Texte intégral
C'est le jour même de la passation de pouvoir que Najat VALLAUD-BELKACEM m'a parlé de l'événement qui me vaut le plaisir et l'honneur d'être aujourd'hui parmi vous.
C'est dire si elle tenait à être là ! Et c'est un sentiment que je partage totalement.
Je remercie donc Mohamed MECHMACHE et Nicky TREMBLAY ainsi que l'ensemble des membres de la coordination pour l'accueil si chaleureux qui nous a été réservé.
En tant qu'élue du 18e arrondissement de Paris, je sais tout le travail, toute la passion, tout l'engagement des milieux associatifs pour renforcer, préserver et quelquefois reconstruire un lien social abîmé par la crise et la montée des inégalités. Je sais le rôle éminent que les associations jouent quotidiennement au plus près des habitants et de leurs attentes.
J'ai même la conviction que les associations et les élus devront de plus en plus travailler ensemble à la poursuite de l'intérêt général. Dans nos quartiers, aucune politique publique ne peut réussir pleinement et durablement si elle n'est pas élaborée et mise en uvre avec les habitants.
Or, ce sont les associations qui suscitent et organisent l'expression des revendications légitimes des habitants afin qu'elles se traduisent en actes.
Je n'ignore pas non plus la méfiance, la déception et quelquefois l'exaspération que la juste impatience des quartiers fait naître et grandir à l'égard des élus. Les associations apparaissent pour beaucoup comme une alternative à l'engagement partisan.
Je veux vous dire ici que je comprends votre impatience. Cette impatience nous impose, à nous qui sommes en responsabilité, d'aller plus vite, d'être plus ambitieux sans doute.
C'est ce qu'a dit le président de la République lors de sa grande interview de rentrée.
Oui, la situation est grave. Très grave même. Vous connaissez mieux que quiconque les effets désastreux de la crise sur la vie quotidienne de nos concitoyens dans les quartiers. Vous savez la désespérance de ces jeunes plus qu'ailleurs frappés par le chômage, le décrochage scolaire, les discriminations, le manque de perspective.
Cette désespérance nourrit l'abstention massive et les extrémismes. C'est ce que le Premier ministre a rappelé dimanche dernier à La Rochelle, « si certains tournent le dos à la République, font le choix du repli, c'est aussi parce que la République n'a pas su et ne sait plus tenir toutes ses promesses ».
Le temps presse. Pour le gouvernement. Pour Patrick KANNER, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports, et moi-même, qui avons en charge la politique de la ville. Ne doutez pas un instant de notre détermination et de notre engagement. Mais le temps presse aussi pour vous tous qui uvrez chaque jour pour que la République retrouve toute sa place partout sur notre territoire.
Car si les extrêmes arrivaient au pouvoir en 2017, ce qu'envisagent certains sondages récents effrayants, ce ne serait pas que le gouvernement qui serait sanctionné, mais tous les Français ! Que deviendrait alors la politique de la ville ? Les associations pourraient-elles encore disposer de moyens pour agir ?
Nous devons donc, plus que jamais, unir nos forces et nous rassembler pour mener, ensemble, une politique de la ville à la hauteur des enjeux économiques, sociaux mais aussi, si j'ose dire, moraux, qui sont aujourd'hui ceux de nos quartiers.
1. Nous ne devons pas baisser les bras, et d'abord parce que tout est d'ores et déjà en place pour que soit menée une « politique de la ville ambitieuse », pour reprendre l'expression utilisée par Manuel VALLS à La Rochelle.
Nous ne voulons pas acheter la paix sociale avec de faux espoirs, comme cela a été si souvent fait auparavant. Non, nous ne sommes pas là pour annoncer un nouveau plan Marshall pour les banlieues. Et même, il faut le dire avec lucidité : tout ne sera pas réglé en quelques mois.
Mais la réforme de la politique de la ville est pleinement engagée. Et nous pouvons, nous devons même en saluer les avancées.
Annoncée pendant la campagne présidentielle, construite avec tous les acteurs de la politique de la ville, notamment grâce à la concertation « Quartiers, engageons le changement », inscrite dans la loi de programmation pour la ville portée par François LAMY, elle a été adoptée à une très large majorité au Parlement en février 2014.
