématique. Et, localement, l'ambassadeur ou l'ambassadrice est efficace et est effectivement - on a changé les décrets -, le patron de l'ensemble.
En ce qui concerne le rapport avec l'administration centrale, il y a une direction qui s'occupe de cela. Je vais faire des annonces nouvelles vendredi à la Conférence des ambassadeurs et maintenant c'est cette maison qui a la cotutelle - ce qui n'existait pas avant - d'un certain nombre d'éléments qui sont très important :
UBIFRANCE. C'est l'organisme qui amène les entreprises moyennes à l'étranger ; l'AFII, c'est l'organisme qui suscite les investissements étrangers en France ; et, en matière d'expertise, alors qu'il y avait toute une série de fragmentations en France, la décision a été prise par le gouvernement de coordonner et de regrouper l'ensemble des expertises sous la tutelle de cette maison, avec nos ambassadeurs comme avant-postes.
(...)
Q - C'est un des points majeurs, les petites entreprises et les moyennes entreprises, comment font-elles finalement et à quoi pouvez-vous leur être utile, Monsieur le Ministre ?
R - D'abord, nous avons un déficit extérieur qui est de l'ordre de 60 milliards d'Euros. On parle toujours du déficit budgétaire mais j'ai coutume de dire que le déficit budgétaire c'est très ennuyeux. Simplement on peut, par une décision de puissance publique, le stopper. Si le Premier ministre nous envoie ce qu'on appelle des lettres-plafonds en disant : «Monsieur le Ministre, là où vous dépensiez 100, l'année prochaine vous allez dépenser 95», évidemment c'est très ennuyeux mais c'est ce qu'on fait. Donc c'est un acte de puissance publique qui peut corriger le déficit budgétaire même si cela a des conséquences autres.
Q - Est-ce que les agences régionales de développement sont des acteurs de la diplomatie économique ?
R - Oui, on les associe bien sûr. Mais ce que je voulais dire c'est que, autant le déficit budgétaire peut être réduit ou réglé par des actes de puissance publique, autant le déficit commercial c'est tout à fait autre chose.
Le déficit commercial c'est les échanges de biens et de services et c'est le vrai juge de paix de notre compétitivité. Or quand - la dernière fois que j'étais au gouvernement, enfin c'était dans les années 2000 - j'étais ministre de l'économie et des finances, à l'époque nous avions encore un excédent commercial.
Là quand nous avons repris les affaires en 2012 nous avions un déficit d'un peu plus de 70 milliards. Évidemment il y a beaucoup d'universitaires, d'étudiants parmi vous, vous connaissez ces mécanismes mais, au-delà, il faut sortir l'argent pour payer ce déficit. Et c'est le vrai juge de paix de notre compétitivité qui avait énormément reculé. Or on ne peut pas reculer de compétitivité éternellement.
Nous sommes donc obligés de regagner en compétitivité et de redresser notre balance. Cela dépend des entreprises et des PME notamment. Quand on compare la France et l'Allemagne c'est au niveau des moyennes entreprises qu'est la différence. Nous, nous avons pas mal de petites entreprises mais elles n'arrivent pas à devenir moyennes puis grandes. Il faut donc les aider. Certes le patron d'AIRBUS ou M. Arnault viennent vous voir - c'est très bien - mais, à la limite ils peuvent se débrouiller. Il faut aussi qu'ils amènent d'autres entreprises avec eux. Et nous, il faut que nous favorisions les petites et les moyennes.
Mais ce que je voulais dire, c'est que si nous parlons de «diplomatie économique», n'ayez pas le sentiment que maintenant l'économie a pris le pas sur tout le reste, ce n'est pas vrai du tout. D'abord parce que l'aspect stratégique est tout à fait important et les États avec lesquels nous discutons évidemment tiennent compte de la puissance économique de la France mais aussi de sa politique générale, stratégique.
Deuxièmement c'est lié aussi à notre influence culturelle et éducative. Si on veut qu'il y ait davantage d'entreprises françaises en Éthiopie ou en Malaisie, il faut que les entrepreneurs qui viennent s'installer là-bas et leurs salariés puissent avoir des écoles françaises, des lycées français. Nous sommes donc amenés à avoir une présence très forte.
