Déclaration de M. Emmanuel Macron, ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, sur les grandes lignes du projet de loi sur la simplification de la vie des entreprises, au Sénat le 4 novembre 2014.

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Texte intégral

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce jour pour avancer sur une question absolument cruciale pour l'ensemble de notre économie : la simplification des normes administratives et réglementaires. À cette occasion, je tenais à être présent aux côtés de Thierry Mandon, qui a fourni un travail important, même si, je vous prie par avance de bien vouloir m'en excuser, je vais devoir vous quitter pour rejoindre le comité de suivi des aides publiques aux entreprises présidé par le Premier ministre.
Le travail de simplification que porte ce projet de loi est crucial, tout d'abord, parce que la complexité que doivent affronter les entreprises et les entrepreneurs au quotidien est l'un des grands blocages qui entravent l'activité. Chaque jour - vous êtes en première ligne pour en faire le constat -, les démarches, la paperasse, la myriade de lois, de règles et de règlements peuvent rendre notre système incompréhensible pour nos concitoyens. Elles peuvent parfois étouffer, plutôt que protéger, et inhiber, plutôt qu'accompagner. Pis, trop souvent, elles fragilisent, plutôt qu'elles ne sécurisent. Au final, cette complexité est un frein à l'innovation, à la création, à l'embauche, c'est-à-dire au dynamisme de notre économie.
La simplification est cruciale, ensuite, parce que nous ne moderniserons pas notre pays sans moderniser les normes administratives et réglementaires qui l'organisent. Nous devons tenir compte des transformations profondes qui sont à l'œuvre. Tout s'accélère, et les nouvelles technologies bouleversent notre rapport au temps. Les informations circulent à grande vitesse et les décisions doivent être prises toujours plus rapidement. La réactivité, l'immédiateté et l'efficacité sont désormais une condition de la survie et du développement de nos entreprises. La simplification, c'est donc une bataille contre les délais, un travail permanent pour permettre aux acteurs économiques de gagner la course contre le temps, si importante pour notre compétitivité.
Elle est cruciale, enfin, parce que la simplification est une condition de l'attractivité de nos territoires, dont vous êtes les représentants. Combien d'entre vous ont, comme moi, trop souvent, entendu des entreprises qui, par l'idée qu'elles se font de la complexité du droit français ou par une expérience malheureuse qu'elles auraient connue sur notre territoire, décident de ne pas réinvestir ou retardent leur décision. Pour être plus attractif, il est nécessaire de simplifier. Ce texte de loi illustre à lui seul la méthode du Gouvernement pour moderniser le pays : une réforme concertée et large pour simplifier.
Nous avons opté pour une approche radicalement différente de celle de nos prédécesseurs, celle de la concertation. Pourquoi ? Parce que si nous avions agi en quelques semaines, dans la précipitation, sans échanger, sans dialoguer, sans écouter celles pour qui la complexité est un fléau de tous les jours, c'est-à-dire les entreprises, alors nous aurions manqué notre cible. Il faut être conscient de nos propres limites : l'administration ne sait pas faire ce travail seule et contribue parfois elle-même à créer de la complexité.
Concerter pour simplifier, c'est faire le choix de ne pas commettre les erreurs du passé. À cet égard, le travail parlementaire a été décisif. Je tiens à remercier l'ensemble des sénateurs et des députés qui se sont mobilisés dans ce travail de simplification de la vie de nos entreprises. Je salue en particulier Sophie Errante, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, ainsi que Thani Mohamed Soilihi, rapporteur du premier projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier.
Concerter, c'est aussi s'assurer que la simplification sera efficace et qu'elle ne fragilisera ni les entreprises ni les salariés. Le texte que je vous présente aujourd'hui avec Thierry MANDON n'est ni anti-administratif, ni antiréglementaire, ni anti-juridique, pas plus qu'il n'est synonyme de dérégulation ou de déréglementation. Il s'agit, au contraire, d'un projet visant à redonner aux normes leur ambition originelle : protéger les Français, tout en leur permettant d'exercer leurs droits et leur liberté.