Oui, la politique de la ville est une priorité pour le gouvernement. J'en donnerai simplement trois illustrations :
1. 20 % des 150 000 emplois d'avenir créés à ce jour bénéficient aux jeunes des ZUS. C'est un réel progrès, quand on sait qu'en 2011, les jeunes des quartiers, qui représentent 12 % des jeunes de France, ne bénéficiaient que de 10 % des contrats aidés.
2. Le retour des services publics dans les quartiers est entamé. Bien sûr, il reste encore beaucoup à faire ! Mais je veux tout de même souligner que :
40 % des créations de postes pour la scolarisation à deux ans, dont chacun sait qu'elle est essentielle pour les familles modestes, ont bénéficié aux écoles des quartiers en 2013 ;
sur les 100 nouveaux réseaux d'éducation prioritaires déployés en cette rentrée, les REP +, 95 concernent les quartiers prioritaires ; Sur les 2000 postes créés à Pole emploi l'année dernière, 500 ont bénéficié aux agences intervenant dans les quartiers ; l'ouverture d'une agence à Clichy sous Bois en février dernier est de ce fait plus qu'un symbole ;
Les 80 zones de sécurité prioritaire redéployées qui sont quasiment toutes mises en place autour d'un quartier prioritaire.
3. Enfin, 1 milliard d'euros par an ont été consacrés au renouvellent urbain depuis 2012. Et ce ne sont pas moins de 5 milliards d'euros de subventions de l'ANRU qui vont prochainement être débloqués, soit un effet levier de près de 20 milliards d'investissements sur l'habitat, les équipements publics, l'activité économique, les transports et tout ce qui a trait à la qualité de vie dans nos quartiers.
Autant d'actions qui illustrent notre ambition pour les quartiers ! La loi de programmation pour la ville montre à quel point nous voulons mobiliser tous les acteurs de la politique de la ville pour que progresse l'égalité.
Concentration de la politique de la ville sur les quartiers les plus en difficultés, contrats de ville, engagements renforcés de tous les services publics : cette loi dote les pouvoirs publics de moyens plus efficaces pour mener son action en faveur des quartiers populaires. Il nous appartient de la traduire en actes visibles de tous.
2. C'est pourquoi le principe de co-construction a été placé au cur de la politique de la ville
C'est grâce au rapport rédigé par Marie-Hélène BACQUE et Mohamed MECHMACHE que ce principe de co-construction des politiques publiques est désormais inscrit dans la loi. Je veux les en féliciter et les remercier.
Grâce à ce principe, le sentiment qu'ont souvent les habitants des quartiers d'être les simples objets de décisions venues d'en haut doit pouvoir s'estomper.
A nous de faire vivre pleinement ce principe. Il permet à l'action des pouvoirs publics de gagner en efficacité mais aussi en légitimité puisque les décisions concernant les quartiers auront désormais été prises en plein accord avec leurs habitants.
Le principe de co-construction a d'ores et déjà engendré la mise en place d'outils concrets.
Les conseils citoyens doivent ainsi favoriser les échanges entre habitants, mais aussi entre habitants et services publics. Ils permettent une expertise plus fine des besoins ainsi qu'une remontée des propositions formulées par les habitants eux-mêmes, et assurent la représentation de ceux-ci dans les instances du contrat de ville.
Dans le cadre du nouveau programme de l'ANRU, les Maisons du projet donneront quant à elles la possibilité aux habitants d'apporter leur contribution citoyenne à l'élaboration, le pilotage et le suivi des projets urbains.
De même, pour faire émerger de nouvelles pratiques participatives, une bourse d'expérimentations dotée de 600 000 est ouverte aux associations, collectifs, établissements publics et collectivités. Son objectif ? Encourager les initiatives qui permettent le développement du pouvoir d'agir des habitants et qui renforce le lien social.
