Déclaration de Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'Etat à la famille, aux personnes âgées et à l'autonomie, sur le plan d'action des aides à domicile vers les personnes âgées dépendantes, Paris le 25 septembre 2014.

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Circonstance : 5èmes Assises de l'aide à domicile à Paris le 25 septembre 2014

Texte intégral


1. Introduction et principes directeurs
En juin dernier, quelques jours après l'adoption en conseil des Ministres du projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement, j'annonçais lors de l'assemblée générale de l'UNA vouloir travailler rapidement à un plan d'actions pour les services à domicile et je vous donnais rendez-vous aujourd'hui pour annoncer les perspectives qui se dessinent.
D'ores et déjà, je souhaite m'exprimer aujourd'hui dans la transparence et dans la responsabilité : le dossier du PLFSS 2015 s'ouvre lundi 29 septembre et je souhaite respecter les débats qui vont s'engager autour de ce projet de loi important. Ce calendrier en deux temps ne m'empêche toutefois pas de partager avec vous aujourd'hui le cap et les enjeux pour le secteur du domicile.
Il est inutile à mon sens de nous attarder trop longtemps sur le diagnostic. Vous y travaillez vous-même depuis 5 ans ; de nombreux travaux se sont penchés sur l'aide à domicile et les services à la personne dont dernièrement un rapport sénatorial et une enquête de la cour des comptes préparant le rapport de Martine Pinville et Bérengère Poletti pour le Comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale.
Même si comme toujours, le panorama n'est pas homogène, la situation de l'aide à domicile que j'ai trouvée dès ma prise de fonction en avril reste pour la plupart des services, très préoccupante malgré un programme de modernisation et de professionnalisation porté par la section IV de la CNSA à hauteur de 65 millions d'euros par an et un fonds de restructuration qui aura mobilisé depuis 2012, 130 millions d'euros.
Ce constat impose du volontarisme et du pragmatisme pour aller plus vite et plus loin dans la refondation du secteur intervenant auprès des personnes fragilisées.
Vous êtes réunis pendant deux jours pour les assises de l'aide à domicile mais j'aurais à coeur, tout au long de mes propos, de vous parler plus largement des services à domicile et des parcours ... qui dépassent donc le seul champ de l'aide à domicile.
J'ai en effet la conviction que la réforme tarifaire SAAD seule ne suffira pas et qu'il faut conduire une réforme organisationnelle et culturelle afin de décloisonner les interventions et les métiers de l'aide et des soins à domicile. Au-delà de la recherche d'efficience, cette intégration des prestations pour éviter les défilés d'intervenants correspond aussi, je le pense, aux attentes des personnes et des aidants que nous accompagnons.
Le plan pour l'avenir des services à domicile incarne les 3 principes directeurs qui guident mon action :
1. Conduire des actions concrètes en parallèle des avancées législatives ;
2. Etre toujours lucide sur les contraintes et les limites pour trouver des voies de passage là où elles existent ;
3. Avoir un discours de vérité pour instaurer une relation de confiance.
Mon plan d'actions fixe une cible claire, celle des services polyvalents d'aide et de soins à domicile (SPASAD). Il repose d'une part sur la future loi d'adaptation de la société au vieillissement mais aussi sur des actions à plus court terme.
2. Tout d'abord, les mesures prévues dans le projet de loi
Avant de parler des dispositions spécifiques aux services à domicile, je voudrais rappeler la portée financière et qualitative de la loi qui aura naturellement des répercussions positives pour les services à domicile au niveau de l'activité.
En effet, avec 78 millions d'euros pour le nouveau droit au répit des aidants et 375 millions d'euros pour la réforme de l'APA à domicile et l'amélioration des conditions de travail des intervenants, l'Etat mobilisera ainsi 453 Meuros / an soit une revalorisation de 13% du budget de l'APA à domicile. C'est un effort sans précédent ! Dans le contexte actuel d'économies budgétaires, ces dépenses supplémentaires en faveur d'une politique sociale sont importantes.
Concernant les articles 31 à 34 du projet de loi qui vous intéressent plus particulièrement, j'ai défendu avec la rapporteure Martine Pinville des avancées significatives lors de la première lecture ; des avancées que j'ai portées et qui se sont matérialisées par 8 amendements du Gouvernement sur ce seul sujet des services à domicile.
Quelques mots sur ces évolutions importantes :
En résumé, elles permettent d'accélérer les expérimentations et de renforcer la promotion des SPASAD.
Concernant les SAAD : 4 points à retenir :
1. le CPOM est recentré sur son objectif de restructuration de l'offre et de couverture territoriale et il est bien ouvert aux SAAD autorisés et agréés.
2. l'expérimentation tarifaire n'est plus prolongée d'un an et la remise du rapport d'évaluation IGAS est avancée de 4 mois (30 juin contre 30 octobre 2015).
