Texte intégral
Monsieur le Maire,
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous, cet après-midi, pour la clôture de ce forum qui s'inscrit dans le cadre du débat sur l'avenir de l'Europe.
Je souhaite d'abord remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du maire, mon ami Bertrand Delanoë, et du préfet d'Ile de France, Jean-Pierre Duport, pour faire de cette journée un succès.
Avant d'en venir à la substance de vos réflexions, je souhaite souligner que votre parole comptera. Un groupe de personnalités a été désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse de notre débat national, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain. A ce moment, les chefs d'Etat ou de gouvernement devront alors préciser comment ce débat s'organisera et se poursuivra à partir de 2002, en vue d'aboutir à une refonte de l'architecture européenne, une refonte de l'architecture institutionnelle de l'Europe et des politiques européennes dans le cadre de ce que j'appellerai un traité constitutionnel. Un des membres de ce groupe, Françoise Crouigneau a participé activement à vos travaux et les intégrera évidemment dans cette synthèse.
En tout état de cause, le débat ne saurait se clore ou se conclure aujourd'hui. Au-delà de l'échéance du prochain Conseil européen de décembre, notre ambition est bien de laisser s'épanouir le débat sur l'Europe pour contribuer à créer ce véritable espace démocratique européen dont nous avons besoin. Comme l'a dit Bertrand Delanoë, il est difficile de concilier l'enthousiasme des citoyens avec les exigences technocratiques. Il faut aussi espérer que les échéances politiques de l'année prochaine, chez nous, permettront aux enjeux européens d'occuper la place qu'ils méritent dans la confrontation démocratique des idées. Je vous appelle donc à rester impliqués.
De vos échanges, de votre enthousiasme, je retiens d'abord que la construction européenne intéresse nos concitoyens, contrairement à certaines idées reçues. Encore faut-il savoir l'évoquer de manière parlante.
Cet intérêt tient également, me semble-t-il, au fait que chacun ici a le sentiment d'être en prise sur la réalité, sur le quotidien, celui de la vie urbaine, si familier pour une grande majorité d'Européens. Je rappelle simplement que 80 % d'entre eux vivent dans des villes, et en particulier 20 % dans des agglomérations de plus de 250.000 habitants.
Dans ce contexte, la dimension européenne est évidemment très présente. Elle est même préexistante à la construction européenne telle que nous la connaissons depuis 50 ans. J'ajouterai même qu'elle existait avant, hors de toute l'approche formalisée initiée avec les Communautés européennes. Nous avons tous à l'esprit l'histoire de l'Europe, la constitution de son identité, marquée, au fil des siècles, par des villes-phares, des villes centres : Berlin, Prague, Venise, Paris évidemment, autant de centres d'échanges et de savoir, comme vient de le dire Bertrand Delanoë. De très grands textes - je pense, par exemple, à ceux de Stefan Zweig - sont là aussi pour illustrer la place des villes dans le paysage européen.
La démocratie et l'esprit européen sont nés et se sont épanouis dans la cité, la "polis". De fait, l'Europe est le berceau d'un modèle urbain original, fondé sur des principes qui permettent de définir une communauté de citoyens : la valorisation d'une certaine centralité et du rôle fédérateur de l'espace public, l'idée de limites et de maîtrise de l'urbanisation, le souci d'une certaine mixité sociale et fonctionnelle des quartiers, l'attachement à la mémoire collective.
Tout cela pour souligner combien l'engagement de l'Union européenne dans les villes est logique et naturel, je corrigerai même : serait logique et naturel. La question est de savoir comment l'Europe institutionnelle peut apporter sa valeur ajoutée, au service d'un mieux vivre, en intervenant au bon niveau, de manière peu intrusive.
C'est ainsi que la ville est aujourd'hui un point d'application de l'action de l'Union. Tout l'enjeu de la politique de la ville est de s'appuyer sur ces réalités profondes pour préserver et, le cas échéant, pour restaurer ces principes d'organisation nécessaires à la cohésion sociale et territoriale de notre pays et de l'Union, à rebours de certaines tendances à la ghettoïsation, à une trop grande spécialisation des quartiers par fonctions.
La construction européenne, rééquilibrée au profit des préoccupations sociales, doit être un des vecteurs de ce renouveau des villes. Je rappelle en particulier que le gouvernement a milité, dès juillet 1997, pour qu'en plus de la problématique des zones en reconversion industrielle, les politiques européennes prennent en compte certaines difficultés spécifiques des villes.