La démarche qui doit présider à l'animation de ces nouveaux organes de la politique de la ville se formule simplement : partir du terrain et de ses réalités. L'Etat doit remplir son rôle d'impulsion et garantir un cadre général. Mais, nous ne voulons pas imposer d'en haut des modalités d'action rigides qui n'épouseraient pas toute la complexité des réalités locales.
C'est en ce sens que nous avons travaillé avec vos délégués et avec ceux de l'association des maires de France et de Ville et Banlieues : le cadre de référence des conseils citoyens qui a été diffusé récemment donne beaucoup de souplesse dans la mise en place des conseils citoyens et des Maisons de projet.
3. Plus que jamais, cette participation citoyenne exige un mouvement associatif dynamique et soutenu
En particulier, il est impératif que votre activité ne soit pas entravée par des procédures administratives, la complexité administrative étant très souvent source d'injustice dans le milieu associatif. Cette complexité touche de plein fouet les petites associations qui n'ont pas les moyens d'avoir recours à des experts fiscaux, juridiques ou comptables pour les aider dans leurs démarches.
A l'initiative de Najat VALLAUD-BELKACEM, Yves BLEIN, spécialiste reconnu du milieu associatif et rapporteur du projet de loi relatif à l'économie sociale et solidaire, a été désigné par le Premier ministre comme parlementaire en mission sur le sujet.
Son rapport nous sera rendu en octobre. A partir des propositions qu'il formulera, Patrick KANNER et moi-même annoncerons d'ici la fin de l'année une série de mesures qui se traduiront de manière très concrète dans les relations des associations avec les administrations.
Je ne veux pas anticiper sur les conclusions de cette mission. Mais je considère que l'un des principaux chantiers de simplification administrative devra porter sur les procédures d'attribution de subventions, qui relèvent trop souvent du parcours du combattant.
Les services de l'Etat et des collectivités territoriales demandent souvent, chacun de leur côté, les mêmes renseignements administratifs, les mêmes pièces justificatives. Il faudra mettre un terme à ces doublons, qui font perdre un temps précieux aux associations et les détournent de leur mission d'intérêt général.
Je souhaite aussi qu'un effort soit fait pour développer les conventions pluriannuelles d'objectifs.
Ces CPO présentent le double avantage de donner de la visibilité financière aux associations et d'alléger leur charge administrative en leur évitant de remplir une nouvelle demande chaque année. Des progrès significatifs ont été accomplis ces dernières années sur le sujet. Mais il est encore possible de faire mieux.
Pour construire un projet, il faut aussi avoir la capacité d'embaucher des permanents sur la durée. C'est essentiel pour que les associations remplissent leur mission mais aussi pour l'emploi, qui est la priorité absolue du gouvernement.
Ainsi, pour permettre aux acteurs associatifs de créer davantage d'emplois, une baisse du montant de leur taxe sur les salaires a été décidée, avec l'abattement sur la taxe sur les salaires (TS), qui passe de 6 000 à 20 000 euros.
Dans le champ de la politique de la ville, les crédits d'intervention seront sanctuarisés pour les trois ans qui viennent à leur niveau actuel (338 millions d'euros).
Alors que nous devons dégager 50 milliards d'économies entre 2015 et 2017 pour redresser nos finances publiques, la sanctuarisation des crédits d'action de la politique de la ville témoigne pleinement de la volonté de justice sociale et territoriale qui est celle du gouvernement.
Cher amis,
Je veux y insister pour finir.
La création de la coordination citoyenne est un événement très important pour nos quartiers mais aussi pour notre démocratie toute entière.
Donner la parole aux habitants des quartiers, leur assurer une maîtrise toujours plus grande de leur vie collective et individuelle en faisant, non les simples bénéficiaires passifs, mais les citoyens actifs du renouvellement économique, social et urbain des quartiers : telle est la noble mission que vous vous êtes fixée, et que vous accomplirez, j'en suis sûre.
Vous avez montré que le changement était possible, et que les quartiers entendaient prendre toute leur place dans le destin collectif de notre pays. Vous pouvez compter sur le soutien des pouvoirs publics pour relever tous les défis qui vous attendent. Qui nous attendent.
Je vous remercie.
Source http://www.ville.gouv.fr, le 9 septembre 2014