Déclaration de M. Christian Eckert, secrétaire d'Etat au budget, sur la politique budgétaire, à l'Assemblée nationale le 14 octobre 2014.

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Circonstance : Présentation du projet de loi de finances pour 2015 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019

Texte intégral

Assemblée nationale - 14 octobre 2014
M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, madame la rapporteure générale, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, je reviendrai tout d'abord sur un constat : celui de la gravité de la situation économique et budgétaire.
Le projet de loi de finances pour 2015 et le projet de loi de programmation dont vous commencez l'examen marquent la moitié de la législature. Avec le recul de ces deux premières années, nous pouvons dire que nous avons la responsabilité d'assumer une situation économique et budgétaire qu'aucun gouvernement ni aucune majorité n'a sans doute affronté depuis plusieurs décennies : une situation de croissance faible et d'inflation très basse, qui fait peser un risque de déflation et de déséquilibres budgétaires et commerciaux rendant le pays dépendant de financements extérieurs.
Il y a eu un événement déclencheur : la crise de la zone euro. Sans entrer dans les causes de cette crise, qui sont multiples, je me contenterai d'en souligner les conséquences, qui sont des tensions très fortes sur le refinancement de plusieurs États de la zone euro, la mise en place de plans d'ajustement budgétaire drastiques dans ces pays, qui ont traversé des récessions profondes et, en conséquence, l'assèchement d'une part importante de débouchés commerciaux.
Cependant, cette crise n'aurait sans doute pas eu l'impact profond que nous constatons aujourd'hui si les réformes nécessaires avaient été accomplies entre 2002 et 2012.
Mme Valérie Pécresse. Vous les avez détricotées !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En 2012, l'impréparation du pays à faire face à cette situation était frappante. Il faut le dire et le rappeler : la situation de la France en 2012, lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, était très dégradée sur tous les plans - économique, budgétaire et commercial. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
Le pays entrait dans une crise profonde, à laquelle il n'était absolument pas préparé à faire face. J'en donnerai quelques exemples : le déficit public était supérieur à 5,3 % et le déficit structurel proche de 5 %, la trajectoire de dette était en forte hausse, avec plus de 900 milliards de dette supplémentaire entre 2002 et 2012.
Mme Valérie Pécresse. Et ça continue !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous savons pourquoi la dette va aujourd'hui dépasser 2 000 milliards d'euros. Des destructions massives d'emplois, des marges des entreprises au plus bas depuis les années 1980 : oui, mesdames et messieurs les députés, la situation du pays en 2012 était très dégradée.
C'est l'affaire de cette législature, de ce gouvernement et de cette majorité que d'assumer cette responsabilité, d'apurer un passif de dix ans, fait de déficits chroniques, de croissance à crédit, de cadeaux fiscaux à crédit,...
Mme Valérie Pécresse. C'est ce que vous faites aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...de montée des inégalités, en l'absence de toute réforme structurelle majeure pour repartir de l'avant et redresser ce pays. (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)
Mme Valérie Pécresse. Vous vous décrivez vous-même !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Que propose l'opposition ?
M. Dominique Baert. Rien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce constat d'une situation historiquement dégradée est factuel : les chiffres l'établissent. Pour sortir de cette situation, chacun a son idée : faut-il abandonner l'assainissement des comptes et les laisser repartir à la dérive ? Ce serait repousser le problème à nos enfants et prendre le risque de voir les taux d'intérêt remonter et tuer l'amorce de reprise, en renchérissant le coût de financement de l'État et donc des entreprises. Faut-il augmenter la TVA de 3,5 points,...
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...pour prélever près de 30 milliards d'euros sur les ménages et les marges des entreprises quand, dans le même temps, ceux qui font ces propositions préconisent de supprimer l'ISF ?
M. Guillaume Larrivé. Vous savez que c'est vous qui êtes au pouvoir ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faut-il supprimer le statut de la fonction publique, avec pour seul objectif de le remplacer par des contrats à durée déterminée de cinq ans ?
