Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur la préparation du congrès extraordinaire du PCF et l'actualité du communisme aujourd'hui ainsi que le projet communiste, Paris le 19 mai 2001.

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Circonstance : Conseil national du PCF le 19 mai 2001

Texte intégral

Cher-e-s camarades,
La préparation du Congrès convoqué pour la fin du mois d'octobre est à présent bien engagée. Nous savons toutes et tous l'importance du rôle des membres du Conseil national dans cette phase décisive. D'autant qu'il nous faut surmonter un certain nombre de difficultés.
L'une d'entre elles concerne les conditions d'exercice de la souveraineté des adhérentes et des adhérents du Parti. Pour être réelle - et je tiens particulièrement à ce qu'elle le soit - cette souveraineté exige la clarté et la transparence absolues des débats. Chacune et chacun doit avoir accès à toutes les informations, et doit pouvoir participer pleinement, à égalité avec tous les autres membres du parti, aux débats et aux prises de décision. Chacune et chacun doit pouvoir disposer des moyens lui permettant de discerner les grands enjeux de la discussion, ce qui implique la pleine et honnête connaissance des positions et propositions exprimées, en même temps que la garantie qu'aucune ne sera ni ignorée, ni déformée.
Il n'est pas facile de satisfaire à ces exigences. Nous avons progressé mais pas suffisamment. J'entends souvent des camarades nous donner acte des efforts accomplis en matière de transparence des débats du conseil national, du collège exécutif et de nos nombreux collectifs de travail. Mais ils me disent aussi leur difficulté à " s'y retrouver " dans la multiplicité des comptes rendus faisant état d'opinions très diverses, voire opposées, sans qu'apparaissent toujours nettement les enjeux de ces confrontations d'idées, les orientations qui s'en dégagent.
Dans ces conditions, les communistes éprouvent parfois des difficultés à exprimer ce qu'ils pensent du sens dans lequel ils veulent voir résolues les questions en discussion.
C'est, tout à la fois, l'exercice de leur souveraineté et le débat lui-même qui peuvent souffrir de cette situation. Un débat qui tend, souvent, à se réduire à la répétition et à la superposition, réunion après réunion, des mêmes opinions exprimées par les mêmes intervenants.
Je pense qu'il convient de prendre au sérieux cette critique. Au-delà des nécessaires corrections du travail de nos organismes de direction qu'elle appelle, il nous faut faire un effort considérable - " Communistes " va nous y aider - pour mieux informer les adhérentes et les adhérents des questions posées en vue du congrès, et créer les conditions afin que toutes et tous puissent intervenir sur tous les sujets à propos desquels ils auront à se prononcer.
C'est avec la volonté d'aider à ce qu'il en soit bien ainsi que je veux, aujourd'hui, faire part au conseil national de mon sentiment sur les enjeux des débats en cours, dans lesquels se confrontent différentes opinions.
Et d'abord : pourquoi avons-nous décidé d'un congrès extraordinaire ?
En fait, c'est la tâche assignée à ce congrès qui n'est pas ordinaire. Il s'agit d'avancer de façon décisive dans la réalisation de l'objectif fixé par le 30ème congrès : la construction d'un nouveau parti communiste. On le sait, cette formulation a été adoptée à Martigues pour indiquer non pas le nom mais le contenu à donner à cette construction. Un parti. Un parti communiste. Nouveau non pas en opposition au Parti communiste français existant depuis 1920, et encore moins en le reniant, mais nouveau parce que fondé sur une conception de la transformation sociale tirant les leçons de l'expérience du XXème siècle. Nouveau, aussi, parce que prenant la mesure des défis et des potentialités transformatrices qui caractérisent la société et le monde d'aujourd'hui, et qui impliquent de nouvelles pratiques politiques et de nouvelles formes d'organisation communiste.
On voit bien l'ampleur des questions à débattre, et l'importance des choix à opérer. C'est dans cet ensemble de questions, touchant à ce qui est pour nous le plus fondamental, que celle des statuts prend à la fois son sens et sa place. Elle exige un travail particulier, engagé dès la fin du 30ème congrès. Avec un texte à amender ou, s'ils le souhaitent, à réécrire par les communistes. Et elle exigera un moment particulier - évidemment d'une importance capitale - du congrès d'octobre prochain. Mais on voit aussi que le débat sur les formes d'action et d'organisation du Parti communiste, et les choix qu'il conduira à opérer en termes de statuts, n'ont de sens qu'en étroite liaison avec le débat sur le communisme et sur le projet communiste qui va être au cur de la préparation du congrès.