De la même façon il faut que nous apportions une formation. Souvent ce qui fait la différence c'est le «plus» dans les produits français, ce n'est pas spécifiquement la qualité du produit, mais que l'on apporte de plus en plus une formation avec, c'est ce qu'on nous demande.
Il n'y a donc pas d'un côté la grande diplomatie stratégique, de l'autre l'intendance économique, et puis, dans une troisième part, le culturel. Tout cela est lié, et les ambassadeurs et ambassadrices ont cette tâche.
Quand Mme Collet s'occupe de l'Éthiopie, elle s'occupe d'économie mais elle s'occupe aussi de la grande question du Nil et de savoir si le Nil va pouvoir circuler jusqu'en Égypte. Elle s'occupe, puisqu'elle est également notre correspondante auprès de l'Union africaine - qui est à Addis-Abeba -, de toutes les relations avec l'Union africaine. Et quand Mme Dorance - qui va partir pour le Pakistan - est ou était en Malaisie, elle s'occupait des relations générales avec la Malaisie, notamment des relations stratégiques. C'est un pays riche et il y a donc des développements à avoir sur des industries de souveraineté. C'est tout cela le métier qui en fait un métier extrêmement passionnant, un peu nouveau mais formidable à condition bien sûr d'avoir le sens de l'accueil de la présence étrangère et à condition, Mesdames et Messieurs - je dis cela pour les étudiants - de savoir les langues.
(...)
Q - Est-ce qu'il y a des lignes rouges pour les entreprises françaises en termes d'éthique ? Est-ce qu'on sait transformer les liens économiques en garanties de paix ?
R - Oui, la question de l'éthique s'adresse aux entreprises. Elles doivent respecter le code de l'OCDE qui est un code rigoureux pour interdire toute une série de pratiques. Nos entreprises le font et j'espère que les entreprises d'autres pays le font aussi. Mais évidemment, d'après ce que certains spécialistes disent, l'obtention de tel ou tel marché n'est pas - je suis au Quai d'Orsay, il faut que je sois diplomate - n'est pas toujours liée à la qualité intrinsèque des produits. Nous essayons de jouer le jeu honnêtement et de jouer la concurrence honnêtement. Je ne peux que passer un message de respect à la fois des normes éthiques et des populations.
Q - Monsieur le Ministre, ma question m'amène à réfléchir sur les liens et le rôle des chambres de commerce françaises à l'étranger dans cette diplomatie économique, le rôle que vous leur attribuez et les liens qu'ils ont avec vos ambassades.
R - La question des chambres de commerce est un sujet dont nous discutions avec Mme Penicaud, patronne d'UBIFRANCE et de l'AFII, puisque nous fusionnons ces deux établissements. Il faut travailler de plus en plus avec les chambres de commerce, avec les régions aussi, et avec également la Banque publique d'investissement. Et il y en a d'autres aussi qui, à un degré ou à un autre, peuvent et veulent travailler pour le développement de notre présence à l'étranger, et - un point sur lequel on n'a pas assez insisté - le développement de l'investissement étranger en France. Si on veut créer des emplois, il faut aussi qu'il y ait des groupes étrangers et des personnes, physiques ou morales, qui viennent investir en France. Un travail est mené, qui doit être de plus en plus développé avec les chambres de commerce, qui ont leur travail spécifique, mais qui doit être harmonisé au sein de ce qu'on appelle communément «l'équipe de France.»
(...)
Q - Existe-t-il aujourd'hui une intelligence économique à la française, afin d'assurer et de protéger les intérêts français à l'étranger, et de même chercher à aller développer les contrats de nos entreprises à l'étranger ?