Ce projet de loi s'inscrit dans un mouvement plus large de simplification engagé par le Gouvernement.
D'abord, le Président de la République avait déclaré, dès le mois de novembre 2012, que la simplification serait une priorité de son quinquennat. Cette priorité irrigue l'ensemble de l'action gouvernementale : le texte que nous vous présentons aujourd'hui est, notamment, la suite logique de la loi du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et sécuriser la vie des entreprises. Deux textes en moins d'un an : c'est la preuve que le Gouvernement, sous la responsabilité et la coordination en particulier de Thierry MANDON, prend le sujet de la simplification à bras-le-corps. S'agissant de mon ministère, 100 % des ordonnances prises à la suite de la loi précitée ont été promulguées.
Ensuite, le 14 avril dernier, le Conseil de la simplification pour les entreprises, que coprésidaient alors Thierry MANDON et Guillaume POITRINAL, a présenté cinquante premières mesures de simplification. L'acte II de la simplification était alors amorcé.
Là encore, ces recommandations sont le fruit d'un travail collaboratif, car ce sont les entreprises elles-mêmes, réunies au sein de dix ateliers permanents, qui ont identifié les « nœuds de complexité », que nous avons ensuite cherché à traiter au travers de différents textes. Aujourd'hui, le Gouvernement traduit ces recommandations en actes.
Le texte que nous vous présentons aujourd'hui reprend ainsi quatorze des cinquante recommandations que cette instance a formulées au printemps dernier.
Qu'avons-nous fait des autres recommandations ? Certaines ont d'ores et déjà été intégrées dans des textes législatifs adoptés par le Parlement ; d'autres ont été mises en œuvre sans attendre par décret ou arrêté. Ainsi, le silence de l'administration vaudra désormais accord. Depuis 150 ans, le silence de l'administration à une demande émanant d'un particulier ou d'une entreprise valait rejet. À partir du 12 novembre prochain, ce sera le contraire. C'est une petite révolution administrative !
Ce projet de loi concerne tous les domaines, toutes les facettes de notre économie. Du fait de sa nature, il traite l'ensemble du droit français : droit du travail, de la sécurité sociale, de l'urbanisme, de l'environnement, des sociétés et des obligations. Car c'est bien dans l'ensemble de ces domaines que les entreprises françaises doivent affronter la complexité du quotidien.
Alors, que simplifions-nous ? Je prendrai ici quelques exemples très concrets.
En premier lieu, ce projet de loi met fin à des archaïsmes, c'est-à-dire des dispositions qui n'avaient plus lieu d'être. C'est le cas, notamment, de la déclaration des congés d'été pour certaines professions, comme les boulangers, dont l'origine remontait à la Révolution française.
En deuxième lieu, il renforce la lisibilité de notre cadre juridique. C'est capital pour que les sociétés puissent investir, se projeter dans l'avenir ou même prendre les décisions les plus simples, les plus courantes. Ainsi, en cas de doute sur l'application d'une norme à une situation concrète, une firme pourra interroger l'administration. Celle-ci aura l'obligation de lui délivrer une prise de position formelle et opposable juridiquement, dans la mesure où la situation lui aura été décrite de bonne foi. C'est l'objet de l'extension des rescrits à de nouveaux domaines de l'action publique.
En troisième lieu enfin, il a vocation à créer de l'activité dans tous nos territoires, en soutenant et en encourageant la création d'entreprise. Des mesures concrètes permettront d'alléger les autorisations préalables à la création d'entreprise : nos concitoyens auront, notamment, la possibilité de créer une société avec un seul document en un seul lieu. Désormais, il suffira d'accomplir une seule démarche à un seul guichet. Difficile de faire plus simple !
Pour terminer, permettez-moi de revenir sur deux points précis du projet de loi.