La question de l'actualité du communisme en ce début du XXI ème siècle donne lieu, bien évidemment, à de nombreuses et enrichissantes confrontations d'idées. Je ne veux pas en résumer ici la diversité. Ce serait les figer, alors que nous ne sommes qu'au commencement du débat.
C'est sur l'enjeu décisif de ce débat sur l'actualité du communisme aujourd'hui que je veux donner mon sentiment.
Une première approche - appelons-là " traditionnelle " - affirme que le communisme est plus que jamais d'actualité face aux ravages provoqués par le capitalisme mondialisé, et aux échecs répétés des tentatives de " régulation " annoncées par les partis sociaux démocrates. Et s'il en est ainsi, c'est que le communisme est la seule contestation globale et radicale du capitalisme, avec pour but non pas de l'aménager, mais de changer le monde, changer la société.
On le sait, la période pendant laquelle était proclamé le triomphe définitif du capitalisme n'aura duré que quelques années. Partout dans le monde, pour des hommes et des femmes de plus en plus nombreux, c'est sa mise en cause, sa contestation souvent radicale, qui sont à l'ordre du jour. Mais ceux-là même qui contestent ainsi le capitalisme ne se tournent pas pour autant vers le communisme. Pour beaucoup d'entre eux, la cause est entendue : le communisme a échoué ; il faut chercher ailleurs une nouvelle perspective de changement.
Deux types de réponses - qui ont chacun leurs partisans - sont apparus.
* D'abord l'affirmation que ce qui a échoué, au XXème siècle, avec les " pays socialistes ", ce n'était " pas vraiment le communisme ".
On parle alors des erreurs, des fautes, des crimes commis. On affirme qu'il y a eu une " perversion " de l'idéal, de la théorie, de la pratique communistes. Il faudrait donc, pour que le communisme redevienne porteur d'espérance et de perspective, " revenir aux sources ", à l'identité communiste construite au début du XXème siècle dans l'alliage réalisé entre l'héritage des mouvements ouvriers et révolutionnaires du XIXème siècle, la répudiation de la sociale démocratie après sa " faillite " au cours de la première guerre mondiale, l'apport de la révolution russe d'octobre, et l'expérience des premières années d'édification de l'Union soviétique. Cette construction d'une identité communiste du XXème siècle s'est concrétisée par la création des partis communistes un peu partout dans le monde. Il conviendrait, bien sûr, de tenir compte des leçons de leur expérience, mais pour mieux revenir à leur identité fondamentale, à la " matrice " initiale - idéologique et organisationnelle - à partir de laquelle le communisme du XXème siècle s'est constitué et a pu jouer le rôle que l'on sait pour le progrès social, la paix et la liberté.
C'est ce point de vue qui a inspiré le Parti communiste français pendant toute une période, où il s'est efforcé de refonder son identité dans la prise de distance avec le " modèle " soviétique, avec le " mouvement communiste international ", et dans l'affirmation du " socialisme à la française " comme objectif.
* Deuxième type de réponse : ce qui a échoué au XXème siècle, ce n'était " pas du tout le communisme ".
Il ne s'agit plus alors de parler seulement de " perversion " de l'idéal, de la théorie et de la pratique communistes. C'est la " matrice " même sur laquelle, à partir des années 20 du siècle précédent, s'est édifié le " socialisme " soviétique et se sont développés les partis communistes qui est en cause. Pour que le communisme redevienne porteur de perspective, il faudrait donc " inventer " une nouvelle " matrice ", un " nouveau communisme ".
Ce point de vue est proche des analyses et réflexions qui ont conduit le Parti communiste français des années quatre-vingt à mettre en cause le " marxisme-léninisme " qui se présentait comme la mise en forme théorique de la " matrice " que je viens d'évoquer, et à chercher une nouvelle articulation entre luttes de résistance au capitalisme et conception renouvelée de la transformation sociale.