3. La gestion du ticket modérateur par abonnement forfaitaire est rendu possible dans le cadre du CPOM. Ce dernier point est une avancée importante qui permettra de sécuriser les pratiques expérimentales qui fonctionnent bien sur le terrain.
4. Enfin, le délai permettant de faciliter le passage dans le régime de l'autorisation sans appel à projet est réduit à 2 ans. C'est pour moi un signal d'accélération en faveur du régime de l'autorisation.
Concernant les SPASAD :
S'il faut lever les freins pour permettre au modèle SPASAD de prendre son envol, la nouvelle cible tarifaire et organisationnelle des SPASAD de « nouvelle génération » demandait encore à être creuser pour devenir le modèle de demain. Je ne pouvais donc pas l'inscrire d'emblée dans la loi.
C'est pourquoi l'article 34 porte une expérimentation de SPASAD plus intégrés qui dépasseront la coordination et surtout, seront éligibles aux actions de prévention financées par la future conférence des financeurs dotée de 140 millions. Cette évolution est majeure car elle donne une incitation financière, encadrée dans les 140 millions annuels, pour mutualiser les services et construire des projets de prévention ambitieux.
Je peux entendre ici et là : « encore une expérimentation !» alors que le secteur est à « bout de souffle » selon les propos des sénateurs.
Je voudrais ainsi dire avec force mon engagement pour la réussite de cette expérimentation SPASAD. Je souhaite que le cahier des charges de soit concerté et prêt dans la foulée de l'entrée en vigueur de la loi. De même, l'évaluation a été avancée de 9 mois (30 septembre 2016 au lieu de 30 juin 2017).
Bien évidement, mais c'est mieux en le disant, les 83 SPASAD existants ont naturellement vocation à rejoindre ces SPASAD de nouvelle génération.
La loi porte donc des avancées importantes et la navette parlementaire pourra encore améliorer le dispositif. Si j'en crois le rapport sénatorial de messieurs VANLERENBERGHE et WATRIN, je pense notamment que d'autres mesures de régulation de l'offre en clarifiant la délicate question des régimes juridiques autorisation / agrément seront à l'ordre du jour des débats parlementaires dès la première lecture au Sénat.
Soyez assurés que j'ai en tête ce sujet très important mais vous annoncer des mesures aujourd'hui serait confondre vitesse et précipitation. N'oublions pas que sur les 8 000 services d'aide à domicile intervenant auprès des publics fragiles, 5 200 évoluent sous le seul régime de l'agrément dont de nombreuses structures non lucratives.
Il y a donc la loi, les espoirs qu'elle porte pour les personnes accompagnées, les aidants, les familles mais devant une navette parlementaire qui ne fait que commencer, j'entends et comprends l'impatience pour restructurer sans attendre. J'en viens donc aux actions à court terme.
3. Les actions à engager sans attendre la loi
Ces actions du Gouvernement se déclinent en 3 points et je n'inclue pas ici, mais il est bien à prendre en compte, le pacte de responsabilité et de solidarité et son volet de baisse des cotisations sociales employeurs.
1. Premier point : une meilleure coordination et gouvernance des différents projets ayant des impacts sur les services à domicile : je souhaite qu'un certain nombre de travaux se poursuive avec plus de transparence et de cohérence entre eux pour une meilleure efficacité afin de redonner confiance au secteur sur la méthode des réformes.
Par exemple :
- La suite des travaux sur la tarification des SSIAD doit être menée dans le nouveau cadre du cahier des charges des SPASAD expérimentaux ; J'ai ainsi demandé à la DGCS et la CNSA de lier ces travaux. De même, avec l'enjeu SPASAD désormais clair, les deux chantiers SAAD et SSIAD doivent plus que jamais converger.
- Le dossier des SAAD familles doit avancer et être davantage porté par le Ministère en lien avec la CNAF. Je répondrais d'ailleurs par écrit et plus précisément aux fédérations et à l'ADF sur ce dossier qui est important pour l'accompagnement des familles en difficulté dont les familles monoparentales qui constituent un de mes dossiers prioritaires ;
- Un lien plus fort avec la CNAV sur les expérimentations Paniers de service sera conduit et intégré aux travaux du secteur ;
- Enfin, je souhaite que le comité de pilotage de refondation de l'aide à domicile qui avait été remplacé provisoirement par les concertations sur la loi puisse se réunir très rapidement en partenariat avec l'ADF.
2. Deuxième point : la promotion des SPASAD sans attendre la loi
Certes le dispositif réglementaire et tarifaire actuel n'est pas parfait ; certes l'autorisation conjointe DGARS / PCG n'est pas toujours facile à obtenir ; J'ai bien en tête ces réalités qui peuvent constituer autant de freins. Mais il faut désormais les dépasser et avancer avec pragmatisme et avec les outils existants.