R - La réponse est oui.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, je suis un ancien consul général de France à Erbil, au Kurdistan d'Irak. Merci d'y être allé et d'avoir pris ces positions et ces décisions. Je voulais revenir justement sur la présence économique, en tant que consul général, j'ai assez souffert au Kurdistan d'Irak de voir que notre positionnement économique était surtout de vendre de la «haute technologie». Les Allemands, les Italiens, les Tchèques et les autres étaient là, c'était de la «moyenne ou de la petite technologie». Quelles sont donc les mesures précises qui auraient pu être prises vis-à-vis des PME qui, effectivement, ne peuvent pas se payer des billets d'avion continuels, des présences dans les expositions, les foires internationales, etc. ?
R - Merci en tout cas de ce que vous avez fait. Il n'y a pas de réponse générique, et Madame Penicaud sera certainement plus compétente que moi pour répondre. Simplement, je crois qu'il y a des règles de bon sens à observer et après, des moyens pratiques. Les règles de bon sens, c'est que c'est le client qui fait le choix. Parfois, et il serait stupide de généraliser, nous voyons des entreprises - mais c'est plutôt le cas des grandes entreprises - qui ont des produits absolument magnifiques qui ne correspondent pas à ce que souhaite le client, mais qui ne veulent pas changer en disant : «mais le produit est tellement magnifique que ce serait un crime de lèse-majesté que de le modifier.» Je ne suis pas un entrepreneur, donc je ne voudrais pas dire de choses inexactes, mais c'est quand même le client qui, à la fin, décide ou non d'apposer sa signature. Il y a une adéquation entre les produits ou services que nous proposons et les désirs de clients, qui est quand même la règle numéro un du commerce, fusse le commerce international, qui n'est pas toujours intégrée par certains de nos vendeurs. Ça, c'est le premier point.
Le deuxième point concerne les PME. C'est vrai que dans beaucoup de régions, le petit entrepreneur va à un salon y passe deux jours puis repart, et pense qu'il va obtenir des marchés mirifiques. En général, ce n'est pas le cas, car il n'a pas les moyens de rester longtemps, de s'établir. C'est notre travail, c'est votre travail, Madame Penicaud, en particulier avec UBIFRANCE, et les chambres de commerce, de présélectionner du côté de la demande comme du côté de l'offre ce qui peut déboucher, et d'accompagner ces offres-là. Je crois que vous avez fixé le chiffre de 1 000 entreprises de taille intermédiaire qui doivent être propulsées, aidées, accompagnées. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire au hasard, c'est du travail en amont. À partir du moment où on l'a retenu une entreprise qui veut être présente à l'export, il faut l'accompagner, l'aider, y compris par des moyens financiers et administratifs. C'est ce travail qu'il faut faire et qui n'a pas été suffisamment fait jusqu'à présent. Quand notre commerce était excédentaire, il n'y avait pas de problème mais aujourd'hui, et depuis plusieurs années, il est fortement déficitaire. Il faut redresser la barre, c'est bien évidemment la responsabilité des entreprises, mais nous devons nous mettre à leur service pour les aider.
Nous avons parlé essentiellement de diplomatie économique, mais je ne voudrais surtout pas que vous ayez le sentiment, pour ceux d'entre vous qui éventuellement voudraient venir dans cette maison, que ce que vous allez faire, c'est uniquement de l'économie. Je crois que ce qui est intéressant, c'est la diversité des tâches d'où la nécessité d'être curieux, et de connaître les langues. Parce que, il y a un vrai avantage à connaître les langues, et je trouve qu'il y a un certain relâchement dans la formation et l'apprentissage des langues. Quand on entend un ambassadeur de France qui s'exprime en anglais et qui parle comme un vache espagnole, non, ça ne va pas. Le charme de l'accent français, c'est un charme dont on se lasse assez vite. Donc il faut parler français, parler anglais, parler espagnol, parler chinois, parler japonais.
(...).
- Tourisme -
(...)
Q - C'est la première fois qu'on voit un ministre des affaires étrangères jouer les ministres du tourisme à Roissy et accueillir les touristes chinois. Pourquoi, pour vous, le tourisme est si important ?
R - D'abord le touriste, c'est l'ambassadeur de la France. Il faudrait comprendre cela : les Français qui vont à l'étranger sont nos ambassadeurs, qu'ils le veuillent ou non, et quand des étrangers viennent en France ils sont des ambassadeurs réciproques. Il n'est donc pas surprenant que cette maison s'occupe du tourisme.