Mais une autre approche se fait jour dans le débat, qui peut, me semble-t-il, permettre de dépasser les limites et les contradictions des points de vue précédents. Elle ne " proclame " pas l'actualité, la pertinence du communisme face au capitalisme mondialisé de ce début de 21ème siècle. Elle la découvre dans la réalité des contradictions que celui-ci engendre et développe. Elle la mesure dans les potentialités transformatrices que recèlent tous ces individus, toutes ces forces qui en viennent à contester, globalement ou sur telle ou telle question particulière, la loi de l'argent, le mépris des êtres humains, le refus de leur citoyenneté, et dans les luttes qu'elles mènent ou auxquelles elles participent, et qui mettent en cause non pas seulement les politiques libérales, mais le capitalisme lui-même. Elle la lit dans les valeurs de partage, de mise en commun, de solidarité, de coopération, de citoyenneté liant épanouissement individuel et épanouissement collectif, que portent ces forces et ces luttes.
L'actualité du communisme aujourd'hui ne relève pas de la proclamation d'un dogme, ou de la fidélité à un passé communiste en bien des points prestigieux : elle est présente dans le " nouveau " qui perce et " pousse " au sein même de l'ordre actuel instauré et fermement maintenu par le capitalisme mondialisé.
Mais alors que ce " nouveau " grandit en contestant le capitalisme, il ne fait pas " mécaniquement " du communisme une référence - et même, pour certains, il est une référence négative - ni des communistes, des partis communistes des interlocuteurs et des partenaires naturels.
Il nous importe beaucoup, évidemment, d'en comprendre les raisons. Et là encore, deux types de réponses sont proposées.
* Dans un cas, on considère que le " nouveau " que l'on découvre dans la réalité d'aujourd'hui, " c'est déjà le communisme en train de révolutionner le monde ". Alors, ce qui est communément compris comme " l'échec du communisme " au 20ème siècle ne conduit pas ce " nouveau " à se référer au parti communiste, au communisme comme mouvement d'idées et d'action transformatrice, parce que, tout simplement, il n'en a pas besoin.
Poussé à l'extrême - ce que tout le monde ne fait pas, mais la tentation peut exister - cette façon de voir peut conduire à considérer que le projet communiste pour le XXIème siècle est en train de s'écrire dans la vie. Les communistes ont juste à en prendre conscience et à s'en saisir. Et parce que ce communisme déjà présent et actif est en lui-même une forme transformatrice qui n'attend rien de l'extérieur d'elle-même, la question de l'utilité d'un parti communiste se trouve ainsi posée.
* Un autre point de vue consiste à considérer que, pas plus aujourd'hui qu'avant-hier, en 1848, quand Marx et Engels publiaient le " manifeste du Parti communiste ", le capitalisme n'est menacé de " tomber " de lui-même, sous la poussée des contradictions qu'il engendre et des forces hostiles qu'il fait naître comme " ses propres fossoyeurs ".
Plutôt que " du communisme " déjà installé, le " nouveau " - dont il n'est question de nier ni l'existence ni la portée transformatrice - serait alors l'expression d'un " besoin de communisme ". Un besoin de politique communiste contribuant à la fois à la cohérence entre protestation, contestations de l'ordre établi, valeurs auxquelles elles se réfèrent et qu'elles enrichissent, luttes qu'elles suscitent, et combat proprement politique pour les solutions politiques qui peuvent seules permettre de répondre positivement aux interpellations, aux exigences, aux espérances qui cimentent ce " nouveau ". Et la plus décisive de ces solutions est éminemment politique : c'est la construction de rapports de force permettant d'imposer d'autres priorités que celles du capitalisme - et d'abord la priorité aux êtres humains.
On mesure, j'en suis certain, l'enjeu considérable lié au fait que l'on choisit l'un ou l'autre de ces points de vue.
Personnellement, c'est à partir du second d'entre eux que j'oriente ma réflexion. C'est précisément avec l'objectif que notre parti soit en mesure d'apporter toute sa part en réponse à ce " besoin de politique communiste " que, je crois, nous nous sommes engagés dans ce que l'on a appelé la " mutation ". Et c'est dans le même esprit qu'ont été prises les décisions du 30ème congrès qui nous conduisent, aujourd'hui, à la préparation du congrès extraordinaire d'octobre.
