Interview de M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, à Europe 1 le 3 novembre 2014, sur l'avenir du projet de barrage de Sivens, le mi-mandat de François Hollande et les relations entre le Gouvernement et Europe Ecologie Les Verts.

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Média : Europe 1

Texte intégral

THOMAS SOTTO
Jean-Marie LE GUEN, secrétaire d'Etat aux Relations avec le Parlement, est mon invité, tout de suite, pour l'interview politique d'EUROPE 1. Bonjour Jean-Marie LE GUEN.
JEAN-MARIE LE GUEN
Bonjour Thomas SOTTO.
THOMAS SOTTO
Alors, on va parler évidemment de l'affaire Sivens et de ses conséquences. Vous avez peut-être entendu à 07h00, Antonin ANDRE, qui nous disait que pour Ségolène ROYAL, l'affaire était pliée, elle ne veut plus de ce chantier, elle ne veut plus de ce barrage, est-ce que c'est terminée, Sivens ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, la décision, vous le savez, appartient au Conseil général du Tarn, puisque c'est lui qui, depuis le départ, est à l'origine, selon les lois de la République, de cette installation, donc laissons faire ceux qui sont en responsabilités, ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas, évidemment, des conséquences à tirer pour nous tous.
THOMAS SOTTO
Mais il y a une volonté politique, que l'on entend, qui est celle de Ségolène ROYAL. Est-ce que vous dites, comme elle : il faut en finir définitivement avec ce projet, vous, au gouvernement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ah non, je ne crois pas que Ségolène ait dit ça, en tout cas le gouvernement ne le dit pas. Encore une fois c'est aux élus locaux de prendre leurs responsabilités, il faut maintenant que nous les aidions. Il y a des travaux, une réflexion qui a été menée, au plan technique. Je dirais, il y a des leçons à tirer avant de… tout en pensant toujours à la gravité de la situation, au regard de…
THOMAS SOTTO
Il y a eu mort d'homme.
JEAN-MARIE LE GUEN
… voilà, de Rémi FRAISSE, évidemment, mais ce que nous savons, c'est que des procédures qui mettent dix ans, qui continuent à avancer alors même que les recours continuent à exister et sont souvent incompris par la population, enfin une partie de la population et en tout cas ça ne crée pas de la transparence dans le dialogue, donc c'est pour ça que Bernard CAZENEUVE, Ségolène ROYAL, ont fait des propositions pour modifier la procédure, de façon à ce que les choses soient beaucoup plus compactes, beaucoup plus rapides. En deux, trois ans, on doit pouvoir avoir un vrai débat démocratique autour d'une installation, décider et à agir. Parce que ce serait impensable, évidemment, que notre pays ne puisse pas mettre en oeuvre des grandes infrastructures, que ce soit au niveau de l'Etat ou au niveau des collectivités territoriales, puisqu'en l'occurrence, c'est le Conseil général qui est en responsabilités.
THOMAS SOTTO
Et en même temps, on a eu un gouvernement polyphonique sur le sujet, on a entendu plusieurs voix, dire plusieurs choses différentes. En septembre, Manuel VALLS s'était rendu sur place, il avait félicité les porteurs du projet d'avoir tenu bon, il disait que ce projet était nécessaire. Est-ce que le gouvernement n'a pas eu tout faux depuis le début, dans la gestion de cette affaire ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je ne crois vraiment pas. Encore une fois, la décision de faire ce barrage, appartient au Conseil général. Bien.
THOMAS SOTTO
Au Conseil général, on entend, mais bon le Conseil général il va tenir compte, compte tenu de la situation…
JEAN-MARIE LE GUEN
Ensuite, la nécessité de faire ce barrage, c'est-à-dire de répondre à la question d'un problème de retenue d'eau, et incontournable, pas simplement, j'ai entendu dire, sur des affaires d'agricole, etc. mais par exemple vous savez que la ville de Montauban a besoin, notamment l'été, de cette retenue d'eau pour pouvoir boire. Donc il était logique que ce projet ait lieu. Il est maintenant dans des circonstances dramatiques, il faut tirer les conclusions, notamment sur les procédures qui ont été trop longues, mais en même temps il faut évidemment répondre aux besoins d'infrastructures dans notre pays.
THOMAS SOTTO
Il y a eu un mort, il y a un rapport qui montre que ce projet, en gros, n'est pas ni utile, ni nécessaire, même s'il est déjà bien avancé et que c'est compliqué de l'arrêter. Est-ce qu'aujourd'hui la sagesse du gouvernement ne serait pas de dire au Conseil général : stop, on arrête, on passe à autre chose ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, le Conseil général prendra sa décision, il a tous les éléments pour trancher, y compris les rapports d'inspection qui sont peut-être un petit peu moins décisifs et un peu moins clairs que vous ne semblez le dire, c'est-à-dire que d'après ce que j'en sais, ce rapport dit bien qu'il était nécessaire d'avancer, peut-être que l'on peut évoluer sur tel ou tel aspect d'une situation technique, mais encore une fois c'est au Conseil général de prendre ses responsabilités et nous sommes dans une république décentralisée, de ce point de vue il faut respecter cela.