Ensuite, je pense - je m'intéresse beaucoup à l'économie - que ce secteur est peut-être le secteur qui peut le plus rapidement apporter des ressources supplémentaires massives à la France. Je ne vais pas vous abreuver de chiffres, mais, en 1955, il y avait 25 millions de touristes à travers le monde. Aujourd'hui, il y en a un milliard et dans quinze ans, il y en aura deux milliards. Donc en quinze ans, il va y avoir un milliard de gens en plus qui vont circuler dans le monde. Si nous sommes capables de capter une partie importante, ou significative, de ce milliard actuel et qui représente un milliard d'euros, en termes de devises, il n'y a pas besoin de faire des comptes compliqués...
En termes d'emplois, c'est par définition des emplois qui sont non délocalisables. Il se trouve que c'est un secteur où nous avons un avantage comparatif considérable parce que le bon Dieu, nos ancêtres, la nature, le patrimoine et le génie français ont fait que, quand on demande aux citoyens du monde : «quel est le pays que vous voulez visiter, en numéro un ?», ils placent la France.
Ce serait donc vraiment une aberration de ne pas miser sur ce secteur. Or pendant très longtemps, on a considéré que ce n'était même pas un secteur économique. Et il y avait une certaine défaveur vis-à-vis du tourisme, confère le vocabulaire : en français quand vous dites «celui-là c'est un touriste» ce n'est pas exactement un compliment. Il faut donc inverser complètement la donne et faire de ce secteur, pour lequel nous avons un avantage inouï, une espèce de tête de pont.
Économiquement, nous avons les touristes français qu'il faut maintenir, bien sûr, en France, nous avons les touristes européens et jusqu'à présent c'est encore les Européens, avec au premier rang les Allemands, qui viennent majoritairement en France.
Nous avons les touristes extra-européens qui se développent à grande vitesse. Le nombre de touristes chinois a augmenté de 25 % d'une année sur l'autre. C'est une excellente publicité pour la France, à condition qu'ils soient bien reçus, et c'est une source de recettes non négligeable puisqu'un Chinois en moyenne dépense 1 600 euros lorsqu'il vient en France. Mais il faut beaucoup progresser puisque les touristes viennent essentiellement à Paris et en région parisienne alors qu'il y a beaucoup de régions en France et que nous ne sommes pas suffisamment bons pour les accueillir, nous sommes moins bons que les Espagnols. Les Espagnols ont 30 % de touristes en moins que nous, et cela leur rapporte 30 % en plus. Si nous avions la même productivité que l'Espagne de ce point de vue-là, le déficit commercial de la France - je reviens à l'actualité - aurait baissé de 15 %. (...).
- Partenariat transatlantique -
(...)
Q - Je voudrais savoir qu'elle est la position de la France à propos du partenariat transatlantique qui ferait tomber les barrières entre l'Union européenne et les États-Unis. Quels sont les impacts négatifs que sa mise en oeuvre produirait, étant donné que ces impacts ne sont pas négligeables, puisque plusieurs régions françaises se sont prononcées ou se sont opposées à la signature de ce traité ? Merci.
R - Le Partenariat transatlantique est une question complexe aussi ne m'en veuillez pas si je suis un peu schématique. J'entends pas mal de gens qui ont des idées toutes faites selon lesquelles il s'agit d'un traité horrible et qu'il faut être contre pour des raisons idéologiques. D'autres, en revanche, disent qu'il faut être pour car il s'agit des Américains et du commerce. Je vais vous dire en quelques mots comment j'aborde les choses. Il faut savoir que même si le traité est négocié par l'Europe, ce sera le Parlement français qui devra le ratifier.
Développer le commerce international, a priori, est une bonne chose, puisque ça permet, sous certaines conditions, de favoriser la croissance. Les trois déterminants qui favorisent la croissance française sont liés à l'investissement, à la consommation et aux échanges extérieurs. Pour l'Europe et pour la France, le développement du commerce doit être bénéfique mais en y regardant dans quelles conditions. Cela doit être également le cas pour les Américains, parce que sinon ils diront non à cette négociation.