L'actualité montre quel handicap de plus en plus grave constitue l'absence de perspective politique quand s'affirment des valeurs, des exigences, des besoins de civilisation d'une haute portée, disant ou plutôt criant le besoin de changer la société, de changer le monde. Des mouvements d'idées et de luttes fondamentalement porteurs de transformation peuvent, faute de perspective politique, se réduire à des actions désespérées vécues comme destructrices, alors que c'est de la construction qu'attendent celles et ceux au nom desquels elles sont menées ! Et sans perspective politique transformatrice, même ces actions-là peuvent conduire à l'acceptation, faute de mieux, de politiques d'aménagement ou de régulation du capitalisme. Elles peuvent aussi conduire à participer à cet aménagement, à cette régulation en tenant à l'écart de la politique - dans une attitude uniquement protestataire - ceux que le capitalisme écarte de plus en plus de la société.
C'est dans la même période - le dernier tiers du XX ème siècle - et sans doute dans le même mouvement que sont nés et se sont développés rejet d'un capitalisme au " triomphe " écrasant pour des milliards d'êtres humains, et crise de ce que l'on considérait pendant ce siècle comme " le communisme ". On ne peut écarter d'un revers de main, comme " inutile ", la question de savoir pourquoi. Elle serait en effet inutile si elle ne conduisait qu'à des mises en cause personnelles subalternes, et souvent injustes. Mais elle me semble utile si elle conduit à comprendre que la réponse n'est pas dans le seul constat de tel ou tel " retard ", mais dans celui d'une absence puis d'une insuffisance de réflexion critique sur les fondements du "communisme du XX ème siècle", qui ont nom centralisme, étatisme et productivisme, totalement antagoniques avec les aspirations transformatrices de notre temps qui ont nom partage des savoirs et des pouvoirs, solidarités et coopérations, développement durable, décentralisation et nouvelle citoyenneté. Et j'ai la conviction que cette réflexion critique est indispensable non pas tant pour juger le passé que pour construire l'avenir. Elle est indispensable au projet communiste qu'il nous faut affirmer aujourd'hui pour contribuer à ouvrir une perspective politique à toutes celles et ceux qui veulent en finir avec l'état actuel du monde, tel que le capitalisme le modèle en fonction de ses objectifs prédateurs.
Des réponses que l'on donnera à ces deux questions - pourquoi un congrès extraordinaire ? quelle actualité du communisme aujourd'hui ? - va dépendre le résultat même du congrès, et du même coup l'avenir du parti. Et, bien entendu, de ces réponses dépendront le contenu et la forme du projet communiste sur lequel les membres du parti vont travailler, et les statuts qu'ils sont appelés à élaborer ensemble et à voter.
Sans aucun développement mais en m'appuyant sur ce que j'ai déjà exprimé à propos des deux premiers points, je veux donc faire part de mon sentiment à propos de quelques questions concernant le projet communiste et les statuts, ainsi que sur le déroulement de la discussion dans le Parti. Je fais trois remarques à propos du projet communiste.
* D'abord je pense que la nouveauté de la démarche doit être d'emblée perceptible. Nous ne visons pas à " révéler " aux victimes du capitalisme les causes de leur situation, pour leur montrer ensuite que nous, communistes, avons des " solutions ", un " projet de société " radicalement nouveau à leur proposer pour qu'ils s'en saisissent et que nous puissions ensemble construire un avenir meilleur. Nous partons de la contestation déjà existante du capitalisme, des problèmes concrets auxquels sont confrontés les individus et les peuples, et plus généralement la civilisation humaine, " tirée vers l'arrière " par le capitalisme au moment où les hommes aspirent à la voir aller de l'avant. Nous partons des luttes suscitées par cette contestation - celles auxquelles nous participons et les autres - des pratiques sociales et politiques et des idées novatrices qui y naissent et s'y développent. Et nous affirmons la nécessité et la possibilité d'un apport politique communiste à cette contestation et à ces luttes, pour contribuer à construire un changement radical libérant la société et le monde du capitalisme.
Avec une telle démarche, l'objectif à atteindre n'est évidemment pas un catalogue de mesures, ni même un programme politique comme celui que l'on devra établir en vue des prochaines échéances électorales ; et pas plus un " projet de société " à réaliser " par en haut " quand les conditions en seraient réunies. Et ce n'est pas du tout, d'ailleurs, dans cet esprit que travaille le collectif, ainsi que l'a montré Michel Duffour.
C'est de la nécessité et de la possibilité de libérer la société et le monde du capitalisme, et du rôle politique que le Parti communiste a à jouer pour y contribuer, par son activité dans les luttes, par ses positionnements dans les confrontations d'idées et les luttes politiques, par les propositions concrètes et réalistes qu'il doit avancer, et par les mesures qu'il peut faire aboutir dans les institutions lorsqu'il y participe, que nous devons, selon moi, avoir l'ambition de traiter.