D'abord, concernant certains amendements adoptés par la commission, les rédactions proposées sont peut-être aujourd'hui prématurées, et ce même si nous partageons l'objectif recherché. En effet, les projets de texte doivent faire l'objet de concertations avec l'ensemble des parties prenantes ; je pense aux articles 28bis ou 28 ter relatifs à la fusion des chambres territoriales et régionales de commerce et d'industrie ou à l'article 27 bis relatif aux contrats de partenariat public-privé. Si le Gouvernement propose des amendements de suppression de ces articles nouveaux, c'est dans un esprit de construction et de concertation, et non parce qu'il ne partage pas l'objectif final.
Ensuite, j'évoquerai deux sujets que je sais particulièrement sensibles : la question de la pénibilité et celle du droit d'information des salariés.
Simplifier, ce n'est pas faire bégayer la loi. Même si je ne suis ministre de l'économie que depuis quelques semaines, je constate que le législateur a pris des décisions en adoptant des lois. Revenir trop vite sur ces lois sans même attendre qu'elles aient été appliquées reviendrait à créer une forme d'insécurité dans laquelle nos concitoyens ne sauraient se retrouver et nos entrepreneurs y voir plus d'efficacité.
Cela ne signifie pas que nous soyons pour autant sourds aux remarques.
Nous ne mentons pas, la réforme de la pénibilité n'a pas été faite de manière fortuite ou subreptice. Il s'agit, au contraire, d'une belle réforme, qui crée des droits en faveur des Françaises et des Français qui travaillent, pour certains, depuis fort longtemps. Le système de retraite se veut plus intelligent, plus moderne, plus individualisé. Nous ne nous battons pas contre l'idée ; ce serait un combat d'arrière-garde ! Mais battons-nous pour faire de cette idée une idée plus pratique.
Aujourd'hui, des décrets ont été publiés, qui ont fait l'objet, là aussi, d'un travail de concertation et de préparation. Ne nous mentons pas ! Ces décrets n'ont pas été pris non plus de manière subreptice. M. de Virville, qui est un grand industriel, a travaillé, pendant plusieurs mois, en liaison avec les confédérations, pour faire en sorte que lesdits décrets puissent être pris.
C'est une responsabilité collective que d'engager dans les prochaines semaines et les prochains mois un travail utile, auquel participerait la représentation nationale avec toutes ses composantes, en collaboration avec M. de Virville et les différentes fédérations, pour voir, de manière pratique, les dispositions qui sont applicables et pour rendre plus efficaces, surtout auprès de nos TPE et de nos PME, celles qui ne le sont pas, afin de rendre cette belle idée plus opérationnelle. Donnons-nous du temps, sans créer de l'instabilité ! Soyons plus efficaces en donnant de la visibilité ! Continuons à nous concerter dans le réel !
Pour ma part, j'en suis convaincu, on peut régler la question de la pénibilité de manière plus simple. C'est une certitude !
Quant au droit d'information des salariés, une disposition que la commission souhaite supprimer, il a été créé par la loi du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Toutefois, là aussi, nous devons être pragmatiques, car nous faisons face à un double enjeu : répondre aux centaines d'entrepreneurs ou d'entreprises qui, tous les ans, ne retrouvent pas de repreneurs ; offrir le maximum de chances aux entreprises pour assurer la pérennité de l'emploi et de l'activité dans une conjoncture économique difficile au moyen d'un dispositif qui ne concerne que les PME. Soyons clairs, le texte présentait des difficultés d'application, mais nous avons apporté les premiers moyens d'y remédier. Ainsi, le décret du 29 octobre dernier précise que les cessions en cours, y compris les négociations ayant commencé avant le 1er novembre, sont protégées : ce droit d'information s'appliquera donc uniquement aux cessions dont la recherche de repreneur démarre à compter de cette date.
Les modalités d'information ont également été simplifiées et peuvent se faire, par exemple, sous forme de mail avec accusé de réception.