Que peut-on dire sur ces négociations ? Nous avons des choses à gagner pour pénétrer un certain nombre de marchés publics aux États-Unis. Ces derniers sont beaucoup plus restrictifs qu'en Europe. En Europe, on estime que près 80 % des marchés publics sont ouverts aux Américains tandis que seulement 25 % des marchés publics américains sont ouverts aux concurrents étrangers. L'une des choses que nous demandons - sans garantie de succès - c'est la réciprocité dans l'ouverture des marchés publics. Je ne suis pas sûr que l'on arrive à nos fins, parce que les Américains - nous en avons parlé notamment lorsque le président Obama rendait visite au président français et j'en parle souvent avec John Kerry - répondent oui au niveau de l'État central mais chaque État est responsable de sa réglementation.
Un deuxième terrain sur lequel il faut discuter c'est le secteur des marchandises agricoles. Pour certains d'entre elles, nous pouvons pénétrer le marché américain, tandis que pour d'autres il y a un refus d'accès et nous leur demandons d'ouvrir leur marché. Il s'agit d'une discussion serrée. Troisième exemple, le secteur culturel. Nous avons exclu d'aborder les thèmes de l'expression culturelle ou de la diversité culturelle. Nous pensons que la culture n'est pas une marchandise comme une autre, et que l'on doit la soumettre à un certain nombre de dispositions spécifiques. Pour le moment, les Américains nous répondent oui, mais est-ce qu'ils nous diront oui à la fin de la négociation ? La question est posée.
Il y a un dernier exemple sur le règlement des conflits. Qui va trancher ? Est-ce que ce sont des tribunaux publics ou des juridictions privées ? Il y a toute une controverse car si ce sont des juridictions privées, il y a des possibilités de lobbying.
Finalement, ce sera le gouvernement français qui soumettra un texte au Parlement, même si c'est l'Europe qui négocie. Je suis lucide, et j'ai un certain nombre d'idées pour la négociation qui est en train d'être menée, mais je ne proposerai un jugement final au président de la République que lorsque nous aurons vu ce que nous pouvons obtenir et les concessions que nous serons amenés à faire. Voilà ma position.
(...).
- Politique étrangère -
Q - Alors tout de même, vous demandez plus à vos ambassadeurs mais avec moins de moyens ; est-ce que le Quai d'Orsay a toujours suffisamment de moyens pour que la France soit à la hauteur de ses ambitions ?
R - Même les organisations syndicales ne me disent pas ça. Il y a une réalité dont vous avez été informés, c'est que les finances publiques ne sont pas florissantes et donc il y a un effort à faire pour limiter les déficits. Et cet effort ne peut pas être fait simplement par les autres ministères. Ayant été Premier ministre, je sais la difficulté de la tâche et il faut que tout le monde apporte sa contribution. Donc le Quai d'Orsay, apporte sa contribution. Mais on peut le faire d'une façon plus ou moins efficace et plus ou moins inventive et nous avons trouvé, en liaison avec les organisations syndicales, un certain nombre de méthodes qui font que le ministère arrive à vivre. Simplement il y a des limites et il ne faudrait évidemment pas aller au-delà du raisonnable.
Mais qu'est-ce qu'on a fait par exemple ? Nous sommes attachés à une règle qui est l'universalité, c'est-à-dire je veux qu'il y ait une présence française partout dans le monde. Mais l'universalité n'est pas l'uniformité, ce n'est pas la même chose. C'est-à-dire qu'on peut être présents partout dans le monde mais pas de la même façon.
Q - Présents seuls ou avec l'Europe ? Avec d'autres pays européens ? Est-ce qu'on peut partager nos ambassades ?
R - On a lancé quelques initiatives avec l'Allemagne et un peu avec l'Espagne. Pour l'instant, c'est à dose homéopathique. Nous souhaitons, en particulier avec mon collègue et ami allemand Frank-Walter Steinmeier, qu'on fasse davantage mais pour l'instant, c'est quand même limité.