Seconde remarque, cette démarche nouvelle me semble devoir conduire à un acte politique fort du Parti confirmant le caractère extraordinaire de son congrès. Je pense qu'il s'agit moins de peaufiner un texte aux prétentions définitives que de conduire pendant plusieurs mois un débat des communistes entre eux et avec celles et eux qui aspirent comme eux à changer le monde et la société. Un débat tout à la fois sur l'actualité du communisme aujourd'hui
- incluant naturellement le regard sur le passé pour mieux envisager l'avenir -, et sur la politique communiste à conduire pour contribuer, sur chaque problème concret, à rassembler, à lutter, à créer des rapports de force nouveaux permettant de faire sauter les carcans imposés par le capitalisme et de construire des réponses neuves, fondées sur d'autres priorités, d'autres valeurs, d'autres pratiques politiques.
Un débat faisant l'objet, sous différentes formes, de " rapports d'étape ", avec des initiatives publiques, permettant d'établir des acquis et de relever les problèmes à résoudre, de soumettre les uns et les autres à l'appréciation des communistes, afin de continuer à approfondir les questions et à préciser les réponses.
Dans ce cadre, je veux dire mon accord avec la proposition du collectif, rappelée précédemment par Michel Duffour, d'un ' " appel public à contribution ". Je me propose de le lancer dans les tous prochains jours.
Et je pense que c'est un tel rapport d'étape, dressant le bilan de six mois de débat, qu'il faudra soumettre au congrès pour que s'ouvre une nouvelle étape, de confrontation d'idées et de propositions entre, d'une part, le Parti communiste, ayant décidé souverainement de ce qu'il veut et de ce qu'il fait et, d'autre part, en France, les hommes et les femmes, les forces qui aspirent aussi à changer le monde et, au niveau international, les forces qui veulent inscrire leurs buts et leur action dans cette perspective.
C'est dans ce travail, à partir de la clarification opérée par le congrès sur le projet politique du Parti communiste que pourront, au niveau national, s'élaborer nos propositions politiques en vue des élections présidentielle et législatives. Et le candidat ou la candidate communiste à l'élection présidentielle, dont le nom sera connu au congrès comme nous venons de le décider, s'engagera sur cette base dans la campagne électorale.
C'est dans ce même esprit, à partir de cette clarification, qu'un travail pourrait être mené avec de nombreuses autres forces à l'échelle internationale, qui sont elles aussi à la recherche d'une vision renouvelée de l'action pour libérer le monde du capitalisme, et de coopérations nouvelles entre forces partageant ce même objectif.
* Enfin, je veux attirer l'attention sur la nécessité de bien situer l'apport et le rôle du Parti communiste pour contribuer à la transformation sociale, dans toutes leurs dimensions, liées les unes aux autres et complémentaires : activité dans les luttes, positionnement dans les confrontations d'idées et les luttes politiques, propositions concrètes et réalistes, mesures à faire aboutir dans les institutions lorsqu'il y participe.
La clarification nécessaire de la politique communiste implique de remettre à sa place - toute sa place mais rien que sa place - la question de la participation à la majorité, au gouvernement. La stratégie politique du Parti communiste ne se réduit pas à la question de sa participation ou non à une majorité, à un gouvernement de gauche. Nous l'avons dit, l'horizon du Parti communiste ne se limite pas à la gauche plurielle. La visée communiste n'est pas enfermée dans ce qu'il est ou non possible de réaliser en participant à un gouvernement.
Le projet politique communiste doit montrer que le Parti communiste est porteur à la fois d'une autre politique, et d'une autre façon de faire de la politique, qui constituent une " offre " nouvelle pour une démocratie citoyenne participative permettant de sortir du faux dilemme : néolibéralisme ou social-libéralisme. Il doit en être porteur partout : dans les luttes, dans le débat d'idées, comme dans les institutions, où ses élus s'efforcent de faire avancer des mesures allant dans le sens de cette autre politique, en pratiquant eux-mêmes la politique autrement.