Par ailleurs, pour sécuriser les chefs d'entreprise, un guide d'accompagnement, préparé sous l'autorité conjointe de Carole DELGA et de la mienne, a été publié. C'est pourquoi le Gouvernement a déposé un amendement de suppression du nouvel article 12 A.
Enfin et surtout, dans le droit fil de ce qui a été fait pour le compte de pénibilité, une mission parlementaire sera mandatée pour évaluer, au début de l'année 2015, les conditions concrètes de mise en oeuvre de ce droit. Elle émettra, plus largement, des recommandations pour faciliter et accompagner les transmissions et les reprises d'entreprises. Attendons le résultat de cette évaluation, puis envisageons toute nouvelle mesure législative en vue de simplifier ce droit et de le rendre plus opérant.
Je pense partager la philosophie profonde de celles et ceux qui peuvent être angoissés face à la complexité que ces deux dispositifs pourraient créer et la finalité de cette réforme. Mais répondons-nous à cet objectif de simplification si nous créons une autre instabilité ? Je ne le crois pas. Travaillons donc collectivement à rendre les choses plus opérationnelles. Défendons les idées qui, pour de bonnes raisons - elles répondent à de véritables problèmes -, font maintenant partie du débat public, mais rendons-les plus opérantes, plus pratiques, plus acceptables pour celles et ceux qui, au quotidien, les vivront, je veux parler de nos salariés et de nos chefs d'entreprise, notamment des plus petites entreprises d'entre elles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la simplification est, je l'ai dit, une priorité de ce quinquennat. Le Président de la République l'a rappelé lui-même le 30 octobre, en prenant connaissance des nouvelles propositions du Conseil de la simplification pour les entreprises. Je porterai toutes ces nouvelles mesures dans le futur projet de loi sur l'activité et la croissance, qui sera soumis à la Haute Assemblée au début de l'année 2015. Ce travail continue.
Ces mesures concernent les domaines où des blocages existent encore, où des complexités inutiles perdurent ; je pense à la simplification des déclarations fiscales, la création d'une carte d'identité électronique pour les entreprises ou encore la réduction des délais en matière prud'hommale.
La simplification n'est pas seulement une priorité législative. Elle doit aussi concerner, j'en suis pleinement conscient, nos administrations.
Pour ce qui me concerne, j'ai demandé à celles et ceux qui sont sous mon autorité de réfléchir, d'agir et d'avancer à l'aune des objectifs que nous avons fixés en matière de simplification.
La simplification est une discipline collective de la fabrique de la loi et du règlement. C'est une forme d'hygiène que nous devons tous avoir lorsque nous proposons et décidons, en vue de faire appliquer.
L'exigence que j'ai à l'égard de mon administration, je l'aurai à l'égard de moi-même lors des échanges que nous aurons au cours des prochains mois. Souvent, la complexité ne vient pas que de l'administration elle-même. En effet, nous devons collectivement davantage écouter la société, les acteurs économiques, qui demandent plus de simplification.
Dans cette bataille pour la simplification, nous devons aller jusqu'au bout. Nous n'aurons pas terminé notre travail avec ce texte. D'ailleurs, nous ne l'aurons pas terminé tant que les Français n'auront pas constaté, dans tous les territoires, qu'il sera désormais plus simple de créer une entreprise, de la développer et de faire face aux aléas du quotidien. Faisons en sorte que la norme protège, accompagne, libère et que, jamais, elle ne bloque ni n'entrave pour de mauvaises raisons.
Cette bataille n'est donc pas terminée. Vous pouvez compter sur Thierry MANDON et moi-même pour ne pas faillir à la tâche. Je compte respectueusement sur vos suffrages, mesdames, messieurs les sénateurs, afin que ce texte devienne une réalité pour nos entreprises et nos entrepreneurs et apporte une nouvelle pierre à l'édifice.
Source http://www.economie.gouv.fr, le 13 novembre 2014