THOMAS SOTTO
Le week-end a été marqué par des incidents, il y a ce drame à Toulouse, à Nantes, il y a eu des interpellations hier à Paris, si le gouvernement avait trouvé les mots, est-ce qu'on aurait eu, vous pensez ces incidents ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je crois que vous le savez bien, et les Français le savent bien, il existe autour de ces projets d'infrastructures, un certain nombre de gens, dans l'Europe entière, d'ailleurs, qui viennent user de la violence, et quelque part sont attirés par cette violence, et c'est un phénomène très inquiétant, c'est ce qui a créé d'ailleurs le climat, autour de ce barrage. Ce n'était pas tellement la contestation écologiste et non violente avec laquelle il y a toujours discussion, mais il y avait et il y a malheureusement, autour de ces infrastructures, un certain nombre de groupes d'une extrême violence. Je n'ai pas besoin, ici, de rappeler ce dont ont été victimes encore ce week-end, les forces de l'ordre, avec des bombardements de bouteilles d'acide, avec du savon dans les cocktails Molotov pour que ça brule encore plus, etc. etc. Des éléments, franchement, qui montrent que nous sommes face à une contestation violente et je m'étonne que certains, par facilité, eh bien continuent à dire que cette violence peut être légitime, et ça, le gouvernement…
THOMAS SOTTO
Qui, vous pensez à qui ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Je pense qu'il y a eu un certain nombre de déclarations de responsables politiques…
THOMAS SOTTO
Cécile DUFLOT, les Verts…
JEAN-MARIE LE GUEN
A l'extrême gauche, monsieur MELENCHON encore ce matin, un certain nombre d'écologistes, qui ne se rendent pas compte que l'on est dans un Etat de droits, qu'il faut aller vers un apaisement de la société, qu'il faut améliorer les procédures de discussions, c'est ce que nous faisons, mais qu'il ne faut, en aucune façon, essayer de faire, de justifier la violence ou de faire en sorte que se mêlent à la fois des représentants non violents, qui sont parfaitement légitimes, et des groupes violents. Cette forme d'escalade gauchiste est tout à fait dangereuse.
THOMAS SOTTO
Cette semaine, Jean-Marie LE GUEN, marque la mi-mandat de François HOLLANDE. Le chef de l'Etat est au plus bas dans les sondages, la croissance est en panne, le chômage continue à battre des records mois après mois, le PS se déchire, le Front national semble prospérer sur les ruines du hollandisme. Peut-on utiliser un autre mot que celui d'échec pour qualifier cette première partie de mandat ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, nous sommes justement à mi-mandat, et un mandat se juge à la fin. Ensuite, de quoi, je concède qu'il y a eu ici ou là des défauts d'explications, voire même des hésitations dans l'action publique.
THOMAS SOTTO
Mais elle est ratée cette première mi-temps, honnêtement ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Pardon ?
THOMAS SOTTO
Elle est ratée cette première mi-temps de François HOLLANDE ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, elle n'engage pas la victoire pour demain, c'est clair, mais elle est aussi, il y a les fondements de quelque chose, et vous avez raison de parler de première mi-temps, vous avez raison, c'est une bonne formule, parce que je pense qu'il y a les fondements, effectivement, du redressement de notre pays…
THOMAS SOTTO
Sauf quand on est donné 3/0 à la mi-temps, c'est difficile de remonter, en général.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non non, mais on n'est pas mené 3/0 et deuxièmement, on le sait, le sport nous l'apprend, pour le coup, tant qu'un match n'est pas joué, il n'est pas joué. Donc nous sommes vraiment dans l'idée qu'il y a, je crois, les fondements d'une politique économique qui peut réussir, mais nous savons qu'elle mettra du temps.
THOMAS SOTTO
Vous y croyez encore ? Vous y croyez vraiment ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais absolument.
THOMAS SOTTO
Parce qu'il y a toute une partie des députés, auxquels vous êtes confrontés, socialistes frondeurs qui n'y croient plus, les Français n'y croient plus, vous avez vu ce sondage ce matin, 97 % des Français estiment que François HOLLANDE a échoué en matière d'emploi, 88 % en matière de fiscalité, 78 % en matière de politique familiale.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais nous sommes dans un moment, Thomas SOTTO, où tous les dirigeants sont éminemment critiqués, vous avez vu ce qui arrive à monsieur OBAMA. Donc nous sommes dans une période extrêmement difficile, surtout que l'on ne compare pas entre deux politiques, celle de la gauche et celle de la droite, aujourd'hui il n'y a que la politique de la gauche qui est exprimée, et d'ailleurs elle est contestée au sein même de la gauche, ce qui fait que notre capacité à expliquer ce que nous faisons et même à créer de la confiance, est relativement freiné. Mais nous avons, conscience de nos insuffisances, voire du défaut de notre système politique, dans lequel nous sommes, mais nous savons aussi que ce que nous avons mis en oeuvre avec le pacte de responsabilité, avec l'allègement des charges sur les entreprises…
THOMAS SOTTO
Oui, ce que vous dites, c'est que ça va donner leurs fruits un peu plus tard…
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais oui, mais attendez, nous sommes dans le…
THOMAS SOTTO
Est-ce que vous pensez que Manuel VALLS va supporter encore longtemps François HOLLANDE, il se dit qu'il y a de la tension entre les deux hommes ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non mais ça c'est des commentaires qui n'ont pas lieu d'être. L'action politique et l'engagement politique de VALLS et de HOLLANDE, sont intimement liés au regard de la gravité de la situation, au regard aussi de la loyauté qui existe entre les deux hommes, tout le reste ce sont des spéculations qui n'ont pas lieu d'être.