L'existence de poches de pauvreté au sein des régions et des villes prospères est une des caractéristiques majeures de l'économie contemporaine. A l'Est et à l'Ouest, il appartient aux pouvoirs publics de lutter contre ces tendances, auxquelles nous ne saurions nous résigner. Je signalerais au passage, pour être concret, que le gouvernement, et je remercie à cet égard Michel Barnier, a obtenu de la Commission européenne de pouvoir faire rentrer, pour la première fois, certaines zones situées en Ile-de-France dans la liste des bénéficiaires de l'Objectif 2, c'est-à-dire en faveur de la rénovation urbaine.
Mais je pense que notre ambition doit être beaucoup plus large encore. Il s'agit de réussir - et Paris pourrait en donner l'exemple - l'entrée de l'Europe dans une nouvelle civilisation urbaine.
Ce problème général constitue déjà une préoccupation de l'Union européenne. L'an passé, la Commission a présenté les résultats d'un travail très intéressant : un audit urbain portant sur une soixante de grandes villes d'Europe, visant à évaluer et à comparer, par l'application d'une méthodologie rigoureuse, les conditions de vie dans un certain nombre de métropoles, dont 8 françaises. Paris n'en a malheureusement pas fait partie, mais on pourrait éventuellement généraliser cette démarche, et j'ai bien noté qu'il est envisagé d'y intégrer la capitale.
En outre, il apparaît évident que la coopération entre villes européennes, en particulier entre grandes villes, est appelée à beaucoup se développer. D'abord parce qu'elles peuvent, dans certains cas, se concerter et unir leurs efforts dans leur intérêt mutuel.
Ensuite, parce qu'elles se trouvent surtout confrontées à des défis comparables, qui concernent, par exemple, le développement économique, les déplacements urbains, l'intercommunalité, le fonctionnement des services publics, la lutte contre l'exclusion, l'intégration des différentes communautés, la participation des habitants. Autant de thèmes très importants, auxquels ils faut naturellement ajouter toutes les questions touchant à l'écologie urbaine, et qui le plus souvent, peuvent appeler un cadre normatif européen : la préservation des espaces verts, la maîtrise des rejets de dioxyde de carbone, les places respectives de l'automobile et des transports en commun... Autant de sujets que le maire de Paris commence à connaître parfaitement.
Les grandes villes de l'Union, de l'Union bientôt élargie, ont tout intérêt à rapprocher leurs expériences en ces domaines. Je me souviens d'ailleurs que Bertrand Delanoë a fait une "tournée" de différentes métropoles européennes, pour s'informer et avoir des échanges approfondis sur certaines solutions innovantes, et je sais également que, dans ce même esprit, il rencontrera bientôt le nouveau maire de Berlin. Cette Europe des villes, des réseaux de villes, tend donc déjà à devenir une réalité. Je suis convaincu que Paris, - par ses atouts, son prestige, son poids économique, sa position centrale dans l'Union - peut tout à fait ambitionner de jouer un rôle de chef de file, de tête de réseau.
Mais la ville est bien plus que cela. Nous en sommes, tous ici, bien conscients. Bertrand Delanoë soulignait à l'instant le lien politique qu'elle constitue, le lien étroit. Cela me permet de conclure sur l'Europe des villes et le grand débat sur l'Avenir de l'Europe. Le citoyen, c'est celui qui bénéficie du droit de cité, et donc vote. Je pousserai même plus loin l'allégorie pour vous montrer que nous sommes bien au cur du débat.
Je suis favorable à une Europe-puissance, une Europe qui soit une force de régulation, une fédération d'Etats nations dans ce monde un peu déboussolé. L'Europe est à la croisée des chemins. Trois grandes échéances nous attendent : 2002 et l'entrée en vigueur de l'euro, 2003 et l'élargissement et enfin 2004 et les élections européennes. Je crois en la capacité de l'Europe à bâtir des ponts, des ponts entre les problèmes, les réalités concrètes et les institutions.
C'est sur cette note optimiste que je voudrais terminer, et non pas conclure un débat qui va maintenant se poursuivre. En effet, nous nous retrouverons bientôt pour le forum régional Ile de France. Aujourd'hui Paris a apporté une contribution digne d'elle-même. Je vous remercie./
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)
Monsieur le Préfet,
Mesdames et Messieurs les Elus,
Mesdames et Messieurs,
C'est pour moi un très grand plaisir d'être parmi vous, cet après-midi, pour la clôture de ce forum qui s'inscrit dans le cadre du débat sur l'avenir de l'Europe.
