Interview de M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, avec RTL le 25 septembre 2014, sur l'assassinat d'Hervé Gourdel en Algérie par un groupe terroriste et sur la lutte contre Daech en Irak et en Syrie.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

JEAN-MICHEL APHATIE
Hervé GOURDEL était retenu en otage depuis dimanche par des djihadistes algériens, savez-vous précisément quand il a été assassiné ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je n'ai pas les heures précises, mais ce que je dois dire c'est que ce crime, cet assassinat lâche était un assassinat programmé à partir du moment où ce groupe voulait, par des actes, montrer sa force, sa détermination et son éligibilité si je peux prendre ce terme, au combat qui est mené ailleurs par l'Etat islamique. Ceux qui se proclament Etat islamique. Donc cette situation d'abord amène de l'émotion, je pense là ce matin à la famille d'Hervé GOURDEL, à ses enfants, sa compagne, ses parents et ses amis et je pense que mon émotion est partagée par l'ensemble des Français. Mais la principale, première réaction qui doit être la nôtre, je l'ai constaté hier au Sénat. Il y avait, vous le savez, un débat pour s'assurer du soutien de la représentation nationale à l'égard de l'action que mène la France en Irak et un sénateur UMP, je le cite, c'est le sénateur TRILLARD, à la fin du débat, au moment où on apprenait la mise à mort d'Hervé GOURDEL, a dit : la première riposte que l'on doit faire à l'égard de ces menaces-là, c'est l'unité nationale, et il avait tout à fait raison.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les militaires algériens continuent-ils de traquer les preneurs d'otages ? Espérez-vous Jean-Yves LE DRIAN, que l'on puisse par exemple retrouver le corps d'Hervé GOURDEL ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Je le souhaite, les militaires algériens ont été tout à fait coopératifs, très actifs…
JEAN-MICHEL APHATIE
Ils vous ont informé de leur travail ?
JEAN-YVES LE DRIAN
…il y a 24 heures nous étions tout à fait en lien avec eux, en permanence, ils ont mis beaucoup de moyens mais il n'y avait que 24 heures et cette zone est une zone où les Algériens ont déjà subi il y a peu de temps, des drames importants. Il y a eu il y a quelques jours, onze soldats algériens qui ont été tués par ce même groupe et ce groupe-là de Abdelkader GOURI est le groupe qui était déjà présent dans le front islamique du salut qui a ensanglanté l'Algérie pendant la fin des années 90 et ce groupe là il était aussi lié à l'Emir DROUKDEL, qui est le patron si on peut dire d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, c'est-à-dire ceux-là même que la France combat, a combattu au Mali. Donc des liens s'effectuent aujourd'hui parce que l'Etat islamique ou présumé Etat islamique, donne une orientation et certains groupes terroristes islamistes essayent de se mettre dans leur sillage en posant des actes durs pour montrer leur force et leur légitimité.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et les forces algériennes continuent de traquer le groupe là, à l'heure actuelle ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Tout à fait, ils sont très préoccupés par cette situation, c'est leur intérêt, c'est le nôtre et puis c'est aussi l'honneur d'Hervé GOURDEL.
JEAN-MICHEL APHATIE
Des forces spéciales françaises participent-elles à cette traque en Algérie ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes en lien permanent entre les services pour s'assurer de la bonne marche des actions.
JEAN-MICHEL APHATIE
En lien, et y a-t-il des soldats français en Algérie pour…
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y a pas de soldats au sol.
JEAN-MICHEL APHATIE
Quelle consigne donne le gouvernement aux expatriés nombreux, aux 30.000 Français vivant en Algérie… pour éviter tout problème ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Le but recherché par ces groupes terroristes et en particulier par Daesh, Etat islamique, présumé islamique, c'est de créer la peur, de créer l'effroi, de déstabiliser les sociétés, ils s'attaquent à la France, ils s'attaquent à d'autres pays et donc la riposte, c'est l'unité nationale j'en ai parlé, mais c'est aussi le sang-froid. La vigilance, l'extrême vigilance mais le sang-froid. Nous ne cèderons pas à l'effroi, à la peur que veulent développer ces troupes terroristes dans notre pays…
JEAN-MICHEL APHATIE
On imagine l'effroi des 30.000 Français qui sont en Algérie aujourd'hui, on l'imagine facilement.
JEAN-YVES LE DRIAN
Les autorités algériennes mènent une politique extrêmement sérieuse, il y a encore quelques poches comme celle-là de résistance de groupes djihadistes et ils sont bien identifiés. Je fais tout à fait confiance aux autorités algériennes pour mener ce combat.