M. Régis Juanico. Eh oui, voilà ce que propose l'opposition !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Faut-il réaliser 100 milliards d'euros d'économies, au lieu de 50 ? Mais surtout, quelles seraient les mesures concrètes derrière ces 100 milliards d'euros - ou 120, ou 150 ? Le report de l'âge légal de la retraite ? La privatisation de notre système de soins ? Une baisse de dotations aux collectivités locales qui irait bien au-delà de 3,7 milliards d'euros par an ? L'abandon de certaines missions de l'État ? La baisse du nombre d'enseignants, de magistrats, de policiers, d'aides-soignantes ? La paupérisation de la fonction publique ? Toutes ces propositions, nous les rejetons avec force ! Fort heureusement, nous ne pouvons que constater que vous ne les avez jamais mises en œuvre !
Pour notre part, nous proposons une voie par laquelle nous faisons face à cette responsabilité historique en restant fidèles à nos valeurs de solidarité, de justice sociale et de progrès social. Cette voie mène à l'apurement du passif financier qui entrave l'action de l'État depuis trop longtemps. Nous avons du reste obtenu des résultats dès la première moitié de la législature, avec une diminution de moitié du déficit de l'État et une diminution de moitié du déficit structurel.
Mme Valérie Pécresse. Pardon ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il est vrai que des premières mesures d'assainissement avaient été prises dès 2011.
Mme Valérie Pécresse. Merci de le reconnaître !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais il est tout aussi vrai que ces mesures étaient bien insuffisantes et trop tardives pour compenser les baisses d'impôt financées à crédit mises en œuvre entre 2002 et 2011. Je veux faire quelques rappels : ainsi, la baisse de 30 % de l'impôt sur le revenu entre 2002 et 2007, promesse que le président Chirac avait tenue, a profité surtout aux plus aisés et n'a eu d'autre effet que d'accroître les inégalités et d'alimenter la croissance à crédit.
Autre exemple : la loi TEPA de 2007. Rappelez-vous quelle réforme était considérée comme la plus urgente au début de la législature précédente : ce n'était pas le soutien à la production, ni la lutte contre les délocalisations, ni l'amélioration des conditions de vie des plus modestes ;...
Mme Valérie Pécresse. Et la défiscalisation des heures supplémentaires ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...c'était le bouclier fiscal, la baisse des droits de succession et de donation, qui a bénéficié aux plus aisés ; c'était aussi, comme l'a souvent répété Pierre-Alain Muet, cette arme de destruction massive de l'emploi qu'était l'avantage fiscal accordé aux employeurs sur les heures supplémentaires,...
M. Guy Geoffroy. Et aux salariés !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...une mesure anti-emploi et prise complètement à contretemps. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Guy Geoffroy. Présentation partiale !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Non seulement nous prenons nos responsabilités, mais nous avons également à assumer celles de nos prédécesseurs.
Nous avons la responsabilité de réduire les inégalités, qui ont fortement augmenté pendant dix ans. Nous avons adapté les efforts que nous avons demandés aux Français aux capacités de chacun. Oui, même si des efforts sont demandés à tous, nous avons souhaité qu'une contribution spécifique soit le fait des ménages les plus aisés.
Mme Valérie Pécresse. Nous aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C'est vrai pour l'impôt sur le revenu : les chiffres que le Gouvernement a transmis à la commission des finances le rappellent. Il n'y a pas eu de hausse générale de cet impôt, mais des efforts ciblés, avec la tranche à 45 % et une recherche de justice pour assurer qu'à revenu égal, l'impôt dû soit égal, en soumettant par exemple les revenus du capital au barème de l'impôt sur le revenu.
C'est vrai aussi pour l'ISF, que certains disent vouloir supprimer dès qu'ils le pourront, comme ils ont institué le bouclier fiscal dès qu'ils l'ont pu.
Mme Marie-Christine Dalloz. Mais c'est vous qui avez rétabli le plafonnement de l'ISF !
M. le président. Madame Dalloz, s'il vous plaît !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et cela restera vrai, madame Dalloz, jusqu'à la fin de la législature : la justice fiscale, la réduction des inégalités demeureront, de 2012 à 2017, un principe intangible de notre politique fiscale.