Mais il y a quand même des initiatives qu'on a prises et qui se traduisent par des économies. Exemple : dans une trentaine de postes qui sont des petits postes, dans des pays tout à fait respectables, jusqu'à présent le seuil minimum en termes d'emplois était sept ou huit emplois et nous sommes passés à quatre emplois.
Il y a aussi des différenciations en fonction de l'évolution du monde. Il y a encore peu d'années, tous services compris, nous avions autant de personnel en Belgique qu'en Chine... ou plutôt pas plus en Chine qu'en Belgique. Nous avons beaucoup d'estime pour nos amis belges et pour leur économie et pour leur diplomatie, mais il est vraisemblable que la Chine est appelée à devenir une puissance plus importante dans le futur, que la Belgique, par son rayonnement.
Nous avons donc été amenés à diminuer un certain nombre de postes en Europe et à en augmenter en revanche en Asie, en Afrique, en Amérique du sud. Il y a donc des choses qu'on peut faire.
Puis - c'est ce qui attire l'attention des journaux même si ce n'est pas nécessairement essentiel - nous avons une gestion dynamique de notre immobilier parce qu'il faut que les ambassadeurs gardent un certain niveau en représentation. L'un des ambassadeurs me disait : «si j'invite à dîner le président X ou Y au restaurant, il ne va pas venir ; si je l'invite à la résidence il va venir.» C'est vrai et il faut tenir compte de ça. Mais cela ne veut pas dire pour autant qu'il faut avoir des appartements ou des résidences qui sont à la fois somptuaires et non fonctionnels. Il y a des choses qu'on peut faire évoluer. Je répète, il faut faire attention parce qu'il y a des moyens au-dessous desquels on ne peut pas descendre.
(...)
Q - Alors, dernière question avant de donner la parole aux ambassadeurs, compte tenu de ce que vous avez dit des risques de guerre de ce monde de trouble, quel est votre défi numéro un en tant que ministre des affaires étrangères ?
R - J'ai quatre priorités et à chaque fois que vous voyez la France - le président de la République, le Premier ministre, moi-même - prendre une position, nous nous situons par rapport à quatre objectifs. La situation, vous l'avez dit, est extrêmement diverse et cet été est l'été de toutes les crises. Mais si on veut travailler efficacement, il faut avoir des points fixes. J'en ai quatre :
Premièrement, la paix et la sécurité. Quand nous prenons une position, nous la prenons par rapport à cet objectif de paix et de sécurité, ce qui ne veut pas dire le pacifisme, c'est un autre problème, mais sur toute une série de conflit, paix et sécurité c'est l'objectif numéro un.
Q - Elle est menacée en Europe la paix, aujourd'hui avec ce qui se passe en Ukraine ?
R - En tout cas, la tension est extrêmement sérieuse. Quand vous voyez un pays annexer une autre région, en l'occurrence la Crimée, et un pays qui une première fois il y a trois jours et maintenant, une deuxième fois, envoyer des convois humanitaires sans y avoir été invité, c'est un élément de tension considérable.
Donc la paix et la sécurité, point numéro un.
Deuxièmement, la planète, sous ce double angle : l'organisation de la planète - Nations unies, droits de l'Homme etc. - et le climat. La principale affaire diplomatique du quinquennat va être la COP 21, la conférence sur le changement climatique, que nous allons accueillir à Paris en décembre 2015 et c'est cette maison qui est chargée de présider cette conférence.
Troisièmement l'Europe : réorientation et relance.
Et, quatrièmement, le rayonnement et le redressement de la France.
Et à chaque fois que se pose un problème, il faut anticiper. Quand on est diplomate il faut suivre les affaires et anticiper. C'est autour de ces quatre objectifs que nous le déterminons.
(...)
Q - Sur quel point le principe de diplomatie globale se différencie de celui de diplomatie d'influence ?
R - La diplomatie globale c'est ce qui permet à la diplomatie d'influence d'avoir des bras. Avec l'influence doivent venir les moyens de l'influence. Et les moyens de l'influence c'est à la fois l'action stratégique, l'action économique, l'action culturelle, l'action de développement.