THOMAS SOTTO
Est-ce que le PS doit changer de nom, comme le dit Manuel VALLS ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, ce n'est pas l'objet, d'abord ce n'est pas à moi, dans ma fonction, de m'exprimer…
THOMAS SOTTO
Ça a l'air d'être un sujet important pour lui, en tout cas.
JEAN-MARIE LE GUEN
Mais on verra si c'est débattu au congrès du Parti socialiste. Ce que disait Manuel VALLS, c'était qu'il fallait élargir le Parti socialiste aujourd'hui à un certain nombre d'acteurs de la majorité qui ont vocation à se retrouver, dans cette idée de maison commune, c'est-à-dire aussi faire en sorte que les formes d'organisations politiques. Si vous voulez me faire dire que la forme d'organisation actuelle du Parti socialiste n'est pas satisfaisante…
THOMAS SOTTO
Vous êtes d'accord.
JEAN-MARIE LE GUEN
J'en suis bien d'accord, et donc il faut que nous évoluions et que nous rassemblerions, au-delà même de notre famille au sens strict.
THOMAS SOTTO
Dernière question, Jean-Marie LE GUEN, Marine LE PEN réclame une dissolution, quand il existe une aussi grande fracture entre le peuple et l'exécutif, il n'y a pas d'autre moyen que la dissolution. Est-ce qu'aujourd'hui, quand on voit la situation à gauche, au gouvernement, à l'Assemblée, cette dissolution ne serait pas légitime ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Ecoutez, nous avons des institutions, nous sommes en démocratie, il vaudrait mieux que nous respections justement nos institutions et le temps démocratique, et de ce point de vue, je pense que l'on n'a pas de leçons à recevoir de madame LE PEN. Ce qui est vrai, c'est qu'elle apparait comme étant, avec la radicalité et ce qu'elle propose, c'est-à-dire en fait un cahot économique, un cahot international, des tensions internes d'une façon extraordinaire, elle apparait aujourd'hui devant le désert de la droite, c'est-à-dire qui n'est pas capable de mettre véritablement en opposition un projet, elle apparait comméré étant une opposante plus forte que d'autres.
THOMAS SOTTO
Voilà. Et il y a une autre opposante au gouvernement, visiblement, c'est Cécile DUFLOT, qui vous répond sur Twitter, elle vous a écouté : « Jean-Marie LE GUEN devrait réviser ce qu'est la notion d'Etat de droits, sérieusement ». Merci Jean-Marie LE GUEN d'être venu ce matin, en direct sur EUROPE 1.
JEAN-MARIE LE GUEN
Elle a dit que le gouvernement l'avait quittée, je pense qu'elle a… son inconscient a parlé justement, je pense qu'elle a perdu ce qu'elle avait acquis lorsqu'elle était au gouvernement, c'est-à-dire le sens de l'Etat.
THOMAS SOTTO
Elle n'est plus dans la majorité, les Verts ne sont plus dans la majorité ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, ce n'est pas ce que je dis, je dis qu'un responsable politique, vous savez, les Verts en Allemagne, à un moment c'était des gauchistes, et à un autre moment ils ont été au gouvernement, et ils ont été avec Joschka FISCHER, capables de gouverner une Nation.
THOMAS SOTTO
Et là elle a perdu pieds ? Elle a perdu pieds, Cécile DUFLOT ?
JEAN-MARIE LE GUEN
Le problème c'est que je pense que depuis qu'elle a quitté le gouvernement, elle est en perpétuelle dérive, elle s'éloigne de ce qu'est la responsabilité de la gestion d'une société aujourd'hui.
THOMAS SOTTO
C'est très dur ces mots que vous avez contre Cécile DUFLOT.
JEAN-MARIE LE GUEN
Non, c'est un constat, je le regrette, bien sûr.
THOMAS SOTTO
Merci beaucoup Jean-Marie LE GUEN, d'être venu ce matin sur EUROPE 1. Si Cécile DUFLOT veut réagir dans le débrief de la matinale, elle nous appelle également au 39 21. Merci, bonne journée.
JEAN-MARIE LE GUEN
Merci à vous.
Source : Service d'information du Gouvernement, le 14 novembre 2014