Mme Valérie Pécresse. Avec quatre millions de chômeurs ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. En effet, si nous avons demandé une contribution plus importante à ceux qui ont plus, nous avons également apporté une aide à ceux qui rencontrent les plus grandes difficultés, et nous continuerons à le faire. Ce projet de loi de finances en est encore la preuve, avec un allégement d'impôt sur le revenu de 3,2 milliards d'euros...
M. Guy Geoffroy. À crédit !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...au bénéfice des classes moyennes et des ménages modestes. Avec la réduction d'impôt de cette année, ce sont, en tout, neuf millions de ménages qui bénéficient d'une baisse d'impôt.
M. Dominique Baert. Tout à fait.
Mme Valérie Pécresse. Et qui paye ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je rappelle que là où vous aviez décidé pour deux ans le gel du barème de l'impôt sur le revenu et supprimé la demi-part dont bénéficiaient les personnes isolées avec enfants,...
Mme Valérie Pécresse. Vous ne l'avez pas rétablie !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...nous avons dès notre arrivée majoré la décote et les seuils permettant de bénéficier d'exonérations ou de taux réduits de prélèvements sociaux et locaux, puis réindexé le barème,...
Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez maintenu le gel du barème la première année !
M. Henri Emmanuelli. Eh oui, c'est vrai, le gel a été maintenu : c'est horrible, mais c'est un fait !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...ce que nous faisons également dans ce projet de loi de finances.
En outre, nous engageons des dépenses en faveur des plus modestes : oui, ce sont de nouvelles dépenses, car notre volonté d'économies n'est pas aveugle, elle repose sur la priorisation des actions publiques. Ces dépenses, nous les gageons par des économies par ailleurs, et nous les assumons pleinement car elles sont indispensables : c'est la revalorisation de 10 % des minima sociaux au-delà de l'inflation ; c'est la « garantie jeunes » et la revalorisation des bourses étudiantes ; c'est le principe d'accueil des sans domicile fixe, par lequel nous essayons de sortir de la rue ceux qui n'ont plus rien alors qu'avant 2012, on fermait l'accès à l'hébergement d'urgence quand il n'y avait plus de crédits.
M. Henri Emmanuelli. On les jetait à la rue !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ce sont donc des mesures fiscales, des mesures budgétaires pour réduire les inégalités car, dans l'héritage que nous avons reçu, il y avait aussi des inégalités de revenus en forte progression, alimentées par des mesures fiscales injustes, des inégalités qu'aujourd'hui nous avons commencé à réduire en mobilisant tous les moyens de l'État.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire. Quelle caricature ! Vraiment, c'est désolant !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Je veux évoquer maintenant les questions de croissance et d'emploi. Nous avons trouvé, dans cet héritage, un modèle de croissance financé à crédit, un taux de chômage en forte progression - en un mot, un tissu productif qui n'avait absolument pas été préparé à la crise que nous traversons aujourd'hui. Là encore, nous avons pris nos responsabilités : avec le CICE, avec le pacte de responsabilité, c'est une modification profonde de notre système fiscal que nous mettons en œuvre pour soutenir l'emploi et l'investissement.
Je n'ai pas le souvenir, avant 2012, d'une réforme fiscale pour soutenir l'emploi et l'investissement. Ou plutôt si, il y en avait eu une : la réforme de la taxe professionnelle, qui visait l'investissement.
Mme Valérie Pécresse. Ah, tout de même ! Et il y avait le crédit d'impôt recherche, également !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais cette réforme fiscale, comme toutes les autres que vous avez menées, a été financée à crédit.
Mme Valérie Pécresse. Les vôtres aussi !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Ou, plus exactement, elle a d'abord été financée par la dette puis, quand vous vous êtes aperçus que cette époque de cavalerie budgétaire était révolue, vous l'avez financée par les hausses d'impôts des plans Fillon successifs :...
Mme Valérie Pécresse. Et vous, que faites-vous d'autre ?
M. le président. Écoutons M. le secrétaire d'État, chers collègues !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. ...le gel du barème de l'impôt sur le revenu, la hausse des taxes sur les contrats d'assurance maladie - bref, des mesures générales et indifférenciées.