JEAN-MICHEL APHATIE
Le conseil de défense se réunit à midi à l'Elysée autour du président de la République, comment définiriez-vous Jean-Yves LE DRIAN, les buts que poursuit la France dans l'opération militaire qu'elle mène en Irak aujourd'hui ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes en Irak à la demande des autorités irakiennes dont l'objectif est de reconquérir leur territoire et de faire en sorte que l'intégrité de l'Irak soit retrouvée. D'une certaine manière c'est un peu ce qui se passait au Mali où au Mali il y avait un Etat qui risquait de devenir, par l'intervention des groupes djihadistes d'Aqmi, Al-Qaïda au Maghreb islamique, un Etat terroriste sanctuarisé dont l'objectif était ensuite de frapper l'Europe et la France. En Irak c'est à peu près la même chose. Il faut faire en sorte que les forces irakiennes et les forces kurdes puissent retrouver l'intégrité du territoire. Ils nous ont demandé l'appui aérien, on les aide de cette manière au sein de la coalition en organisant des frappes sur des noeuds stratégiques, sur des dépôts de munitions, sur des points logistiques et on les aides aussi en leur fournissant des armements et en formant leurs soldats à l'usage de ces armes.
JEAN-MICHEL APHATIE
Faudra-t-il intensifier ces frappes ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il faudra poursuivre avec une forte détermination, sans aucun arrêt pour aboutir à ce résultat. Il faut empêcher la destruction de l'Irak.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les Américains pensent que pour détruire le prétendu Etat islamique, il faut aussi aller le frapper en Syrie ce que pour l'instant, les Français refusent et on a noté que Laurent FABIUS a dit, légalement rien ne s'oppose à ce que les forces françaises frappent aussi en Syrie. Qu'en pensez-vous Jean-Yves LE DRIAN ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Nous sommes dans une coalition, aujourd'hui les Américains, certains pays arabes, d'autres européens, d'autres pays comme l'Australie et le Canada rejoignent cette coalition et dans le cadre d'une coalition se partagent le travail. Donc nous avons une cible privilégiée qui est l'Irak, nous l'accomplissons. Par ailleurs, en ce qui concerne la Syrie, je veux dire que nous ne sommes pas inactifs puisque la France a été le premier pays à reconnaitre officiellement la résistance syrienne et nous aidons l'armée syrienne libre à s'organiser et se battre.
JEAN-MICHEL APHATIE
Est-ce que la France pourrait dans le futur proche, opérer des frappes en Syrie ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est une opportunité qui ne se présente pas aujourd'hui, nous avons une tâche…
JEAN-MICHEL APHATIE
A laquelle vous réfléchissez ?
JEAN-YVES LE DRIAN
… nous avons une tâche déjà importante à mener en Irak et on verra dans les jours qui viennent comment évoluera la situation.
JEAN-MICHEL APHATIE
Vous y réfléchissez ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est une question qui est posée.
JEAN-MICHEL APHATIE
Elle est posée. Espérez-vous Jean-Yves LE DRIAN que d'autres pays européens aujourd'hui passifs, rejoignent la coalition ?
JEAN-YVES LE DRIAN
C'est le cas, la Grande-Bretagne d'après…
JEAN-MICHEL APHATIE
Le Parlement va être convoqué.
JEAN-YVES LE DRIAN
…les informations, va être amenée à délibérer sur le sujet, les Pays-Bas viennent de faire savoir qu'ils allaient y rentrer…
JEAN-MICHEL APHATIE
C'est une nécessité ?
JEAN-YVES LE DRIAN
…d'autres pays s'interrogent… absolument et puis c'est aussi un signe politique.
JEAN-MICHEL APHATIE
Les militaires français sont engagés maintenant dans de nombreux fronts, ils s'inquiètent parfois de ne pas avoir les moyens notamment budgétaires, pour accomplir leur mission, on évoque, on pense à des coupes budgétaires parce qu'il faut aussi lutter sur d'autres fronts, celui de la dette et des déficits, que dites-vous aux militaires ce matin Jean-Yves LE DRIAN ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Il n'y aura pas de coupes budgétaires, il y a une loi de programmation militaire qui a été votée par le Parlement, qui prévoit un budget de la défense très significatif, 31,4 milliards par an pour notre défense, pour notre sécurité. Le président de la République a décidé de sanctuariser ces crédits ce qui permet à nos forces d'être présentes là où elles sont présentes aujourd'hui et donc il n'y a pas de risques de ce côté-là et puis nous avons à la fois les moyens et la détermination qu'ont nos militaires qui maîtrisent les situations et qui font preuve d'un grand professionnalisme.
JEAN-MICHEL APHATIE
Et ces opérations n'étaient pas programmées, elles dureront sans doute longtemps, il faudra peut-être encore plus d'argent qu'on avait prévu d'en donner ?
JEAN-YVES LE DRIAN
Ecoutez, pour l'instant les moyens financiers nécessaires à l'ensemble de ces actions sont au rendez-vous, l'organisation militaire aussi et il n'y a pas de raisons que ça ne dure pas.
JEAN-MICHEL APHATIE
Une information est arrivée il y a dix minutes, un quart d'heure, 14 djihadistes et 5 civils tués dans des frappes de la coalition, donc en Syrie, là ce sont les Américains qui mènent ce combat.
JEAN-YVES LE DRIAN
En ce moment même, nous avons mené des frappes il y a quelques jours, en ce moment même où je vous parle, il y a des avions français dans le ciel irakien qui éventuellement vont frapper ou s'ils ne frappent pas vont repérer des sites qui seront demain les cibles.
JEAN-MICHEL APHATIE
Nous accomplissons notre part du travail.
JEAN-YVES LE DRIAN
Complètement.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 13 octobre 2014