Comme disait Mme Collet, nous avons une agence dont nous avons la cotutelle qui est l'Agence française de développement. L'agence française de développement aide à la solidarité, mais elle aide à la solidarité notamment en donnant des crédits qui vont à des entreprises. Parmi les entreprises, ce n'est pas «seulement» les entreprises françaises mais c'est «aussi» les entreprises françaises.
Il peut y avoir des cas extrêmes ou il peut y avoir un conflit ; et je tiens beaucoup à ce que la dimension de solidarité soit présente dans l'action de la France parce que c'est une des singularités de la France. La France essaie toujours d'agir à la fois pour défendre ses intérêts et pour défendre l'universel, c'est en cela qu'on reconnaît la spécificité de la France.
(...)
Q - Monsieur le Ministre, vous avez dit, lors de votre discours au siège de l'ASEAN à Jakarta le 2 août 2013, que c'est la première fois qu'un membre du gouvernement français se rend au siège de l'ASEAN. Après une longue absence de la présence de la France dans l'ASEAN, est-ce que l'ASEAN sera ou va devenir prioritaire pour la politique étrangère française ? Sachant aussi que, fin 2015, l'ASEAN va entrer dans la nouvelle étape de l'intégration, la communauté économique ASEAN 2015.
R - Effectivement, j'ai le souvenir d'une visite en Indonésie qui m'avait beaucoup intéressé. J'avais rendu visite et j'étais, je crois, le premier (membre du gouvernement) français à rendre visite à l'ASEAN. Mes prédécesseurs ont fait beaucoup de travail dans beaucoup de pays, mais parfois, il arrive que je sois le premier à me rendre dans un pays, et cela me frappe. Mais le côté qui m'a le plus frappé, c'est quand je suis allé en Mongolie. Le président de Mongolie, qui est un homme d'ailleurs qui a beaucoup d'humour, m'a dit : on est très heureux de vous accueillir parce que vous êtes le premier envoyé français depuis Saint-Louis.
En ce qui concerne l'Indonésie, c'était beaucoup plus récent. L'Indonésie est un pays formidable, et j'espère que nous allons accueillir bientôt son nouveau président. D'autre part, l'ASEAN est évidemment une zone qui va énormément se développer, c'est 500 millions de personnes dans une région où il y a aussi des tensions. Donc la France doit être présente et veut être présente. De ce point de vue-là, j'ai nommé, il y a quelques semaines un représentant spécial et je le fais dans quelques pays ou zones, peu nombreuses. Ce représentant spécial, c'est M. Varin, un industriel très connu, ancien patron de Peugeot, qui est passionné par cette zone du monde et qui - de la même façon que Louis Schweitzer, a fait un très bon travail avec l'ambassadeur Christian Masset, au Japon - va, je crois, nous aider à être très présent dans les pays de l'ASEAN. (...).
- Politique africaine - Nigeria -
(...)
Comme l'a fort bien dit l'ambassadeur, le Nigeria est un pays anglophone et très peuplé. Selon les prévisions de l'ONU, à la fin du siècle, il y aura 900 millions de personnes au Nigeria. Même si c'est un pays anglophone, le nombre de francophones dans ce pays est - en valeur absolue et non en valeur relative - plus important que dans la plupart des pays francophones.
Pour toutes ces raisons et d'autres, il faut que nous soyons présents au Nigeria, et d'une manière générale en Afrique. Autant nous sommes très présents, et c'est tout à fait normal, dans les pays francophones, autant désormais, et je crois que c'est une évolution assez sensible au cours des dernières années, nous sommes présents dans toutes les Afriques, et avec l'approbation des pays eux-mêmes.
Nous sommes présents dans l'Afrique francophone, dans l'Afrique anglophone, dans l'Afrique lusophone et dans l'Afrique arabophone. Et ce n'est pas parce que nous sommes présents dans l'Afrique anglophone que nous allons être moins présents dans l'Afrique francophone. L'Afrique est un grand continent d'avenir, la France a des relations particulières avec l'ensemble de ce continent. C'est une évolution, c'est un choix politique, qui nous semble très important.
(...).
source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 septembre 2014