La première étape du pacte a été votée avant l'été - je n'y reviens pas : vous en connaissez l'ampleur et les modalités. Je voudrais insister sur un point, néanmoins : le pacte et le crédit d'impôt compétitivité emploi mobilisent bien entendu des montants importants pour l'emploi ; mais c'est surtout une nouvelle manière de soutenir l'emploi. Nous avons mobilisé les moyens traditionnels, par exemple les emplois aidés, et nous sommes à l'écoute de la représentation nationale pour accroître l'effort en la matière car l'emploi est notre priorité, et il faut répondre à l'urgence. Mais les emplois aidés ne sont qu'une solution temporaire : il faut que des emplois pérennes soient créés, des emplois de long terme pour que ceux qui aujourd'hui n'ont pas d'emploi puissent voir leur horizon se dégager, pour qu'ils puissent se projeter dans l'avenir, au-delà du terme de ces contrats.
C'est la raison pour laquelle nous mobilisons de nouveaux outils, adaptés à l'économie ouverte dans laquelle nos entreprises évoluent désormais. Il faut que ceux qui en sont aujourd'hui à l'écart participent demain à la production, car c'est pour eux la condition d'un emploi stable et c'est, pour la société dans son ensemble, une condition impérative pour maintenir notre cohésion et pour construire notre avenir. Il n'y a de richesse que d'hommes : il n'est donc pas acceptable que plusieurs millions de Français restent à l'écart alors qu'ils ont des compétences, des savoir-faire, de l'énergie et de la volonté pour faire avancer le pays et apporter leur pierre à l'édifice commun.
Je veux à mon tour, à la suite du ministre des finances et des comptes publics, M. Michel Sapin, évoquer les mesures d'économies. Nous menons donc l'assainissement des comptes sans renoncer à la réduction des inégalités, en finançant un effort exceptionnel en faveur de l'emploi. Cet assainissement, nous le menons d'une manière qui n'a pas de précédent dans notre histoire budgétaire récente. Quand, au cours des années récentes, il a fallu réduire rapidement le déficit public, tous les gouvernements ont choisi des hausses de prélèvements : cela a été le cas en 1995, en 1996, puis en 2011 et aussi - je ne le renie pas car c'était absolument nécessaire - en 2012 et en 2013. Aujourd'hui, c'est par la réduction de la dépense publique que nous pourrons continuer l'assainissement des comptes et baisser les impôts. Plus exactement, nous ralentissons la progression de la dépense publique, qui devrait augmenter à un rythme proche de l'inflation sur le triennal.
Mme Marie-Christine Dalloz. La sémantique a toute sa place !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Et, monsieur le président de la commission des finances, je vous confirme que la dépense ne va pas diminuer en valeur.
M. Guillaume Larrivé. Bel aveu !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais je pense que nous gagnerions tous à sortir de ce faux débat, qui permet invariablement à l'opposition, qui n'a jamais atteint un tel ralentissement de la dépense, de faire penser que nous ne ferions pas d'économies, alors que son bilan en la matière est tout simplement indigent. Je le répète, avec les 50 milliards d'euros d'économies que nous proposons, la dépense publique ne progressera que de 0,2 % en volume par an, là où elle augmentait en moyenne annuelle de 2 % en volume entre 2002 et 2012.
Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez avec ces références ! Comment a-t-elle évolué entre 2012 et 2014 ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Avec ce plan d'économies, nous réduisons le poids de la dépense publique dans le PIB, alors qu'il a augmenté de 4,5 points entre 2007 et 2012.
Si l'on ne veut pas se limiter à un débat stérile, il faut dire clairement quelles économies on souhaite mettre en œuvre. Nous le faisons avec notre plan à 50 milliards, et nous donnons des chiffres. Je n'ai, du côté de l'opposition, entendu qu'un chiffre, ou plutôt plusieurs, d'ailleurs variables d'un candidat à la primaire à l'autre, dont je suppose qu'ils sont eux aussi calculés en écart au tendanciel de progression de la dépense publique ; mais j'attends toujours des détails sur les dépenses publiques qui baisseraient en valeur !
M. Henri Emmanuelli. Il n'y en a pas !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. S'agit-il des pensions de retraite ? Des traitements des fonctionnaires ? De la remise en cause de telle ou telle prestation sociale, et laquelle dans ce cas ?