Je souhaite d'abord remercier vivement toutes celles et tous ceux qui se sont mobilisés autour du maire, mon ami Bertrand Delanoë, et du préfet d'Ile de France, Jean-Pierre Duport, pour faire de cette journée un succès.
Avant d'en venir à la substance de vos réflexions, je souhaite souligner que votre parole comptera. Un groupe de personnalités a été désigné par le président de la République et le Premier ministre pour assurer la synthèse de notre débat national, dans la perspective du Conseil européen de Bruxelles-Laeken, en décembre prochain. A ce moment, les chefs d'Etat ou de gouvernement devront alors préciser comment ce débat s'organisera et se poursuivra à partir de 2002, en vue d'aboutir à une refonte de l'architecture européenne, une refonte de l'architecture institutionnelle de l'Europe et des politiques européennes dans le cadre de ce que j'appellerai un traité constitutionnel. Un des membres de ce groupe, Françoise Crouigneau a participé activement à vos travaux et les intégrera évidemment dans cette synthèse.
En tout état de cause, le débat ne saurait se clore ou se conclure aujourd'hui. Au-delà de l'échéance du prochain Conseil européen de décembre, notre ambition est bien de laisser s'épanouir le débat sur l'Europe pour contribuer à créer ce véritable espace démocratique européen dont nous avons besoin. Comme l'a dit Bertrand Delanoë, il est difficile de concilier l'enthousiasme des citoyens avec les exigences technocratiques. Il faut aussi espérer que les échéances politiques de l'année prochaine, chez nous, permettront aux enjeux européens d'occuper la place qu'ils méritent dans la confrontation démocratique des idées. Je vous appelle donc à rester impliqués.
De vos échanges, de votre enthousiasme, je retiens d'abord que la construction européenne intéresse nos concitoyens, contrairement à certaines idées reçues. Encore faut-il savoir l'évoquer de manière parlante.
Cet intérêt tient également, me semble-t-il, au fait que chacun ici a le sentiment d'être en prise sur la réalité, sur le quotidien, celui de la vie urbaine, si familier pour une grande majorité d'Européens. Je rappelle simplement que 80 % d'entre eux vivent dans des villes, et en particulier 20 % dans des agglomérations de plus de 250.000 habitants.
Dans ce contexte, la dimension européenne est évidemment très présente. Elle est même préexistante à la construction européenne telle que nous la connaissons depuis 50 ans. J'ajouterai même qu'elle existait avant, hors de toute l'approche formalisée initiée avec les Communautés européennes. Nous avons tous à l'esprit l'histoire de l'Europe, la constitution de son identité, marquée, au fil des siècles, par des villes-phares, des villes centres : Berlin, Prague, Venise, Paris évidemment, autant de centres d'échanges et de savoir, comme vient de le dire Bertrand Delanoë. De très grands textes - je pense, par exemple, à ceux de Stefan Zweig - sont là aussi pour illustrer la place des villes dans le paysage européen.
La démocratie et l'esprit européen sont nés et se sont épanouis dans la cité, la "polis". De fait, l'Europe est le berceau d'un modèle urbain original, fondé sur des principes qui permettent de définir une communauté de citoyens : la valorisation d'une certaine centralité et du rôle fédérateur de l'espace public, l'idée de limites et de maîtrise de l'urbanisation, le souci d'une certaine mixité sociale et fonctionnelle des quartiers, l'attachement à la mémoire collective.
Tout cela pour souligner combien l'engagement de l'Union européenne dans les villes est logique et naturel, je corrigerai même : serait logique et naturel. La question est de savoir comment l'Europe institutionnelle peut apporter sa valeur ajoutée, au service d'un mieux vivre, en intervenant au bon niveau, de manière peu intrusive.
C'est ainsi que la ville est aujourd'hui un point d'application de l'action de l'Union. Tout l'enjeu de la politique de la ville est de s'appuyer sur ces réalités profondes pour préserver et, le cas échéant, pour restaurer ces principes d'organisation nécessaires à la cohésion sociale et territoriale de notre pays et de l'Union, à rebours de certaines tendances à la ghettoïsation, à une trop grande spécialisation des quartiers par fonctions.