Dans ces conditions, la participation communiste a une majorité, à un gouvernement n'est en rien " automatique ". Les communistes en décident en fonction des conditions politiques du moment, notamment de la volonté exprimée par les électeurs, et des possibilités qu'ils estiment qu'elle peut ou non ouvrir pour avancer dans le sens de l'autre politique dont leur parti est porteur. En conséquence, la participation à une majorité, à un gouvernement, ne saurait conduire le Parti communiste à " en rabattre " ni sur la défense résolue des victimes du capitalisme, ni sur ses propositions en les limitant à ce que ses partenaires peuvent ou veulent accepter. Pas plus qu'elle ne saurait lui interdire de prendre toute sa place dans les luttes s'opposant à des choix qu'il juge mauvais ou insuffisants. Au contraire, c'est en s'appuyant sur ces luttes qu'il peut le mieux contribuer à des décisions gouvernementales ou législatives positives. Et ce qu'il contribue ainsi à obtenir peut, en retour, favoriser le progrès des idées et des luttes pour une autre politique.
Je pense que le congrès doit nous permettre de clarifier cette question : en la replaçant dans le cadre plus global du projet communiste pour changer la société et le monde ; en l'appuyant sur notre pratique, notamment dans la poursuite des luttes contre les licenciements ; et par notre comportement, dans la majorité parlementaire et dans le pays, à l'égard de la politique de Lionel Jospin et de sa stratégie en vue des élections de 2002. A quelques semaines de ces échéances, cette clarification, pour et par les communistes, et pour notre peuple, me paraît d'une grande importance.
Je veux enfin évoquer rapidement la question des statuts. Marie-George Buffet a montré que la question n'est pas "supprimer ou non les cellules" ou, dans un autre domaine "organisation du Parti en tendances ou pas". Elle a appelé à réfléchir et à discuter afin de trouver les meilleures solutions pour résoudre des problèmes difficiles.
Par exemple : comment faire toujours mieux du Parti communiste un parti de proximité ? comment ouvrir l'activité communiste de proximité à des hommes et des femmes qui ne sont pas membres du Parti mais veulent y participer et comment, dans le même temps, ouvrir des espaces pour l'exercice de la souveraineté des adhérentes et adhérents qui doivent, bien entendu, être les seuls à pouvoir décider de la politique de leur parti ?
Ou, autre exemple : comment prémunir le nouveau parti communiste que nous voulons construire contre le danger d'une organisation en tendances, qui cristallise les débats de fond en enjeux de pouvoir dans le parti et aboutit, souvent, à l'ambiguïté sur les choix opérés, à l'inefficacité, voire à la paralysie.
Et cependant, nous voulons la pleine reconnaissance de la diversité des communistes ; le respect rigoureux du droit, pour tous, de s'exprimer, défendre des opinions et les soumettre aux adhérents du parti. De même qu'à être, éventuellement, candidats aux organismes de direction du parti, à tous les niveaux.
J'ai pris deux exemples. J'aurais pu en prendre d'autres encore pour illustrer ce qui me tient particulièrement à cur : je souhaite, comme Marie-George, que notre débat enrichisse substantiellement les propositions contenues dans l'avant-projet de statuts.
Cher-e-s camarades,
C'est sans doute trop longuement, et en même temps quelquefois trop schématiquement - on me fera certainement les deux critiques - que j'ai exprimé ici le plus directement et le plus franchement possible mon opinion sur les principaux enjeux du débat en vue de notre congrès extraordinaire.
J'ai la conviction que les questions que j'ai évoquées vont être au cur de nos discussions, dans tout le parti, pendant les quelques mois qui nous séparent encore de ce congrès, comme elles ont été au cur du débat de notre conseil national durant ces deux journées.
Pour autant, rien n'est automatique en ce domaine. Il nous appartient, je l'ai dit d'emblée et je veux le confirmer en concluant mon propos, d'accomplir beaucoup d'efforts pour impulser une véritable " dynamique de la discussion ", partout et avec le plus grand nombre de communistes.
J'ai la conviction que nous sommes en capacité de le faire.
Et surtout, surtout, j'ai la conviction qu'il est impératif d'y parvenir, afin que le Congrès extraordinaire soit bien à la hauteur de nos ambitions communes. Pour le parti ; pour faire vivre en France un communisme moderne et rassembleur ; pour proposer à notre peuple une alternative convaincante à l'occasion de l'élection présidentielle et des élections législatives qui le suivront de quelques mois.
(source http://www.pcf.fr, le 22 mai 2001)