M. Guillaume Larrivé. L'aide médicale d'État, par exemple : cela représente 500 millions !
Mme Marie-Christine Dalloz. Arrêtez de parler des autres : parlez-nous plutôt de votre programme !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Quand on se prévaut de faire 100, 120 milliards ou beaucoup plus d'économies, en tout cas beaucoup plus que celles que le Gouvernement vous propose, il faut avoir le courage de dire lesquelles - surtout quand, tout en prétendant faire plus d'économies, on critique toutes celles qui sont proposées et on refuse de les voter au Parlement !
M. Dominique Baert. Très bien !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Pour notre part, nous assumons pleinement le ralentissement de la dépense publique car il nous permet de poursuivre la réduction du déficit et de financer nos priorités.
Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle réduction ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Nous ralentissons donc le rythme de la progression de la dépense publique, à 1,1 % en valeur l'an prochain. Compte tenu de son évolution spontanée de 2,7 %, il est indispensable, si nous voulons tenir nos engagements, de prendre les mesures nécessaires pour en limiter la dynamique. Je sais que des craintes ont pu être exprimées sur l'impact de ce programme d'économies de 21 milliards d'euros en 2015, qui risquerait, selon certains, de se traduire par une remise en cause de notre modèle social, l'abandon par la puissance publique de certaines de ses missions ou une dégradation des moyens d'action de l'État.
A ceux qui expriment ces craintes, je veux d'abord dire, après Michel Sapin, que notre programme d'économies ne remet en cause ni la légitimité de la dépense publique, effectivement indispensable à la cohésion de notre société et facteur essentiel de redistribution et d'investissement, ni les protections accordées aux plus démunis.
Les économies que nous proposons partent d'un constat : depuis des années, voire des décennies, nous avons accumulé, superposé, juxtaposé les dépenses en partant du principe qu'il suffisait d'accroître la dépense publique pour résoudre les problèmes.
Mme Marie-Christine Dalloz. Et vous continuez !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Il nous faut reconnaître collectivement que ce n'est pas vrai : la dépense publique a augmenté de 2 % par an en volume entre 2002 et 2012, sans que pour autant la vie des Français s'en trouve sensiblement améliorée.
M. Charles de Courson. En effet.
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. C'est le chemin inverse que nous empruntons aujourd'hui. Les économies que nous vous proposons ont été mûrement réfléchies ; elles ont fait l'objet d'échanges entre ministres pendant plusieurs mois, l'objectif n'étant pas de procéder à une diminution générale et indifférenciée de la dépense, mais de cibler les dépenses les moins utiles. Je voudrais vous en donner quelques exemples.
Nous versons des aides agricoles nationales : ne faut-il pas réfléchir à leur articulation avec les aides de la politique agricole commune ? Nous aidons l'outre-mer et nous déployons d'importants moyens pour soutenir l'activité et l'emploi dans ces territoires : ne faut-il pas articuler ces interventions avec les dépenses fiscales qui existent déjà, voire avec celles que nous renforçons ? Nous mobilisons un ensemble de moyens pour faciliter l'accession à la propriété : pourquoi ne pas orienter ces dispositifs vers l'accession dans l'immobilier neuf, pour permettre à la fois l'accès au logement et le soutien à la construction ?
Voilà, entre beaucoup d'autres, les propositions que le Gouvernement vous fait dans ce projet de loi de finances. Toutes sont guidées par un principe : utiliser l'argent public au mieux, l'affecter aux usages les plus pertinents. Certes ces mesures vont remettre en cause certains intérêts particuliers, mais toutes poursuivent un même objectif d'intérêt général : que l'argent des Français soit utilisé le mieux possible.
Parmi les craintes qui ont été exprimées, certaines portent spécifiquement sur l'incidence sur l'investissement des baisses des dotations aux collectivités locales.
La commission des finances a d'ailleurs adopté quelques amendements visant à soutenir l'investissement local, dont l'un est assez coûteux. En effet s'il était adopté, le déficit public se creuserait de 0,2 % et nous accorderions aux collectivités territoriales un soutien financier plus important que celui que nous offrons aux ménages modestes et aux classes moyennes.