La construction européenne, rééquilibrée au profit des préoccupations sociales, doit être un des vecteurs de ce renouveau des villes. Je rappelle en particulier que le gouvernement a milité, dès juillet 1997, pour qu'en plus de la problématique des zones en reconversion industrielle, les politiques européennes prennent en compte certaines difficultés spécifiques des villes.
L'existence de poches de pauvreté au sein des régions et des villes prospères est une des caractéristiques majeures de l'économie contemporaine. A l'Est et à l'Ouest, il appartient aux pouvoirs publics de lutter contre ces tendances, auxquelles nous ne saurions nous résigner. Je signalerais au passage, pour être concret, que le gouvernement, et je remercie à cet égard Michel Barnier, a obtenu de la Commission européenne de pouvoir faire rentrer, pour la première fois, certaines zones situées en Ile-de-France dans la liste des bénéficiaires de l'Objectif 2, c'est-à-dire en faveur de la rénovation urbaine.
Mais je pense que notre ambition doit être beaucoup plus large encore. Il s'agit de réussir - et Paris pourrait en donner l'exemple - l'entrée de l'Europe dans une nouvelle civilisation urbaine.
Ce problème général constitue déjà une préoccupation de l'Union européenne. L'an passé, la Commission a présenté les résultats d'un travail très intéressant : un audit urbain portant sur une soixante de grandes villes d'Europe, visant à évaluer et à comparer, par l'application d'une méthodologie rigoureuse, les conditions de vie dans un certain nombre de métropoles, dont 8 françaises. Paris n'en a malheureusement pas fait partie, mais on pourrait éventuellement généraliser cette démarche, et j'ai bien noté qu'il est envisagé d'y intégrer la capitale.
En outre, il apparaît évident que la coopération entre villes européennes, en particulier entre grandes villes, est appelée à beaucoup se développer. D'abord parce qu'elles peuvent, dans certains cas, se concerter et unir leurs efforts dans leur intérêt mutuel.
Ensuite, parce qu'elles se trouvent surtout confrontées à des défis comparables, qui concernent, par exemple, le développement économique, les déplacements urbains, l'intercommunalité, le fonctionnement des services publics, la lutte contre l'exclusion, l'intégration des différentes communautés, la participation des habitants. Autant de thèmes très importants, auxquels ils faut naturellement ajouter toutes les questions touchant à l'écologie urbaine, et qui le plus souvent, peuvent appeler un cadre normatif européen : la préservation des espaces verts, la maîtrise des rejets de dioxyde de carbone, les places respectives de l'automobile et des transports en commun... Autant de sujets que le maire de Paris commence à connaître parfaitement.
Les grandes villes de l'Union, de l'Union bientôt élargie, ont tout intérêt à rapprocher leurs expériences en ces domaines. Je me souviens d'ailleurs que Bertrand Delanoë a fait une "tournée" de différentes métropoles européennes, pour s'informer et avoir des échanges approfondis sur certaines solutions innovantes, et je sais également que, dans ce même esprit, il rencontrera bientôt le nouveau maire de Berlin. Cette Europe des villes, des réseaux de villes, tend donc déjà à devenir une réalité. Je suis convaincu que Paris, - par ses atouts, son prestige, son poids économique, sa position centrale dans l'Union - peut tout à fait ambitionner de jouer un rôle de chef de file, de tête de réseau.
Mais la ville est bien plus que cela. Nous en sommes, tous ici, bien conscients. Bertrand Delanoë soulignait à l'instant le lien politique qu'elle constitue, le lien étroit. Cela me permet de conclure sur l'Europe des villes et le grand débat sur l'Avenir de l'Europe. Le citoyen, c'est celui qui bénéficie du droit de cité, et donc vote. Je pousserai même plus loin l'allégorie pour vous montrer que nous sommes bien au cur du débat.
Je suis favorable à une Europe-puissance, une Europe qui soit une force de régulation, une fédération d'Etats nations dans ce monde un peu déboussolé. L'Europe est à la croisée des chemins. Trois grandes échéances nous attendent : 2002 et l'entrée en vigueur de l'euro, 2003 et l'élargissement et enfin 2004 et les élections européennes. Je crois en la capacité de l'Europe à bâtir des ponts, des ponts entre les problèmes, les réalités concrètes et les institutions.
C'est sur cette note optimiste que je voudrais terminer, et non pas conclure un débat qui va maintenant se poursuivre. En effet, nous nous retrouverons bientôt pour le forum régional Ile de France. Aujourd'hui Paris a apporté une contribution digne d'elle-même. Je vous remercie./
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 12 octobre 2001)