Je vous invite ainsi à mobiliser dès maintenant vos réseaux respectifs pour constituer des SPASAD, par fusion ou groupements de coopération. J'ai de mon côté mobilisé la semaine dernière les DG ARS sur cette dynamique afin de lever leurs éventuelles réticences et afficher un portage politique fort. J'écrirais très prochainement à l'ensemble des présidents de conseils généraux pour délivrer le même message.
Je n'ai pas la prétention de dire que les SPASAD seront une solution miracle. Ils devront d'ailleurs se mettre en place à budget assurance maladie constant mais en travaillant autour d'un redéploiement des frais de structures et des charges administratives mutualisés au niveau du SPASAD vers les dépenses d'intervention directes et indirectes et les projets de prévention.
Pour booster les SPASAD existants qui interviennent dans les territoires pilotes PAERPA, le décret relatif aux dérogations tarifaires pour les SPASAD paraitra très prochainement afin de fluidifier le parcours de santé des personnes âgées de + de 75 ans.
Enfin, le lancement du Plan Maladies neuro-dégénératives (PMND) le 28 octobre prochain sera aussi l'occasion de conforter les équipes spécialisées Alzheimer au sein des SSIAD et ainsi de renforcer la présence d'équipes pluridisciplinaires au sein des services à domicile.
Transition pour vous parler du 3ème volet qui me tient particulièrement à coeur : la place des intervenants à domicile.
3. Le plan métier Autonomie et la professionnalisation du secteur
J'ai eu souvent l'occasion d'échanger avec des aides à domicile et la consultation des forums ou des blogs d'intervenantes est pour moi très instructive. J'y lis souvent beaucoup de solitude. Vous savez l'attention particulière que je porte aux sujets qui touchent plus particulièrement les femmes. Alors en travaillant sur un plan pour le domicile, je m'adresse aussi aux 98% de femmes du secteur.
Si je crois au projet SPASAD, ce n'est pas seulement sur la question du modèle économique. Je crois que l'essence même du rapprochement entre l'aide et le soin à domicile est d'incarner le plan pour les métiers de l'autonomie.
Car je me dois, comme j'ai eu la volonté de le faire sur les EHPAD, d'avoir un discours de vérité et de clarification sur la professionnalisation du secteur de l'aide à domicile. Il ne faut pas confondre professionnalisation et accès à un diplôme. Continuer à tenir des discours en faveur d'un taux d'intervenants diplômés très important n'est pas raisonnable ni même souhaitable. D'une part, les budgets de la partie aide à domicile même en configuration SPASAD ne pourront pas, à court comme à moyen terme, financer ces diplômes d'auxiliaire de vie sociale trop nombreux. D'autre part, je fais partie de ceux qui pensent que le marché du travail en France doit garder des emplois non diplômés. Il y a beaucoup d'autres actions de valorisation des métiers et de formation continue sur les thématiques de prévention, de nutrition, d'accompagnement des personnes Alzheimer que le passage obligé vers le DEAVS qui restera inaccessible ou non souhaité par de nombreux salariés. Mon discours en faveur d'une maitrise des intervenants diplômés en SAAD ne constitue pas un frein à la professionnalisation. Au contraire, les SPASAD et les liens avec les établissements permettent de construire des parcours professionnels vers des postes d'aide-soignant par exemple.
Concernant l'amélioration des conditions de travail, je vous rappelle que la loi d'adaptation de la société au vieillissement comprend une enveloppe de 25 millions d'euros pour cet objectif essentiel.
4. Conclusion
Mesdames et messieurs,
Je connais vos attentes et j'ai parfois entendu ou lu « Laurence Rossignol, Ministre du domicile ». Je ne crois pas, et encore mois depuis quelques jours, aux hommes ou femmes providentiels !
Dans le contexte politique et budgétaire plus que difficile que nous traversons, j'essaie chaque jour d'être avant tout une Ministre de l'enfance, de la famille et des personnes âgées qui conduit, au sein d'une action gouvernementale cohérente, des mesures concrètes pour faire avancer les politiques sociales de notre pays, même à petits pas.
Je vous ai présenté les avancées de la loi et des actions pour les services à domicile avec un cap désormais clair : conduire ensemble un plan de transformation pour qu'en 5 ans, les 2 300 SSIAD fonctionnent en SPASAD et en bonne articulation avec les autres acteurs du parcours de vie des personnes fragilisées : les EHPAD, les HAD, les centres de santé infirmiers, l'hôpital...
Cette transformation va être importante, parfois brutale mais nécessaire. Je vais avoir besoin d'un secteur du domicile uni et mobilisé pour avancer.
Puisque nous avons pris l'habitude de nous fixer des rendez-vous, je sais vous retrouver très vite pour le PLFSS et souhaite vous revoir l'année prochaine pour des 6èmes assises pourquoi pas de l'aide ... ET des soins à domicile afin de tirer un premier bilan de ces actions.
Je vous remercie pour votre attention.
Source http://ancreai.org, le 7 octobre 2014