M. Nicolas Sansu et M. Gaby Charroux. À juste titre !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est prêt à discuter de propositions de soutien de l'investissement local, à condition qu'elles soient proportionnées au problème posé et qu'elles ne remettent pas en cause l'effort d'économies attendu de toutes les administrations publiques.
Or je crois que l'ampleur du problème est peut-être surestimée.
Il y a tout d'abord un point sur lequel tout le monde pourra être d'accord : l'investissement local va diminuer cette année et l'an prochain.
M. Henri Emmanuelli. Aïe !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Mais cette baisse, nous le savons tous ici, est directement liée au cycle électoral : l'année des élections municipales et l'année suivante, la dépense d'investissement diminue - je parle des décaissements effectifs -, beaucoup de projets ayant abouti avant les élections et le démarrage de nouveaux projets demandant un peu de temps.
Rien ne permet de dire que la baisse des dotations va accentuer ce mouvement car les collectivités locales disposent de plusieurs moyens pour continuer à financer leur investissement.
Elles peuvent bien entendu dégager des marges sur leurs dépenses de fonctionnement. J'entends dire que la forte croissance de ces dépenses - plus de 3 % par an - au cours des trois dernières années serait due aux décisions de l'État. C'est une partie de la vérité, mais ce n'est certainement pas toute la vérité. Nous savons que les charges de fonctionnement des collectivités sont trop dynamiques et qu'elles doivent faire l'objet d'une attention particulière.
J'entends également dire que les dépenses de fonctionnement des collectivités seraient trop rigides pour être significativement réduites d'une année sur l'autre réduire. Mais la baisse des dotations n'a pas été découverte le 1eroctobre : elle a été annoncée dès le printemps par le Gouvernement, et une première étape avait déjà été mise en œuvre en loi de finances initiale pour 2014. Nous ne prenons pas les collectivités par surprise, elles savent depuis un bon moment qu'elles doivent dégager des marges sur leur budget de fonctionnement.
Il faut également rappeler que certaines collectivités disposent de ressources de trésorerie importantes, qu'elles peuvent mobiliser ponctuellement pour financer leur investissement.
Je rappelle qu'en moyenne, les dotations de l'État ne représentent que 28 % des recettes totales des collectivités, que 60 % de leurs recettes sont des recettes fiscales, qui progressent naturellement avec la progression spontanée de l'assiette et la revalorisation des bases qu'il est de coutume que le rapporteur général propose par voie d'amendement. Pour cette raison, la dépense locale devrait progresser au rythme de l'inflation sur le triennal.
Je sais que ces chiffres sont des moyennes : certaines collectivités peuvent être plus dépendantes aux dotations de l'État, d'autres peuvent disposer d'une capacité d'absorption de cette baisse de ressources moins importante.
M. Dominique Baert. Je le confirme !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. L'hétérogénéité de la situation des collectivités doit être prise en compte. C'est d'ailleurs pour cela que le Gouvernement souhaite engager une réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, qui renforce la péréquation. Cette réforme, qui devrait pouvoir être votée dans le cadre du PLF pour 2016, sera bien entendue menée en concertation avec l'Assemblée nationale et le Sénat. En outre, l'effort de péréquation est accentué dès ce PLF.
J'entends dire enfin que la baisse des dotations de l'État va aggraver la crise du bâtiment. Mais cette crise est déjà prise en compte par ce PLF, qui prévoit un soutien de 1,3 milliard d'euros en faveur de ce secteur et donne la priorité aux opérations de rénovation énergétique qui permettent de remplir immédiatement les carnets de commande.
Ce sont 700 millions d'euros qui sont prévus au titre du crédit d'impôt pour la transition énergétique. C'est une réforme des plus-values immobilières sur les terrains à bâtir qui vise à libérer le foncier nécessaire à l'engagement d'opérations de construction de logements, se traduisant par un effort de 160 millions d'euros en 2015 et de 280 millions d'euros en 2016.
Ce sont également 120 millions d'euros de hausse des autorisations d'engagement de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, dès 2014.
Les collectivités territoriales doivent faire des économies : pour nos concitoyens, il serait incompréhensible qu'elles ne réalisent pas d'efforts à hauteur de leur part dans la dépense publique, comme le fait l'État, comme le font les organismes de protection sociale. L'impact de la baisse des dotations sur l'investissement local peut être absorbé.
M. Henri Emmanuelli. Non !
M. Christian Eckert, secrétaire d'État. Le Gouvernement est prêt à rechercher avec vous, au cours de la discussion parlementaire, les moyens d'assurer que les économies préservent bien la capacité d'investissement des collectivités et qu'elles portent en priorité sur le fonctionnement, à la condition que ce ne soit pas l'occasion de remettre en cause l'effort d'économie : toute dépense nouvelle, toute perte de recettes devront être intégralement gagées pour ne pas dégrader le solde.
Je veux dire un mot de la transition énergétique, certains exprimant la crainte que les économies proposées nous fassent perdre toute capacité de mettre en œuvre nos politiques en la matière.
Cette crainte doit être dissipée : nous faisons des choix, nous diminuons certaines dépenses, mais nous en augmentons d'autres. Vous connaissez les priorités du Gouvernement : l'emploi, la jeunesse et l'éducation, mais également la transition énergétique.
La qualité de l'action publique ne se mesure pas à l'aune de la quantité d'argent public supplémentaire que l'on y consacre. Elle doit s'apprécier en fonction de la cohérence des moyens mobilisés.
Or les moyens que nous mobilisons en faveur de la transition énergétique forment un tout cohérent.
La contribution climat-énergie poursuit sa montée en charge, pour atteindre plus de deux milliards d'euros l'an prochain et quatre milliards d'euros en 2016. Cette fiscalité verte, nous l'avons définie conformément aux principes constitutionnels d'égalité devant l'impôt et elle a été validée par le Conseil constitutionnel. Je remarque en passant que, quand nos projets sont censurés par le Conseil constitutionnel, ce qui arrive à tout gouvernement, nous ne les abandonnons pas : nous les retravaillons pour pouvoir les mettre en œuvre, ce PLF en est la preuve.
Cette fiscalité verte est indispensable pour contribuer à changer les comportements. Elle crée des incitations à la réduction de la consommation d'énergie, en particulier la consommation de gazole dont nous connaissons tous les effets nocifs pour la santé et 1'environnement.
En parallèle, nous mobilisons des moyens financiers pour soutenir la rénovation thermique, car celle-ci est un investissement et permet de donner immédiatement de l'activité à des entreprises qui en ont besoin. C'est pourquoi nous avions, l'an dernier déjà, abaissé le taux de la TVA sur ces opérations. Dans ce PLF, nous vous proposons de renforcer le crédit d'impôt pour la transition énergétique.
Enfin, tout en mettant en place la fiscalité verte et en mobilisant des moyens financiers pour la rénovation thermique, le Gouvernement prévoit une diminution des crédits du ministère de l'écologie sur le triennal. Preuve que nos choix de mobiliser des moyens pour soutenir les interventions les plus utiles ne nous empêchent pas de réaliser des économies par ailleurs.
La bonne gestion, ce n'est pas seulement utiliser au mieux les deniers publics ; c'est aussi mettre en place, dans le cadre de la loi de programmation qui vous est soumise en même temps que le PLF, des règles de gouvernance des finances publiques en fonction des objectifs que vous propose le Gouvernement. J'en donnerai trois exemples.
L'article 22 du projet de loi de programmation propose d'instituer une revue de dépenses annuelle. Chaque année, des thèmes d'investigation seront définis, et les constats et les conclusions issues de cette revue vous seront transmis avant le 1ermars. Sur cette base, la procédure budgétaire, qu'elle soit administrative ou parlementaire, pourra être alimentée d'idées, de propositions qui enrichiront les débats et permettront de poser clairement les enjeux.
L'article 11 fixe un objectif d'évolution de la dépense locale. En effet, celle-ci fait partie de la dépense publique, elle a un impact sur le solde budgétaire, et les objectifs que fixe la représentation nationale valent aussi pour cette dépense. Cet objectif propre à la dépense locale sera exprimé en comptabilité générale ; il permettra de servir de repère pour apprécier la progression des dépenses des collectivités locales. Chaque année, il fera l'objet d'un avis du comité des finances locales. À partir de 2016, il sera décliné par strate de collectivité.
Enfin l'article 12 reconduit le principe d'une mise en réserve de crédits de l'État et de l'assurance maladie pour assurer le pilotage de ces dépenses en cours de gestion.
Nous proposons d'ailleurs d'augmenter à 8 % le taux de réserve sur les crédits hors personnel, car la réserve crée une pression vertueuse sur les ministères pour les inciter à gérer au mieux leurs dépenses dans l'année.
Ces règles de gouvernance vont permettre d'améliorer la gestion des finances publiques. À chaque loi de programmation, elles sont complétées et je crois que nous arrivons aujourd'hui à un corpus de règles qui a permis le renforcement des bonnes pratiques au cours des dernières années.
Pour 2014, le déficit de l'État est revu à 87 milliards d'euros, en hausse de 3,1 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative. Les dépenses ont été maîtrisées. Celles du budget général et les prélèvements sur recettes étaient prévus à 379,7 milliards d'euros en loi de finances initiale et ont été revus à 374,6 milliards, mais les recettes fiscales sont revues à la baisse de 5,8 milliards d'euros par rapport à la loi de finances rectificative.
C'est la dégradation du contexte macroéconomique qui est le principal facteur d'explication : du fait de la faible inflation, de la faible croissance et de la chute de la construction, la TVA connaît, à elle seule, une moins-value de 2,2 milliards d'euros.
Cet écart s'explique aussi par la prudence de nos prévisions : nous avons pris une marge de prudence, pour répondre à la recommandation de la Cour des comptes. Pour 2015, le déficit de l'État serait en forte baisse pour atteindre 75,7 milliards d'euros. Les dépenses des ministères et les ressources fiscales affectées aux opérateurs diminueraient en valeur de 1,8 milliard d'euros, Michel Sapin l'a indiqué tout à l'heure.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement vous propose pour 2015 de réaliser un montant d'économies important, plus de 21 milliards d'euros : il a été détaillé tout à l'heure, je n'y reviens pas. Ce montant, vous les connaissez depuis la présentation du programme de stabilité, en avril. Et à ce moment-là, nous avions entendu des doutes, sur certains bancs, quant à notre capacité à prendre les mesures qui permettent de tenir ces engagements.
Eh bien, mesdames, messieurs de l'opposition, le Gouvernement a mis sur la table l'ensemble des mesures qui permettent de faire ces économies : nous les avons exposées en commission ; elles sont détaillées dans toute la documentation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Et vous, vous qui proposez plus de 100 milliards d'euros d'économies, vous allez voter sur ces mesures ; si vous votez contre, alors dites-nous quelles alternatives vous envisagez !
Nous engageons aujourd'hui le débat : il est utile, il est nécessaire. Et ce montant d'économies sera intangible - ce qui signifie que tout allégement de l'effort qui pourrait résulter d'amendements devra être gagé par d'autres économies complémentaires dans un autre secteur.
Car une gestion sérieuse de l'argent public, c'est ce que le Gouvernement et le Parlement doivent à tous les contribuables, en particulier aux plus modestes, qui participent au financement du service public en payant la TVA, en payant la CSG, en payant leurs impôts locaux et leurs cotisations sociales. En effet, tous les Français paient l'impôt, y compris les plus modestes. Mais tous les Français ne paient pas l'impôt sur le revenu. Et quand le Gouvernement prend des mesures pour éviter que des ménages modestes et les classes moyennes soient soumis à l'impôt sur le revenu, il y a effectivement une plus grande concentration de l'impôt sur les ménages les plus aisés. Non pas que ces ménages vont payer plus du fait de cette réforme du bas de barème : à revenus égaux et à situation de famille inchangée, ils ne paieront ni plus ni moins. Mais le montant de l'impôt sera réparti entre un nombre moins important de contribuables.
Oui, nous sortons de l'impôt une fraction des ménages, pour alléger leurs prélèvements. C'est assumé, c'est juste et ce n'est sûrement pas improvisé. Car ce budget pour 2015 est un budget de justice fiscale. C'est un budget pour la réduction des inégalités et c'est enfin un budget de gestion sérieuse de l'argent des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
source http://www.assemblee-nationale.fr, le 16 octobre 2014